Gilgamesh
Gilgamesh (prononciation : /ɡil.ɡa.mɛʃ/) (en akkadien 𒄑𒂆𒈦 / Gilgameš), Bilgamesh dans les textes sumériens anciens (sans doute BÌL.GA.MÈŠ, « l'ancêtre est un héros / jeune homme »[1]) est un personnage héroïque de la Mésopotamie antique, fils de la déesse Ninsun (déesse du gros bétail). Roi de la cité d'Uruk où il aurait régné vers 2650 av. J.-C., ainsi qu'un dieu des Enfers dans la mythologie mésopotamienne. Il est le personnage principal de plusieurs récits épiques, dont le plus célèbre est l'Épopée de Gilgamesh, qui a rencontré un grand succès durant la haute Antiquité.
Pour les articles homonymes, voir Gilgamesh (homonymie).
Gilgamesh | |
Histoire et mythologie mésopotamienne | |
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Caractéristiques | |
Fonction principale | Roi-héros, divinité infernale |
Lieu d'origine | Uruk |
Région de culte | Mésopotamie |
Les sources : l'Épopée et autres textes
Les récits en sumérien
Plusieurs récits épiques rédigés en sumérien racontent les exploits de Gilgamesh en tant que héros, qui est la forme la plus courante sous laquelle il est attesté dans les textes[2]. Ces récits sont à resituer dans une tradition attribuant des actes légendaires à des anciens rois d'Uruk, Gilgamesh et ses deux prédécesseurs Enmerkar et Lugalbanda[3]. La tradition liée à Gilgamesh est celle dont le plus d'œuvres sumériennes nous sont parvenues :
- Gilgamesh et Agga raconte l'affrontement du roi d'Uruk avec Agga, roi de la cité voisine de Kish[4].
- Deux récits de combats, dits Gilgamesh et le Taureau céleste[5] et Gilgamesh et Huwawa[6] qui opposent le héros, aidé de son ami Enkidu, à des monstres : le taureau envoyé par la déesse Inanna (Ishtar) ou le terrible géant Huwawa (Humbaba), gardien de la Forêt des cèdres, épisodes repris plus tard dans l'Épopée.
- La Mort de Gilgamesh[7] est un récit mal conservé de l'agonie du héros, auquel les dieux confèrent le rôle de juge des morts.
- Dans Gilgamesh, Enkidu et les Enfers[8], Enkidu descend aux Enfers pour y chercher les insignes de royauté donnés par Inanna à Gilgamesh, que celui-ci y a laissé tomber ; Enkidu est alors retenu aux Enfers, mais son esprit revient raconter à Gilgamesh ce qui se passe dans le monde des morts.
L'Épopée
Le début du IIe millénaire av. J.-C. voit le début de la rédaction de récits en akkadien mettant en scène Gilgamesh, qui aboutissent finalement à l'élaboration d'un seul récit massif, appelé Épopée de Gilgamesh par ses traducteurs contemporains[9]. Elle rencontre un très grand succès dans tout le Proche-Orient ancien : des versions sont retrouvées jusqu'à Megiddo au Levant, Tell el-Amarna en Égypte, et Hattusha en Anatolie centrale. Sur ce dernier site, on a même retrouvé des fragments de traduction de l'œuvre en hittite et en hourrite. La version la plus complète est celle retrouvée à Ninive dans la bibliothèque d'Assourbanipal, appelée parfois « version standard »[10]. Elle se compose de onze tablettes, et est notre meilleure source pour connaître le déroulement du texte.
