Paul Déroulède

Paul Déroulède est un poète, auteur dramatique, romancier et militant politique français, né le à Paris et mort le à Nice, sur le mont Boron.

Son rôle de fondateur de la Ligue des patriotes et son revanchisme en font un acteur important de la droite nationaliste en France.

Biographie

Plaque 3 place du Louvre (1er arrondissement de Paris), à l'emplacement de la maison où il est né.

Débuts

Fils d'un avoué à la Cour d'appel de Paris et neveu par sa mère d'Émile Augier, il est l'arrière petit-fils de Pigault-Lebrun. Il suivit ses études aux lycées Louis-le-Grand, Bonaparte et de Versailles, puis à la faculté de droit de Paris où il obtient une licence.

Guerre de 1870

Jusqu'à la Guerre de 1870, c'est un versificateur (admirant beaucoup Le Cid) qui fréquente les milieux littéraires républicains. La déclaration de guerre lui fait abandonner son pacifisme. Il rejoint son unité lors de la guerre franco-allemande de 1870 où il montre un certain courage (assaut de Montbéliard). Il est fait prisonnier à Bazeilles, s'évade et rejoint les tirailleurs algériens. Cité à l’ordre du jour et décoré en , il participe à la répression de la Commune de Paris lors de la Semaine sanglante de mai. À la suite d'une chute de cheval, il doit renoncer à la carrière militaire en 1874.

Carrière littéraire et politique

Paul Déroulède tenant la bride du cheval du général Roget, durant sa tentative de coup d'État.
Supplément illustré du Petit Journal, 12 mars 1899.

Désormais, par son œuvre littéraire et son action politique, il incarne la France de la « revanche » en réclamant le retour de l'Alsace et de la Lorraine. Il écrit les Chants du soldat (1872), vendus à plus de 100 000 exemplaires, dont le fameux Clairon, qui lui vaut la gloire et reste longtemps au programme scolaire. À l'instigation de Gambetta, Déroulède, dont la devise est « Qui vive ? France ! », crée la Ligue des patriotes en 1882. Cette passion pour la « revanche » sur l'Allemagne lui vaut de devenir également l'un des chefs du parti anticolonial. Pour lui, la conquête coloniale épuiserait l'énergie dont la France a besoin pour la future guerre contre l'Allemagne. De même, il estime que jamais les colonies ne pourraient offrir une compensation à la perte de l'Alsace-Lorraine et c'est dans ce sens qu'il répond au colonialiste Jules Ferry : « J'avais deux filles, et vous m'offrez vingt domestiques[1] ». Adepte du général Boulanger celui qui nous délivrera des chinoiseries parlementaires et des bavards impuissants »), il est porté par sa notoriété à la Chambre des députés en 1889. Le , il tente en vain de persuader le général Boulanger de marcher sur l'Élysée. Le Gouvernement dissout alors la Ligue des Patriotes, et après la fuite de Boulanger, Déroulède reste député de la Charente de 1889 à 1893 et de 1898 à 1901.

Anticolonialiste au nom de la revanche (cela « disperse les énergies françaises »), défendant le catholicisme avec parfois des accents antisémites (repos dominical, refus de la séparation[2]), il attaque vivement Clemenceau lors du scandale de Panama.

Lors de l'affaire Dreyfus (1894 - 1906), Paul Déroulède, quoique défendant l'armée, croit Dreyfus innocent[3] ; d'ailleurs, malgré ses préjugés certains contre les Juifs, il a toujours refusé l'antisémitisme politique et n'a jamais rallié le slogan « À bas les juifs[4] ». Profitant des obsèques de Félix Faure en 1899, il entreprend le coup d'État que le général Boulanger avait refusé dix ans plus tôt. Il tente en effet de faire tourner bride au général Roget et à ses troupes pour prendre l’Élysée[5]. Arrêté, acquitté en cour d'assises, jugé en Haute Cour et, finalement, banni (expulsé en Espagne), il bénéficie d'une amnistie en 1905. Il renonce à sa carrière politique après l'échec des élections de 1906 dans son département de la Charente. Il faut noter que[évasif] parmi les transformations qu'il a demandées dans le domaine constitutionnel, beaucoup se sont retrouvées dans la constitution de la Ve République. Le personnage est complexe dans la limite où il a porté un jugement sévère sur ses poèmes et chansons, dont il savait bien la nature d’œuvres de propagande, donc vouées à l’éphémère. Il estimait cependant ce sacrifice nécessaire.

Paul Déroulède en 1913.

