Atrahasis

Atrahasis (de l'akkadien ḫaṭṭu ḫasīsu, « sceptre de l'ingéniosité ») est un personnage de la mythologie mésopotamienne qui aurait survécu au déluge et obtenu des dieux l'immortalité. Sa légende est contée dans l'Épopée d'Atrahasis, dite aussi Poème du Supersage ou Poème du Très Sage.

Dans les versions antérieures en langue sumérienne, il correspond à Ziusudra (littéralement « Jours à la vie prolongée »).

L'histoire de Noé, le personnage de la Genèse, évoque celle d'Atrahasis dont le mythe était conté par deux sources principales : l'Épopée de Gilgamesh (sous le nom d'Uta-Napishtim) et l'Épopée d'Atrahasis.

L'Épopée d'Atrahasis ou Poème du Supersage

Rédigée en langue sémitique akkadienne, elle date probablement du XVIIIe siècle av. J.-C. C'est une sorte de compilation des mythes traditionnels mésopotamiens de la Création et du Déluge.

Contenu

Première tablette du Poème du Supersage en écriture cunéiforme, British Museum.

Le récit se compose de 1 200 vers environ.

Ce récit est notamment à rapprocher du mythe sumérien d'« Enki et Ninhursag ». En particulier, la version du Déluge qu'il relate est similaire à celle de l'Épopée de Gilgamesh, écrite chez les Sumériens à peu près à la même époque, et elle sera ensuite reprise dans la Bible (rédaction s'étendant du VIIe siècle av. J.-C. ou VIe siècle av. J.-C., à l'époque perse pour certains, d'autres — l'école de Göttingen — reportant la rédaction finale de la Bible à la période hellénistique) et dans le Coran, en particulier dans la sourate 11, intitulée « Houd ».

Elle figure également dans l'histoire de Yima / Jamshid (tradition zoroastrienne fondée par Zarathoustra / Zoroastre au cours du Ier millénaire av. J.-C.), dans la Babyloniaka rédigée au IIIe siècle av. J.-C. par Bérose, texte perdu mais dont l’historien chrétien Eusèbe de Césarée (début du IVe siècle) en retiendra la légende de Xisouthros / Ziusudra, dans de nombreux textes relatifs à la mythologie grecque (en particulier, le Catalogue des femmes recueilli par Strabon, le déluge d'Ogygès, le déluge de Deucalion, la légende des pierres jetées par Deucalion rapportée par Acousilaos, les Olympiques de Pindare, la Pyrrha d'Épicharme aujourd'hui perdue), dans Les Métamorphoses d'Ovide, dans la Bibliothèque de pseudo-Apollodore, etc.

Dans la première partie de l'Épopée d'Atrahasis, il est expliqué comment les dieux étaient à l'origine divisés en deux groupes ; les divinités de second ordre (Igigi) travaillant pour celles de premier ordre (Annunaki), qui vivaient tranquillement dans l'oisiveté. Mais comme les premiers avaient du fait de cette inégalité décidé de cesser leur travail — en ayant même fini par briser leurs instruments de travail — jusqu'à ce qu'une solution soit trouvée, les grands dieux s'étaient réunis sous la menace de la famine, leur roi Enlil, furieux, menaçant de tuer les Igigi. Son frère Ea (nom sémitique du dieu sumérien Enki), se rendant compte que cela ne résoudrait évidemment rien, et cherchant à le calmer, proposa alors, pour résoudre le problème, de créer l'Homme ; celui-ci serait semblable aux dieux, sauf qu'il ne serait pas immortel ; les hommes travailleraient pour nourrir (au moyen de sacrifices) les Annunaki à la place des Igigi, et accessoirement aussi ces derniers, mais en ayant moins de pouvoir qu'eux. L'idée fut acceptée à l'unanimité. L'Homme fut conçu avec de l'argile, de manière à pouvoir le façonner, argile à laquelle on ajouta le sang du dieu Wê-ilu (qui donna le nom awîlu(m), l'« homme (libre) »), immolé, pour rendre l'argile plus malléable. Puis la déesse-mère Ninmah insuffla la vie à l'être ainsi créé en crachant dans cette mixture. Le Panthéon retrouva son calme.