L'Épopée se divise en deux parties principales. Le début présente Gilgamesh, roi tyrannique d'Uruk. Pour faire cesser ses excès, les dieux créent Enkidu, un être capable de le combattre. L'affrontement qui a finalement lieu entre les deux ne voit aucun vainqueur, et au contraire les deux deviennent des camarades. Ils accomplissent ensuite deux grands combats, repris des anciens mythes sumériens : ils défont le géant Humbaba de la Forêt de cèdres du Liban, puis le Taureau céleste envoyé par le dieu Anu à la demande de sa fille Ishtar que Gilgamesh avait éconduite brutalement. Humbaba (ou Huwawa), aux pouvoirs magiques exagérés, est un monstre aux pattes de taureau et gueule de lion. Après l'avoir tué, Gilgamesh et Enkidu repartent glorieux à Uruk avec le bois précieux. En représailles, les dieux provoquent la mort d'Enkidu. C'est le tournant de l'œuvre. Mortifié par le décès de son ami, Gilgamesh décide de partir pour trouver un moyen d'éviter la mort. Cela l'amène sur l'île où vit l'immortel Ut-napishtim, survivant du Déluge, qui lui raconte cet événement dramatique et lui apprend qu'il ne pourra jamais obtenir la vie éternelle. Gilgamesh rentre alors à Uruk, cherchant à mener une vie heureuse jusqu'à sa mort et à prodiguer aux mortels la sagesse qu'il a acquise au cours de ses aventures, en particulier le récit du Déluge.
Les autres sources du Proche-Orient ancien
D'autres sources sumériennes et akkadiennes fournissent des informations sur Gilgamesh, parfois en tant que divinité des Enfers et pas seulement en tant que personnage héroïque[11] :
- D'après la Liste royale sumérienne[12], Gilgamesh est le cinquième roi de la première dynastie d'Uruk, présenté comme le fils d'un démon-lilū, seigneur de Kullab (un village qui devient un des deux quartiers principaux d'Uruk), qui aurait régné 126 années.
- Un hymne du roi Shulgi de la Troisième dynastie d'Ur (2094-2047 av. J.-C.) mentionne les exploits de Gilgamesh[13]. Il évoque notamment les combats de Gilgamesh contre la cité rivale de Kish, dont il défait le souverain Enmebaragesi.
- Plusieurs tablettes administratives retrouvées sur des sites de la période archaïque (Fara, Girsu) et de la Troisième dynastie d'Ur enregistrent des mouvements de biens offerts au dieu Gilgamesh en diverses occasions[14].
- D'après la Chronique de Tummal, un texte racontant la reconstruction d'un temple d'Enlil à Nippur, Gilgamesh et son fils Ur-lugal feraient partie des anciens rois ayant fait restaurer cet édifice[15].
- Une prière akkadienne est dédiée à Gilgamesh en tant que divinité infernale[16].
- La Ballade des héros des temps jadis, une prière datant de la première moitié du IIe millénaire av. J.-C., mentionne Gilgamesh ainsi qu'Enkidu et Humbaba parmi une liste d'illustres personnages héroïques de la Mésopotamie[17].
- Gilgamesh apparaît dans des listes de présages et des incantations du IIe et du Ier millénaire[18].
- Une « Lettre de Gilgamesh » datant du VIIe siècle av. J.-C. a été exhumée à Sultantepe : il s'agit peut-être de l'œuvre d'un scribe se mettant dans la peau du héros, au ton légèrement humoristique[19]. Gilgamesh demande à un autre roi de lui envoyer des pierres précieuses pour faire réaliser une statue d'Enkidu après la mort de ce dernier, allusion à un passage de l'Épopée.
- Des passages de l'Épopée de Gilgamesh font probablement l'objet de représentations iconographiques, mais en l'absence d'inscriptions, il est difficile de savoir avec certitude si c'est bien ce héros qui est représenté[20]. Ainsi une sculpture du palais de Khorsabad représentant un personnage maîtrisant un lion est souvent présentée comme une image de Gilgamesh, mais cela n'est pas assuré[21]. On a longtemps pensé que le héros nu aux longs cheveux représenté souvent sur des sceaux-cylindres et accompagné d'un homme-taureau représentait Gilgamesh accompagné d'Enkidu, mais il s'est avéré qu'il s'agissait probablement de la divinité protectrice Lahmu. Seuls quelques plaques d'argile, voire quelques sceaux-cylindres pourraient représenter des passages de combats de l'Épopée, à savoir ceux contre Humbaba et contre le Taureau Céleste.
En dehors de la sphère culturelle mésopotamienne
Le nom de Gilgamesh et sa renommée ne sont pas oubliés après la fin de la civilisation mésopotamienne au début de notre ère. On le retrouve mentionné dans des documents plus tardifs élaborés hors de Mésopotamie. Sa figure ne correspond alors que vaguement à l'image laissée par la tradition mésopotamienne.
