Ougarit

Ougarit (ou Ugarit ; en ougaritique : 𐎜𐎂𐎗𐎚[1]) est une ancienne cité du Proche-Orient, située dans l'actuelle Ras Shamra (initialement nommée Ras ech-Chamra, « cap du fenouil »), à onze kilomètres au nord de Lattaquié, en Syrie. Cette capitale de l'ancien royaume homonyme était au débouché d'une route qui joignait la mer Méditerranée au bassin mésopotamien, entre l'Empire hittite au nord et la sphère d'influence égyptienne au sud. Sans doute en activité dès 6000 AA et disparue vers 3200 AA, elle connait son apogée au tournant du IIe millénaire av. J.‑C.

Pour les articles homonymes, voir Ougarit (roman).

Ougarit
Ras Chamra, (ar) رأس شمرا

Entrée du site d'Ougarit (Ras Shamra) au nord de Lattaquié (côte syrienne)
Localisation
Pays Syrie
Gouvernorat Lattaquié
Coordonnées 35° 36′ 07″ nord, 35° 46′ 57″ est
Géolocalisation sur la carte : Syrie
Ougarit

Fouilles

Fouilles d'Ougarit en 1933.

Le site d'Ougarit est découvert à la suite d'un incident survenu sur le site voisin de Minet el-Beida, l'ancienne Mahadu, le port d'Ougarit. En 1928, un paysan de la famille Antar y découvrit une ancienne tombe, ce qui attira l'attention des archéologues français C. Schæffer et R. Dussaud, qui fouillèrent le site, avant d'effectuer d'autres prospections dans les alentours[2]. Ils mirent alors au jour les ruines d'Ougarit, sur le tell le plus important de la région de Lattaquié, Ras Shamra[3]. Les fouilles se poursuivent depuis, dirigées par des équipes d'archéologues français jusqu'aux années 1970, puis une équipe franco-syrienne qui a étendu les recherches dans tout l'arrière-pays d'Ougarit[2].

Le site de Minet el-Beida est actuellement impossible à fouiller en raison de la proximité d'une base navale, mais les fouilles continuent sur un autre site important de l'ancien royaume d'Ougarit, à Ras Ibn Hani[4]. Dans cette dernière ville, située le long de la mer à 5 kilomètres au sud-ouest de Ras Shamra, se trouvent deux ruines de palais construits pour la famille royale[5]. Le site même de Ras Shamra n'a encore été fouillé que sur 1/6 de sa superficie. On y a dégagé les principaux monuments, mais aussi des quartiers d'habitation. L'architecture de la cité était essentiellement faite en pierre, ce qui a assuré une bonne conservation de tout le bâti, et donne à ce site un attrait touristique non négligeable. Une autre raison du succès des fouilles de ce site est l'abondante documentation en tablettes cunéiformes[5], dans plusieurs langues, qui y a été exhumée[2]. Le site est fouillé de manière clandestine depuis le début de la guerre en Syrie, et a fait l'objet par l'UNESCO d'une inscription sur la liste du patrimoine en péril en juin 2013[réf. nécessaire].

Le royaume

Ougarit et les principaux sites de la Syrie sous la domination hittite (XIIIe siècle av. J.-C.)

Histoire

Un sondage archéologique a fait remonter l'habitat à Ougarit au Néolithique, où l'on y trouve les premères traces de céramique imprimée.[6] Mais les fouilles n'ont concerné que la période du Bronze Récent, entre le XIVe et le XIIe siècle av. J.-C. Avant cette période, la ville est mentionnée dans les archives de Mari (v. 1810-1760). Cette ville est alors vassale du puissant royaume du Yamkhad (Alep), et le roi de Mari, Zimri-Lim, allié du roi d'Alep, y effectue un voyage.

