Camille Desmoulins

Camille Desmoulins, né le à Guise et mort guillotiné le (16 germinal an II) à Paris, est un avocat, un journaliste et un révolutionnaire français. Avec Maximilien de Robespierre, Jean-Paul Marat et Georges Danton, il est l'une des figures majeures de la Révolution française.

Camille Desmoulins

Portrait anonyme de Camille Desmoulins, Paris, musée Carnavalet, fin du XVIIIe siècle.
Fonctions
Député de la Seine

(1 an, 6 mois et 28 jours)
Législature Convention nationale
Groupe politique Montagne - Indulgents
Biographie
Surnom « L'homme du 14 juillet »
Date de naissance
Lieu de naissance Guise ( Royaume de France)
Date de décès
Lieu de décès Paris ( République française)
Nature du décès Guillotiné sur la place de la Révolution avec Danton.
Sépulture Catacombe
Nationalité Français
Conjoint Lucile Desmoulins
Enfants Horace Camille Desmoulins (1792-1825)
Profession Journaliste et Avocat
Religion Déiste[1]
Résidence Rue du Théâtre-Français à Paris

Biographie

Enfance, jeunesse et études

Lucie-Simplice-Camille-Benoît Desmoulins est le fils aîné de Jean-Benoist-Nicolas Desmoulins (seigneur de Bucquoy et de Sémery, lieutenant général au bailliage de Guise, en Picardie) et de Marie-Madeleine Godart. Il a sept frères et sœurs.

Né le 2 mars 1760, Camille Desmoulins est baptisé le à l'église Saint-Pierre-Saint-Paul à Guise, comme l'indique son acte de baptême :

« 1760 : le deuxième jour du présent mois est né et a été baptisé le troisième jour de mars Lucie-Simplice-Camille-Benoît, fils de maistre Jean-Benoist-Nicolas Desmoulins, lieutenant-général civil et criminel au bailliage de Guise, et de dame Marie-Madeleine Godart, son épouse. Le parrain, M. Joseph Godart, son oncle maternel, de la paroisse de Wiège ; la marraine, dame Madeleine-Élisabeth Lescarbotte, de cette paroisse, qui ont signé avec nous le présent acte[2]. »

Camille entre comme boursier au lycée Louis-le-Grand, où il fait de bonnes études : il est primé au concours général, la même année que son condisciple Maximilien de Robespierre[3]. Étudiant en droit, le jeune bourgeois de province obtient son baccalauréat en septembre 1784, sa licence en mars 1785, prêtant le serment d'avocat au barreau de Paris le 7 mars 1785. Mais il bégaye, bredouille si bien qu'il n'a pas de clientèle et gagne difficilement sa vie en copiant des requêtes pour les procureurs[4].

Initié très jeune en franc-maçonnerie, son nom apparait avec le grade de maître maçon sur le tableau de la « Loge des maîtres », sise à Amiens en 1776. Sa carrière maçonnique ne laisse toutefois aucune trace[5].

Avocat et journaliste à Paris

Il fait alors partie de l’entourage de Mirabeau. Malgré un bégaiement remarqué, il devient un des principaux orateurs de la Révolution française. Son premier grand discours a lieu devant la foule réunie dans les jardins du Palais-Royal devant le café de Foy le après la démission de Necker à Versailles, prise pour un renvoi à Paris. Debout sur une table de café, un pistolet dans chaque main, il harangue la foule :

M. Necker est renvoyé ; ce renvoi est le tocsin d'une Saint-Barthélémy des patriotes : ce soir, tous les bataillons suisses et allemands sortiront du Champ-de-Mars pour nous égorger. Il ne nous reste qu'une ressource, c'est de courir aux armes et de prendre des cocardes pour nous reconnaître[6].

