Nemeton

Le mot gaulois nemeton désigne le sanctuaire, le lieu spécifique dans lequel les Celtes pratiquaient leur culte, sous la direction des druides. L'équivalent gaélique est nemed qui signifie « sacré ». En brittonique, on trouve nyfed en gallois et neved en breton au sens de « sanctuaire ». Strabon nous apprend, entre autres, que le nom du sanctuaire des Galates d'Anatolie est Drunemeton (Livre XII, I). Chez les Tchouvaches l'équivalent du nemeton est le keremet (Arbre du Monde)

Nemeton près de (de) Buchendorf.

Nemeton est également le nom d'une revue néodruidique créée par Morvan Marchal.

Étymologie

Le terme nemeton est bien attesté dans les inscriptions anciennes rédigées en langue gauloise, utilisant soit l'alphabet grec, soit l'alphabet latin. Il signifie certainement à l'origine « bois sacré » avant de glisser vers le sens de « sanctuaire ». Le terme est expliqué tardivement dans une glose de Fortunat : « loco nomine Vernemetis…quod quasi fanum ingens Gallica lingua refert. » et sous une forme latinisée issue de la forme romane « de sacris silvarum quae nimidas vocant. »

Localisations

Ces lieux sacrés se retrouvent dans tout le monde celtique aussi bien en Grande-Bretagne qu'en Hongrie, en Allemagne, en Suisse, en République tchèque, etc., et bien évidemment en Gaule où l'archéologie a démontré la richesse et l'abondance de ces sites. À titre d’exemple, on peut citer l’important nemeton de la forêt du Névet (mot qui provient du breton neved, pluriel nevedoù « sanctuaire », issu du celtique nemeton), à Locronan (département du Finistère) en Bretagne, dont le souvenir des rituels druidiques se perpétue de nos jours sous la forme chrétienne de la Grande Troménie.

Les enclos rituels celtiques apparaissent à la fin du Hallstatt (VIe siècle av. J.-C.), comme en attestent notamment les fouilles de celui des « Herbues » au Mont-Lassois, où l'élite locale est héroïsée[1].

Certains nemetons sont fréquentés jusqu’à la christianisation, après avoir été transformés en fana. Outre celui précité, on peut citer à titre d'exemple : Gournay-sur-Aronde dans le département de l’Oise et Mirebeau-sur-Bèze dans celui de la Côte-d'Or en France, Navan Fort en Irlande du Nord, (capitale mythique du royaume d'Ulster, connue dans la littérature épique sous le nom d'Emain Macha, résidence du tout aussi mythique roi Conchobar Mac Nessa), Holzgerlingen ou Felbach-Schmieden en Allemagne, Mšecké Žehrovice et Oppidum Závist en Bohême, Ludéřov en Moravie.

Le sanctuaire carnute dont Jules César fait mention dans la Guerre des Gaules n'a pas été localisé. Certains ont proposé qu'il se situe en Sologne : vaste forêt parsemée d'étangs, la Sologne fut à l'époque gauloise une forêt-frontière d'une grande importance : elle séparait deux importantes nations celtes, les Carnutes au Nord, les Bituriges Cubes au sud, et correspondrait à ce vaste massif appelé par les auteurs anciens « Forêt des Carnutes », dans laquelle se trouvait le principal Nemeton de la Gaule, considéré comme particulièrement important puisque commun à toutes les tribus de la Gaule (omphalos), et témoignant d'un sentiment d'appartenance gaulois au-delà des différences tribales[2]. En Péninsule Ibérique, ce type de structure a été identifié pour la première fois à Matabodes (commune de Beja)[3].

Les enclos

C'est par le terme allemand Viereckschanze, que les archéologues désignent un espace quadrangulaire, entouré d'un fossé et d'une levée de terre, surmontée d'une palissade en bois. Cependant, l'usage de ce terme technique n'est pas restreint au nemeton qui est seulement un type de Viereckschanze parmi d'autres.

L'important site de Gournay-sur-Aronde, par exemple, est un enclos carré de 40 mètres de côté, qui comporte un fossé de 2 mètres de profondeur et d'une largeur de 2,5 mètres, coupé par une entrée située sur la façade est. Cet accès faisait face à un bâtiment rectangulaire[4].

Pline l'Ancien et Lucain relatent que les druides ne se rencontrent pas dans des temples ou autres constructions, mais dans des vallées sacrées plantées d'arbres. Dans sa Pharsale, Lucain décrit un tel lieu près de Massilia dans des termes assez évocateurs d'horreur dans ce poème romain du Ier siècle. Selon lui, aucun oiseau ne nichait dans le nemeton, aucun animal n'osait s'approcher ; les feuilles étaient soumises à un tremblement constant sans qu'aucune brise ne les touche. L'autel se trouvait au milieu ainsi que les statues de leurs dieux. Chaque arbre était souillé du sang sacrificiel. La terre elle-même résistait ; les ifs morts revivaient. Des arbres étaient cernés par le feu sans en être consumés. Des serpents énormes encerclaient les chênes. Les gens avaient peur de s'approcher, et même les druides ne s'y seraient pas aventurés à midi ou minuit de peur de rencontrer leur gardien divin[5].