- Gilgamesh est mentionné dans deux parchemins des Manuscrits de la mer Morte datant du Ier siècle av. J.-C., retrouvés dans la grotte 4 de Qumran, écrits en araméen. Ce personnage est un des « géants » nés de l'union entre des démons et des mortelles, symbolisant peut-être pour les sectes à l'origine de ces textes la pensée des Gentils (i.e. les Grecs), qui seraient issus de démons[22].
- Une œuvre grecque de l'époque romaine mentionne le héros : il s'agit du De natura animarum de Claude Élien (début IIIe siècle)[23]. Un passage de l'œuvre (XII, 21) parle du roi Seuchoros de Babylone, auquel il est fait le présage que sa sœur enfantera un garçon qui le détrônera. Il décide donc de l'enfermer dans une tour, où elle accouche d'un fils, nommé Gilgamos, que des gardes précipitent du haut de l'édifice pour le tuer. Mais un aigle le rattrape, et le confie à un jardinier qui l'élève, ce qui permet à la prophétie de s'accomplir, Gilgamos devenant roi de Babylone. Ce mythe semble faire référence à une légende relative à la naissance de Sargon d'Akkad.
- L'Épopée de Gilgamesh a peut-être influencé le Récit de Buluqiya dans les Mille et une nuits, les héros des deux récits étant chacun un jeune roi partant à l'aventure pour obtenir l'immortalité[24].
Le personnage : un roi, un héros, un dieu
Un roi-héros
Gilgamesh est présenté, dans tous les récits épiques où il apparaît, comme un personnage hors du commun, par sa stature et par les exploits qu'il accomplit. Il est grand, beau et fort, et sa seule apparition sur les murailles d'Uruk suffit à effrayer l'armée de Kish dans Gilgamesh et Agga. D'après les titres donnés par les Anciens mésopotamiens à l'Épopée, qui sont en fait leur incipit, Gilgamesh est tantôt « Celui qui surpasse les autres rois » (šutur eli šarrī, dans la version du début du IIe millénaire) ou « Celui qui a tout vu » (ša naqba imuru, dans la version de Ninive)[25]. Il est même capable de séduire une déesse, Inanna/Ishtar.
Il est généralement présenté comme étant le descendant d'un être surnaturel, y compris une divinité. Dans la Liste royale sumérienne, c'est un démon-lilū, et dans l'Épopée, c'est la déesse Ninsun. Dans ce dernier récit, son père est Lugalbanda, roi d'Uruk ayant également accompli plusieurs exploits. D'après la version hittite de l'Épopée, qui est la seule à mentionner la naissance de son héros, Gilgamesh aurait été créé par les grands dieux, notamment le Dieu-soleil et le Dieu de l'Orage, qui lui donnent force et courage[26]. La version standard mentionne aussi le fait que les dieux ont façonné son allure[27].
Par son ascendance, Gilgamesh est donc déjà supérieur aux autres hommes. Les exploits qu'il accomplit dans les différents mythes qui le mettent en scène illustrent cela : il porte le coup fatal au terrible Huwawa/Humbaba et au Taureau céleste, se rend dans des lieux inaccessibles au commun des mortels, ce qui lui donne donc une grande connaissance et une grande sagesse. De fait, Gilgamesh est devenu un personnage important du folklore mésopotamien, et a même été reçu dans plusieurs civilisations voisines.
Une divinité des Enfers
Un autre thème récurrent des récits mettant en scène Gilgamesh est la mort[28]. Deux mythes sumériens tournent autour de ce sujet : La mort de Gilgamesh et Gilgamesh, Enkidu et les Enfers. Ils ne sont pas repris dans l'Épopée, mais cette dernière est bâtie autour de la quête de Gilgamesh pour éviter la mort. Gilgamesh est donc un personnage obsédé par la mort, qui cherche à comprendre ses mystères, et à savoir comment sont les Enfers dans le récit où Enkidu y est envoyé. Il est effrayé par sa mort future, qu'il cherche à éviter. Mais même celui qui a accompli tant d'exploits surhumains ne peut éviter cette fatalité. Les Anciens mésopotamiens avaient une vision pessimiste de la mort, qui touchait de façon égale les puissants et les pauvres, et les envoyait mener une existence de tristesse dans l'Au-delà. La morale de l'Épopée est qu'on ne peut échapper à la mort, symbole de la condition humaine, et qu'il vaut mieux chercher à profiter au maximum de son existence sur Terre.
