Valencianisme
Le valencianisme est un courant de pensée prônant la défense et la promotion de l'identité valencienne, de ses traditions, sa culture et sa langue. Sur un plan politique, les sensibilités valencianistes, régionalistes ou, particulièrement, nationalistes, peuvent être revendicatrices d'un degré variable d'autonomie pour la région au sein de l'État espagnol, de son incorporation au projet politique de Pays catalans, voire de son indépendance.
Le valencianisme a fait son apparition au XIXe siècle, dans le sillage de la Renaixença de la langue catalane et du mouvement romantique, sous l'impulsion de quelques figures emblématiques comme Constantí Llombart.
En raison des oppositions et controverses internes relatives à la définition même de l'identité valencienne, le valencianisme a connu un cheminement complexe et sinueux, et sous cet appellatif peuvent être réunis des mouvements, historiques et actuels, extrêmement hétérogènes et parfois radicalement antagonistes. Malgré le grand engouement pour la question nationale à la mort de Franco et le rôle important joué par les questions identitaires dans la configuration du panorama politique valencien lors de la période de la Transition démocratique en Espagne, les partis se réclamant du valencianisme n'ont, depuis l'instauration de l’autonomie, bénéficié que d'un appui inconstant et limité de l'électorat valencien. Certaines thématiques liées au valencianisme, en particulier les controverses relatives à la langue valencienne et à la relation entre Valence et la Catalogne, restent toutefois au premier plan de la vie médiatique et politique du pays.
Histoire
Origines : La Restauration
Au Pays valencien, comme en Catalogne pour le catalanisme, la Renaixença, renaissance de la langue catalane, précède l'apparition d'un valencianisme proprement politique. Le mouvement valencien se caractérise par la prépondérance d'une idéologie conservatrice, régionaliste et folklorisante, incarnée par Teodor Llorente, dans laquelle l'expression de la langue valencienne ne remet pas en cause les critères du nationalisme espagnol[1],[2]. Constantí Llombart constitue une exception notable dans ce panorama. Il est à l'origine de la fondation de Lo Rat Penat en 1878, dont la trajectoire ne suivra pas celle désirée par son fondateur, trop modérée, conservatrice, élitiste et apolitique à son goût[3],[4],[5].
Au XIXe siècle, il existe une importante divergence entre les bourgeoisies valencienne et catalane, susceptible d'expliquer la faiblesse des liens culturels et économiques développés entre les deux régions, et constituent une matrice des affrontements identitaires virulents survenus ultérieurement. En effet, l'économie valencienne reposait majoritairement sur la production d'agrumes destinés à la vente sur les marchés européens et la bourgeoisie était favorable à la politique libre-échangiste du gouvernement madrilène (favorable aux céréaliers castillans). Au contraire, la bourgeoisie catalane était en grande partie industrielle et productrice de textile par conséquent intéressée par des droits de douane importants lui permettant de dominer le marché intérieur espagnol. En opposition avec le gouvernement central, elle se sert du catalanisme afin de faire valoir ses prétentions[6],[7]. La bourgeoisie catalane à travers son discours autonomiste donne une perception négative de la région dans le reste de l'Espagne, accusée de toujours privilégier les intérêts de la Catalogne[8]. Au Pays valencien, le blasquisme, mouvement populiste et républicain influent dans la comarque de la capitale, tient un discours virulent contre le catalanisme et la bourgeoisie catalane.
Le texte considéré comme fondateur du valencianisme politique est le discours De regionalisme i valentinicultura de Faustí Barberà, prononcé en 1902[9],[10],[11],[12]. Parallèlement à la Lliga Regionalista catalane[12], il revendique l'autonomie pour la région, marque une rupture avec les postures antérieures et est à l'origine la première articulation politique du valencianisme[13],[14].
