Scanderbeg
Scanderbeg (né Gjergj Kastrioti, en français Georges Castriote, turc ottoman : اسکندر بگ İskender Bey, – ) est un seigneur albanais du XVe siècle considéré comme le héros national albanais pour sa résistance à l'Empire ottoman.
Georges Castriote Skanderbeg | |
Titre | |
---|---|
Dominus Albaniæ | |
– | |
Prédécesseur | Jean Castriote |
Successeur | Jean (fils unique) |
Biographie | |
Nom de naissance | Georges Castriote |
Date de naissance | |
Lieu de naissance | Croïa (Albanie actuelle) Principauté castriote (en) |
Date de décès | |
Lieu de décès | Lezhë (Albanie actuelle) République de Venise |
Nature du décès | paludisme[1] |
Sépulture | Lezhe |
Nationalité | albanaise |
Père | Jean Castriote |
Mère | Voysava |
Conjoint | Donica |
Entourage | nobles albanais |
Profession | militaire |
Religion | Chrétien |
Résidence | Croïa |
Georges Castriote est né à Croïa, son père était le seigneur albanais Jean (Gjon) Castriote et sa mère Vojsava, une princesse fille du Seigneur de Pollog (Macédoine du Nord actuelle), Dominicus alias Moncinus, lié à la famille Muzaka.[2],[3] Son père, seigneur de la moyenne Albanie, avait été obligé par les Ottomans de payer un tribut à l'Empire. Pour s'assurer de la loyauté de ses dirigeants régionaux, le sultan avait l'habitude de prendre leurs enfants en otage et de les élever à la cour ottomane. En 1413, Georges Castriote et ses trois frères furent emmenés par le Sultan turc, Mehmet I. Il suivit l'école militaire de l'Empire ottoman, avec le futur sultan Murad II, qui monte sur le trône en 1421, après la mort de son père, Mehmet I. Le sultan Murad II lui confie de hautes charges militaires. Skanderbeg remporta plusieurs victoires militaires en Asie, agrandissant l'Empire pour le compte des Turcs. Après la mort de son père, le prince Gjon, le Sultan, au lieu de lui conférer le titre paternel, occupe l'Albanie et installe un gouverneur à Croïa. Skanderbeg déclare son indépendance le , hissant son drapeau rouge à l'aigle noir. Skanderbeg, ayant rejeté l'islam et l'Empire ottoman, devient défenseur de son pays et de la chrétienté dans les Balkans et l'Europe.
Le surnom de Skanderbeg est d'origine turque : les Ottomans l'appellent Iskander Bey, c'est-à-dire « prince Alexandre », en référence à ses talents de chef militaire qui leur évoquent Alexandre le Grand. Par translittération, ce surnom est devenu Skënderbeu en albanais et Skanderbeg dans la plupart des langues européennes[4].
Enfance
Né à Croïa, en Albanie, Skanderbeg appartenait à la famille Kastrioti (en) (Castriote). Il est le fils de Jean (Gjon) Castriote, seigneur de la Moyenne Albanie qui comprend Mat, Croïa, Mirditë et Dibër, et de la princesse Voïsava Tripalda[5], fille du seigneur de Pollog. Jean (Gjon) Castriote est de ceux qui, au début, s'opposent à l'incursion du sultan Ottoman Mehmet Ier, mais sa résistance n'est pas efficace. Il perdit la guerre contre les Turcs en 1413. Le sultan Mehmet Ier accepte sa soumission, l'obligeant à lui rendre hommage. Pour s'assurer de sa fidélité, ses quatre fils Georges, Reposio, Constantin et Stanisha Kastrioti sont emmenés comme otages pour servir dans l'armée turque. Tous, sauf Georges, connaissent une mort violente.