Notre connaissance de l'histoire d'Ougarit n'est bonne qu'à partir du milieu du XIVe siècle av. J.-C. Ce royaume est alors dirigé par Ammistamrou Ier et est un vassal de l'Égypte. Le roi suivant, Niqmaddou II, passe sous la domination hittite quand le roi de cet État, Suppiluliuma Ier, soumet la Syrie du Nord. Il conclut un traité de vassalité avec son nouveau suzerain. Son fils Ar-Halba participe à une révolte de vassaux syriens contre le roi hittite suivant, Mursili II, qui réussit à vaincre les rebelles. Ar-Halba est alors détrôné par son frère Niqmepa (1332-1260), qui se soumet à Mursili II, et conclut un nouveau traité avec lui.

Après cet épisode, les rois d'Ougarit demeurent des vassaux fidèles aux Hittites, qu'ils soutiennent dans les différents conflits qu'ils mènent, notamment contre l'Égypte. À la mort de Niqmepa, son fils Ammistamrou II (1260-1230) monte sur le trône d'Ougarit. Son règne est marqué par l'épisode de son divorce avec la fille du roi Bentesina d'Amurru, autre vassal des Hittites. Après la mort d'Ammistamrou II, Ibiranou (1230-1210) lui succède, puis Niqmaddou III (1210-1200). À cette période, ce sont les rois de Karkemish, issus de la lignée royale hittite, qui assurent généralement le contrôle de la Syrie par le Hatti. Ils interviennent donc à l'occasion dans les affaires du royaume d'Ougarit. C'est aussi de ce moment que datent la plupart des sources épigraphiques retrouvées à Ras-Shamra.

Un certain Ammourapi est roi de la ville au début du XIIe siècle av. J.-C. C'est alors que surviennent les invasions de ceux que l'on nomme les Peuples de la mer. C'est durant cette période chaotique, qui voit la destruction du royaume hittite et de nombreuses villes syriennes, qu'Ougarit est prise, pillée et détruite. Elle sera habitée par la suite par des paysans éleveurs de chèvres qui se servirent des habitats présents, comme en attestent les auges retrouvées, en les reconstruisant sommairement.

Organisation politique

Contrat au nom du roi Niqmepa scellé avec la copie du sceau dynastique.

Le premier personnage du royaume ougaritique est le roi (ougaritique mlk). Selon l'idéologie commune aux États de l'Orient ancien, il est à son poste parce qu'il a été choisi par les dieux (les dieux ayant un aspect souverain étant El et Baal). Il dirige l'administration, la justice, et en théorie l'armée, mais on voit rarement des souverains ougaritiques exercer une activité militaire. Le roi n'a de toute manière que peu d'autonomie concernant sa politique internationale, qui est dictée par son suzerain hittite.

L'entourage direct du roi est formé par sa famille, et les hauts dignitaires du royaume. La reine (mlk.t) est l'épouse principale du roi, et elle garde ce titre jusqu'à sa mort, même si son mari s'éteint avant elle. C'est la mère de l'héritier du trône, désigné par son père de son vivant.

Au niveau administratif, le personnage principal est le premier ministre (skn). Le royaume est divisé en plusieurs districts. L'administration locale est aux mains de « maires », agents du pouvoir royal, servant de relais avec les autorités des communautés locales, qui semblent être des conseils d'Anciens, ou bien de notables.

Société

La société ougaritique est d'après les textes divisée en deux groupes : les « hommes du roi » et les « fils d'Ougarit ».

Les premiers sont les membres de l'administration palatiale, dépendant donc du souverain. Ils exercent un métier en relation avec le palais. Ce sont donc des administrateurs, des artisans, des marchands, qui sont rétribués en rations ou en champs de subsistance. Dans ce dernier cas, la terre est attachée au service, même s'il semble que ces terres tendent à être appropriées par les tenanciers qui tentent de les faire passer à leur successeur. Le second groupe est composé essentiellement de ruraux, vivant dans des communautés villageoises et travaillant pour leur propre compte sur des champs leur appartenant.