En 1908, malgré l'insistance de Maurice Barrès, Paul Déroulède refuse de poser sa candidature à l'Académie française à la mort de François Coppée : « Ma place n'est pas parmi votre élite, elle est dans la foule. Je puis m'en tenir à l'écart, mais je dois toujours être prêt à reprendre contact avec elle… L'habit à palmes vertes et l'épée à poignée de nacre me transformeraient trop. »

Fin de vie

Dès lors, Paul Déroulède se retire à Langely (commune de Gurat, Charente) où il entreprend la rédaction de ses Feuilles de route. Cependant, peu à peu, il se retrouve laissé de côté par les nouveaux nationalistes qui (comme l'écrivent les frères Tharaud) « pensent comme lui mais refusent d'admirer les moyens dont il s'est servi ».

Il meurt d'une crise d'urémie dans sa propriété du mont Boron avec une bénédiction papale. Sa dépouille est ramenée à Paris, où le cortège funèbre est honoré par une foule énorme, estimée à plus de cent mille Parisiens[6].

Il est enterré dans la chapelle funéraire familiale au cimetière de la Celle-Saint-Cloud[6] en banlieue parisienne, où reposent aussi les écrivains Charles Pigault-Lebrun, son arrière-grand-père, et Émile Augier, son oncle maternel.

Duels

Le duel Déroulède Jaurès à Hendaye (Le Petit Journal).

Déroulède s’est battu deux fois dans des duels au pistolet :

  • contre Georges Clemenceau, que Déroulède avait accusé de corruption dans le scandale de Panama[7]. Le duel a lieu le à Saint-Ouen devant 300 personnes contenues par des gendarmes ; six balles échangées au commandement à 25 m, sans conséquence ; Jules Renard, dans son journal, pense que Déroulède a tiré en l'air lors de son duel au pistolet contre Clemenceau, se demandant s'il fera pareil avec Maurice Barrès[8].
  • contre Jean Jaurès à Hendaye le  : après un trait d'ironie de Jean Jaurès publié dans L'Humanité à propos d'une manifestation nationaliste devant la statue de Jeanne d'Arc à Paris, Paul Déroulède envoie une lettre de réponse le dans laquelle il accable Jean Jaurès. Ce dernier défie Déroulède en duel, bien qu'il considère ce défi comme « un geste ridicule mais nécessaire ». Ils échangent deux balles sans conséquence ; Jean Jaurès tira à terre et fut la risée de la presse[9],[10].

Principales publications

Caricature
  • Chants du soldat, Paris, Michel Lévy frères (1872) ; prix Montyon (1873) et prix Jean Reynaud (1894) de l’Académie française.
  • Nouveaux chants du soldat, Paris, Calmann-Lévy (1875).
  • Chants du soldat - Marches et sonneries, Paris, Calmann-Lévy (1881).
  • De l'éducation militaire, Paris, Librairie Nouvelle (1882).
  • Le Premier grenadier de France, La Tour d'Auvergne - étude biographique, Paris, Georges Hurtrel artiste-éditeur (1886).
  • Le Livre de la Ligue des patriotes, extraits des articles et discours de Paul Déroulède (1887).
  • Histoire d'amour, Paris, Calmaan-Lévy (1890)
  • Chants du paysan, Calmann-Lévy (1894) ; prix Jean Reynaud (1894) de l’Académie française.
  • Poésies militaires, illustrations de Pierre Georges Jeanniot, Paris, Calmann-Lévy (1896).
  • Affaire de la place de la Nation, procès Paul Déroulède - Marcel Habert : cour d'assises de la Seine, . Discours de Paul Déroulède et de Marcel Habert aux jurés de la Seine (1899)
  • 1870 - Feuilles de route Des Bois de Verrières à la Forteresse de Breslau, Paris, Société d'Édition et de Publications / Librairie Félix Juven (1907).
  • 70-71 - Nouvelles feuilles de route - De la Forteresse de Breslau aux Allées de Tourny, Paris, Société d'Édition et de Publications / Librairie Félix Juven (1907).
  • Pages françaises, précédées d'un essai par Jérôme et Jean Tharaud, Paris, Bloud et Cie (1909).
  • Qui vive ? France ! « Quand même » - Notes et discours (1883-1910), Paris, Bloud et Cie (1910).
Théâtre

