Musique classique
La musique classique désigne, pour le grand public, l'ensemble de la musique occidentale savante d'origine liturgique et séculière, par opposition à la musique populaire, depuis la musique médiévale à nos jours. On suggère que l’expansion de l'industrie musicale de la seconde moitié de XXe siècle est à l’origine du changement de terminologie : l'adjectif « classique » remplace l'adjectif « savante » utilisé auparavant, afin de rompre avec la perception des pratiques liées à ce genre musical[1].
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D'un point de vue musicologique, l'adjectif classique fait référence à la musique de la période classique écrite entre le milieu du XVIIIe siècle et l'avènement de la musique romantique dans les années 1820[2]. Une autre manière de définir ce type de musique est d'évoquer la tradition écrite, qui est moins présente ou complètement absente dans les musiques populaires. Les musiques savantes se transmettent généralement par l'écrit (la partition), les musiques populaires se transmettant le plus souvent par l'oral.
Musique classique et musique populaire
La frontière qui délimite la musique classique ou savante de la musique populaire est parfois mince. Tout d'abord, la musique de la Renaissance tire ses sources tant du chant grégorien que de la musique profane des troubadours et trouvères médiévaux. Les musiciens sont d'abord des nobles, puis des « bourgeois », éclairés, cultivés, et pratiquant donc un art de la composition que l'on ne peut qualifier de populaire. Art à ne pas confondre avec les « ménestrels », musiciens ambulants populaires, formés dans les nombreuses écoles de « ménestrandie », ancêtres des académies et conservatoires actuels. Dès les débuts, la distinction entre « populaire » et « savant » est complexe. Inversement, la musique de variété du XXe siècle se base en grande majorité sur le système tonal, introduit progressivement à partir de la musique baroque à l'aube du XVIIe siècle, et sur la gamme tempérée (fin du XVIIIe siècle). Les connexions entre les deux grandes familles de la musique européenne sont donc nombreuses, ce qui rend d'autant plus flou le terme de musique classique.
L'apport de la musique classique à la musique populaire n'en est pas moins important. Les différentes musiques populaires sont généralement liées de près ou de loin à un pan du répertoire classique, même si ces influences sont très rarement revendiquées[3]. De la même façon, la musique dite classique emprunte également beaucoup aux timbres populaires.
Cette distinction est parfois vue comme sociale (classique vient du latin classicus signifiant « citoyen de la première classe ») - cette catégorie ne décrirait pas la musique elle-même, mais ceux qui l’écoutent. Selon un musicologue, Régis Chesneau, cette catégorie ne décrirait pas une esthétique mais des contingences sociales[4].
Il n'empêche qu'à côté de cette interprétation sociologique assez orientée, finalement, pour le sens commun, la musique classique désigne de nos jours des œuvres intemporelles, qui se transmettent à l’écrit, par des partitions, et qui exigent une écoute attentive : rares sont [pour le public] les occasions de danser ou chanter durant un concert "classique"[5]. Plus généralement la même auteure[5] explique qu'on a plaqué sur la musique le mot "classique" tel qu'il était appliqué à la littérature depuis fort longtemps (il apparaît pour la première fois dans le dictionnaire de l’Académie française, en 1694) et qui désigne ainsi et exclusivement "un auteur ancien fort approuvé et qui fait autorité dans la matière qu’il traite".
Compositeurs et interprètes
Outre l'emploi conscient de techniques musicales et d'une organisation formelle hautement développées, c'est probablement l'existence d'un répertoire qui différencie le plus sûrement la musique classique de la musique populaire, et ce, depuis le début de la Renaissance. La musique d'essence populaire est peu ou pas écrite, oralement transmise, ce qui limite la constitution d'un répertoire fixé dans un temps long, d'autant plus que l'action d'écouter de la musique du passé est relativement récente. La tradition musicale savante différencie l'interprète du compositeur, qui écrit ses œuvres non seulement pour lui, mais éventuellement aussi (ou exclusivement parfois) pour d'autres musiciens, alors eux-mêmes vecteurs pour atteindre l'auditeur. La musique populaire serait ainsi ancrée dans son époque, mais n'y survivrait que difficilement, tandis que la musique classique est conçue pour résister à l'épreuve du temps à travers des générations d'interprètes et d'analystes (musicologues) par le biais de partitions très complètement notées.
La musique classique disposerait donc de ce que Nicholas Cook a appelé un « capital esthétique »[6], c’est-à-dire un répertoire, de par la distinction entre interprète et compositeur, tandis que la musique populaire serait écrite pour ou par un musicien ou un groupe de musiciens pour lui-même[7],[8].
Beethoven et la naissance du répertoire
Toujours d'après Nicholas Cook, la conception de la musique dont notre époque a hérité date du XIXe siècle, et tient principalement au personnage de Ludwig van Beethoven[9]. La notion de répertoire, de « musée musical » dont Liszt réclamera la fondation en 1835 en tant qu'institution, n'existait absolument pas avant l'ère romantique. Ainsi, des compositeurs tels que Jean-Philippe Rameau, Johann Sebastian Bach ou Joseph Haydn écrivaient leurs œuvres pour une occasion précise (la messe du dimanche ou le dîner du prince Esterházy, par exemple), et tout donne à croire qu'aucun d'entre eux ne s'attendait à voir ses ouvrages passer à la postérité. L'un des exemples fameux est la Passion selon saint Matthieu, dont l'exécution en 1829 par Felix Mendelssohn était la première depuis la création de l'œuvre, cent ans plus tôt. De même, on sait avec assez de certitude qu'une fraction importante de leur œuvre nous est inconnue (seules 126 des 200 cantates que Bach écrivit à Leipzig nous sont parvenues).