Le premier groupe nationaliste valencien est València Nova, dirigé par Barberà, fondé en 1904 et qui célèbre en 1907 la première Assemblée régionaliste valencienne[15],[12]. S'inspirant de la Solidaritat Catalana formée en Catalogne l'année précédente, elle tente de mettre en place un pacte de solidarité entre les principaux acteurs économiques et politiques de la région. Le groupe devient plus tard le Centre Regionalista Valencià, qui abrite la Joventut Valencianista, en lien avec la Joventut Nacionalista (Jeunesse nationaliste) de Castellón de la Plana et la Joventut Valencianista de Catalunya (Jeunesse valencianiste de Catalogne).
Cette première génération nationaliste est à l'origine de diverses publications périodiques, comme Lo Crit de la Pàtria (fondé en 1907), Renaixement (1908), Terra Valenciana (1908) et la plus marquante, Pàtria Nova, avec 23 numéros publiés en 1915 et un ressurgissement en 1923[11].
Principalement actif dans la ville de Valence à ses débuts, avec le temps apparaissent d'autres petits groupes valencianistes dans d'autres localités du pays, notamment les comarques centrales (la Costera, la Vall d'Albaida, la Safor, La Marina, el Comtat, l'Alcoià et la Canal de Navarrés) et les comarques septentrionales (l'Alcalatén, l'Alt Maestrat, le Baix Maestrat, la Plana Alta, la Plana Baixa et Els Ports).
Ce mouvement est notable par sa volonté de se démarquer de la posture provincialiste et culturaliste de Lo Rat Penat[12].
En 1914 le mouvement revendique, comme les forces catalanistes en Catalogne, la création d'une mancommunauté mais les autorités projettent dans un premier temps d'adjoindre au territoire valencien une partie de la province d'Albacete et de Murcie et n'y donnent finalement pas suite[12].
La Déclaration valencianiste de 1918, sous l'impulsion de la Joventut Valencianista, recueille les aspirations primaires du nationalisme valencien de l'époque. Le mouvement renferme alors une certaine hétérogénéité mais certains éléments communs à la quasi-totalité de ses composantes sont la volonté d'une construction nationale strictement valencienne, la reconnaissance de l'unité linguistique du valencien et du catalan, et l'établissement de relations privilégiées avec les autres territoires du domaine linguistique (notamment la Catalogne et les îles Baléares). Cette époque marque également la naissance d'une première, bien que peu structurée et vigoureuse, idéologie pancatalaniste, qui défend l'union politique de ces régions. On retrouve ces traces dans certains discours du Catalan Enric Prat de la Riba et elle rencontre un certain écho auprès de certains valencianistes comme Miquel Duran i Tortajada[15].
Comme exception dans ce panorama on peut citer le peintre Josep Maria Bayarri, concepteur de normes orthographiques originales exclusivement valenciennes et du livre El perill català, qui constitue l'une des premières manifestations explicites de catalanophobie au sein du valencianisme[16].
La dictature de Primo de Rivera
Durant la dictature de Primo de Rivera, le valencianisme fut réprimé, comme les autres mouvements particularistes d'Espagne, et ses organisations furent dissoutes. Un groupe d'entrepreneurs proches du régime fonda en 1927 le groupe Acció Valenciana, qui chercha sans succès l'établissement d'une mancommunauté (comme en Catalogne)[17].
Produit d'une nouvelle génération littéraire formée en opposition à la dictature, en 1927 est fondée la revue Taula de Lletres Valencianes (« Table de lettres valenciennes »), et l'année suivante la maison d'édition L'Estel, qui marquent le début du travail de mise en valeur de la culture valencienne qui se poursuivra jusqu'au début de la guerre civile[18],[19].
La Seconde République
La fin de la dictature et le début de la République sont marqués par la prolifération de nouveaux groupes et publications valencianistes, souvent éphémères et à la portée politique très limitée, généralement restreinte au champ municipal[20].
