Rosine Stoltz

Rosine Stoltz, de son véritable nom Victoire Noël, née à Paris le et morte à Paris (2e) le [1], est une célèbre cantatrice française de l'époque romantique.

Biographie

Les origines de Rosine Stoltz, assurément très modestes, sont controversées. D'après l'acte de son premier mariage avec Alphonse-Auguste Lescuyer établi à Bruxelles le [2], elle est née Victoire Noël à Paris le , fille de Florentin Noël et de Clara Stoll, concierges, boulevard du Montparnasse.

Néanmoins, selon Pierre Larousse[3], elle serait née Rose Niva en Espagne le et aurait été amenée très jeune à Paris, où sa mère, « portière d'une maison du boulevard du Montparnasse, fut longtemps connue dans son quartier sous le nom de la mère Noël » [4]. Toujours selon Larousse, la coïncidence de son jour de naissance avec celui de la mort du duc de Berry lui aurait valu la protection de la duchesse de Berry. Grâce à cette dernière, elle aurait été élevée dans un établissement de la rue du Regard, les Orphelines de la Providence.

Il semble en tout cas qu'elle ait perdu son père très tôt. Sa mère aurait alors trouvé une place de concierge à l'Opéra de Paris, à moins qu'elle ne soit devenue boulangère rue du Faubourg-Montmartre.

Quoi qu'il en soit, la jeune fille reçoit une éducation musicale à l'Institution royale de musique classique et religieuse ouverte 69 rue de Vaugirard par Alexandre-Étienne Choron, mais elle doit interrompre ses études à la Révolution de 1830 qui supprime l'établissement.

Le baron Ternaux, fils de l'industriel et homme politique Guillaume Louis Ternaux, est son premier protecteur. Sous le nom de Rosine Ternaux, elle est engagée en 1831 par Cartigny au Théâtre du Parc de Bruxelles, et débute dans une comédie en vers, Les Trois Châteaux, puis dans un vaudeville, La Fille de Dominique. Elle se produit ensuite en Hollande puis à Spa comme seconde chanteuse, sous le nom de Mlle Héloïse, avant d'être engagée au théâtre d'Anvers, où elle prend le nom de Rosine Stoltz qui était le nom de sa mère. Elle se produit dans Le Pré aux clercs à Lille, puis à Amsterdam, Anvers et Bruxelles.

Rosine Stoltz.

Le à Bruxelles, elle épouse un avocat rouennais, Auguste Lescuyer, administrateur provisoire du théâtre de la Monnaie. Le couple se sépare au bout de quelques années d'une union fort libre après avoir eu deux fils que le père élèvera.

Sur la recommandation du ténor Adolphe Nourrit, le directeur de l'Opéra de Paris, Henri Duponchel, lui fait faire ses débuts le dans La Juive de Halévy, puis dans Les Huguenots de Meyerbeer et Le Freischutz de Weber. En 1840, elle crée le rôle de Léonor dans La Favorite de Donizetti : écrit spécialement pour sa voix de contralto[réf. nécessaire], c'est son rôle le plus célèbre avec ceux d'Odette, dans Charles VI, et de la reine de Chypre, dans l'opéra de ce nom, deux ouvrages d'Halévy.

Pendant dix ans, elle fait une brillante carrière à l'Opéra de Paris, devenant la maîtresse de son directeur, Léon Pillet. Outre les ouvrages déjà cités, elle crée Guido et Ginevra d'Halévy, Benvenuto Cellini de Berlioz, Le Lac des fées, La Xacarilla, Le Guerillero, Dom Sébastien, roi de Portugal, Le Lazzarone, Othello, Marie Stuart, L'Étoile de Séville, David, Robert Bruce.

Jalouse et ombrageuse, elle use de son influence auprès de Pillet pour faire écarter toutes ses rivales potentielles, notamment l'objet de sa plus grande haine, la soprano Julie Dorus-Gras, qu'elle finit par pousser à quitter l'Opéra[5]. Ces manœuvres finissent par lui créer une très mauvaise réputation, non seulement auprès de la troupe de l'Opéra, mais également auprès du public. Le , lors de la première représentation de Robert Bruce (pastiche de La donna del Lago de Rossini) elle est prise à partie par le public et copieusement sifflée.

Rosine Stoltz vers 1857, par Nadar

Elle démissionne en mars 1847, entraînant dans sa chute son amant Léon Pillet. Elle vend son hôtel du 44 rue Laffitte ainsi que tout le mobilier qu'il renfermait et disparaît pendant quelques années. Le , elle donne naissance à un enfant naturel, Charles Raymond Stolz (Carl de Ketschendorf), qui sera plus tard anobli par son père naturel, le duc Ernest II de Saxe-Cobourg-Gotha, et créé définitivement baron Stolzenau von Ketschendorf le . Il fut diplomate à la légation de Saxe-Cobourg-Gotha à Paris et mourut en 1901 dans le train-couchette Paris-Nice.