Héros humain pour qui la mort est une obsession, Gilgamesh est aussi un être divin, une divinité infernale du pays de Sumer[29]. C'est d'ailleurs sous cette forme qu'il apparaît dans la source la plus ancienne le concernant qui est à notre disposition, une liste de divinités provenant de Fara qui est parmi les plus anciens textes religieux exhumés en Mésopotamie ( 2600-2500 av. J.-C.). Le mythe de La mort de Gilgamesh est certes un texte pessimiste, présentant comme un échec la quête d'immortalité du héros, mais finalement il devient une des divinités des Enfers, ce qui peut être vu comme une sorte de compensation. Plus précisément, plusieurs textes semblent indiquer que Gilgamesh joue le rôle de juge des Enfers. Sa fonction est détaillée dans l'hymne paléo-babylonien qui lui est dédié[16], mais elle reste à expliciter dans la mesure où il ne semble pas y avoir de croyance en un jugement après la mort en Mésopotamie. Le tribunal qu'il dirige serait plutôt destiné à juger des affaires liées seulement au monde des morts[30]. Dans plusieurs textes, on le nomme également « roi des Enfers » (LUGAL KUR.RA), ce qui n'est que rhétorique dans la mesure où les maîtres des Enfers dans la mythologie mésopotamienne sont Ereshkigal et Nergal.
C'est donc en tant que divinité chthonienne, liée aux Enfers, qu'il est vénéré et reçoit des offrandes dans plusieurs temples de basse Mésopotamie, où il dispose de statues à son effigie comme les autres dieux[31]. Ainsi, à Lagash à l'époque archaïque (c. 2400-2350), il reçoit des sacrifices, notamment lors d'une fête religieuse liée au monde des morts, et il dispose même d'un lieu de sacrifice spécifique appelé « Quai de Gilgamesh » (GÚ DBÌL.ÀGA.MES). Son culte est encore attesté à l'époque de la Troisième dynastie d'Ur (c. 2100-2000 av. J.-C.), et le texte de La mort de Gilgamesh qui a été rédigé vers cette période ou peu après prescrit de vénérer particulièrement Gilgamesh lors de la fête NE.NE.GAR de l'« allumage de tous les feux ». Les feux qui étaient alors allumés sous les auspices de Gilgamesh, représenté par sa statue, devaient permettre aux esprits des ancêtres défunts de retrouver leurs anciennes demeures et leurs descendants qui y vivent, avant de s'en retourner dans l'au-delà sous la surveillance du dieu.
Un homme derrière les mythes ?
Il est courant de trouver dans les ouvrages spécialisés que Gilgamesh est un personnage qui a probablement existé, avant d'être « héroïsé » puis divinisé par les générations qui lui ont succédé[32]. Mais pourtant il manque une preuve déterminante de la réalité de son existence, qui reste toujours non prouvée. Il est donc à classer au même titre que le roi Arthur dans la catégorie des personnages dits « semi-légendaires », apparaissant comme des héros dont le contexte des exploits est vraisemblablement historique. Mais quant à savoir s'il a bien vécu, s'il s'agit de l'amalgame de différents personnages, ou les deux, la question reste posée[33].
Si l'on se fie à de nombreuses traditions le concernant, il est un ancien roi d'Uruk passé à la postérité. La plus ancienne allusion à ce personnage le mettant en rapport avec cette cité est datée du temps du roi Utu-hegal d'Uruk (2120-2112 av. J.-C.)[34], mais il s'agit alors du dieu. C'est sous ses successeurs de la Troisième dynastie d'Ur que ce personnage apparaît dans les textes en tant que roi d'Uruk. Les souverains d'Ur III Ur-nammu (2112-2094 av. J.-C.) et Shulgi (2094-2047 av. J.-C.) se présentent comme étant ses « frères et amis »[35], cherchant à se faire voir comme ses héritiers (leur dynastie semble être originaire d'Uruk).