Applaudi par la foule, Desmoulins l'invite à prendre les armes et à arborer une cocarde, de sorte qu'ils puissent se reconnaître. Après concertation avec l'assistance, il est convenu que la cocarde sera verte, couleur de l'espérance. Il est parfois dit que Desmoulins aurait cueilli une feuille de tilleul et qu'il l'aurait placée sur son chapeau, « inventant » une cocarde vert d'espérance. Cependant, dans le cinquième numéro de son journal politique Le Vieux Cordelier, Desmoulins écrit qu'on lui aurait apporté un ruban vert, qu'il mit effectivement à son chapeau, puis distribua à la foule[7]. La cocarde verte sera bientôt remplacée par la cocarde tricolore[8]. À son appel, les Parisiens ne s'arment pas, mais organisent un cortège qui défile dans Paris et envahit les théâtres pour inviter les spectateurs à les rallier. Ce Camille excitant le peuple à la révolte dans la journée du 12 juillet est à l'origine du surnom de l'« homme du 14 juillet »[9].

Il fait ses débuts de journaliste en novembre 1789, où il publie Les Révolutions de France et de Brabant, journal qui comptera 86 numéros et tirera à 3 000 exemplaires, ce qui lui assure l'essentiel de ses revenus. Il y dénonce constamment le complot aristocratique. Il s’oppose également au suffrage censitaire, en déclarant qu’un tel mode d’élection aurait exclu Jésus-Christ ou Jean-Jacques Rousseau. On lui doit, à l'occasion de ses commentaires de la fête de la fédération du 14 juillet 1790 (et quelques mois avant que Robespierre ne l'ait le 5 décembre écrit) le triptyque "liberté, égalité, fraternité". Son journal est suspendu après la manifestation du Champ-de-Mars du , bien qu’il n’ait lui-même pas participé à cet événement. Un autre journaliste jacobin, Joseph Du Saulchoy, par admiration pour lui, prendra la relève et fera publier le journal jusqu'en décembre 1791.

Le mariage avec Lucile

Camille Desmoulins, sa femme Lucile et leur bébé Horace.
Portrait de famille (artiste anonyme XVIIIe siècle), Versailles, Musée national du Château de Versailles, 1792.
Plaque au no 22 rue de l'Odéon (Paris), où il vit de 1782 à 1794.

Camille Desmoulins épouse Anne Lucile Laridon-Duplessis le en l'église Saint-Sulpice à Paris. Ce jeune couple, qui s’est écrit de nombreuses lettres d’amour, est considéré comme un symbole des « amours sous la Révolution française ». Les témoins du mariage sont notamment Maximilien Robespierre et Louis-Sébastien Mercier. L'acte de mariage dans le registre paroissial de l'église Saint-Sulpice est ainsi rédigé :

« Ledit jour, vingt-neuf décembre 1790, a été célébré le mariage de Lucile-Simplice-Camille-Benoît Desmoulins, avocat, âgé de trente ans, fils de Jean-Benoît-Nicolas Desmoulins, lieutenant général au bailliage de Guise, et de Marie-Madeleine Godart, consentants, avec Anne-Lucile-Philippe Laridon-Duplessis, âgée de vingt ans, fille de Claude-Étienne Laridon-Duplessis, pensionnaire du Roi, et d'Anne-Françoise-Marc Boisdeveix, présents et consentants, les deux parties de cette paroisse, l'époux depuis six ans, rue du Théâtre-Français, l'épouse de fait et de droit depuis cinq ans avec ses père et mère, rue de Tournon ; trois bans publiés en cette église sans opposition, permission de fiancer et de marier le même jour en ce temps prohibé de l'avent, accordée par MM. les vicaires généraux le vingt-sept de ce mois, fiancailles faites.
Présents et témoins, du côté de l'époux : Jérôme Pétion, député à l'Assemblée nationale, rue du Fauxbourg Saint-Honoré, paroisse de la Madeleine-la-Ville-l'Évêque ; Charles-Alexis Brulard, député à l'Assemblée nationale constituante, rue Neuve-des-Mathurins, paroisse de la Madeleine-la-Ville-l'Évêque ; du côté de l'épouse : Maximilien-Marie-Isidore Robespierre, député à l'Assemblée nationale constituante, rue Saintonge, paroisse Saint-Louis-en-l'Île ; Louis-Sébastien Mercier, de plusieurs académies, rue des Maçons, paroisse Saint-Séverin, qui tous ont certifié le domicilie comme dessus et la liberté des parties, et ont signé.
Signé :
Camille Desmoulins (époux), Laridon-Duplessis (épouse), Laridon-Duplessis (père), Boisdeveix (mère), Pétion, Brulard, Robespierre, JP Brissot, Mercier
Berardier, député à l'Assemblée nationale constituante,
Gueudeville, vicaire de Saint-Sulpice[10]. »

