Noé (patriarche)

Noé (hébreu : נֹחַ nōa'h ; arabe : نوح nûh : repos ou consolation) est un personnage de la Bible[1] qui devient l'objet de légendes dans les traditions juives et chrétiennes. Il figure aussi dans le Coran[2]. Il est considéré comme un des patriarches des religions abrahamiques par la majorité des courants du judaïsme, du christianisme et comme un prophète par l'islam.

Pour les articles homonymes, voir Noé.

Noé
Noé fait sortir une colombe de l'arche,
mosaïque de la basilique Saint-Marc de Venise (XIIe siècle)

נֹחַ

Activité principale
Patriarche du judaïsme, du christianisme et prophète pour l'islam
Autres activités
Ancêtre de tous les hommes après le Déluge
Ascendants
Lamech (père)
Descendants

Selon le récit biblique, Noé a une femme et trois fils : Sem, Cham et Japhet. Sous les ordres de Dieu, il bâtit une arche afin d'échapper au Déluge. Lui et sa famille étant les seuls humains épargnés, Noé et sa femme sont considérés par la tradition comme les ancêtres de toute l'humanité[3],[4]. La Genèse lui attribue une vie de 950 ans.

Ce récit présente des similitudes avec l'Épopée de Gilgamesh, légende sumérienne de l’ancienne Mésopotamie (Irak moderne)[5].

On classe Noé parmi les patriarches bibliques.

Le nom de sa femme n'est pas mentionné dans la Bible. Le Livre des Jubilés l'appelle Emzara, des écrits apocryphes chrétiens l'identifient à Haykêl, descendante d'Hénoch, et des midrashim (la Genèse Rabba et le Sefer haYashar) à Naamah, fille de Lamech de la lignée de Caïn et de Tsillah (pour le premier), fille d'Hénoch, l'arrière-grand-père de Noé (pour le second)[6].

Récit biblique

Selon les chapitres 6 et 7 de la Genèse, Noé est le fils de Lamech[7]. Il descend de Seth, le fils d'Adam. Neuf générations séparent Noé d'Adam.

Suivant l'analyse de la Genèse 5, Noé est né 1 056 ans après la création par Dieu d'Adam et mourut 2 006 ans après celle-ci, il fut donc contemporain des patriarches : Énosch, Kénan, Mahalaleel, Jéred (Yared), Metuschélah (Mathusalem) et Lémec.

Le récit du Déluge se place en 2 348 ans avant l'ère chrétienne, quand Noé avait 600 ans (chronologie de l'archevêque James Ussher).

Analyse de la Genèse 5 démontrant sur la durée la coexistence des patriarches.
Construction de l’arche de Noé, terre cuite émaillée, Masséot Abaquesne, 1550-1560, château d’Écouen.

L'arche de Noé

Depuis Adam, les Hommes sont devenus mauvais, et Dieu projette d'exterminer toute forme de vie. Il décide d'épargner toutefois Noé, le seul Homme juste et intègre dans son temps. Il lui ordonne de fabriquer une arche, et de s'y réfugier avec sa femme, ses fils et leurs femmes, ainsi que des couples de chaque espèce animale. Puis Dieu déclenche le Déluge, une pluie battante qui submerge les montagnes et tue tous les animaux et tous les humains. Seule l'arche flotte.

Après 40 jours, la pluie s'arrête mais la terre est entièrement sous l'eau. La décrue s'amorce, et un jour, Noé lâche une colombe qui revint avec un rameau d'olivier au bec.

Il la relâche sept jours après et elle ne revient plus, signe que la terre se découvre de plus en plus. Au bout de quelques mois, l'arche repose sur le Mont Ararat en Arménie historique. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle cette montagne est vénérée par tous les arméniens.

Lorsque la terre est enfin sèche, Dieu dit à Noé de faire sortir tous les animaux et leur enjoint de se multiplier à nouveau sur la surface de la terre.

Dieu fait alors alliance avec Noé, ses fils et leur postérité. Il leur donne pour nourriture tout animal et végétal, condamne le meurtre, et leur ordonne d'être féconds. Puis il promet qu'il n'y aura plus de Déluge et désigne l'arc-en-ciel comme signe d'alliance entre lui et la terre.

Noé dénudé et ses fils au pied de l'arbre de Jessé en forme de cep de vigne.

L'ivresse de Noé

L'Ivresse de Noé, fresque de la chapelle Sixtine réalisée par Michel-Ange

Les fils de Noé sont Sem, Cham et Japhet.

Un jour, Noé, qui a trop bu de vin de sa vigne, s'endort et se trouve nu dans une tente[8]. Cham voit la nudité de Noé et le raconte à ses frères ; ceux-ci le rhabillent en lui tournant le dos.

À son réveil, Noé maudit Canaan, le fils de Cham, et le condamne à être serviteur de Sem et Japhet.

Noé meurt à 950 ans.