La seconde partie dit que les hommes exécutent leur tâche à la perfection, mais qu'ils sont cependant très gênants pour les dieux maintenant tous oisifs, qui ne peuvent plus trouver de repos dans le vacarme que font les hommes, d'autant plus que ces derniers ne cessent de se multiplier et que leur nombre croît sans cesse. Pour résoudre ce nouveau problème, Enlil, le dieu suprême, envoya d'abord de terribles épidémies, puis la famine pour décimer ses serviteurs. Mais Ea, dieu des eaux douces, protecteur des humains — son œuvre — déjouait toujours ses plans par l'intermédiaire de son protégé Atrahasis, le « très sage », un homme qui prévenait les siens à chaque danger. Enlil, de plus en plus exaspéré, décida d'en finir une fois pour toutes avec les humains en déclenchant le Déluge, et en interdisant à Ea de communiquer avec quelconque d'entre eux en tête à tête, afin qu'Ea ne puisse cette fois encore les avertir. Mais ce dernier contourna la difficulté en s'adressant à Atrahasis en songe, et en lui parlant à travers une palissade, lui enjoignant de construire une arche étanchée au bitume et d'embarquer avec lui des spécimens de tous les êtres vivants. À peine l'écoutille avait-elle été fermée, que Nergal arrachait les étais des vannes célestes, et que Ninurta se précipitait pour faire déborder les barrages d'en haut. Adad étendit dans le ciel son silence de mort, réduisant en ténèbres tout ce qui avait été lumineux. Les dieux Anunnaki enflammèrent la Terre tout entière. Les flots couvrirent même le sommet des montagnes. Six jours et sept nuits durant, bourrasques, pluies battantes, tonnerre, éclairs et ouragans brisèrent la Terre comme une jarre. Les dieux eux-mêmes étaient épouvantés : prenant la fuite, ils escaladèrent jusqu'au ciel d'Anu où, tels des chiens, ils demeuraient pelotonnés. Le septième jour, la mer se calma et s'immobilisa, et l'arche accosta au mont Nishir. Dix jours plus tard, ayant retrouvé ses esprits, Atrahasis prit une colombe et la lâcha ; la colombe s'en fut, mais elle revint. Ensuite, il prit une hirondelle et la lâcha ; l'hirondelle s'en fut, mais elle revint. Enfin, il prit un corbeau et le lâcha ; le corbeau s'en fut, mais ayant trouvé le retrait des eaux, il picora, croassa, s'ébroua, et ne revint pas. Alors, Atrahasis dispersa aux quatre vents tous les spécimens des êtres vivants qui se trouvaient encore dans l'arche, et fit un sacrifice : disposant le repas sur le faîte de la montagne, il plaça de chaque côté sept vases-rituels à boire et, en retrait, versa dans le brûle-parfum, cymbo, cèdre et myrte. Les dieux, humant la bonne odeur, virevoltaient comme des mouches autour du sacrificateur.

Lorsqu'il constata après le désastre que ses plans avaient été une fois de plus déjoués, Enlil retrouva néanmoins son calme, car il avait fini, enfin, par réaliser que la disparition des hommes ramènerait à la situation qui avait entraîné leur création. Pour le récompenser, il accorda alors l'immortalité à Atrahasis, mais fit en sorte que les humains troublent moins sa quiétude, en exigeant d'Ea qu'il diminue la durée de vie des hommes, et en introduisant la maladie, la stérilité, etc.

Par la suite, Atrahasis alla s'établir à l'embouchure des Grands Fleuves, dans le Jardin de Dilmun où demeure Ea. Selon la légende mésopotamienne, il y vit toujours.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Jean Bottéro et Samuel N. Kramer, Lorsque les dieux faisaient l'Homme, Paris, Gallimard, coll. « NRF », , p. 526-601
  • (en) Stephanie Dalley, Myths from Mesopotamia : Creation, the Flood, Gilgamesh and Others, Oxford, Oxford University Press, , p. 1-38
  • (en) Benjamin R. Foster, Before the Muses : an Anthology of Akkadian Literature, Bethesda, CDL Press, , p. 160-203

Notes et références

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