Député à la Convention nationale

Portrait posthume de Camille Desmoulins, huile de Rouillard, Versailles, musée de l'Histoire de France, 1835.

Avant et après la déclaration de guerre de 1792, Camille est résolument partisan de la paix, comme ses amis Robespierre, Danton et Marat. Cette opinion est formulée au Club des jacobins, le 25 décembre 1791, dans Jacques-Pierre Brissot démasqué en février 1792, puis à partir du 30 avril 1792 dans La Tribune des Patriotes, journal cofondé avec Fréron. Après le et la chute de la Monarchie, il devient secrétaire du ministère de la Justice, dirigé par Danton. Il devient de plus en plus engagé dans la voie d’une répression des contre-révolutionnaires. Il est élu à la Convention nationale, où il siège parmi les montagnards, mais ne joue pas de rôle important. Le 28 septembre 1792 il manifeste une certaine réticence face à l'annexion de la Savoie en s'écriant : "Craignons de ressembler aux rois en enchaînant la Savoie à la République[11]". Dans le procès du roi, en janvier 1793, il vote contre l'appel au peuple, pour la mort et contre le sursis. Le 13 avril 1793, il se prononce contre la mise en accusation de Marat. Beaucoup de ses contemporains voient en lui un brillant orateur, mais incapable de jouer un rôle politique[12]. Il s’oppose beaucoup à Jacques Pierre Brissot, qui l’accuse d’être corrompu. Il publie contre lui Brissot dévoilé et Histoire des brissotins, où il rappelle la versatilité de son adversaire, ancien proche de La Fayette.

Il s’éloigne peu à peu des montagnards, notamment après la condamnation des Girondins du qu'il aurait regrettée, d'après des sources thermidoriennes. Il fonde alors un nouveau journal, Le Vieux Cordelier (première parution le ), où il attaque les hébertistes et lance des appels à la clémence. Dans le septième et dernier numéro, resté longtemps inédit, il attaque pour la première fois Robespierre qu'il accuse d'avoir tenu au Club des Jacobins, le 30 janvier 1794, contre l'Angleterre, l'ancien langage belliciste de Brissot contre l'Europe.

Procès et exécution à Paris

Considéré comme dantoniste, Camille Desmoulins est arrêté en même temps qu’eux le . Interrogé sur son identité devant le Tribunal révolutionnaire, Desmoulins répond : « J’ai trente-trois ans, âge du sans-culotte Jésus, âge critique pour les patriotes »[13]. Exclu des débats à la demande de Saint-Just, il est condamné à mort. Le , il écrit une lettre déchirante à sa femme Lucile : « Malgré mon supplice, je crois qu’il y a un Dieu. Mon sang effacera mes fautes, les faiblesses de l’humanité ; et ce que j’ai eu de bon, mes vertus, mon amour de la patrie, sans doute ce Dieu le récompensera. Je te reverrai dans l’Élysée, ô Lucile[14]. »

Il est guillotiné place de la Révolution en même temps que Danton et leurs amis le . Sur l'échafaud, Camille Desmoulins aurait dit : « Voilà comment devait finir le premier apôtre de la liberté[15] ! », avant de demander au bourreau Sanson de remettre à sa belle-mère une mèche de cheveux de Lucile. Son dernier mot, avant que ne tombe le couperet, est « Lucile ».[réf. nécessaire] Ses restes sont inhumés dans une fosse commune du cimetière des Errancis avant d'être transférés aux catacombes de Paris[16].