En 1930 est fondée Acció Cultural Valenciana, entité culturelle œuvrant au développement de la conscience valencianiste et l'une des premières à le faire dans une optique ouvertement pancatalane, en créant des liens avec les autres territoires de langue catalane. Fondée la même année, l'Agrupació Valencianista Republicana (AVR) se réclame du fédéralisme et sera le premier parti valencianiste à rencontrer un écho significatif. Il revendique un statut d'autonomie pour la région, analogue à celui de la Catalogne. Également à gauche, souvent issues de scissions du parti blasquiste PURA, on trouve le Partit Valencianista d'Esquerres (PVE), Esquerra Valenciana (EV) et Esquerra Republicana Valenciana.[pas clair] Marco Miranda, à la tête d'EV, est le seul député valencianiste élu durant la République ; il rejoindra le groupe de la Gauche républicaine de Catalogne au Congrès[21].
Dans les premières années de la République, les idées du valencianisme sont en essor, la langue franchit une étape importante dans la normalisation avec l'adoption des Normes de 1932, les universités forment des promotions sensibilisées à la question nationale valencienne, les publications et les nouveaux groupes culturels fleurissent[21],[22]. Un avant-projet de statut pour le Pays valencien est publié en , principalement à l'initiative des blasquistes. Son rejet par les noyaux républicains d'Alicante et de Castellón rend impossible sa mise en application. Le groupe Nova Germania tente sans succès de construire un Parti socialiste unifié valencien, analogue au PSUC catalan[21].
La proximité avec le catalanisme est également visible auprès des groupes de droite, où l'Unió Valencianista Regional, menée par le banquier Ignasi Villalonga, maintient d'excellentes relations avec la Lliga Regionalista de Francesc Cambó. Parmi les autres groupes de droite fondés sous la République, on peut citer Acció Nacionalista Valenciana (ANV), Droite régionale valencienne et l'Agrupació Valencianista de la Dreta.
La victoire du Front populaire en 1936 ravive la question de l'autonomie mais l'éclatement de la guerre civile y met définitivement fin. À l'éclatement de la guerre civile, le panorama valencianiste, éclaté en une multitude de partis, s'étend de la droite ultra-réactionnaire à la gauche marxiste[20].
Durant le conflit, la plus grande partie de la région reste loyale à la République et les groupes valencianistes conservateurs disparaissent du spectre politique. Quelques groupes de gauches comme EV et PVE continuent de promouvoir leur conception valencianiste. L'importante mobilisation requise par l'effort de guerre met toutefois au second plan les velléités d'autonomie et entraîne une interruption pratique de l'effort de récupération culturelle entrepris. Entre et , à la suite de la prise de Madrid, Valence devient la capitale l'État espagnol en exil et accueille de nombreux réfugiés[23].
Influence du régime
L'instauration du franquisme a pour conséquence immédiate l'exil d'une grande partie des élites intellectuelles et des militants de gauche. Toutes les organisations nées pendant la République disparaissent[21]. L'édition d'ouvrages en langue vernaculaire est sévèrement contrôlée et censurée[24]. Cependant, à la différence des autres cultures d'Espagne non castillanes, l'État et l'Église font preuve d'une relative bienveillance envers la langue et la culture valenciennes. Les autorités se montrent relativement tolérante avec la production poétique, mais on exige des livres qu'ils comportent une introduction en castillan, et que les notes éventuelles soient également rédigées dans cette langue. Considérés sans danger, le régime se montre permissif avec des manifestations et institutions culturelles valenciennes comme Lo Rat Penat, les Jeux floraux, ou les fallas[25]. Au sein de Lo Rat Penat des intellectuels, représentants aux yeux du régime d'un valencianisme traditionnel, romantique et idéologiquement inoffensif, poursuivent leur travail de culture littéraire du valencien[25]. D'autres, regroupés autour de Carles Salvador, les rejoignent en 1948[26]. Les fallas font l'objet d'une récupération intéressée par le régime, et deviennent une démonstration du pouvoir des classes dominantes[27].