Succès dans l'armée ottomane
Skanderbeg (Iscander-Bey) se distingue comme l'un des meilleurs officiers du sultan (Murat II) dans plusieurs campagnes des Ottomans en Europe et en Asie Mineure. Cela lui vaut d'être nommé général (pacha). Il combat notamment les Byzantins, les Perses et les Syriens. Certaines sources prétendent qu'il entretient des liens secrets avec la cité dalmate de Raguse, avec Venise, avec Ladislas Ier de Hongrie et Alphonse Ier de Naples. Le sultan Murad II lui donne confiance dans toute opération militaire en Asie Mineure. À la mort de son père, le Prince Gjon, le Sultan ne le nomme pas comme son successeur. Skanderbeg fit semblant d’obéir au Sultan[réf. nécessaire]. Bien que respecté et glorifié, il a le mal du pays. Après la mort de son père et l'empoisonnement de ses frères, Skanderbeg cherche un moyen de retourner en Albanie pour aider ses compatriotes à se soulever contre les forces ottomanes [6].
Le combat pour la libération de l’Albanie
En 1443, Skanderbeg trouve l'occasion d'un soulèvement pendant la bataille qui l'opposa aux Hongrois menés par Jean Hunyadi à Niš, actuellement au sud de la Serbie. Il change de camp avec d'autres combattants albanais servant dans l'armée ottomane et s'empare de Croïa le , le fief de son père en Albanie centrale. Il dresse au-dessus du château le drapeau de ses armoiries (rouge avec un aigle noir bicéphale), et prononce ces paroles : « Je n'ai pas apporté la liberté, je l'ai trouvée ici parmi vous. » Il réussit ensuite à unir les princes albanais contre les Turcs au sein de la ligue de Lezhë en 1444. C'est le début de l'épopée héroïque des Albanais contre l'occupant, utilisant le terrain montagneux à son avantage, comme lors de la bataille de Torvioll, le . Skanderbeg inflige de rudes défaites aux troupes turques.
Pendant les 23 années qui suivirent, il tient tête à la plus grande armée de l'époque alors que le nombre de ses combattants n'excède pas 20 000 hommes. En 1450, l'armée ottomane conduite par le sultan Mourad II en personne échoue devant Croïa. En deux autres occasions, en 1466 et 1467, Mehmet II, le conquérant de Constantinople, est également repoussé par Skanderbeg, après avoir perdu vingt-quatre batailles et échoué à prendre Croïa[7].
Relations avec les États chrétiens
Les succès militaires de Skanderbeg attirent l'attention et l'admiration des États pontificaux, de Venise et de Naples, inquiets de l'extension de la puissance ottomane en mer Adriatique. Skanderbeg sait en tirer habilement profit et obtient par la diplomatie de l'argent, du ravitaillement et même des troupes en provenance des trois États italiens. Son partisan le plus fidèle et puissant est le roi de Naples Alphonse le Magnanime, qui le prend sous sa protection en 1451, peu après la deuxième victoire contre Mourad II. Outre son aide financière, le roi de Naples s'engage à fournir au dirigeant albanais des troupes, des équipements militaires et à l'abriter, lui et sa famille, en cas de besoin.
En tant que défenseur actif de la chrétienté dans les Balkans, Skanderbeg est également impliqué dans la politique extérieure de quatre papes, dont Pie II, l'humaniste, écrivain et diplomate de la Renaissance, qui lui octroie le titre d’Athleta Christi. Profondément éprouvé par la chute de Constantinople en 1453, Pie II essaie d'organiser une nouvelle croisade contre les Turcs, sous le commandement de Scanderbeg, mais la croisade échoua à cause de la mort du Pape Pie II, à Ancône. Il avait fait de son mieux pour venir en aide à Skanderbeg, à l'image de ses prédécesseurs Nicolas V et Calixte III. Cette politique est poursuivie par son successeur, Paul II.
Postérité
Après sa mort naturelle en 1468 à Lezhë, son armée réussit à contenir les Turcs pendant encore 12 ans. Finalement, en 1480, l'Albanie fut reconquise par l'Empire ottoman. La même année, ils envahirent l'Italie où ils conquirent la ville d'Otrante.