Son acte de décès dans l'état civil de Paris est rédigé de la façon suivante :

« Du sept floréal l'an deuxième de la République, acte de décès de Lucie-Simplice-Camille-Benoît Desmoulins, du 16 germinal, profession : homme de lettres, âgé de trente-trois ans, natif de Guise, district de Vervins, domicilié à Paris, place du Théâtre-Français[17]. »

(La place du Théâtre-Français est l'actuelle place de l'Odéon).

Anne Lucile Laridon-Duplessis, femme de Camille Desmoulins, sera également guillotinée une semaine plus tard, le . Elle avait 24 ans.

Descendance en Haïti : Horace-Camille Desmoulins

Camille et Lucile Desmoulins ont eu un fils, Horace-Camille Desmoulins, né le [18], à Paris, dont Robespierre est fait parrain lors de l'un des tout premiers baptêmes républicains[19]. La formulation de l'acte de naissance d'Horace-Camille Desmoulins, en date du , le premier acte de l'état civil de la municipalité de Paris[20] et signé par le greffier Pierre-Paul Royer-Collard, est un témoignage du contexte de l'époque, annonçant la république :

« Acte de naissance d'Horace Desmoulins.
Extrait du registre provisoire des naissances, constatées à la ci-devant maison commune de Paris, année 1792.
Ce jourd'hui, 8 juillet 1792, est comparu devant nous officier municipal, administrateur de police, étant actuellement à la maison commune dans le lieu des séances ordinaires du corps municipal, les portes étant ouvertes, Benoît-Camille Desmoulins, citoyen membre du conseil général de cette commune, demeurant à Paris, rue du Théâtre-Français. Lequel nous a dit que le 6 de ce mois, à neuf heures du matin, il lui était né un fils du légitime mariage de lui comparant, avec Anne-Lucile-Philippe Laridon-Duplessis.
Que la liberté des cultes étant décrétée par la Constitution, et par un décret de l'Assemblée nationale législative, relatif au mode de constater l'état civil des citoyens autrement que par des cérémonies religieuses, il doit être élevé dans chaque municipalité chef-lieu un autel sur lequel le père, assisté de deux témoins, présentera à la Patrie ses enfants. Le comparant voulant user des dispositions de la loi constitutionnelle, et voulant s'épargner un jour de la part de son fils, le reproche de l'avoir lié par serment à des opinions religieuses, qui ne pourraient pas encore être les siennes, et de l'avoir fait débuter dans le monde par un choix inconséquent, entre neuf cents et tant de religions qui partagent les hommes, dans un temps où il ne pouvait pas seulement distinguer sa mère.
En conséquence, il nous requiert, pour constater la naissance et l'état civil de son fils, qu'il nous a fait présenter sur le bureau en présence de Laurent Lecointre et de Merlin de Thionville, citoyens députés de l'Assemblée nationale, de recevoir la présente déclaration, voulant que son fils se nomme Horace-Camille Desmoulins. De laquelle déclaration il requiert qu'il en soit fait transcription dans le registre qui sera ouvert conformément à la loi ci-dessus rappelée, et que la présente minute, soit par nous en attendant, déposée au greffe de la municipalité, et dont expédition lui sera donné aussi signée par le déclarant avec nous et les témoins désignés, les jours et an que dessus.
Signé : Camille Desmoulins, Merlin de Thionville, et Lecointre.
Le dépôt de l'acte ci-dessus a été fait au secrétariat de la municipalité, et reçu par moi, secrétaire-greffier, le 9 juillet 1792.
Signé : Royer[21]. »

Horace Desmoulins est élevé, après l’exécution de ses parents, par sa grand-mère maternelle Anne-Françoise-Marie Boisdeveix (Mme Duplessis)[22]. En 1800, Bonaparte lui accorde une bourse d’études au Prytanée français[23].