Ces deux ensembles ne sont pas strictement opposés : certains personnages de rang notable peuvent exercer un service pour le compte du souverain, et donc rentrer dans la première catégorie, tout en ayant à côté des propriétés qu'ils exploitent librement.

À côté du groupe des hommes libres, il existait aussi une classe servile, sans doute assez limitée en nombre.

Agriculture

L'activité principale d'Ougarit était l'agriculture. Le territoire du royaume était un très bon terroir agricole, propice à la culture de la « trilogie méditerranéenne » : céréales, vigne et oliviers.

Les champs pouvaient soit appartenir au palais, soit être la possession de particuliers. Dans le premier cas, ils étaient soit attribués à titre de champ de subsistance à un particulier en échange d'une fonction (administrative, militaire, commerciale, artisanale) exercée pour le compte du palais, soit concédés à des fermiers. Les terres en dehors des possessions du palais, sur lesquelles nous ne sommes que très peu renseignés, étaient sans doute exploitées de manière indépendante.

Le terroir était organisé selon l'association d'une maison avec une terre, selon le système de « maisonnée ». Il existait aussi une unité économique agricole plus importante, appelée gt (littéralement « tour », sans doute organisée autour d'une ferme fortifiée).

Commerce

Vase à étrier mycénien, XIVe – XIIIe siècle av. J.-C., importé à Ougarit.

Ougarit dispose d'une position géographique privilégiée pour le commerce maritime, car il s'agit du seul port du littoral nord de la Syrie, entre Byblos et la Cilicie. De ce fait, c'est le seul débouché maritime possible pour toute la région du Moyen Euphrate. À côté de cela un commerce terrestre actif existait aussi le long du littoral méditerranéen, mais aussi vers l'intérieur des terres. Ougarit en tirait au Bronze récent un très grande prospérité, ce qui explique la grande richesse de cette ville à l'époque des sources qui nous documentent le mieux sur elle.

Le commerce concernait des produits divers : vin, huile d'olive, matières textiles et des colorants pour les produits exportés par Ougarit, tandis que d'autres produits, comme le cuivre chypriote ou d'autres métaux provenant d'Anatolie transitaient par ce port. De nombreux objets provenant de divers endroits du monde méditerranéen (Égypte, Chypre, Grèce mycénienne) ont été découverts lors des fouilles de Ras Shamra et Minet el Beida.

Les marchands (mkr) faisaient partie de la catégorie des « hommes du roi », qui accomplissaient un service pour le compte du palais en échange d'une rétribution en ration ou un champ de subsistance. Mais rien ne les empêchait de faire des affaires pour leur propre compte à côté. Les marchands avaient également une activité financière, et effectuaient des prêts. Ils étaient organisés en firmes familiales, disposant de plusieurs intermédiaires dans d'autres places commerciales. À l'inverse, des marchands étrangers s'installaient à Ougarit, ville très attractive pour l'exercice du commerce à longue distance.

La ville

La ville d'Ougarit est de loin la plus grande du royaume. Ses ruines forment actuellement un tell de plus de 25 hectares. De part et d'autre de celui-ci, deux cours d'eau, le Nahr ed-Delbe et le Nahr Chbayyeb, coulent en direction de la mer.

Deux autres sites d'importance notable de l'ancien royaume d'Ougarit ont également été fouillés : Minet el-Beida, l'antique Mahadou, le port d'Ougarit, et Ras Ibn Hani, une résidence palatiale située sur une presqu'île surplombant la mer Méditerranée à l'ouest de la capitale. Des agglomérations de moindre importance ont été mises au jour dans la plaine de Jablé, plus au sud.

Urbanisme

Exemple d'un aménagement hydraulique à Ougarit : une canalisation.

