Prison de Saint-Gilles

La prison de Saint-Gilles est une maison d'arrêt de Belgique située aux confins des communes de Saint-Gilles, Ixelles, Forest en région bruxelloise.

Prison de Saint-Gilles
Localisation
Pays Belgique
Région Région bruxelloise
Ville Saint-Gilles, Ixelles, Forest
Coordonnées 50° 49′ 21,35″ nord, 4° 20′ 48″ est
Géolocalisation sur la carte : Bruxelles
Installations
Type Maison d'arrêt
Capacité 750
Fonctionnement
Opérateur SPF Justice
Date d'ouverture 1884

Localisation

Située à Bruxelles, la prison de Saint-Gilles se situe au numéro 106 de l'avenue Ducpétiaux[1]. Elle est bordée entre deux axes : l'avenue Ducpétiaux qui présente l'entrée de la prison, et l'avenue de la Jonction amenant à la prison de Forest. Les deux prisons sont reliées par un passage souterrain[2].

La région bruxelloise compte, au total, trois bâtiments carcéraux : la prison de Saint-Gilles, la prison de Forest et la prison de Berkendael[3].

Histoire

Contexte historique

La création de la prison de Saint-Gilles avait pour objectif de remplacer la prison des Petits Carmes[4], une prison civile et militaire datant de 1815, située alors dans le centre de Bruxelles[5].

Fondation

Conçue par les architectes Joseph Jonas Dumont et François Derre, la prison a été construite de 1878 à 1884, soit une durée égale à six ans[4]. Exerçant actuellement une fonction de maison d'arrêt, elle a pour rôle l'accueil des prisonniers n'ayant pas encore fait l'objet d'une condamnation et ceux étant sous détention préventive[6].

Le premier directeur de la maison d'arrêt bruxelloise se nomme Jean Stevens, disciple d'Édouard Ducpétiaux, un journaliste et inspecteur des prisons en Belgique dont les écrits ont inspiré l'architecture carcérale belge notamment Tongres (1884), Bruges (1851), Louvain (1860) ou encore Saint-Gilles (1884)[7],[8],[9]. Ayant lui-même connu la vie dans le milieu pénitencier, Ducpétiaux a subi les vices du système carcéral belge du XIXe siècle. Il souhaite le réformer en mettant en place un système plus soucieux des enjeux humains[10].

La première pierre de la prison représente également la première pierre de toute la commune de Saint-Gilles qui, au XIXème siècle ne présentait pas d'autres construction sur son territoire[11].

La Première Guerre mondiale (1914-1918)

Durant la Première Guerre mondiale, la Belgique était soumise à l'occupation allemande. Les prisons belges ont été soumis aux règles imposées par l'occupant.

Les individus "faisant partie de réseaux clandestins, d'autres ayant publiquement protesté contre l'abus de l'occupant ou encore certains ont tenté de passer la frontière hollandaise"[12] faisaient systématiquement l'objet d'une peine d'emprisonnement.

Plusieurs témoignages rapportent les traitements violents commis dans le milieu carcéral bruxellois durant cette époque parmi lesquels on compte de cas de brutalités physiques, des menaces de mort ainsi que des actes d'intimidations[13].

Les femmes y étaient également incarcérées.

La prison de Saint-Gilles au début du XXe siècle.

La Seconde Guerre mondiale (1940-1945)

En ce qui concerne la Seconde Guerre mondiale, les prisons belges existantes se sont une nouvelle fois retrouvées sour la domination allemande. Les opposants au régime du Parti national-socialiste allemand y étaient emprisonnés[14],[15]

Une infirmerie était instituée à la prison de Saint-Gilles durant la guerre, ce qui a permis d'accueillir des détenus d'autres prisons comme Breendonk pour y être soignés[16].

À l'issue du conflit, les "leaders des collaborateurs et d'organismes politiques et militaires, des propagandistes ainsi que des espions ont été enfermés à Saint-Gilles"[17].

Description

La prison de Saint-Gilles est un complexe doté d’une architecture néo-médiévale[18].

Plan et architecture de la prison

La prison est entourée d’un mur d’enceinte de forme rectangulaire où au sud l’angle est coupé[18].

L’édifice organisé autour d’un « noyau central » où se raccordent les cinq ailes de forme rectangulaire et où se trouve un long couloir qui mène chacun par la cuisine, la boulangerie, l’infirmerie et la buanderie. Chacune des ailes comprend trois étages où se répartissent au total 120 cellules ainsi qu’une galerie centrale. Pour ce qui est des façades latérales, elles possèdent des fenêtres composées de linteau en pierre blanche en forme de grillage et cintrées[18].  

À l’extrémité de l’aile sud-est se trouvent les préaux et dans l’axe de l’entrée de la prison se trouve un réfectoire pour les surveillants ainsi qu’une salle d’attente[18].