En 1817, Horace Desmoulins se rend en Haïti pour monter une affaire commerciale, il y épouse Zoé Villefranche avec laquelle il a quatre enfants nés à Jacmel : Adolphe Desmoulins (né le et mort jeune), Marie-Thérèse-Camille Desmoulins (née le et morte en 1862)[24], Lucile (née le ), qui laissera une descendance de son mariage avec Bienvenu Garraud, et Horace-Camille (né le ) sans descendance[25]. Horace meurt d’une fièvre, le , le jour même de la naissance de son dernier enfant, Horace-Camille. Sa tombe se trouve toujours au cimetière de Jacmel[26].

Jugements contemporains

« Camille avait été pour le moins aussi ami de Robespierre que de Danton. Mon frère avait pour lui une amitié très vive ; souvent il m'a dit que Camille était peut-être celui de tous les révolutionnaires marquans qu'il aimait le plus, après notre jeune frère et Saint-Just. Desmoulins était un véritable patriote, et avait plus de vertu que Danton ; sans en avoir autant que mes deux frères ; il avait les qualités les plus aimables, mais aussi quelques défauts qui causèrent sa perte ; il était orgueilleux et irascible : dès qu'il se croyait offensé il ne pardonnait plus, et faisait jouer contre ceux dont il croyait avoir à se plaindre les redoutables traits d'une critique mordante et acerbe.

Des hommes qui étaient loin de le valoir pour le patriotisme et pour le talent, et qui étaient jaloux de sa gloire, le calomnièrent et l'accusèrent d'être vendu aux aristocrates ; il n'en fallut pas davantage pour que le bouillant Camille se déchaînât, et contre ceux qui l'attaquaient, et contre ceux qui, sans l'avoir attaqué, suivaient la même ligne de conduite que ses calomniateurs. Voilà pourquoi, au lieu de repousser les imputations de quelques membres des comités qui étaient ses ennemis personnels, il attaqua les comités en masse, fronda leurs actes, révoqua en doute la pureté de leurs intentions, et se rapprocha même des aristocrates. Les calomnies redoublèrent, ou plutôt les mensonges qu'on avait débités contre lui lorsqu'il était irréprochable devinrent des vérités, lorsque, par ressentiment, il eut cessé d'être pur. De jour en jour il se sépara davantage de ses anciens amis, fit cause commune avec Danton, et, se laissant aveugler par les éloges sans nombre que les aristocrates lui prodiguaient à cause de ses hostilités avec les plus terribles révolutionnaires, il devint réellement, l'acolyte de l'aristocratie. Le malheureux Camille tournait dans un cercle vicieux ; les ennemis de la révolution l'élevaient jusqu'aux nues, vantaient ses principes, son éloquence, sa modération. Toutes ces louanges le rendait suspect aux yeux des véritables démocrates, ses ennemis en faisaient des armes contre lui, et disaient : Camille est contre-révolutionnaire. Camille, que cette accusation mettait hors de lui, se ruait avec plus de fureur contre ceux qui l'accusaient, et les aristocrates redoublaient d'éloges.