La renommée posthume de Skanderbeg dépassa les frontières de son pays. Voltaire pensait que l'Empire byzantin aurait survécu s'il avait eu à sa tête un dirigeant de cette qualité. Des poètes et des compositeurs ont également été inspirés par sa carrière militaire. Pierre de Ronsard lui a dédié un poème, tout comme le poète américain Henry Wadsworth Longfellow. Antonio Vivaldi a composé un opéra appelé Scanderbeg. Il existe de nombreux monuments en l'honneur de Scanderbeg, non seulement en Albanie, au Kosovo et en Macédoine du Nord, mais un peu partout en Europe, notamment à Rome, Bruxelles, Londres, Genève où une statue lui est consacrée dans le jardin du Palais William Rappard, siège de l'OMC[8].
Skanderbeg est aujourd'hui le héros national des Albanais; il est parfois considéré comme un défenseur historique de l'Europe.
Blason
Sur les armes du royaume albanais que fonda Ahmet Zogu en 1928, l'aigle bicéphale noir de l'Albanie est surmontée d'une tête de chèvre. Représentatif de ce pays de pâturages et d'élevage, cet animal aurait, selon la légende, permis la victoire de l'Albanie lors d'une bataille au XVe siècle. En effet, Skanderbeg eut l'idée de fixer des bougies sur les cornes des chèvres lorsque l'armée de Murad II entra dans le pays. Voyant en pleine nuit un nombre incroyable de torches qu'il prit pour autant de combattants ennemis, le sultan fit demi-tour. Cette ruse sauva momentanément le pays.
Dans la culture
Filmographie
- 1953 : L’Indomptable Skanderbeu (Skënderbeu), de Serge Youtkevitch (coproduction Union soviétique-Albanie).
- 2007 : The Warrior King (production Illyria Entertainement).
Littérature
- 1480 : premier livre en latin publié par Demetrio Franco à Venise, l'original est perdu, mais dont il reste la traduction italienne, en 1531, 1545 et de suite. Traduit et publié en albanais en 2005.
- 1508: Historia de Vita et gestis Scanderbegi, Marin Barleti, Rome, .
- 1539 : Commentario delle cose de Turchi et del Sig. Giorgio Scanderbeg, prencipe d'Epyrro, Paolo Jovio, Venise.
- 1576 : Histoire de Georges Castriote, surnommé Scanderbeg, roy d'Albanie, Jacques de Lavardin, Paris, G. Chaudière.
- 1584 : Gli illustri et gloriosi gesti et vittoriose imprese del Sig. D. Giorgio Castriotto detto Scanderbeg principe d'Epiro, Demetrio Franco, Venise.
- 1644 : Scanderbeg, roman anonyme attribué à Chevreau (Barbier 16839). Paris, Toussainct Quinet (2 volumes in-8).
- 1732 : Scanderbeg, ou les Aventures du prince d'Albanie, roman anonyme attribué à Chevilly (Barbier 16840). Paris, C.-J.-B. Delespine et G.-A. Dupuis (2 volumes in-12).
- 1970 : Historia e Skënderbeu, Fan Noli, Tirana.
- 1970 : Les Tambours de la pluie, Ismaïl Kadaré.
Musique
- 1718 : Scanderbeg, opéra d’Antonio Vivaldi sur un livret d’Antonio Salvi.
- 1735 : Scanderberg, tragédie en musique, livret d’Antoine Houdar de La Motte, musique de François Francœur et François Rebel.
Sculpture
A Rome, il y a un monument équestre sur la place Albania depuis 1942. À Tirana existe un buste de bronze du sculpteur Odhise Paskali de 1936. Des monuments équestres de Scanderbeg sont présents à Tirana (Monumenti i Skënderbeut në Tiranë), Croïa, Pristina, Skopje et aux États Unis[Où ?]. Une statue en bronze de Skanderbeg se trouve depuis 1968 sur la place Prévost-Delaunay, près du parc Josaphat, dans la commune belge de Schaerbeek. À Genève un buste en bronze se trouve dans le parc de l'OMC. À Londres, un buste en bronze de Skanderbeg, « invincible héros national, défenseur de la civilisation occidentale », a été érigé en 2012, à l'occasion du centenaire de l'indépendance de l'Albanie au Lady Samuel's Garden.