Gilgamesh est généralement présenté comme étant le troisième d'une lignée de rois de cette cité ayant fait l'objet de récits épiques, après Enmerkar et Lugalbanda. Il est un modèle de roi, qui mène ses troupes au combat, et la tradition lui attribue la construction de l'impressionnante muraille d'Uruk. Si l'on suit la Liste royale sumérienne, on peut dater le règne de Gilgamesh du XXVIIe siècle av. J.-C. environ, à la fin de la période Dynastique archaïque II (v. 2900-2600 av. J.-C.), parfois considérée comme un « âge héroïque » durant lequel auraient vécu plusieurs des rois-héros dont la tradition épique mésopotamienne a conservé le souvenir (Enmerkar, Lugalbanda, Agga)[36]. Agga, l'adversaire de Gilgamesh d'après un récit sumérien, est présenté par cette liste comme le dernier roi de la première dynastie de Kish, supplantée par celle d'Uruk. Le passage du témoin se ferait donc sous le règne de Gilgamesh. D'après la Liste royale, Agga est précédé à la tête de sa cité par Enmebaragesi, personnage connu par des inscriptions de son époque, et qui a donc vécu avec certitude[37]. Dans l'hymne du roi Shulgi mentionnant Gilgamesh, c'est ce dernier roi de Kish qui est l'adversaire du roi d'Uruk. Cela rend donc plus envisageable son existence en tant qu'être humain. Mais il est possible que le personnage héroïque de Gilgamesh se soit développé à partir d'une divinité vénérée particulièrement dans la région d'Uruk, car c'est sous sa forme divine que Gilgamesh apparaît dans nos sources les plus anciennes le mentionnant, à la période tardive des Dynasties archaïques (soit deux ou trois siècles après son existence supposée).
La cité d'Uruk est l'une des plus importantes villes de basse Mésopotamie durant la période où aurait vécu Gilgamesh, le début de l'époque dite des Dynasties archaïques. C'est sans doute la plus grande ville de cette région, avec des murailles et des monuments impressionnants. Le cycle épique de ses souverains, ainsi que la Liste royale sumérienne en font une des grandes puissances politiques de cette époque[38]. Les récits relatifs aux rois prédécesseurs de Gilgamesh sur le trône de la cité, Enmerkar et Lugalbanda mettent souvent en scène leur rivalité avec la ville d'Aratta, sans doute localisée dans le Plateau iranien, tandis que Gilgamesh semble s'être opposé à Kish, la grande puissance du nord de la basse Mésopotamie. Les rois d'Uruk ont tous un lien particulier avec la divinité Inanna/Ishtar, déesse de la ville d'Uruk, où elle a son grand temple, l'Eanna, principal complexe monumental de la ville, avec Kullab, le quartier de son père le dieu Anu (d'où vient peut-être Gilgamesh, si on suit la Liste royale). Mais alors qu'Enmerkar et Lugalbanda ont un très bon rapport avec la déesse, Gilgamesh semble avoir des relations plus conflictuelles avec elle.
Gilgamesh dans la culture contemporaine
Oublié depuis la fin de la civilisation mésopotamienne aux débuts de notre ère, Gilgamesh est redécouvert après la traduction des tablettes de son épopée de la version des bibliothèques de Ninive exhumées dans la seconde moitié du XIXe siècle. Il s'agit d'une des découvertes les plus retentissantes des débuts de l'assyriologie, puisque c'est par la traduction de tablettes de l'Épopée que l'anglais George Smith redécouvre en 1872 la première version mésopotamienne du mythe du Déluge, qui marque le début des découvertes jetant un pont entre la tradition biblique et la mythologie mésopotamienne[39]. Par la suite, la traduction complète de l'Épopée permet de redécouvrir les exploits de celui qui est vu comme le plus ancien héros connu, et ce personnage et ses aventures deviennent une référence et l'objet de réflexions dans certaines œuvres littéraires, théâtrales, musicales[40],[41], et plus récemment dans des formes plus modernes comme la télévision ou les jeux vidéo, même s'il est loin d'être aussi connu que Ulysse ou le Roi Arthur, du fait de la faible exposition de la mythologie mésopotamienne.
Épopée
- L'introduction de l'Épopée dans les programmes de sixième a induit de nombreuses réécritures, dont celle de Jacques Cassabois, (Le premier roi du monde : l'épopée de Gilgamesh, Gallimard, 2004), qui adopte une approche poétique, et celle de Stéphane Labbe (Le Récit de Gilgamesh, L'école des loisirs, 2010), qui reste plus proche des sources historiques.