C'est alors que Desmoulins publia son Vieux Cordelier, où il faisait pour ainsi dire le procès à tous les révolutionnaires, et, par contre, à la révolution. C'était une haute imprudence de sa part ; c'était plus, c'était un crime. Mon frère aîné me dit tristement à ce sujet « Camille se perd. ». Il ressentait un très vif chagrin de le voir déserter la sainte cause de la révolution, et, au risque de se compromettre lui-même, il prit plusieurs fois sa défense ; plusieurs fois aussi il essaya de le ramener, et lui parla comme à son frère, mais inutilement. Dans une des séances de la Société des jacobins, où une explosion de reproches et d'accusations tombait sur Camille Desmoulins et sur son Vieux Cordelier, Maximilien prit la parole, et tout en blâmant énergiquement l'écrit chercha à justifier l'auteur. Malgré son immense popularité et son influence extraordinaire, des murmures accueillirent ses paroles. Alors il vit qu'en voulant sauver Camille il se perdait lui-même. Camille ne lui tint pas compte des efforts qu'il avait faits pour repousser les accusations dont il était l'objet ; il ne se rappela que du blâme qu'il avait déversé sur son Vieux Cordelier, et dès lors il dirigea mille diatribes acrimonieuses contre mon frère. »

 Charlotte de Robespierre[27]

La question coloniale

Une partie de l'historiographie lui a reproché des équivoques et l'expression en 1791 et 1792 de positions opportunistes sur les questions coloniales ; ce malgré sa passion pour l'abbé Guillaume Raynal qui prédisait dans l'Histoire des Deux Indes une insurrection des esclaves noirs substituant au code noir un code blanc. Incapable de faire la part des choses, Camille Desmoulins prend la défense en mars 1791 de Charles Lameth contre des accusations portées par Brissot et Condorcet au début de l'année d'une tuerie de 45 esclaves ; accusation non démentie par le premier, et dont Brissot fin mai 1791 démontrera la véracité [28]. Il intervient dans le débat de mai 1791 relatif aux droits des mulâtres propriétaires d'esclaves, défendant dans le n° 77 Robespierre et Pétion sans donner tort à Barnave et à Alexandre Lameth et faisant preuve d'une "indifférence colonialiste" en refusant aux hommes de couleur libres citoyens actifs des colonies ceux des Blancs de la métropole sous prétexte de l'existence de citoyens passifs blancs dépourvus de droits [29]. Cependant dans le numéro 78 comme Brissot il salue les oppositions isolées de Robespierre, Pétion et de l'abbé Grégoire à la constitutionnalisation le 13 mai de l'esclavage et à l'amendemant Rewbell du 15 [30]. Mais en février 1792, dans J P Brissot démasqué il n'épargne aucune critique au chef de la Gironde. Ainsi la défense fervente par Brissot des droits des hommes de couleur, sa critique de la traite des Noirs, n'échappent pas au réquisitoire, motivé au départ par la question de la guerre d'attaque [31]. Camille Desmoulins laisse croire à une partie de l'opinion jacobine que les Brissotins défendent et font triompher la cause de l'égalité des hommes de couleur libres avec les Blancs[32] afin de se populariser et non pour faire triompher les principes [33]. Fin mai 1792 Robespierre désavoue, sans nommer son ami, ce raisonnement ("Loin d'imiter l'injustice de ceux qui leur ont cherché des torts jusque dans cette action louable en elle-même...") [34]. La défense, de par les actes et de par leurs résultats réussis, du "bien général" compte bien plus, à ses yeux, que "les motifs". Pourtant, de tels propos Camille Desmoulins les répète au printemps 1793 dans l'Histoire des Brissotins ne craignant pas de chercher ses sources chez Arthur Dillon, tout à la fois ancien député constitutant du côté droit et membre fondateur du club Massiac. Pour autant, indice du repentir de Camille Desmoulins à l'automne 1793, il persifle dans le Le Vieux Cordelier ( No 2- 10 décembre 1793, écrit avec l'aide de Robespierre) Anacharsis Cloots, qui "dans l'affaire des colonies combattait pour Barnave contre Brissot"(...) d'où "une flexibilité de principes et une prédilection pour les Blancs peu dignes de l'ambassadeur du genre humain" [35]. Pour une fois dans la prose de Camille Desmoulins, Brissot, défenseur des Noirs, est présenté favorablement. Et une seule fois, il pense favorablement aux Noirs sur la base des écrits de Raynal. En décembre 1792 dans son opinion sur le procès du roi il défend son point de vue régicide par cette phrase :

"Et après que nous avons insurgé et recouvré nos droits, venir opposer les lois féodales ou même la constitution (le principe de l'inviolabilité du roi) aux Français républicains, c'est opposer le code noir aux nègres vainqueurs des blancs."

