Samdhong Rinpoché

Aussi connu sous le nom laïc de Lobsang Tenzin, le professeur Samdhong Rinpoché (né le ) dans le Kham au Tibet oriental, fut président du Parlement tibétain en exil et directeur de l'Institut central d'études supérieures tibétaines (CIHTS) à Sarnath (ou Bénarès)[1] avant d'être élu au suffrage universel premier ministre du gouvernement tibétain en exil en Inde. Cette élection au suffrage universelle directe marquait une étape de démocratisation, même si paradoxalement les électeurs choisirent un chef religieux charismatique, qui a toujours affirmé son attachement à la « culture de la démocratie »[2]. Il témoigne longuement dans Les Guerriers de l'esprit, un film de Pierre Anglade[3]. Il est aussi l’une des personnalités qui apparaissent dans les documentaires Tibet, le combat pour la liberté de Ritu Sarin et Tenzing Sonam[4] et Tibet, le mensonge chinois ? de Bernard Debord.

Pour les articles homonymes, voir Lobsang Tenzin (homonymie).

Biographie

Enfance et études

Samdhong Lobsang Tenzin est né le dans le village de Nagduk, situé dans l'ancienne province tibétaine du Kham au Tibet oriental[5], à Dêqên (Jol, en tibétain), actuellement incorporé à la province du Yunnan. À l'âge de 5 ans, il est reconnu comme la réincarnation du 4e Samdhong Rinpoché, et intronisé au monastère de Gaden Dechenling à Jol[6]. Il accomplit toutes les étapes d'ordination de moine et porte le titre de « Bhiktchou Mahathéro ».

Lors de la répression du soulèvement tibétain de 1959, Samdhong Rinpoché s'enfuit du Tibet avec d'autres moines le lendemain du , ayant constaté le bombardement du Norbulingka et le massacre des Tibétains[7].

Ses études monastiques, commencées en 1951 au Tibet à l'université de Drepung, se poursuivent, après son exil en 1959, suite de l'invasion chinoise du Tibet[6], à la nouvelle université monastique de Drepung, réinstallée en Inde. En 1970, il obtient le diplôme correspondant au plus haut degré de Gueshé, c'est-à-dire de docteur ès sciences bouddhiques, au monastère tantrique de Gyuto, réinstallé à Dalhousie en Inde.

Enseignant

Le professeur Samdhong Rinpoché enseigne le tibétain à partir de 1960 en Inde dans les écoles tibétaines de Simla puis de Darjeeling. De 1965 à 1970, il est proviseur de l'école tibétaine de Dalhousie. De 1971 à 2001, il travaille à l'Institut central d'études supérieures tibétaines à Bénarès en Inde, dès 1988 en tant que directeur.

Il est reconnu pour son érudition sur les enseignements du bouddhisme et du mahatma Gandhi. Il parle couramment le tibétain, l'anglais et le hindi.

Depuis 1994, il fait partie de l'Association des universités indiennes (AIU) en tant que membre de son Comité permanent, puis vice-président, et il en a été élu président en 1998. Il est responsable des publications de l'Institut central d'études supérieures tibétaines. Il a lui-même publié une soixantaine d'études et d'entretiens dans diverses revues universitaires et de presse écrite.

Politicien

De 1970 à 1973, Samdhong Rinpoché est vice-président du Congrès de la jeunesse tibétaine[8].

En 1991, il est nommé membre du Parlement tibétain en exil par le 14e dalaï-lama, et il en sera élu président. En 1995, il lance le mouvement Satyagraha - La force de la vérité. Il énumère onze propositions, présentées comme « vérités[9] ». De 1996 à 2001, il est l'un des membres élus du Parlement tibétain en exil, représentant les Tibétains exilés du Kham.

Le , il est élu premier ministre du Gouvernement tibétain en exil. C'était la première fois que le premier ministre était choisi au suffrage direct, à la suite des réformes annoncées par le 14e dalaï-lama la même année. Réélu le par la diaspora tibétaine, il est nommé par le dalaï-lama officiellement « Kalon Tripa du 13e Kashag » pour un second mandat consécutif.