D'autre part, le régime base toute sa politique intérieure sur l’échelon provincial et contribue à la « provincialisation » des esprits[28]. Dans les années 1960 est fondé l'Instituto de Estudios Alicantinos (« Institut d'études alicantines »), clairement castillaniste. Différentes initiatives tendent à séparer le sud du Pays valencien pour l'unir à région de Murcie ou une partie d'Albacete et former une nouvelle région « sud-est » ou « Levant »[29],[25],[30],[31]. Tout comme pour les fallas dans la province de Valence, le régime fait à Alicante la promotion des fêtes de Moros y Cristianos, dans lesquelles il identifie Franco à saint Georges[32].
Foyers de résistance culturelle
Durant les premières années de la dictature, un petit groupe d'intellectuels valencianistes maintient sa vitalité dans la capitale, à la marge de La Rat Penat et du régime franquiste[33], rassemblé dans le groupe Editorial Torre, mené par Miquel Adlert et Xavier Casp, tous deux anciens membres d'ANV. La conception nationale de ce groupe, qui compte dans son entourage des futures figures de proue du valencianisme telles qu'Eliseu Climent, Francesc de Paula Burguera, Alfons Cucó et Joan Fuster, se démarque par sa posture progressiste et sa recherche résolue de l'établissement de liens avec les autres territoires de langue catalane, particulièrement Barcelone et Palma de Majorque[34]. Adlert forge ainsi l'expression de « communauté catalanique » (« comunitat catalànica ») pour désigner cette représentation culturelle et nationale[35],[36].
Lo Rat Penat et le groupe Torre, incarnations de conceptions valencianistes rivales, sont mis en rude concurrence par leurs dirigeants, ce qui instaure un climat délétère. Dans les années 1950, le jeune Fuster commence à prendre ses distances par rapport à Casp et Adlert, lassé par les controverses et combats d'ego qu'il juge vains[37],[38],[39].
Joan Fuster
La trajectoire intellectuelle de Fuster est fondamentale pour comprendre l'évolution ultérieure du valencianisme.
Fuster, né dans une famille de tradition carliste, et qui avait même adhéré un temps à la phalange, s'incline peu à peu vers une posture plus progressiste, convergente avec d'autres idées en cours dans les milieux européistes. À la suite de ses contacts avec le nationalisme catalan, il élabore une conception pancatalaniste, essentialiste et radicale de l'identité valencienne qu'il expose dans son influent essai Nosaltres, els valencians (1962)[40].
Influencée par le marxisme, la pensée nationaliste de Fuster octroie à la langue, commune avec les Catalans et les Baléares, un rôle central dans la représentation nationale. Il nomme « Pays catalans » les territoires catalanophones de l'ancienne Couronne d'Aragon. Pour Fuster, le seul destin viable pour les zones catalanophones du Pays valencien consiste en leur intégration dans cette communauté, culturelle tout d'abord, puis politique. Dans une telle hypothèse, il suggère que les zones castillanophones, qu'il considère comme indissolubles et nuisant à la constitution d'une conscience nationale unitaire, soient intégrées à d'autres zones de leur domaine linguistique (essentiellement Castille-La Manche et Aragon).
Bien que Nosaltres, els valencians n'ait pas eu de répercussion importante au sein de la société valencienne au moment de sa sortie, la modernité et la radicalité du discours de Fuster, face au conservatisme des autres leaders valencianistes de cette époque, lui valent un écho important, spécialement auprès des nouvelles générations d'universitaires, qui voient en lui un clair référent anti-franquiste et intègrent son discours nationaliste[41]. Il suscite l'opposition du valencianisme traditionnel et conservateur incarné par Lo Rat Penat, rallié par les fondateurs de Torre, Xavier Casp et Miquel Adlert. En 1963, en représailles à la publication de son guide touristique El País Valenciano (en castillan), il est victime dans la presse locale d'une violente campagne diffamatoire et un ninot à son effigie est brûlé aux fallas de la capitale[42],[43]. La même année, Bayarri publie une nouvelle adaptation de ses normes sécessionistes[44].