- L'Épopée de Gilgamesh, par Pierre-Marie Beaude, éd. Folio 2009 (Folio Junio) (ISBN 978-2070627615)
- Gilgamesh est le titre d'un long poème d'Anne-Marie Beeckman, publié aux éditions Pierre Mainard en 2008, où l'auteur reprend différents épisodes de la légende.
- L’Épopée de Gilgameš : le grand homme qui ne voulait pas mourir, Jean Bottéro, 1992.
- Le chant de Gilgamesh fait partie du recueil de poésie Le Chant d'Adapa, publié aux éditions Hachette, de Khireddine Mourad.
Fantasy et science-fiction
- Gilgamesh est le héros du roman Jusqu'aux portes de la vie (1990) de Robert Silverberg. Dans cette histoire, s'ennuyant de l'enfer, Gilgamesh décide de retrouver la porte du monde des vivants ; ce roman fait suite à Gilgamesh, roi d'Ourouk (1989) qui reprend les principaux éléments de l'Épopée.
- Il apparaît dans le 3e tome de la saga Les Secrets de l'immortel Nicolas Flamel (tome 3 : L'ensorceleuse), de Michael Scott.
- Il est un personnage du roman Le Fantôme du Roi (Ghostking) de David Gemmel. Il y est présenté comme le Seigneur des Batailles, l'un des plus puissants guerriers de tous les temps.
- Il apparaît comme un personnage secondaire dans Le Labyrinthe magique (1980), quatrième tome du Fleuve de l'éternité, un roman de science-fiction écrit par Philip José Farmer.
- Il est aussi un personnage dans le roman Timewyrm: Genesys de John Peel, un livre tiré de l'univers de la série télévisée Doctor Who.
- Il est l'un des plus puissants esprits héroïques dans le visual novel, Fate Stay Night et ses dérivés (animé, manga, jeux…). Référence directe à l'histoire réelle car les servants du manga et du roman sont issus de héros légendaires, réels ou non (le Roi Arthur, Heraclès, etc.).
- Il apparaît dans la trilogie des romans de Bernard Werber Troisième Humanité, sous le nom Gill-Gah-Mesh, mini-humain ayant fui son île natale.
- Il est mentionné dans la Trilogie de Bartiméus de Jonathan Stroud.
- Il est le héros du récit de Maggie Shaine Damien l'Immortel, dans sa saga sur les vampires, où il est question de quête d'immortalité, Gilgamesh devenant le premier vampire.
- L'Épopée de Gilgamesh est mentionnée dans l'épisode Darmok (deuxième épisode de la cinquième saison) de la série Star trek: La Nouvelle Génération
Bande dessinée
- Gilgamesh a inspiré un personnage de super-héros du même nom de l'univers Marvel, membre d'un groupe de super-héros appelés Éternels.
- Gilgamesh, manga de Shotaro Ishinomori paru dans Shōnen King entre 1976 et 1978, adapté sous le même titre en série d'animation.
- Gilgamesh II, par Jim Starlin, qui mélange la genèse de Superman et l'épopée de Gilgamesh
- Il apparaît comme un tyran dans un volume de la série de bandes dessinées Bob et Bobette de Willy Vandersteen, L'Arche de Babylone (1980), contre lequel lutte le héros du Déluge, Ut-napishtim.
- Gilgamesh, de Gwen de Bonneval et Frantz Duchazeau, suit l'histoire de l'Épopée (2 tomes parus : Le Tyran et Le Sage).
- Gilgamesh est représenté dans les manga Fate Stay night et Fate Zero, comme représentant de la classe "Archer".
- Les amants de Shamhat, de Charles Berberian, Futuropolis / Le Louvre, 2021.
Arts plastiques
- L'artiste Anselm Kiefer publie en 1981 des livres de photographies peintes Gilgamesh und Enkidu im Zedernwald (Gilgamesh et Enkidu dans la forêt des cèdres), suivant une histoire très librement inspirée par un passage de l'Épopée.