Il y a également un couloir bordé de divers locaux qui conduit au cœur même du complexe, au noyau central. Ce noyau est le centre de surveillance qui est présentée sous forme de dodécagonale présentant une haute élévation « percée de vastes baies à arc brisé et remplages et coiffée, sur chacun des douze pans, de pignons à rampant droit ». Le couloir est « rythmé par des arcs brisés reposant sur des colonnes monolithes de pierre bleue, à socle polygonal et chapiteau à frise d’arceaux ». Autrefois, le porche était aménagé en conciergerie. Celui-ci donnait l’entrée sur une cour de forme rectangulaire[18].

L’entrée de la prison se trouve face à la place Delporte. Cette entrée dispose « d’un porche axial à porte ogivale munie de deux vantaux ouvragés ». Elle est au milieu de deux tours crénelées de forme polygonale, « à encorbellement de mâchicoulis et coiffées de guettes ». Ces deux tours sont percées d’archères et disposent de fenêtre en meurtrière. De chaque côté de ces tours se trouvent également deux bâtiments avec des « fenêtres grillagées à arc brisé sous cordon ». Ces deux bâtiments disposent de deux niveaux attachés à une tour[18].

Système

Le système mis en place est celui du panoptique, qui consiste à partir du point central de la prison à favoriser la surveillance des détenus comme imaginée par le philosophe Jeremy Bentham[19].

Les controverses autour de la prison de Saint-Gilles

Les conditions de détentions des détenus

En matière de conditions de vie dans le milieu carcérale, la prison de Saint-Gilles est marquée par le problème de la surpopulation chronique dans le nombre des détenus qui y sont incarcérés. Malgré de légères améliorations, le rapport du Conseil de l’Europe (fait à la demande de la Belgique) fait état d’un taux de surpopulation qui oscille toujours autour des 50%. (Le taux moyen de surpopulation carcérale atteint les 48% en 2017 dans la prison de Saint-Gilles)[20].

Le rapport annuel de la direction générale des établissements pénitentiaires fait état, depuis la reprise par la prison de sa fonction de maison d’arrêt en 2016, de 896 détenus masculins pour 579 places[21].

Le volet juridique et les condamnations

Au niveau national, sur le plan judicaire, la principale condamnation émane d’un arrêt de la chambre francophone du tribunal de première instance de Bruxelles du [22].

L’affaire est portée devant la justice par l’ordre des barreaux francophones et germanophone. Ces derniers attaquent et accusent l’État belge de manquements graves en ce qui concerne les conditions de détention des détenus à la prison de Saint-Gilles. L’arrêt met l’accent sur le problème de la surpopulation carcérale croissante dans l’établissement qui entraine une violation des engagements pris par la Belgique sur le plan international et européen en matière de condition de détention en milieu carcéral[23].

À l’issue de l’affaire, le tribunal de première instance condamne l’État belge à réduire le nombre de détenus présents à la prison de Saint-Gilles afin de ramener celui-ci au nombre de places effectivement prévues à l’accueil des détenus dans l’établissement.

En plus de cette décision, l’État belge s’expose également au paiement d’astreintes dont le montant augmente de manière croissante en cas de non-intervention de l’État pour régler le problème de la surpopulation carcérale dans la maison d’arrêt bruxelloise[22].

Au niveau international et européen, des procédures ont également été engagées à l’encontre de la Belgique. En effet, la Cour Européenne des droits de l’Homme a condamné l’État belge pour violation de la Convention européenne des droits de l’Homme en ce qui concerne les conditions réservées à l’accueil des personnes internées à la prison de Saint-Gilles[24].

Actualité

La prison de Saint-Gilles va faire l’objet d’un déménagement à Haren dans l’optique de moderniser le chantier pénitencier belge. Ce tout nouveau modèle est axé autour de l’unité de vie. Le « futur village pénitentiaire » sera divisé en plusieurs bâtiments qui comprendront un centre d’observation, un centre de psychiatrie et un centre médical[25].

Accès

Bibliographie

Ouvrages

  • DEBRUYNE, E., REZSÔHAZY, E. et van YPERSELE, L., « Dans les mains de la police allemande. les violences carcérales et policières comme expérience d’occupation en Belgique, 1914-1918 », Guerre mondiale et conflits contemporains, 2018, n° 272, p. 65, 75 et 81.
  • DEMETER, S., GOOSSENS, O., JACQMIN, Y. et al., Architectures saint-gilloises, Service des Monuments et des Sites de la Région de Bruxelles-Capitale, Bruxelles, 1999, p. 14 et 15.
  • DIGNEFFE, F. et DUPONT-BOUCHAT, M.-S., « A propos de l’origine et des transformations des maisons pour jeunes délinquants en Belgique au XIXe siècle : l’histoire du pénitencier de Saint-Hubert (1840-1890) », Déviance et société, 1982, vol 6, p. 154 et 155.
  • BERNIER. F., Monographie de Saint-Gilles-lez-Bruxelles, Bruxelles, 1904, p. 236 à 243.
  • DUPONT-BOUCHAT, M.-S., « Ducpétiaux ou le rêve cellulaire », Déviance et société, 1988, vol. 12, p. 5, 6 et 12.
  • THIRY, B. et THIRIEZ, C., « Enjeux de la pratique de la psychothérapie en prison », Psychothérapies, 2014, vol. 34, p. 186 et 187.
  • Rapport annuel de la direction générale Etablissements pénitentiaires (DG EPI), Service public fédéral de justice (SPF Justice), 2017.
  • Rapport au Gouvernement de la Belgique relatif à la visite effectuée en Belgique par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), Conseil de l’Europe, .
  • Rapport de l’OIP (Observatoire internationale des prisons) sur la surpopulation carcérale à la prison de Saint-Gilles, OIP Belgique, .