En 1962 est fondé le Partit Socialista Valencià (PSV). Il sera jusqu'à sa dissolution en 1968 le principal vecteur de l'idéologie fustérienne et exerça une influence importante dans les milieux universitaires valenciens[45].
La Transition démocratique
Le succès des idées de Fuster parmi les détracteurs du régime fut tel que, au début de la Transition; la presque totalité de la gauche valencienne assuma, ne serait-ce que de façon superficielle, le discours valencianiste, comme en témoigne l'addition des lettres « PV » (País valencià) aux sigles des groupes politiques alors encore clandestins.
Cependant, l'intellectualité du discours de Fuster, bien qu'inspirant une introspection académique sans précédent en révolutionnant l'approche de nombreux angles d'études (sociologie, économie, philologie, historiographie…), ne rencontra pas l'adhésion des secteurs populaires, en particulier ceux proches de la ville de Valence, qui professaient un « valencianisme tempéramental ». Par exemple, une bonne part des milieux festifs et culturels (notamment le secteur des Fallas) resta aux mains du régime dans un premier temps, basculant vers l'anticatalanisme avec la fin de ce dernier.
À gauche, les nouvelles générations d'universitaires comme celles qui avaient fondé, encore sous le franquisme, le Front Marxista Valencià ou le PSV, créèrent le Partit Socialista del País Valencià, d'abord intégré, puis absorbé dans le PSOE régional pour devenir le PSPV-PSOE. D'autres partis de gauche fustérianistes sont le Partit Socialista d'Alliberament Nacional et le Partit Comunista del País Valencià. De façon générale, une bonne partie de la gauche fit siennes les revendications nationalistes élémentaires, l'idée de démocratie étant étroitement associée à la reconnaissance du fait différentiel valencien et à l'autonomie. En 1982 est fondé Unitat del Poble Valencià, avec l'objectif d'agglutiner le nationalisme valencien de gauche et qui, après l'approbation du statut d'autonomie, finit par devenir le référent du nationalisme fustérien.
Les secteurs du valencianisme traditionnel, représentés par Lo Rat Penat, rejoints puis menés par Adlert et Casp, adoptèrent un discours prônant la sécession entre catalan et valencien, et s'opposèrent avec vigueur aux postulats nationalistes de Fuster. S'appuyant sur l'opposition frontale entre le régime franquiste et les thèses de Fuster, Cap et Adlert furent les précurseurs du blavérisme, un mouvement populiste de réaction, idéologiquement hétérogène, et assumèrent un discours valencianiste fondamentalement anticatalaniste, en pratique, espagnoliste et conservateur. Le mouvement tient son nom de la frange bleue du drapeau de Valence, à l'origine drapeau de la capitale, que le blavérisme revendique comme drapeau pour le pays, à la différence du fustérianisme.
Au début de la transition le mouvement valencianiste politique fait preuve d'une grande vigueur : le , une manifestation pour l'autonomie rassemble 500 000 personnes selon les sources de l’époque, ce qui en fait la plus populeuse jamais organisée dans la région[46],[47],[48],[49],[50],[51],[52],[53]. Ce fut la dernière manifestation où les drapeaux avec et sans frange cohabitèrent[54]. Le conflit identitaire désactiva en grande partie le valencianisme et le monde valencianiste se retrancha dans le monde de la culture et les universités[55].
Derrière l'affrontement identitaire entre blavéristes et catalanistes qui eut lieu durant la transition, on peut voir en réalité un antagonisme entre droite et gauche espagnoles, l’UCD adoptant une posture de circonstance lui permettant d'éviter la polarisation électorale classique droite-gauche[56], étant donné le clair déséquilibre en faveur de la seconde révélé par les premières élections démocratiques. Cette période, au cours de laquelle la pensée valencianiste embryonnaire connaît une fracture catégorique, est connue sous le nom de Bataille de Valence. De nombreux attentats sont attribués aux secteurs blavéristes dans les années de la transition.
