René-François Dumas

René-François Dumas, surnommé « Dumas le rouge » à cause de la couleur de ses cheveux[1], né le [2] à Jussey, dans le bailliage d'Amont (actuellement en Haute-Saône), et mort guillotiné le à Paris, est un révolutionnaire français.

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Origine

D'origine lorraine, Dumas est le fils de Jean Dumas, écuyer, chevalier de Saint-Louis, officier de la maréchaussée, et de son épouse Jeanne-Marie Eustache, fille de Saturnin Eustache et de Benoîte Élisabeth Drevet, avec laquelle il s'est marié à Trévoux[3]. Son père est nommé à Lons-le-Saunier, où il s'établit avec sa famille[4]. D'après G. Lenotre, Dumas entre au séminaire, puis chez les Bénédictins, mais rompt ses vœux avant d'avoir reçu les ordres[5]. Charles Nodier affirme, de son côté, qu'il était plus connu de ses compatriotes sous le nom de l'« abbé Dumas »[6].

Débuts de la Révolution

Avocat à Lons-le-Saunier au moment de la Révolution, Dumas fonde en une société populaire baptisée le « comité de l'arrosoir » et devenue la « Société des Amis de la Constitution » à la suite de son affiliation au club des Jacobins, où il joue un rôle prépondérant, occupant même la présidence[7],[8]. Le , à la suite de la démission de Marie-Denis Vaucher, il est élu par 193 voix sur 305 votants maire de Lons. Toutefois, à la fin d'août, le département envoie des députés modérés à la Législative. De même, lors des élections municipales du , c'est un modéré, Pourtier, qui l'emporte. En 1792, il est désigné comme électeur. En 1793, son père est capitaine de gendarmerie à Lons. Après les journées du 31 mai et du 2 juin 1793, la société populaire envoie Dumas à Paris, avec son ami Pierre-Louis Ragmey, pour dénoncer les administrateurs du département de Jura, engagés dans le mouvement fédéraliste : ils interviennent le au soir[9],[10],[3],[11],[12].

En réponse, la Convention désigne les représentants Jean Bassal et Garnier de l'Aube, avec la mission de se rendre dans le Jura, en compagnie des deux hommes. Toutefois, ils s'arrêtent à Dole[13]. En effet, ils ne peuvent rentrer dans Lons, une rébellion ouverte ayant éclaté. Celle-ci prend, les 25 et , la forme d'émeutes, au cours desquelles les Jacobins sont pourchassés, quelques-uns tués. Les deux hommes retournent donc à Paris avec les représentants Jean Bassal et Garnier de l'Aube, qui les présentent au Comité de salut public. En , Dumas est nommé vice-président du tribunal révolutionnaire, tandis que Ragmey obtient une place de juré[9],[10].

Président du Tribunal révolutionnaire

Le , trois jours après l’exécution de Danton et de Desmoulins, il devient président du tribunal, en remplacement de Martial Herman, nommé ministre.

En cette qualité, avec Fouquier-Tinville pour accusateur, il dirige plusieurs grands procès politiques dont les accusés sont condamnés à mort : le procès de la première conspiration des prisons le , au cours duquel sont jugés notamment le général Dillon, Gobel, archevêque constitutionnel de Paris, les veuves Hébert et Desmoulins, Chaumette, procureur syndic de la Commune de Paris, et le conventionnel Philibert Simond, celui d'Élisabeth « Capet », sœur de Louis XVI, le , au cours duquel sont également jugés la « ci-devant » comtesse de Sérilly – qui échappe à la mort – et la famille de celle-ci, ou encore celui des Carmélites de Compiègne le . Son attitude lors de ceux-ci lui vaut une réputation de cynisme et de cruauté[9],[10]. À propos du procès des hébertistes, politiquement sensible pour les comités de gouvernement, il lui a été ainsi reproché, après Thermidor, d'avoir fait taire des témoins et dénaturé des déclarations faites devant le juge d'instruction, afin d'éviter, selon Arnaud de Lestapis, la révélation des accusations de Chabot sur les collusions supposées d'Hébert avec le baron de Batz, et de protéger Pache[14].

Fidèle à Robespierre dans la crise qui oppose les membres des comités durant l'été 1794, il est décrété d'arrestation le 9 thermidor () et arrêté au tribunal, alors qu'il préside l'audience du matin. Délivré dans la journée, il se joint à la Commune insurrectionnelle de Paris pour obtenir la libération de Maximilien de Robespierre, de Saint-Just, de Couthon, de Le Bas et d'Augustin Robespierre[9],[10].

Arrêté à la Maison commune, avec plusieurs de ses compagnons, le 10 thermidor, vers deux heures du matin, il comparaît en début d'après-midi devant le tribunal révolutionnaire, pour vérification d'identité, avant d'être guillotiné, en fin de journée place de la Révolution, avec 21 autres robespierristes[10].

Famille

Son frère cadet, Jean-François (né à Jussey en 1757), également avocat à Lons, est désigné le comme électeur par l'assemblée primaire du canton de Lons, puis élu le au conseil général du département qui le nomme au directoire, dont il devient vice-président. Il fait partie des administrateurs du département du Jura mis en cause par Dumas et Ragmey en 1793. Déclaré rebelle par décret pour s'être opposé à l'exécution des mesures proposées par les représentants en mission, avec ses collègues, il prend la fuite. Rentré plus tard en France, il s'installe à Trévoux, où il meurt d'apoplexie en 1795[4],[15],[16],[3].