Sport
Le club de football de la ville de Koritza, fondé en 1909 sous le nom de Vllazëria Korçë, a été renommé Skënderbeu Korçë en hommage à Skanderbeg en 1925.
Odonymes
En 1978, la place Skanderbeg dans le 19e arrondissement de Paris prend son nom.
Depuis 1566, il y a à Rome une rue et une place Scanderbeg ainsi que le Palais Scanderbeg.
Jeu vidéo
Dans le jeu Europa Universalis IV, Skanderbeg est à la tête de l’Albanie pour les parties commencées en 1444, et est le meilleur général disponible en début de jeu.
Notes et références
- Noli 1947, p. 38
- Karl Hopf, Chroniques gréco-romanes : inédites ou peu connues, pub. avec notes et tables généalogiques., (lire en ligne)
- (en) « Voisava », dans Wikipedia, (lire en ligne)
- Paolo Jovio, Commentario delle cose de Turchi....con gli fatti et la vita di Scanderbeg, Venise, Aldus, p. MDXLI.
- Gjon Muzaka, Breve memoria de li discendenti de nostra casa Musachi, 1510, p. 301 ; paru et traduit en français dans Karl Hopf, Chroniques gréco-romaines, Paris, 1873, p. 270-340.
- Demetrio Franco, Gli illustri et gloriosi gesti et vittoriose imprese fatte contra Turchi dal Sign. D. Giorgio Castriotto, detto Scanderbeg, Prencipe d'Epirro. Ce livre résulte d'une traduction du livre latin de Demtrio Franco, publié le 2 avril 1480 à Venise, par le typographe allemand Erhard Ratdolf, dont ont été perduez les traces. Le père Demtrio Franco était un noble de la ville de Drishti, au service de Scanderbeg.
- Marin Barleti, Historia de vita et gestis Scanderbegi, epirotauri.
- « skanderbeg : PÂQUIS, J'ADÔÔÔRE ! »
Voir aussi
Bibliographie
- Franco Demetrio, « Gli illustri et gloriosi gesti et vittoriose imprese fatte contra turchi dal Sign. D. Giorgio Castriotto detto Scaqnderbeg, Prencipe d'Epiro », Vinegia presso Altobello Silicato, 1584, Libraria della Fortezza.
- Paolo Jovio, Commentario delle cose de' Turchi et del S. Geeogio Scanderbeg…, Venezia, 1430.
- Storia di Giorgio Castriotto sopranominato Scanderbeg (Anonimo di Palermo), 1845.
- La biographie de George Castrioti Scanderbe par Fan S. Noli et l'Encyclopédie Britannica de 1911.
- Jacques Delavardin, Histoire de Georges Castriot, surnommé Scanderberg, roy d'Albanie. Paris : G. Chaudière, 1576.
- Camille-Pierre-Alexis Paganel, Histoire de Scanderbeg, ou Turks et chrétiens au XVe siècle. Paris : Didier, 1855. Réédition : Histoire de Skanderbeg. Héros de l'Europe chrétienne. Paris, Éditions du Trident, 2010.
- Marin Barleti, Historia de vita et gestis Scanderbegi Epirotarum principis, 1508.
- (en) Fan Stilian Noli, George Castrioti Scanderbeg (1405–1468), International Universities Press, (OCLC 732882).
- Sabri Godo, Sknderbeu, Tirana, 1975.
- Virgjil Kule, Kryqtari i Fundit, (Le dernier Croisé), Tirana, 2016
- Lek Pervizi, Scanderbeg, Album commemoratif, Bruxelles, 2018
Articles connexes
Liens externes
- Skanderbeg ou le Moyen Âge instrumentalisé, article paru sur le site du magazine Histoire et Images médiévales, le .
- Chapitre de conclusion du livre d'Oliver Jens Schmitt Skanderbeg: ein Aufstand und sein Anführer avec une note de Robert Elsie
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