La droite valencianiste non anticatalaniste, décriée elle aussi par les blavéristes comme étant catalaniste, rencontra plus de difficultés pour trouver un champ d'expression politique en raison du succès du discours anticatalaniste parmi les secteurs conservateurs, qui étaient les plus favorables à son positionnement idéologique. On peut néanmoins signaler l'Unió Democràtica del Poble Valencià, qui défendait le valencianisme depuis une optique démocrate chrétienne, bien qu'avec une faible influence[15]. Francesc de Paula Burguera, membres de l'UCD valencienne, abandonna le parti après la dérive anticatalaniste, puis fonda le Partit Nacionalista del País Valencià dans le but de regrouper l'ensemble des forces nationalistes valencianistes, de droite comme de gauche, mais sans rencontrer le succès escompté[57],[58].
La démocratie
Avec l'avènement de la démocratie qui fait suite à la transition, les idées du valencianisme passent au second plan de la vie politique. Le statut d'autonomie et la Llei d'ús sont en général bien appliqués, mais la politique linguistique de la Generalitat a souvent été critiquée pour son manque d'engagement. Le valencianisme est dans la pratique recluse dans la vie culturelle dans les premières années de démocratie. Dans l'opposition, le Parti populaire de la Communauté valencienne (PPCV) mène une guerre d'usure de la gauche en faisant usage de la dialectique blavériste. En 1995, grâce à une alliance avec Unio Valenciana (UV), parti alors hégémonique du blavérisme et dernier parti ouvertement blavériste à avoir rencontré un écho électoral significatif, le PPCV obtient la majorité et le président d'UV, Vicent González Lizondo, est nommé président du parlement valencien.
Le principal parti représentant du valencianisme au début de la démocratie est le regroupement Unitat del Poble Valencià. En 1998, il est refondé en Bloc Nacionalista Valencià (BNV), qui n'obtient que des succès municipaux et ne parvient pas à dépasser les 5 % requis pour accéder à la représentation parlementaire. En 2007 une nouvelle coalition nommée Compromís pel País Valencià, rassemblant le BNV, Esquerra Unida et divers groupes écologistes, devient la troisième force politique du Pays valencien et remporte sept députés aux Corts, dont deux sont issus du BNV. La formation est remaniée en 2011 et devient Coalition Compromís, qui remporte 6 députés avec 7,03 % des voix. Aux élections générales de 2011, Joan Baldoví du BNV est élu député pour Compromís, et devient le premier député valencianiste de l'époque démocratique.
Tendances actuelles
Le régionalisme valencien
De façon générale on qualifie de régionalistes les partis partisans d'une identité régionale compatible avec l'identité nationale d'un État-nation, l'Espagne dans le cas valencien. Ainsi, on qualifie généralement de régionaliste le mouvement hétérogène, dit « blavériste », qui fait son apparition dans la seconde moitié du XXe siècle et durant la Transition démocratique espagnole, qui rassemble des secteurs majoritairement régionalistes. Conservateur, proche des milieux carlistes et phalangiste, il se définit, avant tout, par son refus de tout élément symbolique ou culturel commun avec la Catalogne, en particulier la langue. Le mouvement connaît sa plus grande, quoique relative, popularité dans la ville de Valence elle-même et dans les comarques adjacentes de l'Horta. Le principal parti de ce courant a été Unio Valenciana.
Le régionalisme valencien se divise lui-même en plusieurs courants. Traditionnellement associé de près aux courants espagnolistes, la défense de la « patrie valencienne » comme une partie de l'Espagne a débouché sur une conception autonomiste. Parmi les partis de ce courant, on peut citer l'actuelle Coalición Valenciana, qui défend selon ses mots « un foralisme constitutionnel pleinement enraciné dans l'histoire et dans le sentiment le plus commun des Valenciens ».
Récemment a émergé de ces mêmes milieux un courant fédéraliste, fruit des secteurs les plus progressistes d'Unió valenciana. Plus proche des postures habituellement qualifiées de nationalistes, il défend la constitution d'un État fédéral qui intégrerait la nation valencienne.