Dans la tradition judéo-chrétienne

Le nom de Noé en hébreu, Noah, est formé des deux lettres Noun et Het. Inversées, ces deux lettres forment le mot 'Hen, grâce ; les deux mots figurent dans la Genèse[9] : « Mais Noé (Noah, Noun Het) avait trouvé grâce (Hen, Het Noun) aux yeux de Yahvé ». Si Noé se regarde « dans les yeux » de YHWH, il y trouve « grâce », son nom inversé, comme dans un miroir.

Dans la deuxième épître de Pierre, Noé est qualifié de « prédicateur de justice »[10].

L'épisode de l'ivresse de Noé est aussi appelé la Malédiction de Cham. Dans les Manuscrits de Qumrân, cet épisode ne fait état ni d'ivrognerie ni de nudité, ni de malédiction ; il y est question de rendre grâce à Dieu après une fête consécutive à la première vendange après le déluge[11].

La liste des descendants de Noé constitue ce que l'on a appelé la Table des peuples.

Naissance de Noé

Le récit de la naissance de Noé est développé dans le livre d'Hénoch et dans l'Apocryphe de la Genèse (en) qui a été retrouvé parmi les manuscrits de la mer Morte.

À la naissance de Noé, celui-ci a une apparence si extraordinaire :

« Quand l'enfant naquit, son corps était plus blanc que neige et plus rouge qu'une rose, toute sa chevelure était blanche comme de blancs flocons, bouclée et splendide. Et quand il ouvrit les yeux, la maison brilla comme le soleil »[12],[13].

que Lamech accuse sa femme Bat-Enosh d'avoir conçu leur fils avec un nephilim ou un ange. Devant ses dénégations, Lamech va demander conseil à son père Mathusalem et à son grand-père Hénoch. Celui-ci lui enseigne que des anges déchus ont, à son époque, fréquenté des femmes humaines ; et que c'est l'essence de l'un d'eux qui a traversé les générations jusqu'à son fils Noé[14].

Une image prophétique chez les chrétiens

Les prophètes Isaïe et Ézéchiel ainsi que Jésus de Nazareth mentionnent Noé. Jésus et l'apôtre Pierre ont déclaré que les jours de Noé préfigurent « l'avènement du Fils de l'Homme » (le retour glorieux du Christ à la fin des temps) et un futur jour de jugement et de destruction des hommes impies »[15],[16],[17] : « Ce qui arriva du temps de Noé arrivera de même à l'avènement du Fils de l'homme. Car, dans les jours qui précédèrent le déluge, les hommes mangeaient et buvaient, se mariaient et mariaient leurs enfants, jusqu'au jour où Noé entra dans l'arche ; et ils ne se doutèrent de rien, jusqu'à ce que le déluge vînt et les emportât tous : il en sera de même à l'avènement du Fils de l'homme. »

Dans le Coran et dans l'islam

Mausolée sur l'histoire du prophète Noé selon l'islam, Cizre, Turquie.

Noé (arabe نوح Nūḥ) et son histoire sont présents dans plusieurs sourates coraniques[note 1],[note 2],[18]. Il est cité 43 fois dans ce texte[19] et la sourate 71 lui est particulièrement consacrée. Elle en porte le nom[note 3],[18].

Il existe un certain nombre de similitudes mais aussi des différences entre la figure de Noé dans la Bible et celle dans le Coran. Dans la Bible, en effet, Noé est, avant tout, présenté comme un "juste" alors que le texte coranique accentue sa dimension prophétique. Il est "Prophète" et "Envoyé" (Rasul), ayant ainsi pour mission de transmettre le message divin descendu sur terre sous forme de révélation ("Rissala" = Le message). Ibn Kathir remarque que Noé est le premier rasul, Adam n'étant que "prophète". En raison de cette double fonction, Noé inaugure l'histoire musulmane de la Révélation, qui sera close par Mahomet. Cela explique la proximité coranique entre les deux personnages[18]. Jacqueline Chabbi dans Le Coran décrypté - Figures bibliques en Arabie (éd. Fayard 2008) explique comment « les appropriations bibliques se mettent très progressivement en scène ». Dans son chapitre VI, Narrations bibliques de périodes mekkoise, elle se pose la question de savoir si Mahomet pouvait être un alias de Noé. Son argumentation repose sur l'analyse du « discours de Noé » (sourate XI, 25-35 et 36-49), double presque parfait des passages du Coran VI, 50,90 et XXV, 7,20 qui concernent explicitement les missions de Mahomet[20]. Une autre différence est que, pour l'islam, c'est Noé qui demande l'extermination de l'humanité dans la sourate 71[18]. Le Coran raconte que certains membres de sa famille ont péri. Un des fils de Noé n'a pas embarqué sur l'arche, se croyant à l'abri sur les hauteurs[18],[note 4]. De la même manière que les Homélies pseudo-clémentines rejetaient les critiques faites aux prophètes, le Coran n'évoque pas l'épisode de l'ivresse de Noé[21].