Il accueille en 2005 une délégation de sénateurs français à Dharamsala et leur accorde une interview[10]. Rencontrant par la suite des journalistes des médias tibétains et indiens, il déclare que la nouvelle administration mettrait davantage d’efforts dans la poursuite du dialogue tibéto-chinois en suivant la voie médiane. Cette approche consiste à réclamer une réelle autonomie pour le Tibet à l’intérieur de la République populaire de Chine.

Après la retraite politique du dalaï-lama en , il fut l'un des 5 membres du Comité de rédaction d'amendement de la Constitution avec Dolma Gyari, Thupten Lungrik, Penpa Tsering et Pema Jungney[11].

Selon Phunchok Stobdan, en , Samdhong Rinpoché s'est renduen Chine à Kunming[12], ce qu'a confirmé Lobsang Sangay, premier ministre tibétain et successeur de Samdhong Rinpoché[13], et à Gyeltang, son village natal[14].

Autres fonctions

Il a assumé plusieurs autres charges administratives à la demande du Gouvernement tibétain en exil mais aussi du Gouvernement indien.

Ainsi, sur nomination du dalaï-lama, il est membre du Conseil d'administration des écoles tibétaines (CTSA) à New Delhi et vice-président de la Bibliothèque des archives et des œuvres tibétaines (LTWA) à Dharamsala.

Sur nomination du Gouvernement indien, il est membre du Directoire du conseil indien pour la recherche philosophique (ICPR) et membre du Conseil d'administration de l'Asiatic Society de Calcutta.

Le professeur Samdhong Rinpoché est également membre du Directoire de la fondation Krishnamurti en Inde, conseiller du Conseil mondial de la paix (États-Unis), membre consultatif à l'Institute for Asian Democracy à Washington, et membre du Conseil d'administration de la fondation pour la responsabilité universelle à New Delhi.

Il est par ailleurs membre du Comité ayant rédigé la Charte des Tibétains en exil et la « Future Constitution du Tibet libre ».

Samdhong Rinpoché, envoyé spécial du 14e dalaï-lama lors des funérailles de Václav Havel, le , Prague, République tchèque.

Opinion

Le , Samdhong Rinpoché affirmait l'existence d'un « génocide » devant le groupe favorable au Tibet du Sénat français : « La période 1959-1970 a été la plus noire pour les Tibétains, au cours de laquelle 1,2 million d’entre eux sont morts[15] ».

En 2003, selon Angus McDonald, il a déclaré que l'établissement de communautés tibétaines en Occident et les mariages entre Tibétains et d'autres races allaient à l'encontre de la sauvegarde de la culture tibétaine : « À l’intérieur du Tibet, il y a un génocide, on y applique une limitation des naissances et des mariages mixtes forcés. Aussi la protection d’une race tibétaine pure est-elle un autre des défis auxquels la nation doit faire face[16]. En 2006, cette citation était reprise par Barry Sautman dans son article Tibet and the (Mis-) Representation of Cultural Genocide pour indiquer que Samdhong Rinpoché parlait encore d'un « génocide physique » des Tibétains alors que le dalaï-lama, toujours selon Sautman, ne l'évoquait plus car manifestement non corroboré[17].

Toujours selon Barry Sautman, Samdhong Rinpoché a déclaré en 2004 que de 1640 à 1951, le Tibet avait un gouvernement local par rapport à la Chine et que le gouvernement tibétain en exil ne représentait pas le gouvernement d'une nation distincte de la Chine[18].[pertinence contestée]

En 2019, il déclare : « Nous entrons dans une période dangereuse où la planète terre risque de se désintégrer complètement et devenir invivable. Les scientifiques l'acceptent à présent et ont clairement admis que la science et la technologie pourraient ne pas pouvoir apporter de solution à ces problèmes ». Bien que beaucoup de gens le sachent, a-t-il déclaré, ils pensent toujours qu'il n'est pas assez urgent de régler ce danger de leur vivant et ne sont pas enclins à prendre soin de la vie des générations futures[19],[20].

Prix

  • 2011 : Prix « Tashi Rabten » en reconnaissance de ses activités pour le peuple tibétain et le mouvement tibétain[21].

