Rémouleur

Le rémouleur est un artisan souvent itinérant qui pratique, à titre professionnel, l'affûtage (ou repasse) des ustensiles coupants et tranchants du ménage, des jardiniers, voire agriculteurs, ou encore des commerçants tels que les bouchers, sur une petite meule ambulante.

Le rémouleur par David Dellepiane.
Aiguiseur de couteaux traditionnel en Inde en 2011.

Historique

Le métier de rémouleur est connu à Paris au Moyen Âge. Le registre de taille de 1292 mentionne six « Esmouleurs » ; celui de 1300 n'en cite plus que deux, plus un « Esmouleur de couteaux ». Ils appartiennent à la confrérie des « gagne-petit », regroupant divers métiers à très faible revenu, qui a sa chapelle au couvent des Augustins avec pour patronne sainte Catherine d'Alexandrie. Une branche particulière était celle des « Esmouleurs de grandes forces », c'est-à-dire des grands ciseaux utilisés par les fabricants pour tondre le drap : ils reçoivent un statut de Charles VI en 1407. Au XVIIIe siècle, les rémouleurs de rue sont appelés « Rémouleurs à la petite planchette », dit Jaubert dans son Dictionnaire des arts et métiers (1773), « à cause de la petite planche qui est sous leur pied, et par le mouvement de laquelle ils font tourner leur meule[1] ».

Le rémouleur se déplaçait alors avec sa petite charrette, brouette, ramoulette ou rabelette (Belgique) sur laquelle était fixée la meule, généralement à eau et mécanique, dans les grandes villes, ou de village en village, s'arrêtant à chaque coin de rue en agitant sa clochette et en criant : « Rémouleur, rémouleur ! Repasse couteaux ! Repasse ciseaux ! ». Leurs cris et le crissement de leur meule sur le métal faisaient dans le temps partie des bruits typiques des grandes villes. Il prenait également en charge les poignards et épées des gentilshommes.

Au début du XXe siècle en Europe, le métier de rémouleur était une spécialité des Yéniches, surnommés aussi « Tziganes blancs ».

Le métier qui était encore très commun jusqu'à entre les deux guerres mondiales, a quasiment disparu d'Europe au XXIe siècle. Le rémouleur, comme de nombreux autres petits métiers, est victime du progrès (les couteaux en acier moderne s'usent moins vite, le "fusil" d'affûtage est devenu un outil domestique) et de la société de consommation (avec l'automatisation et l'importation de pays en voie de développement, le prix des couteaux a chuté et ne justifie économiquement plus leur ré-aiguisage).

En 2017, il n'en reste ainsi plus que cinq à Paris[2], dont la moyenne d'âge est assez élevée. Après leur départ à la retraite, il est plausible que le métier disparaisse de cette ville, mais cette activité itinérante demeure notamment dans les campagnes françaises, avec des meules électriques embarquées dans un véhicule utilitaire, et des formations demeurent[3].

Filmographie

Le métier de rémouleur a été repris de nombreuses fois dans les films, illustrant l'esprit des anciens métiers et des petits artisans.

Pièces de théâtre, œuvres musicales

Conte

Dans un conte de l'Inde, un prince voyageur a pour compagnons un forgeron, un rémouleur et un menuisier. La vie du prince est liée à son épée : une vieille femme maléfique le fait périr en brisant son épée dans un brasier et enlève son épouse. Ses trois compagnons retrouvent les fragments de l'épée : le forgeron les reforge et le rémouleur affûte le tranchant de l'épée, ce qui rend la vie au prince, et le menuisier fabrique un palanquin volant pour aller à la recherche de l'épouse[4].

Roman

Représentations du rémouleur

Illustration du psaume 64 (63), IXe siècle.

Une des plus anciennes représentations de rémouleur vient du psautier d'Utrecht, manuscrit carolingien du IXe siècle. Elle montre des archers tirant sur un martyr couronné par un ange tandis qu'un rémouleur aiguise leur épée. Elle illustre le psaume 64 (63), verset 4-5, qui évoque le châtiment de Dieu contre les calomniateurs :

« Eux qui aiguisent leur langue comme une épée, ils ajustent leur flèche, parole amère, pour tirer en cachette sur l'innocent, ils tirent soudain et ne craignent rien[6],[7]. »

Le peintre romantique Alexandre-Gabriel Decamps réalise à plusieurs reprises des scènes de genre avec des rémouleurs[8].

Santons

La figurine du rémouleur fait partie de la crèche provençale. Voir : Crèche de Noël ; Santon de Provence

Tableaux et sculptures

Galerie

Voir aussi

Notes et références

  1. Alfred Franklin, Les Corporations ouvrières de Paris du XIIe au XVIIIe siècle - Tome 1 -Barbiers. Chirurgiens, éd. Firmin-Didot, 1884, p. 4-5,
  2. [vidéo] Métiers oubliés : le rémouleur gouailleur - La Quotidienne la suite sur YouTube.
  3. « L'École Nationale d'Affûtage et de Rémoulage », sur www.affuteurs-remouleurs.com, (consulté le ).
  4. Emmanuel Cosquin, Contes populaires de Lorraine comparés avec les contes des autres provinces de France et des pays étrangers, tome 1, éd. F. Vieweg, Paris , 1886, p. 25-26
  5. Le Rémouleur, épisode du temps de la Terreur et du Directoire par Eugène Chavette, Paris, tome 1 La Maison Surcot , tome 2 Le Trésor de la Dubarry, éd. E. Dentu, 1873 sur Gallica
  6. Traduction et commentaire : Bible de Jérusalem.
  7. Psalter Library, "Psalm 63", s.d.
  8. « Rémouleur de Decamps », sur Base Joconde (consulté le )
  9. (nl) « Affuteur de Ciseaux », sur Musée d'Amsterdam (consulté le )
  10. (es) « Los gallegos inconformistas », La Voz de Galicia, (lire en ligne, consulté le ).

Bibliographie

  • Annie-Jeanne et Bernard Bertrand, Jean de Pyrène, rémouleur françois…, Éditions de Terran, coll. « Le savoir-geste », 1997.
  • Henri Amblès, Au pays des émouleurs, mémoire de la Meuse, Éditions Coin de Rue, 1996.

Articles connexes

Liens externes

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