Sites internet

Jurisprudence

  • Trib. fr., Bruxelles (4ème ch.), .
  • Cour eur. D.H., arrêt Dufoort c. Belgique, .
  • Cour eur. D.H., arrêt Swennen c. Belgique, .
  • Cour eur. D.H., arrêt Claes c. Belgique, .

Notes et références

  1. « Prison de St-Gilles, Service public fédéral Justice » (consulté le )
  2. « Prison de St-Gilles | Service public federal Justice » (consulté le )
  3. B. Thirty et C. Thiriez, « Enjeux de la pratique de la psychothérapie en prison », Psychothérapies, vol. 34, , p. 187 (lire en ligne)
  4. « Saint-Gilles - Prison de Saint-Gilles - Avenue Ducpétiaux 106 - Avenue de la Jonction 47 - » (consulté le )
  5. Ministère de la justice, « Prisons de Bruxelles. Registres d'écrou 1692-1847 » (consulté le )
  6. « Prisons belges | Service public federal Justice » (consulté le )
  7. F. DIGNEFFE et M.-S. DUPONT-BOUCHAT, « A propos de l’origine et des transformations des maisons pour jeunes délinquants en Belgique au XIXe siècle : l’histoire du pénitencier de Saint-Hubert (1840-1890) », Déviance et société,, vol. 6, , p. 154 et 155.
  8. B. THIRY et C. THIRIEZ, « Enjeux de la pratique de la psychothérapie en prison », Psychothérapie, vol. 34, , p. 186.
  9. M.-S. DUPONT-BOUCHAT, « Ducpétiaux ou le rêve cellulaire », Déviance et société, vol. 12, , p. 12.
  10. M.-S. DUPONT-BOUCHAT, « « Ducpétiaux ou le rêve cellulaire », Déviance et société, , p. 5 et 6.
  11. I. de PANGE et C. van PRAET-SCHAACK, « Saint-Gilles à la carte », (consulté le )
  12. E. DEBRUYNE, E. REZSÔHAZY et L. van YPERSELE, « Dans les mains de la police allemande. les violences carcérales et policières comme expérience d’occupation en Belgique, 1914-1918 », Guerre mondiale et conflits contemporains, no 272, , p. 65.
  13. E. DEBRUYNE, E. REZSÔHAZY et L. van YPERSELE, « Dans les mains de la police allemande. les violences carcérales et policières comme expérience d’occupation en Belgique, 1914-1918 », Guerre mondiale et conflits contemporains, , p. 75 et 81.
  14. « La Seconde Guerre mondiale » (consulté le ), p. 100.
  15. Fabrice Maerten, « Parcours de résistant. De l’arrestation à la déportation » (consulté le ), p. 5.
  16. « Témoins : Exécuteurs, victimes et témoins » (consulté le )
  17. « Inventaire des archives de la prison de Saint-Gilles - Archives de l'État en Belgique » (consulté le )
  18. « Prison de Saint-Gilles – Avenue Ducpétiaux 106 – Avenue de la Jonction 47 » (consulté le )
  19. « Prison de Saint-Gilles - avenue Ducpétiaux 106 - Avenue de la Jonction 47 » (consulté le )
  20. « Rapport au Gouvernement de la Belgique relatif à la visite effectuée en Belgique par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), Conseil de l’Europe, 8 mars 2018, p. 5. »
  21. « Rapport annuel de la direction générale Etablissements pénitentiaires (DG EPI), Service public fédéral de justice (SPF Justice), 2017, p. 44. »
  22. « Trib. fr., Bruxelles (4ème ch.), 9 janvier 2019. »
  23. « Rapport au Gouvernement de la Belgique relatif à la visite effectuée en Belgique par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), Conseil de l’Europe, 8 mars 2018. »
  24. Cour eur. D.H., arrêt Dufoort c. Belgique, 10 avril 2013 ; Cour eur. D.H., arrêt Swennen c. Belgique, 10 avril 2013 ; Cour eur. D.H., arrêt Claes c. Belgique, 10 avril 2013.
  25. « Haren (Bruxelles) Prison – Village pénitentiaire – SPF Justice » (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

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