La littérature islamique non coranique s'est fortement inspirée des sources judéo-chrétiennes, en particulier midrashique pour compléter l'histoire de Noé transmise par le Coran. Selon ces récits, il a été appelé pour un apostolat "dans un monde sans foi ni loi". Le Coran cite les divinités idolâtres vénérées par le peuple de Noé dans la Sourate qui porte le même nom[note 1] : Wudd, Soua'â (Souwa'â), Yaghouth, Ya'â'ouq et Nasr[18]. Cet apostolat dura des centaines d'années sans résultat et Noé appela alors à la justice divine. Il planta alors les arbres qui devaient lui servir à construire l'arche. Selon certaines traditions, contredites par d'autres, les femmes devinrent stériles pendant cette période. Les traditions complètent le récit coranique particulièrement laconique sur la forme de cette arche. Selon Tabari, elle mesure 1200 coudés de long et 600 de large[18]. Noé aurait alors embarqué un couple de chaque espèce, sa famille (l'embarquement de sa femme, ayant trahi à l'instar de l'épouse du prophète Loth pendant la destruction de Sodome et Gomorrhe, fait débat) et sa communauté. Le déluge fut, pour la plupart des exégètes, une catastrophe planétaire[18]. Pour Commero, le terme coranique "déluge" doit davantage être compris comme un événement local[19]. Selon les traditions islamiques s'inspirant de la Peshitta[22], l'arche s'est posée sur le mont Djoudi, lieu ayant donné lieu à de nombreuses spéculations mais généralement accepté comme étant près de Mossoul en Iraq[18]. D'après le Coran, il vécut 950 ans[18].

Personnages similaires

Si l'on exclut les traditions orales, le plus ancien récit connu, le mythe de Gilgamesh apparu vers 2300 avant l'ère chrétienne (donc contemporain de la datation du Déluge biblique par James Ussher) relate longuement l'histoire d'un déluge décidé par les dieux. Un homme cependant fut épargné par l'un d'eux qui lui indiqua comment construire une embarcation où, le jour venu, il fit monter par couples toutes les espèces animales qu'il fallait sauver.

Cet homme porte différents noms selon la tradition qui en rapporte l'épopée : Ziusudra à Sumer, Outa-Napishti ou Atrahasis à Babylone avec de nombreuses variantes.

Notes et références

Notes

  1. Le Coran, « Noé », LXXI, 23, (ar) نوح
  2. Traduction d’Albin de Kazimirski Biberstein, « Sourate 26 », dans Coran, Librairie Charpentier, (lire en ligne), p. 292–302
  3. Le Coran, « Noé », LXXI, (ar) نوح
  4. Pour Comerro, cette péricope pourrait être une "mise en récit d’Ézéchiel 14, 16"

Références

  1. Genèse 6,1–10,32
  2. Le Coran, « Noé », LXXI, (ar) نوح
  3. voir Table des peuples
  4. Genèse 10
  5. Samuel Noah Kramer, L'Histoire commence à Sumer
  6. Cf. (en) Wives aboard the Ark.
  7. Genèse 5
  8. Genèse 9,20-27
  9. Genèse 6,8
  10. 2 Pierre 2,5
  11. Manuscrits de la mer morte, version intégrale, Plon éditeur, 2001, page 93 - manuscrit référencé : 1QapGen ; colonne 13
  12. Traduit et cité par Pascale Jeambrun, « L'albinisme : données historiques », Histoire des Sciences médicales, vol. 47, no 2, , p. 195. à partir de (en) A.M. Knibb, The ethiopic book of Henoch, Oxford University Press, , p. 244.
  13. Selon Jeambrun, cette naissance miraculeuse a été médicalement interprétée comme un albinisme (en) A. Sorsby, « Noah, an albino », British Medical Journal, , p. 1557-1587.
  14. The Genesis Apocryphon of Qumran Cave 1 (1Q20): A Commentary p.122 Joseph A. Fitzmyer 2004
  15. 2 Pierre 3,5-7
  16. 2 Pierre 2,5,6
  17. Matthieu 24,37-39)
  18. "Noé", dans Dictionnaire du Coran, Paris, 2007, p. 598 et suiv.
  19. Viviane Comerro, « Un Noé coranisé », Revue de l’histoire des religions, no 4, , p. 623–643 (ISSN 0035-1423, DOI 10.4000/rhr.8474, lire en ligne, consulté le )
  20. Jacqueline Chabbi dans Le Coran décrypté - Figures bibliques en Arabie, éd. Fayard 2008, chapitre VI
  21. Gobillot, Geneviève. « Le Coran, guide de lecture de la Bible et des textes apocryphes », Pardès, vol. 50, no. 2, 2011, pp. 131-154.
  22. Muriel Debié, « Noé dans la tradition syriaque. Une mer de symboles », Revue de l’histoire des religions, no 4, , p. 585–622 (ISSN 0035-1423, DOI 10.4000/rhr.8472, lire en ligne, consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

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