Notes et références

  1. D'autres sources citent: "J'avais deux sœurs et vous m'offrez vingt nègres". Jean Martin, L'Empire triomphant, 1871/1936, Éditions Denoël, Paris, 1990, p. 384.
  2. Face au député Camille Dreyfus, il déclare : « Je suis surpris qu'un débat semblable soit précisément ouvert devant nous, non pas par un des trente-six millions de catholiques mis en cause, mais bien par un des cinq cent ou six cent mille israélites. […] Je proteste quand je vois que l'on veut déchristianiser la France pour la judaïser ! ».
  3. Michel Leymarie, De la belle époque à la grande guerre, Livre de poche, p. 106.
  4. Bertrand Joly, Déroulède, l'inventeur du nationalisme.
  5. Maurice Barrès, Scènes et doctrines du nationalisme, édition KontreKulture p. 237.
  6. Les funérailles de Paul Déroulède : Le Petit Parisien du 4 février 1914 sur Gallica.
  7. Encyclopædia Universalis, « PAUL DÉROULÈDE », sur Encyclopædia Universalis (consulté le ).
  8. « Journal Jules Renart (ABU) », sur ABU : La Bibliothèque Universelle : « On critique la décision de Jaurès. L'un affirme que Déroulède tirera en l'air ? qu'il l'a déjà fait pour Clemenceau. [1er décembre 1904] »
  9. « Le duel Jaurès – Déroulède / France Inter », sur France Inter (consulté le ).
  10. Vincent Duclert, « Politique et mélancolie au début du XXe siècle Jaurès et la lutte contre le nationalisme », Mil neuf cent. Revue d'histoire intellectuelle N°19, , p. 63 (lire en ligne)

Voir aussi

Bibliographie

Caricature de Paul Déroulède en Don Quichotte, par Charles Léandre
(Le Rire, no 232, 15 avril 1899).
  • Marie Aynié, « Une justification du coup de force de Déroulède du 23 février 1899 », Parlement[s], Revue d'histoire politique, Paris, L'Harmattan, no 12 « À l'heure du coup d'État », , p. 108-112 (lire en ligne).
  • Antoine de Baecque, Paul Déroulède poète patriote : la souffrance, la gloire, l'école, 1870-1885, Paris, Institut d'études politiques de Paris, 1987.
  • Antoine de Baecque, « Le poète de la « Revanche » », L'Histoire, no 152 « dossier Paul Déroulède, poète, patriote et putschiste », , p. 38-40.
  • Bertrand Joly, Paul Déroulède, thèse de doctorat, Paris IV, 1996, 4 vol.  dactylographiés.
  • Bertrand Joly, Déroulède : l'inventeur du nationalisme français, Paris, Perrin, , 440 p. (ISBN 2-262-01331-4, présentation en ligne), [présentation en ligne], [présentation en ligne].
  • Bertrand Joly, Dictionnaire biographique et géographique du nationalisme français, 1880-1900 : boulangisme, ligue des patriotes, mouvements antidreyfusards, comité antisémites, Paris, Honoré Champion, coll. « Dictionnaires & références » (no 2), , 687 p. (ISBN 2-85203-786-6, présentation en ligne), [présentation en ligne].
Réédition : Bertrand Joly, Dictionnaire biographique et géographique du nationalisme français, 1880-1900, Paris, Honoré Champion, coll. « Champion classiques. Références et dictionnaires » (no 2), , 687 p. (ISBN 2-7453-1241-3).
  • Bertrand Joly, « L'évolution de Paul Déroulède et de la Ligue des patriotes (1900-1913) », Mil neuf cent : Revue d'histoire intellectuelle, Société d’études soréliennes, no 19 « Y a-t-il des tournants historiques ? 1905 et le nationalisme », , p. 109-117 (lire en ligne).
  • Bertrand Joly, Nationalistes et conservateurs en France : 1885-1902, Paris, Les Indes savantes, , 390 p. (ISBN 978-2-84654-130-5).
  • (en) Maurice Larkin, « « La République en danger ? » : The Pretenders, the Army and Déroulède, 1898–1899 », The English Historical Review, vol. 100, no 394, , p. 85-105 (JSTOR 569928).
  • Jérôme et Jean Tharaud, La Vie et la Mort de Paul Déroulède », Paris, librairie Plon-Nourrit, 1925, 281 p.
  • Michel Winock, « La république de Paul Déroulède », L'Histoire, no 152 « dossier Paul Déroulède, poète, patriote et putschiste », , p. 40-46.
  • Michel Winock, Nationalisme, antisémitisme et fascisme en France, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Points. Histoire » (no H131), (1re éd. 1982, sous le titre Édouard Drumont et Cie : antisémitisme et fascisme en France), 504 p. (ISBN 978-2-7578-4307-9, présentation en ligne).

Archives

Les papiers personnels de Paul Déroulède sont conservés aux Archives nationales, site de Pierrefitte-sur-Seine, sous la cote 401AP : Inventaire du fonds.

Iconographie

Articles connexes

Paul Déroulède en compagnie de Jules Guérin et Marcel Habert

Liens externes

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