- L'artiste Édouard Detmer qui a également réalisé la place Petrucciani à Paris, a réalisé une sculpture en serpentine du Zimbabwe en 1996 représentant Gilgamesh.
Musique, danse, théâtre
- L'Épopée de Gilgamesh a inspiré des cantates, ballets et opéras, parmi lesquels : Gilgameš de Bohuslav Martinů en 1955, Gilgamesz d'Augustyn Bloch en 1969, ou encore Gilgamesh de Per Nørgård en 1971.
- Gilgamesh est le nom d'un groupe de rock progressif britannique formé en 1972, dissous en 1978 et affilié à l'École de Canterbury.
- Girugämesh (prononcé comme Gilgamesh) désigne également un groupe de visual kei japonais.
- Gilgamesh, ballet de Alexandre Danilevski.
- Fragments d'argile - Gilgamesh, pièce de théâtre inspirée de L'Épopée de Gilgamesh et d'un ensemble de mythes dérivés de Tarek Riahi, faite en arabe classique en 2012 et présentée pour la première fois au Théâtre National Marocain.
- L'Épopée de Gilgamesh, d'Abed Azrié, musicien et chanteur syrien.
- En attendant l'Autre, inspiré de la légende de Gilgamesh, pièce créée en 2003 par le chorégraphe Michel Hallet Eghayan en collaboration avec le Paléoanthropologue Pascal Picq[42],[43].
- Le groupe de métal chrétien Tourniquet a écrit une chanson : The Tomb of Gilgamesh, sur l'album Microscopic View of a Telescopic Realm sorti en 2000.
- Le compositeur belge Bert Appermont a composé une Symphonie no 1 : Gilgamesh pour orchestre d'harmonie.
- En 2019 le chorégraphe Akram Khan crée un ballet appelé "Outwitting the devil" (Tromper le diable, se jouer de lui) inspiré d'une tablette en argile retrouvée en Irak en 2011 traîtant de l'épopée de Gigalmesh[44].
- Dans l'album Post-Apocalypto de Tenacious D il est fait référence à Gilgamesh.
Jeux vidéo
- Dans la série Final Fantasy, Gilgamesh est :
- dans Final Fantasy I, un mini-boss d'un donjon dans la version Game Boy Advance ;
- dans Final Fantasy V, un ennemi récurrent ayant son propre thème musical ;
- dans Final Fantasy VI, un nouvel esper dans la réédition GBA ;
- dans Final Fantasy VIII, un allié faisant figure de Guardian Force qui prend la place d'Odin. Il apparaît aléatoirement au fil des combats et dispose de quatre attaques différentes ;
- dans Final Fantasy XI, un des serveurs hébergeant le monde de Vana'diel, ainsi qu'un pirate célèbre, membre éminent du village corsaire de Norg ;
- dans Final Fantasy XII, un ennemi puissant faisant partie d'une quête secondaire, accompagné du molosse Enkidu, aussi tiré de la mythologie sumérienne ;
- dans Final Fantasy XIII, le nom d'une des boutiques virtuelles, spécialisée dans la vente d'armes puissantes mais handicapantes et de composants coûteux pour l'évolution des armes ;
- dans Final Fantasy XIII-2, le nom d'un familier, à combattre dans le Colisée (après avoir acheté le contenu téléchargeable correspondant) ;
- dans Final Fantasy XIV, un personnage faisant partie d'une des intrigues des quêtes secondaires du Gentilhomme Détective et cherchant à récupérer de puissantes armes. Enkidu y est représenté en tant que poulet à la couleur verte.
- Gilgamesh est le dirigeant de la nation sumérienne dans Civilization III: Conquests.
- Gilgamesh est également un dirigeant de Civilization IV: Beyond the Sword.
- Gilgamesh est le dirigeant de la civilisation sumérienne dans Civilization VI.
- Gilgamesh figure dans le jeu vidéo Empire Earth.
- Il y a également une allusion au héros Gilgamesh dans le jeu Tales of Symphonia ; Zélos obtient ce titre lorsqu'il combat avec l'armure de ce roi de jadis.
- Gilgamesh est encore un des plus puissants esprits héroïques de la franchise Fate, et apparaît sous différents traits dans le jeu mobile Fate/Grand Order.
- Dans le jeu Serious Sam : Second Contact, Sam, le héros, doit traverser Persépolis et notamment les fameuses cours et le temple de Gilgamesh.