Elle reparaît vers 1850 et effectue quelques tournées en province, puis à l'étranger, à Lisbonne, au théâtre royal de Turin, puis à Rio de Janeiro où elle devient la favorite de l'empereur Pierre II du Brésil, qui va jusqu'à faire semer de pétales de rose le chemin allant de sa maison à l'opéra.

Elle revient à Paris au début de 1855 et fait un bref retour à l'Opéra, interprétant notamment le rôle de Fidès dans Le Prophète de Meyerbeer (rôle initialement commandé pour elle par Léon Pillet, mais que le compositeur réécrivit finalement entièrement pour sa concurrente, Pauline Viardot) avant de faire ses adieux définitifs à la scène.

Rosine Stoltz devient la maîtresse du célèbre mime Charles Deburau le fils, de quinze ans son cadet, et fournit les capitaux nécessaires à la création du Théâtre Deburau à l'emplacement de l'ancienne salle Marigny.

Vers 1860, elle fait construire par l'architecte Pierre-Joseph Olive une superbe maison au Vésinet, de style pompéien, acquise en 1874 par Auguste Hériot et détruite par Olympe Hériot en 1882.

Le , à Pampelune, Rosine Stoltz épouse en secondes noces don Manuel-Luis de Godoy (1828-1896), 3e prince de Godoy de Bassano, 3e comte de Castillo Fiel.

En , elle avait fait envoyer des faire-part annonçant son mariage avec un certain duc Carlo Raimondo Lesignano di San Marino[6]. Aucune preuve de ce mariage n'en a jamais été rapportée[7].

Elle meurt le dans le superbe hôtel Cosmopolite de l’avenue de l'Opéra.

Elle s'était fait construire un tombeau dans le parc du collège de Juilly (Seine-et-Marne) où ses deux petits-fils étudiaient et à qui elle avait fait des dons très importants (environ 100 000 francs notamment pour la reconstruction de la chapelle), mais faute d'argent ils ne purent transférer sa dépouille et celle-ci finira dans la fosse publique après un passage au cimetière parisien de Pantin.

Selon Théodore de Banville, c'est en l'attendant dans son hôtel particulier de la rue Laffitte vers 1840 que Charles Baudelaire, fumant cigare sur cigare, épuisa sa patience en composant Une martyre, dessin d'un maître inconnu.

Œuvre

  • Pensée chrétienne, Paris, Schoen éditeur, 1875
  • Refrain du chevrier, Paris, Schoen éditeur, 1875[8]

Bibliographie

  • Eugénie Pérignon, Madame Stolz, Paris, imprimerie Maulde et Renou, 1844
  • Corneille Cantinjou, Les adieux de Madame Stoltz, sa retraite de l'Opéra, sa vie théâtrale, ses concurrentes, son intérieur, Paris, Bretau libraire-éditeur, 1847
  • Julien Lemer, Madame Rosina Stoltz, souvenirs biographiques et anecdotiques, Paris, 1847
  • Gustave Bord, Rosina Stoltz de l'Académie de Musique (1815-1903), Paris, Henri Daragon éditeur, 1909[9].
  • Arthur Pougin, « La Stoltz », L’Intermédiaire des chercheurs et des curieux, vol. LIX, no 1208, 1909.
  • (en) Mary Ann Smart, « The lost voice of Rosine Stoltz », Cambridge Opera Journal, 6 vol. 1 (1994), p. 31-50.

Liens externes

Notes et références

  1. Acte de décès no 504 (vue 4/31). Archives en ligne de la Ville de Paris, état-civil du 2e arrondissement, registre des décès de 1903.
  2. Reproduit intégralement dans l'Intermédiaire des chercheurs et curieux de janvier 1909, no 1211, volume LIX.
  3. Et contrairement à ce qui indiqué dans son acte de décès quant à son nom (Victoire Noël), son lieu de naissance (Paris) et son âge (88 ans et demi).
  4. Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, Paris, 1878
  5. Reine de théâtre. Le Petit Parisien, 23 juin 1909, p. 1, lire en ligne sur Gallica.
  6. Son acte de décès n'en fait d'ailleurs pas mention. Rosina Stoltz apparaît la même année sous le nom de Mme la Princesse de Lesignano sur la couverture de la partition du chant religieux Ô saltaris édité par Schoen en 1872
  7. Petite chronique. La Vie Parisienne, 3 juillet 1875, p. 378, lire en ligne sur Gallica.
  8. L'Action nationale, octobre 1909, p. 826.
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