Ougarit était divisée en divers quartiers résidentiels, dont un certain nombre ont été fouillés. Les maisons étaient regroupées en îlots, séparés par des rues souvent minces et tortueuses. Leur taille est très variable : de 50 à plus de 500 m2 pour celles des plus riches. Il n'y avait pas de séparation de l'espace par la richesse, les habitations des plus riches côtoyant celles des plus modestes. Les résidences comportaient généralement un étage, le rez-de-chaussée étant consacré au stockage et au travail, ainsi que des aménagements hydrauliques pour l'alimentation en eau (puits, canalisations). Certaines maisons ont fourni des lots d'archives privées. Les quartiers résidentiels comportaient également des bâtiments où on se livrait à une activité artisanale, ainsi que des petits temples.

Secteur palatial

Vue des ruines du palais royal d'Ougarit.

La zone où se trouvait le palais royal est située au nord-ouest du tell, séparée du reste de la ville. Elle est organisée autour d'une cour centrale. Séparément du palais lui-même, on y trouvait une salle de réception, une salle pour la garnison du palais, les appartements de la reine-mère ainsi qu'un chapelle. Les résidences de certains hauts fonctionnaires avaient été construites plus au sud.

Le palais en lui-même couvre 7 000 m2. On sait qu'il comportait un étage, où se trouvaient les appartements royaux ainsi qu'un espace administratif, qui s'est effondré après la destruction du site. On trouve une nécropole au sous-sol, selon la tradition syrienne. Le palais comporte une entrée protégée, une salle du trône, ainsi qu'un jardin dans sa partie est.

L'Acropole

La zone dite de l'Acropole se trouvait au nord-est de la ville, et surplombait le reste des quartiers d'habitations. C'est sans doute la zone sacrée de la ville, puisqu'on y trouvait le temple de deux grandes divinités : Baal et Dagan. Ils avaient tous deux la forme d'une tour, ce qui leur permettait d'être visible de très loin. À proximité, la maison du « Grand Prêtre » a été le lieu de découverte de divers textes religieux, rituels et récits mythologiques.

Religion

La religion d'Ougarit est surtout connue par des sources textuelles, même si les fouilles des divers temples situées dans la capitale du royaume nous renseignent sur des pratiques cultuelles, notamment les offrandes. Les textes exhumés sont pour une part des rituels, des textes d'offrandes, mais aussi des mythes, dont une partie notable est propre à Ougarit, et témoigne d'un fonds religieux souvent appelé « cananéen », qui présente plusieurs parallèles intéressants avec des passages de l'Ancien Testament.

Le dieu qui occupe la position de souverain divin dans les textes religieux d'Ougarit est El (Ilu), dont le nom signifie littéralement « Dieu ». C'est le père des autres divinités ougaritéennes. Dans les textes mythologiques, El délègue certains de ses attributs au dieu Baal, le dieu de l'Orage, qui dispose d'un grand temple sur l'Acropole de la ville et qui, dès lors, "assure, sous l'autorité du dieu suprême (El), le cycle régulier des saisons, le retour du printemps, et la fécondité des troupeaux et des hommes"[7]. Son nom, signifiant « le Seigneur », est en fait une épithète, son nom originel étant Haddu/Hadad. Baal est le héros du plus grand texte mythologique ougaritain, le Cycle de Baal. Les déesses les plus importantes du panthéon sont Anat, la sœur de Baal, Athtart, la déesse de l'amour et de la guerre (version locale d'Ishtar ou Astarté), Shapash, la déesse-soleil, et Asherat, la parèdre d'El.

Artisanat

Les artisans d'Ougarit étaient compétents dans de nombreux domaines : poterie, métallurgie, orfèvrerie, travail de l'ivoire, textile, et également celui du travail des matières vitreuses. Le royaume ougaritain produisait ainsi une quantité importante d'objets de luxe pouvant être exportés.