- Gilgamesh est le héros du jeu d'arcade The Tower of Druaga de Namco.
- Dans Devil May Cry 4, l'une des armes de Dante porte le nom de Gilgamesh.
- Dans Hades (jeu vidéo), l'un des aspects des gants de Zagreus porte le nom de Gilgamesh.
- Dans Smite, Gilgamesh fait son apparition (courant avril) parmi les Dieux et Héros.
Télévision
- Dans Batman, Gilgamesh est le nom de l'expérience menant à la création de Bane.
- Histoire avec Humbaba citée dans American Dad, saison 12, épisode 7 (Ninety North, Zero West)
- Dans Fate (Fate 2006/Fate Zero/Fate Stay Night Unlimited Blade Works/Fate Stay Night Heaven's Feel/Fate Grand Order) Gilgamesh est Roi Des Héros et aussi Roi D'uruk lors de la Première Dynastie D'uruk.
Notes
- Tournay et Shaffer 1994, p. 9. Contra (en) G. Rubio, « Reading Sumerian Names, II: Gilgameš », dans Journal of Cuneiform Studies 64, 2012, p. 3-16 pour qui le nom était également Gilgamesh en sumérien.
- (en) Transcription et traduction sur le site de l'ETCSL
- (en) Transcription et traduction sur le site de l'ETCSL
- Tournay et Shaffer 1994, p. 282-291 ; (en) D. Katz, Gilgamesh and Akka, Groningue, 1993 ; George 1999, p. 143-148
- A. Cavigneaux et F. Al-Rawi, « Gilgamesh et Taureau du Ciel (cul-mè-kam) (Textes de Tell Haddad IV) », dans Revue d'Assyriologie 87, 1993, p. 97-129 ; George 1999, p. 166-175.
- Le texte existe en deux versions, A et B. (de) D. O. Edzard, « Gilgamesh und Huwawa A. I. Teil », dans Zeitschrift für Assyriologie 80, 1990, p. 165-203 ; (de) Id., « Gilgamesh und Huwawa A. II. Teil », dans Zeitschrift für Assyriologie 81, 1991, p. 165-233 ; (de) Id., « Gilgamesh und Huwawa, Zwei Versionen der sumerischen Zedernwaldepisode nebst einer Edition von Version "B" » dans Sitzungsberichte der Bayerischen Akademie der Wissenschaften, Philosophisch-historische Klasse, Munich, 1993, p. 1-61 ; George 1999, p. 149-166
- (en) S. N. Kramer, « The Death of Gilgamesh », dans Bulletin of the American Schools of Oriental Research 94, 1944, p. 2-12 ; A. Cavigneaux et F. Al-Rawi, Gilgameš et la Mort, Textes de Tell Haddad VI, Groningue, 2000 ; George 1999, p. 195-208
- Tournay et Shaffer 1994, p. 270-274 ; George 1999, p. 175-191
- Bottéro 1992 ; Tournay et Shaffer 1994 ; (en) A. R. George, The Epic of Gilgamesh, The Babylonian Epic Poem and Other Texts in Akkadian and Sumerian, Harmondsworth, 1999 et surtout George 2003 qui présente une édition du texte cunéiforme. Sur l'histoire de ce récit et sa place dans l'évolution de la littérature mésopotamienne, voir notamment (en) A. R. George, « Gilgamesh and the literary traditions of ancient Mesopotamia », dans G. Leick (dir.), The Babylonian World, Londres, 2008, p. 447-459
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Bibliographie
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- Paul Garelli (dir.), Gilgameš et sa légende : études recueillies par Paul Garelli à l'occasion de la VIIe rencontre assyriologique internationale (Paris, 1958), Klincksieck, coll. « Cahiers du groupe François Thureau-Dangin »,
- Francis Joannès (dir.), Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins »,
- (en) Theodore Ziolkowski, Gilgamesh Among Us : Modern Encounters With the Ancient Epic, Ithaca, Cornell University Press, , 226 p. (ISBN 978-0-8014-5035-8).
- Véronique Grandpierre, Gilgamesh & Co : Rois légendaires de Sumer, Paris, CNRS,
Voir aussi
Articles connexes
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