Valencianisme fustérien
Le valencianisme fustérien, pancatalaniste, intègre le Pays valencien à l'espace catalan, s'appuyant sur l'unité linguistique et culturelle. Il est défendu par des partis minoritaires tels qu'Esquerra Republicana del País Valencià (ERPV) et le Partit Socialista d'Alliberament Nacional dels Països Catalans (PSAN), qui ensemble ont obtenu moins de 0,5 % des suffrages aux élections municipales et régionales de 2007.
Valencianiste sécessioniste
Le valencianisme sécessioniste souhaite l'indépendance de la nation valencienne et refuse l'union politique avec les Catalans, sans rejeter l'unité de la langue. Actuellement, cette tendance ultra-minoritaire est soutenue par Opció Nacionalista Valenciana et Esquerra Nacionalista Valenciana, intégrés dans la coalition « UxV » lors des élections de 2007, auxquelles ils ont obtenu 0,11 %.
La « troisième voie » ou valencianisme de conciliation
La « troisième voie » du valencianisme est un courant qui prétend réconcilier le blavérisme, le valencianisme traditionnel et les héritiers de Fuster en défendant un modèle nouveau de nationalisme valencien. Il a notamment été défendu par Eduard Mira et Damià Mollà Beneyto dans De impura natione (1986).
Valencianisme de construction
Le plus populaire, se présentant comme l'héritier direct du valencianisme républicain, il défend la création d'une constitution souveraine pour le Pays valencien. Le parti le plus représentatif de ce courant est Bloc Nacionalista Valencià (Bloc ou BNV). En 2007, pour les élections autonomiques, il a formé une vaste coalition avec d'autres partis de gauche, appelée Compromís pel País Valencià ; il a ainsi obtenu 7 sièges sur 99 aux Corts, ce qui en fait la troisième force politique de l'assemblée. En 2011, une coalition similaire, Coalition Compromís, obtient six sièges aux Corts valenciennes et, première réussite de ce type pour une formation valencianiste, un député au Congrès des députés espagnol.
Problématiques de l'identité valencienne
« L’espagnolisme et le régionalisme de l'identité valencienne [...], ne proviennent pas exclusivement de la droite franquiste durant la transition [...], mais ses racines plongent au moins dans le XIXe siècle et dans le premier tiers du XXe siècle[59]. » Néanmoins cette identité traditionnelle n'est pas anticatalaniste. Lorsque se développe un courant valencianiste opposé au nationalisme centraliste espagnol, il le fait de façon autonome, ou dans un esprit de fraternité avec les voisins catalans, bien qu'en admettant toujours l'unité de la langue. Selon l'historien valencianiste Alfons Cucó, l'anticatalanisme valencien n'apparaît que plus tard, comme une stratégie idéologique visant à étouffer le valencianisme émergent[60],[61].
La Communauté valencienne est la communauté autonome d'Espagne ayant une langue propre différente du castillan qui présente le plus faible taux d'identification régionale. Elle est également la seule où le sentiment nationaliste (régional) a diminué (et il l’a fait de façon significative) depuis la transition démocratique.
Notes et références
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Annexes
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Audiovisuel
- (ca) Del roig al blau. la transició valenciana, de Llorenç Soler, de Miquel Francés, Universitat de València, 2004, DVC-PRO [présentation en ligne]
- (ca) Valencians i catalans. Cosins o germans?, reportage de TV3, 09/11/1997, 34:28
Articles connexes
Liens externes
- (es) Joaquín Martín Cubas, La polémica identidad de los valencianos: a propósito de las reformas de los Estatutos de Autonomía, université de Valence/Institut de Ciències Polítiques i Socials, 2007
- (ca) Ester Pinter, « El valencianisme es repensa »(Archive • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), Avui, 22/02/2010
- (es)Javier Paniagua (UNED), Un solo territorio y varias identidades. El trauma del nacionalismo valenciano sur le site de l'université de Barcelone
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