Céramique

La céramique produite à Ougarit est souvent assez grossière, sans décors, ou bien peinte. Les formes attestées en grand nombre sont les jarres, chopes, cratères ou des vases biconiques. La poterie peinte l'est généralement avec une seule couleur, choisie parmi une nuance de rouge ou de noir. Les motifs représentés peuvent être de type géométrique, ou bien figurés, reprenant des thèmes animaliers, ou bien mythologiques. Si le répertoire s'inspire d'un fonds syro-levantin, il y a néanmoins une certaine originalité dans le travail des potiers d'Ougarit.

Sculpture

Les artistes d'Ougarit ont une certaine prédilection pour les stèles sur pierre, dont un certain nombre ont été retrouvées, dont la plus célèbre est la Stèle du « Baal au foudre », aujourd'hui au Musée du Louvre. Assez peu de statues en ronde-bosse nous sont parvenues, l'exemple le plus remarquable étant la statue représentant le dieu El assis sur un trône, exécutée dans un style typiquement syrien, puisqu'elle rappelle des œuvres de même type provenant de Qatna. Tous ces objets de belle facture témoignent de l'existence d'une bonne école de sculpteurs sur pierre dans le royaume ougaritain.

Métallurgie et orfèvrerie

L'artisanat du métal est assez bien attesté à Ougarit. On a retrouvé des ateliers de métallurgistes et d'orfèvres, qui ont livré des moules, destinés à fabriquer des outils (haches, ciseaux, lames), ou bien des bijoux. On utilisait surtout le bronze, et également le fer, ainsi que des métaux plus précieux comme l'or pour les objets de luxe.

Parmi la production des métallurgistes d'Ougarit, on note la présence de nombreuses petites statuettes en bronze, finement exécutées, représentant des divinités en position assise ou debout. Certains objets de vaisselle de luxe font partie des plus beaux objets d'art retrouvés dans la ville. On a ainsi retrouvé deux coupes en or finement décorées près du temple de Baal, dont la « patère de la chasse », nommée ainsi parce qu'un de ses deux registres représente une chasse royale.

Ivoire

Les artisans ivoiriers d'Ougarit travaillaient l'ivoire d'hippopotame ainsi que celui d'éléphant[8]. L'une des œuvres la plus remarquable de ce type est un panneau de lit sculptée retrouvé dans le palais royal, représentant des scènes exaltant la figure royale (chasse, guerre), et la dévotion du souverain aux dieux[9],[10]. La plupart des objets en ivoire proviennent d'un contexte funéraire. Ils sont généralement de petite taille, et assez finement exécutés[10],[11]. On a trouvé de nombreuses boîtes à fard, que l'on rencontre dans d'autres sites levantins. Un des chefs-d'œuvre des ivoiriers ougaritains est la « dame aux bouquetins », sculptée en relief sur ce qui semble être le couvercle d'une pyxide. Elle représente une déesse de la fécondité nourrissant deux bouquetins avec des rameaux[8].

Matières vitreuses

Des vases et autres objets réalisés en « faïence » (en réalité une pâte silicieuse glaçurée) se retrouvent à Ougarit comme dans tout le Levant de l'âge du bronze moyen et récent. Il s'agit souvent de céramiques d'un type assez luxueux, portant parfois des décors témoignant d'influences égyptiennes et égéennes.

Les scribes d'Ougarit

Ville commerciale par excellence, Ougarit est de ce fait une place très cosmopolite. Cela se retrouve dans le fait qu'on y a trouvé des documents dans huit langues et quatre écritures différentes. On est ainsi en présence de l'ougaritique, noté en alphabet ougaritique, cunéiforme, de l'akkadien, du sumérien, du hittite et du hourrite, écrits en cunéiformes traditionnel, de l'égyptien, en hiéroglyphes, du chypro-minoen, écrit dans son propre syllabaire, et du louvite, en hiéroglyphes hittites.