Le culte

Les sites qui ont été fouillés livrent des os animaux en grande quantité, des ossements humains et de nombreuses armes neutralisées (cassées ou tordues). Il ne fait aucun doute que cela relève de la pratique de sacrifices. Les sacrifices de prisonniers de guerre sont connus, mais semblent limités. Les restes humains peuvent aussi constituer des ossuaires de guerriers, honorés par une cérémonie.

Il est permis de supposer que ces enclos ont servi à l'ensemble des pratiques druidiques, telles que la justice, la magie, la divination, la louange ou la satire, etc.

Une déesse Nemetona est attestée chez les Némètes et les Trévires. On trouve son épigraphie à Bath (Angleterre) et à Klein-Winternheim[6] (Allemagne) où elle est parèdre de "Loucetios Mars" et à Trèves (Allemagne) où elle est parèdre de Mars[7].

Toponymes

  • Clermont-Ferrand est un ancien Augustonemetum[8]
  • Les anciennes appellations d'Arras sont Nemetocenna, puis Nemetacum Atrebatum[8] avec le suffixe -acum de localisation
  • Le nom de Nanterre reflète directement l'évolution phonétique de Nemetoduru(m), autrement dit « porte » ou « bourg du temple »[8]
  • Les toponymes du type Nonant (cf. Nonant-le-Pin) procèdent de *Novionemeto-, sur noviios, neuf, nouveau, c'est-à-dire « nouveau sanctuaire »[8]
  • Arlempdes (Haute-Loire) de *Ar(e)-nemeton « sanctuaire de l'est »[8]
  • Senantes de *Seno-nemeton « vieux sanctuaire »[8]
  • Vernantes de *Uer-nemeton « grand sanctuaire »[8]
  • Peut-être Némy (Poitou et Hainaut)[8]
  • Nemeden (Allemagne)[8]

Notes et références

  1. Chaume, Reinhard et Wustrow 2007, p. 343-367
  2. Fabien Régnier, Jean-Pierre Drouin, préface de Venceslas Kruta, Les peuples fondateurs à l'origine de la Gaule, éd. Yoran Embanner, page 103.
  3. « La contribution de la prospection géomagnétique pour la compréhension de la paléoforme de Matabodes (Beja, Portugal) », sur Academia.edu (consulté le ).
  4. Venceslas Kruta, Les Celtes, Histoire et dictionnaire, Robert Laffont, coll. Bouquins, Paris, 2000, (ISBN 2-7028-6261-6)
  5. Lucain Pharsale
  6. Jufer & Luginbühl, p. 14; 39
  7. Jufer, Nicole; Luginbühl, Thierry (2001). Les dieux gaulois : répertoire des noms de divinités celtiques connus par l'épigraphie, les textes antiques et la toponymie. Éditions Errance.
  8. Xavier Delamarre, Dictionnaire de la langue gauloise : une approche linguistique du vieux celtique continental, éditions Errance, Paris, 2003, p. 233.

Annexes

Sources

  • Albert Grenier, Les Gaulois, Petite bibliothèque Payot, Paris, 1994, (ISBN 2-228-88838-9)
  • Renée Grimaud, Nos ancêtres les Gaulois, Éditions Édilarge, Rennes, 2001, (ISBN 2-7028-4542-8)
  • Christian-J. Guyonvarc'h, « Notes d’Étymologie et de Lexicographie Celtiques et Gauloises. 17 — NEMOS, NEMETOS, NEMETON. Les noms celtiques du ‹ciel› et du ‹sanctuaire› », Ogam, 12, 1960, p. 185–197.
  • Christian-J. Guyonvarc'h et Françoise Le Roux, La civilisation celtique, Éditions Ouest-France, coll. « De mémoire d’homme : l’histoire », Rennes, 1990, (ISBN 2-7373-0297-8)
  • Christian-J. Guyonvarc'h et Françoise Le Roux, Les druides, Éditions Ouest-France, coll. « De mémoire d’homme : l’histoire », Rennes, 1986, (ISBN 2-85882-920-9)
  • Christian-J. Guyonvarc'h et Françoise Le Roux, La société celtique, Éditions Ouest-France, coll. « De mémoire d’homme : l’histoire », Rennes, 1991, (ISBN 2-7373-0902-6)
  • Venceslas Kruta, Les Celtes, Histoire et dictionnaire, Robert Laffont, coll. « Bouquins », Paris, 2000, (ISBN 2-7028-6261-6)
  • Bruno Chaume, Walter Reinhard et Gertrud Wustrow, « Les dépôts de l'enclos cultuel hallstattien de Vix « les Herbues » et la question des enceintes quadrangulaires », Bulletin de la Société préhistorique française, vol. 104, no 2, , p. 343-367 (lire en ligne)

Articles connexes

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