Œuvres

Cinéma et télévision

Théâtre

Roman

Notes et références

  1. Œuvres de Camille Desmoulins, p.74.
  2. La page du registre paroissial de Guise où se trouve l'acte de baptême de Camille Desmoulins est manquante pour la collection du greffe en ligne dans le site des Archives départementales de l'Aisne. L'acte est cité par Jules Claretie dans Camille Desmoulins, Lucile Desmoulins : étude sur les dantonistes, Paris, Plon, 1875, page 17
  3. Bertrand Solet, Robespierre, Messidor/La Farandole, , p. 15
  4. Albert Soboul, Portraits de révolutionnaires, Messidor/Éditions sociales, , p. 117
  5. Charles Porset, « Desmoulins, Camille », dans Éric Saunier (sous la dir.), Encyclopédie de la franc-maçonnerie, Le Livre de poche (LGP), coll. « La Pochothèque », (réimpr. mai 2008) (1re éd. mars 2000), 982 p. (ISBN 978-2-253-13032-1), p. 213 .
  6. Camille Desmoulins, Grand discours justificatif de Camille Desmoulins aux jacobins, "Le Vieux Cordelier", vol. Nº V (journal politique), Paris, Desenne, 25.12.1793 (quintidi nivôse, 1re décade, an ii) (notice BnF no FRBNF10454785, lire en ligne), Page 66
  7. Camille Desmoulins, Grand discours justificatif de Camille Desmoulins aux jacobins, "Le Vieux Cordelier", vol. Nº V (Journal politique), Paris, desenne, 25.12.1793 (quintidi nivôse, 1re décade, an ii) (notice BnF no FRBNF10454785, lire en ligne), Pages 66-67
  8. Noëlle Destremau, Trois journées pour détruire la monarchie, Nouvelles Editions Latines, , p. 19
  9. Max Gallo, Révolution française. (1793-1799). Aux armes, citoyens !, XO Editions, , p. 138
  10. Registre paroissial disparu avec toutes les archives de Paris pendant les incendies de la Commune de Paris (1871), texte de l'acte cité par le théologien Jean-Joseph Gaume dans La Révolution, recherches historiques, Quatrième partie, Paris, Gaume frères, 1856, pages 136-137
  11. Albert Soboul, Histoire de la Révolution française, Paris, Gallimard, 1962, 2 vols, tome 1, De la prise de la Bastille à la chute de la Gironde
  12. Barère : « Il avait beaucoup d’esprit et trop d’imagination pour avoir du bon sens ».
  13. http://acteursrevolution.unblog.fr/desmoulins/.
  14. Gustave Lanson, Choix de lettres du XVIIIe siècle, Paris, Librairie Hachette et Cie, , 708 p., pp. 686-692.
  15. Jules Claretie, Camille Desmoulins, Librairie Hachette, , p. 285.
  16. Guy de La Batut, Les pavés de Paris, Éditions sociales internationales, , p. 205.
  17. Recueil des inscriptions parisiennes : 1881-1891 / Ville de Paris.
  18. Bulletin de la Société de l’Histoire de Paris et de l’Île-de-France - 9e année, 1882. (OCLC 1772474)
  19. Baptême républicain de Horace Desmoulins et Parrainage par Robespierre
  20. Voir Jules Claretie, Camille Desmoulins, Lucile Desmoulins : étude sur les dantonistes, Paris, Plon, 1875, p. 183
  21. Cité dans Bibliothèque nationale, Œuvres de Camille Desmoulins, tome 1er, Paris, Librairie de la Bibliothèque nationale, 2ème édition, 1868, pages 145-146
  22. Jean Tulard, Jean-François Fayard, Alfred Fierro, Histoire et dictionnaire de la Révolution française 1789-1799, Éditions Robert Laffont, collection Bouquins, Paris, 1987. (ISBN 2-7028-2076-X)