Les scribes ougaritains suivant le cursus le plus classique devaient au moins connaître l'akkadien, avec des rudiments de sumérien nécessaires à la compréhension de l'écriture cunéiforme, en plus de leur langue maternelle, l'ougaritique. L'apprentissage de ces langues se faisait par la méthode classique mise au point en Mésopotamie : listes lexicales présentant des mots d'une langue avec leur équivalent dans une autre, et exercices de copie. Cet apprentissage pouvait se faire à partir de l'ougaritique et de son écriture alphabétique. On mêlait donc le fonds traditionnel mésopotamien au cadre local. Certains scribes pouvaient ensuite se spécialiser dans un certain domaine, ou apprendre d'autres langues et écritures.

L'opposition entre tradition locale et mésopotamienne se retrouve dans les œuvres littéraires attestées à Ougarit. On a ainsi mis au jour des textes classiques de la littérature suméro-akkadienne, rédigés en akkadien. Les compositions propres à Ougarit étaient elles rédigées dans la langue et l'écriture locales : ce sont des grands textes mythologiques, dont le plus célèbre est le Cycle de Baal, ou bien des rituels religieux. On n'a visiblement pas traduit des textes d'une langue à l'autre. Du point de vue de la pratique, les actes administratifs concernant les affaires intérieures du royaume, ainsi que la correspondance locale étaient majoritairement écrits en ougaritique, et un peu en akkadien. Les textes traitant des affaires internationales étaient rédigés exclusivement en akkadien, langue diplomatique de l'époque, aussi employé dans le domaine judiciaire.

Notes et références

  1. Le nom de la ville et l'alphabet ougaritique sur le site de l'INALCO.
  2. Marguerite Yon, « Recherches - à Ougarit », dans Marguerite Yon et al., Ougarit au Bronze moyen et au Bronze récent : Actes du colloque international tenu à Lyon en novembre « Ougarit au IIe millénaire av. J.-C. État des recherches », vol. 47, Lyon, Maison de l'Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux, coll. « Travaux de la Maison de l'Orient et de la Méditerranée », (lire en ligne), page 17 à 25.
  3. Afif Bahnassi et C. Schaeffer-Forrer, « Ras Shamra -, par la Mission Archéologique de Ras Shamra : Principaux quartiers et monuments du bronze récent, XVe - XIIIe s. », dans Afif Bahnassi, Adnan Bounni, C. Schæffer et al., Les périodes anciennes Ougarit. Urbanisme et topographie, vol. Hors série 3, Lyon, Maison de l'Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux, coll. « Collection de la Maison de l'Orient », , 52 p..
  4. Adnan Bounni, Elisabeth Lagarce, Jacques Lagarce et Nassib Saliby, « Rapport préliminaire sur la deuxième campagne de fouilles (1976) à Ibn Hani (Syrie). », Syria, vol. Tome 55, no fascicule 3-4, , pages 233-301 (DOI 10.3406/syria.1978.6640, lire en ligne, consulté le ).
  5. Jacques Lagarce et Élisabeth Lagarce, « Découvertes archéologiques à Ras Ibn Hani près de Ras Shamra : un palais du roi d'Ugarit, des tablettes inscrites en caractères cunéiformes, un établissement des peuples de la mer et une ville hellénistique. », Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, vol. 122e année, no 1, , pages 44-65 (DOI 10.3406/crai.1978.13434, lire en ligne, consulté le ).
  6. Henri de Contenson, Préhistoire de Ras Shamra, Paris, Études et Recherche sur les Civilisations, , 424 (vol I) p. (ISBN 9782865382323)
  7. Schaeffer Claude F.-A. Le culte d'El à Ras Shamra (Ugarit) et le veau d'or (supplément à la séance du 25 février). In: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 110e année, N. 2, 1966. pp. 327-338; doi : https://doi.org/10.3406/crai.1966.11994 https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1966_num_110_2_11994
  8. Annie Caubet, « La musique à Ougarit », Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, vol. 131e année, , page 732, 733, 738 et 739 (DOI 10.3406/crai.1987.14552).
  9. Jacqueline Gachet-Bizollon, « Le panneau de lit en ivoire de la Cour III du Palais Royal d'Ougarit. », Syria, vol. Tome 78, , pages 19-82 (DOI 10.3406/syria.2001.7698, lire en ligne, consulté le ).
  10. Jacqueline Gachet-Bizollon, « Formes « mycéniennes » dans les ivoires d'Ougarit : problèmes d'ateliers », Bulletin de correspondance hellénique, vol. 127, no livraison 1, , p. 87-99 (DOI 10.3406/bch.2003.7123, lire en ligne, consulté le ).
  11. Valérie Matoïan, « Le mobilier du Palais royal d’Ougarit : Un nouveau programme de recherche », dans Valérie Matoïan et al., Ougarit au Bronze moyen et au Bronze récent : Actes du colloque international tenu à Lyon en novembre 2001 « Ougarit au IIe millénaire av. J.-C. État des recherches », vol. 47, Lyon, Maison de l'Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux, coll. « Travaux de la Maison de l'Orient et de la Méditerranée », (lire en ligne), pages 129 à 134.