Œuvres

  • (en) Buddhist Meditation, Associated Publishers Group, 1993 (ISBN 0-946672-01-6)
  • La Méditation Bouddhiste, traduit de l'anglais par Brigitte Taquin, Éditions Adyar, 2013, (ISBN 978-2-85000-297-7)

Publications

Notes et références

  1. (en) TibetNet - Kashag - Kalon Tripa.
  2. Julien Cleyet-Marel, Le développement du système politique tibétain en exil, préface Richard Ghevontian, Fondation Varenne, 2013, (ISBN 2916606726 et 9782916606729), p. 431
  3. Pierre Anglade, Les Guerriers de l'esprit, Mat Films, 2000
  4. en exil-le-combat-pour-la-liberte/p-2293-Tibet-le-combat-pour-la-liberteUn-film-a-l-occasio.htm Tibet le combat pour la liberté.
  5. (en) The Venerable Samdhong Rinpoche
  6. (en) Administration centrale tibétaine, Kalon Tripa Samdhong Rinpoche forms his Kashag, tibet.net, 20 septembre 2001.
  7. Marie-Lucile Kubacki, L'ancien premier ministre du Tibet lance un appel à l'aide, La Vie, 09/03/2012
  8. Donovan Roebert, Samdhong Rinpoche: Uncompromising Truth for a Compromised World, World Wisdom, 2006 (ISBN 1-933316-20-9 et 978-1933316208), p. 21
  9. Satyagraha - La force de la vérité, tibet-info.net.
  10. Le Tibet en exil : à l'école de la démocratie.
  11. (en) Tibetan 'Constitutional Amendment Drafting Committee' formed, Phayul.com, 29 mars 2011
  12. (en) Did the Dalai Lama’s envoy visit China in November?, Tibetan Review, 7 décembre 2017
  13. (en) Ajay Banerjee, 'Former Tibetan government head visited China recently', Tribune News Service, 14 décembre 2017
  14. Brice Pedroletti, Le dalaï-lama préparerait un pèlerinage en Chine, Le Monde, 21 décembre 2017
  15. compte rendu de l'audition du mardi 17 octobre 2000 du professeur Samdhong Rinpoche, Président du Parlement tibétain en exil.
  16. (en) Angus McDonald, Love Across the Divide, in South China Morning Post, 30 août 2003 : « Many believe that establishing Tibetan communities in western countries allows more effective lobbying to take place, but the head of the exile government, Samdhong Rinpoche, says that the trend is making it more difficult to safeguard Tibetan culture. 'This is very bad for the Tibetan community and it will affect adversely the Tibet movement,' says the prime minister. 'Inside Tibet there is genocide, there is enforced birth control and enforced intermarriage. So to protect a pure Tibetan race is also one of the challenges which the nation is facing.' »
  17. (en) Barry Sautman, "Introduction" and "Tibet and the (Mis-) Representation of Cultural Genocide", in Cultural Genocide and Asian State Peripheries, Palgrave Macmillan), New York, 2006, 1-37, 165-279, p. 180 : « Because physical genocide of Tibetans is clearly not evident, the Dalai Lama no longer speaks of genocide per se - either with respect to the past or present; however, Samdhong Rinpoche does, as do many prominent Western "Tibet supporters," including journalists. »
  18. (en) Barry Sautman, “All that Glitters is Not Gold”: Tibet as a Pseudo-State, in Maryland Series in Contemporary Asian Studies, No 3-2009, p. 4 : « TGIE Kalon Tripa (prime minister) Samdhong Rinpoche has stated that from 1640-1951, Tibet had a local government in relation to China and that the TGIE does not represent the government of a nation separate from China.(note 18 : Samdhong Rinpoche, testimony, Joint Meeting of the Standing Senate Committee on Foreign Affairs and Standing Committee of the House of Commons on Foreign Affairs and International Trade, Ottawa, Apr. 22, 2004) ».
  19. Tenzin Sangmo, Samdhong Rinpoche lauds youth of Ladakh for recognizing the problem of modernity, Phayul.com, 31 juillet 2019
  20. Claude Arpi, Strategic and spiritual, 8 août 2019
  21. (en) Karmapa attends Tibetan college students' annual conference, Phayul.com, 7 janvier 2011.
  22. Sommaire, La Revue de l'Inde, numéro 4, numéro spécial « Tibet et bouddhisme », juillet-septembre 2006.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Interviews
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