  23. Arrêté du 30 septembre 1800
    . Article ler. - Le jeune Horace-Camille Desmoulins, dont le père, membre de la Convention nationale, est mort sur l’échafaud, victime du tribunal révolutionnaire de Paris, est nommé élève au Prytanée français.
    Article 2. - Le ministre de l’Intérieur est chargé de l’exécution du présent arrêté.
  24. Mariée avec Augustin Enfantin Boom, né le , à Jacmel.
  25. Site Généalogie et Histoire de la Caraïbe
  26. http://www.agh.qc.ca/articles/?id=51 et http://www.ecolajacmel.com/spip.php?article7
  27. Charlotte de Robespierre, Mémoires de Charlotte Robespierre sur ses deux frères, p. 139-141.
  28. Les Révolutions de France et de Brabant, no 67 ; Jean-Daniel Piquet, L'Emancipation des Noirs dans la Révolution française 1789-1795, Paris, Karthala, 2002, p. 54 et 151
  29. Yves Benot, La révolution française et la fin des colonies, Paris, La Découverte, 1987
  30. Jean-Daniel Piquet, op. cit., p. 86 ; Florence Gauthier, "Périssent les colonies de Jaucourt à Marx en passant par Camille Desmoulins" dans Périssent les colonies plutôt qu’un principe ! Contributions à l'histoire de l'abolition de l'esclavage, 1789-1804, (Fl. Gauthier dir.) Paris, Société des Etudes robespierristes, 2002
  31. Yves Benot, La révolution française et la fin des colonies, Paris, 1987
  32. décret législatif du 24 mars 1792 devenu loi le 4 avril 1792 après la sanction royale imposée par la constitution de 1791
  33. Hervé Leuwers, Camille et Lucile Desmoulins: un rêve de république, Paris, Fayard, 2018
  34. Jean-Daniel Piquet, L'Emancipation des Noirs..., p. 155 Le Défenseur de la Constitution, Œuvres, Le Défenseur de la Constitution no 3, tome IV, p 84
  35. Jean-Daniel Piquet, "Robespierre et la liberté des Noirs en l'an II d'après les archives des comités et les papiers de la commission Courtois", AHRF, 1er trimestre 2001 no 323 p. 69-91 ; L'émancipation des Noirs... op cit p. 153-154

Annexes

Bibliographie

  • Raoul Arnaud, La vie turbulente de Camille Desmoulins, Paris, 1928.
  • Jean-Paul Bertaud, Camille et Lucile Desmoulins : un couple dans la tourmente, Paris, Presses de la Renaissance, , 324 p. (ISBN 2-85616-358-0 et 2-85616-358-0, présentation en ligne).
  • Gérard Bonn, La Révolution française et Camille Desmoulins, Paris, 2010.
  • Arthur Chuquet, « La jeunesse de Camille Desmoulins », Annales révolutionnaires, t. 1, no 1, , p. 1-26 (JSTOR 41919016).
  • Jules Clarétie, Camille Desmoulins, Lucile Desmoulins : étude sur les dantonistes, d'après des documents nouveaux et inédits, Paris, E. Plon, , 492 p. (présentation en ligne, lire en ligne).
  • Jules Clarétie, Camille Desmoulins, Paris, Hachette, , 310 p. (lire en ligne).
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  • Patrice Rolland (préf. Patrick Charlot), Un débat sous la Terreur : la politique dans la République, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, coll. « Institutions », , 146 p. (ISBN 978-2-36441-261-3, présentation en ligne).

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