Bibliographie

Découvertes archéologiques

  • Marguerite Yon, La cité d'Ougarit sur le tell de Ras Shamra, Éditions Recherches sur les civilisations,
  • Geneviève Galliano et Yves Calvet (dir.), Le royaume d'Ougarit : aux origines de l'alphabet, Paris et Lyon, Somogy éd. d'art et Musée des Beaux-Arts de Lyon,

Histoire, société et culture

  • (en) Wilfred G. E. Watson et Nicolas Wyatt (dir.), Handbook of Ugaritic studies, Leyde, Boston et Cologne, Brill, coll. « Handbuch der Orientalistik »,
  • (en) « The Mysteries of Ugarit : History, Daily Life, Cult », Near Eastern Archaeology, American Schools of Oriental Research, vol. 63, no 4,,
  • (en) Ignacio Márquez Rowe, « Ugarit », dans Raymond Westbrook (dir.), A History of Ancient Near Eastern Law, vol. 1, Leyde, Brill, coll. « Handbuch der Orientalistik », , p. 719-735
  • Jacques Freu, Histoire politique du royaume d'Ugarit, Paris, L'Harmattan, coll. « Kubaba / Antiquité »,
  • Gregorio del Olmo Lete, « Mythologie et religion de la Syrie au IIe millénaire av. J.-C. (1500-1200) », dans Gregorio del Olmo Lete (dir.), Mythologie et religion des Sémites occidentaux : II: Émar, Ougarit, Israël, Phénicie, Aram, Arabie, Louvain, Peeters, coll. « Orientalia Lovaniensia Analecta », (ISBN 978-90-429-1897-9), p. 25-163
  • Josette Elayi, Histoire de la Phénicie, Éditions Perrin, Paris 2013.

Recueils de textes

  • André Caquot et Maurice Sznycer, Textes ougaritiques : t. 1 Mythes et légendes, Paris, Éditions du Cerf, coll. « Littératures anciennes du Proche-Orient »,
  • André Caquot, Jean-Michel de Tarragon et Jose Luis Cunchillos, Textes ougaritiques : t. 2 Textes religieux et rituels, correspondance, Paris, Éditions du Cerf, coll. « Littératures anciennes du Proche-Orient »,
  • Sylvie Lackenbacher, Textes akkadiens d'Ugarit, Paris, Éditions du Cerf, coll. « Littératures anciennes du Proche-Orient », , 397 p. (ISBN 978-2-204-06701-0)
  • Denis Pardee, Les textes rituels, Paris, Éditions Recherches sur les civilisations, coll. « Ras Shamra-Ougarit »,
  • Gabriel Saadé, Ras -Shamra, ruines d'Ugarit, Beyrouth, 1954

Liens externes

Articles connexes

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