Aspect extérieur

Charles Nodier, qui l'a aperçu, alors qu'il intervenait à la barre de la société populaire de Besançon, l'a décrit en ces mots :

« Il avait un pantalon de bazin blanc, un gilet de la même étoffe, qui était alors à la mode, et une cravate également blanche, nouée en cordon aux bouts flottants, qui soutenait à peine le collet blanc de sa chemise. Tout cet ajustement était d'une propreté recherchée, délicate, minutieuse [...]. Son frac long, flottant, d'une étoffe de drap fine et légère, était d'une couleur de sang qui blessait l'œil [...]. Quelque chose de plus blanc que le linge coquet de Dumas, c'était sa tête allongée, osseuse, empreinte, comme celle d'un anachorète, de la pâleur des macérations et des veilles, et dont les saillies fortement prononcées supportaient je ne sais quelles chairs livides qui lui donnaient l'aspect d'une goule affamée. Sa bouche était large, ses yeux petits et enfoncés, mais perçants et peut-être noirs ; ses cils, ses sourcils, ses cheveux rouges[6]. »

Notes et références

  1. Gilbert Girod, Jacques Brevent, Lons-Le-Saunier: Jura (39), Éditions SAEP (Société alsacienne d'expansion photographique), 1972, 107 p., p. 40.
  2. D'après Jean-Baptiste Coudriet et Pierre-François Châtelet, Histoire de Jussey, Imprimerie de J. Jacquin, 1876, 388 p., p. 305, repris par Mémoires de la Société d'émulation du Doubs, Besançon, 1887, p. 50. Une confusion a longtemps existé, parmi les biographes, entre Dumas et son frère Jean-François, notamment sur la date de naissance: 1753 ou 1757 pour l'un, 1754 ou 1757 pour l'autre. De même, plusieurs auteurs ont fait naître Dumas et son frère à Lons-le-Saunier ou à « Lucy (Haute-Saône) » (en particulier, Louis-Marie Prudhomme, Histoire générale et impartiale des erreurs, des fautes et des crimes commis pendant la révolution française, 1797, p. 327).
  3. Henri Hours, Naissance d'un département: dictionnaire biographique des administrateurs du département, des districts et des cantons du Jura pendant la Révolution française, 1790-an VIII : suivis de quelques biographies détaillées, Société d'émulation du Jura, 1991, 522 p., p. 127.
  4. Eugène Ernest Desplaces, Joseph-François Michaud, Louis-Gabriel Michaud, Biographie universelle ancienne et moderne, vol. 11, Madame C. Desplaces, 1855, p. 508-509.
  5. G. Lenotre, Le Tribunal révolutionnaire (1793-1795), Perrin et cie, 1908, 370 p., p. 125.
  6. Charles Nodier, Souvenirs de la Révolution et de l'Empire, Charpentier, 1857, vol. 1, p. 322-324.
  7. Danièle Pingue, «Les Jacobins de province et Paris : le cas franc-comtois», Annales historiques de la Révolution française, n° 330, 2002/4.
  8. Désiré Monnier, Henri Damelet, Annuaire du département du Jura: 1859-1862, deuxième série, vingtième à vingt-deuxième années, vol. 3, F. Gauthier, puis H. Damelet, 1846, p. 193 et p. 243.
  9. Henri Lambert, Accusé Pichegru, levez-vous: gloire et misère d'un grand soldat. Jean-Charles Pichegru, 1761-1804, Les Dossiers d'Aquitaine, 2004, 414 p., p. 239, note 7 (ISBN 2846220999).
  10. Raymonde Monnier, « Dumas René-François », in Albert Soboul (dir.), Dictionnaire historique de la Révolution française, Paris, PUF, 1989 (rééd. Quadrige, 2005, p. 377).
  11. Robert Fonville, Désiré Monnier, Presses universitaires de Franche-Comté, 1974, 388 p., p. 10-11.
  12. Jean-François Fayard, Les 100 jours de Robespierre, Grancher, 2005, 203 p., p. 69 (ISBN 2733909126).
  13. Voir la notice de Pierre-Louis Ragmey dans Prosper Jean Levot, Histoire de la ville et du port de Brest, 1866, vol. 3-4, p. 216-218.
  14. Arnaud de Lestapis, La « Conspiration de Batz » (1793-1794), Paris, Société des études robespierristes, , 273 p., p. 204-206,227
    L'auteur cite les accusations de Pâris dit Fabricius, fidèle de Danton devenu un proche de Tallien.
  15. Antoine-Vincent Arnault, Antoine Jay, Étienne de Jouy, Jacques Marquet de Norvins, Biographie nouvelle des contemporains: ou Dictionnaire historique et raisonné de tous les hommes qui, depuis la révolution française, ont acquis de la célébrité par leurs actions, leurs écrits, leurs erreurs ou leurs crimes, soit en France, soit dans les pays étrangers; précédée d'un tableau par ordre chronologique des époques célèbres et des événemens remarquables, tant en France qu'à l'étranger, depuis 1787 jusqu'à ce jour, et d'une table alphabétique des assemblées législatives, à partir de l'assemblée constituante jusqu'aux dernières chambres des pairs et des députés, Librairie historique, 1822, p. 156-157.
  16. Voir le bulletin de la Société d'agriculture, sciences, commerce et arts du département de la Haute-Sâone, Vesoul, 1920, p. 95.

Bibliographie

  • Marguerite Henry-Rosier, « Dumas-le-Rouge, président du Tribunal révolutionnaire, et la comtesse de Lauraguais », dans Mémoires de l'Académie de Besançon, tome 172, 1958, p. 86-94.
  • Georges Ponsot, « Quelques renseignements inédits sur Dumas-le-Rouge, président du Tribunal révolutionnaire de Paris (1757-1794) », dans Bulletin de la Fédération des sociétés savantes de Franche-Comté, II, 1955, p. 103-115.
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