Ces compositeurs réutilisaient souvent le matériel d'une œuvre pour l'écriture d'une autre selon le procédé du pastiche (Liste de réutilisations d'œuvres de musique classique). Ainsi l'intégralité du premier Concerto brandebourgeois de Johann Sebastian Bach se retrouve-t-elle dans les cantates BWV 52 et BWV 207 et la Sinfonia BWV 1071 ; ses 8 concertos pour clavecin sont des arrangements d'œuvres plus anciennes ; sa Messe en si mineur est composée pour l'essentiel de pages puisées dans différents ouvrages antérieurs.
Ce que souligne en outre Nicholas Cook, c'est que le terme de musique classique a été créé pour désigner justement les œuvres de ce musée musical imaginaire, musée qui n'existait pas avant le XIXe siècle[10]. La notion de musique classique aurait donc été formée a posteriori de la moitié de la musique qu'elle est censée désigner et serait donc plus que sujette à caution. L'avènement de ce musée musical fut contemporain de l'ouverture des musées d'arts plastiques ou de sciences naturelles.
Influence
Périodes baroque et classique
La musique populaire a eu une grande influence dans l'histoire de la musique sur la musique classique. La musique baroque utilise et réinvente des danses populaires telles que la chaconne, la gigue, la gavotte, le menuet, éléments incorporés à la suite de danses, établissant des rapports étroits avec la musique populaire. En France, les organistes adoptent les mélodies traditionnelles des chants de Noël pour en faire un genre très apprécié : le Noël varié. C'est aussi la vogue des tambourins, rigaudons, musettes que l'on retrouve tant dans la musique instrumentale que dans la tragédie lyrique ou les pastorales, par exemple chez Rameau. La musique pour clavecin de Domenico Scarlatti incorpore toute une tradition musicale populaire ibérique, et Georg Philipp Telemann, musicien fécond et éclectique, subit de même le charme des airs de la Pologne récemment réunie à la Saxe. Même Bach dans ses suites, n'ignore ni la bourrée, ni la polonaise. Plus tard au cours du XVIIIe siècle, des compositeurs classiques comme Joseph Haydn tirent parti de la musique et de thèmes campagnards.
XIXe siècle
Lorsque s'éveille au XIXe siècle le nationalisme, le panorama musical européen s'en trouve bouleversé. La musique devient un moyen d'exprimer une identité nationale, opprimée ou triomphante. Des compositeurs comme Edvard Grieg ou Antonín Dvořák, qui, utilisant les thèmes folkloriques des campagnes norvégiennes ou tchèques, ont grandement contribué à forger une conscience nationale dans leurs patries respectives. Les Danses hongroises de Johannes Brahms, les Polonaises de Frédéric Chopin sont parmi les exemples les plus célèbres, mais toute la musique de compositeurs comme Leoš Janáček, Franz Liszt, Henryk Wieniawski ou Sergueï Rachmaninov est profondément marquée par leurs folklores nationaux, contribuant à créer un style propre et aisément reconnaissable à chaque nation, à chaque peuple.
XXe siècle
Il ne s'agit alors que de s'inspirer de thèmes et mélodies folkloriques et de les utiliser dans un contexte éminemment romantique. Plus tard, d'autres compositeurs comme Béla Bartók ou Georges Enesco poussent l'expérience beaucoup plus loin, bâtissant leur langage original sur la musique des villages hongrois et roumains.
En outre, l'apport de musiques telles que le jazz ou le blues a marqué des compositeurs comme Maurice Ravel ou George Gershwin... De près ou de loin, presque toute la musique savante du XXe siècle est influencée par les différents styles populaires.
Notes et références
- Nathalie Moller, « Pourquoi dit-on de la musique qu’elle est “classique” ? », sur France Musique, (consulté le )
- Cette définition est considérée comme abusive par Jean-François Paillard, qui situe la musique française classique entre 1600 et la mort de Jean-Philippe Rameau. La définition admise se baserait plus sur la musique germanique que sur la musique française. (Source : Jean-François Paillard, La Musique française classique, Presse universitaire de France, 1969.)
- « il n'est guère surprenant que les commentaires critiques de la musique populaire - je pense plus particulièrement au hard rock - portent massivement leur attention sur ses qualités viscérales et contre-culturelles, et passent outre ce qu'elle emprunte à la tradition artistique classique. » Cook Nicholas, op. cit. p.17
- Régis Chesneau, Pour en finir avec le classique, , 206 p. (ISBN 978-2-343-17553-9 et 2343175535, OCLC 1110028684, lire en ligne)
- https://www.francemusique.fr/musique-classique/pourquoi-dit-de-la-musique-qu-elle-est-classique-31244
- Cook Nicholas, Musique, une très brève introduction, p.25, ed. Allia, Paris 2005 (trad. Nathalie Getnili)
- Ce serait la différence entre musiciens pop et musiciens rock, formulée par Nicholas Cook comme suit : « Les musiciens rocks se produisent en concert, créent leur propre musique et forgent leur identité (…) Les musiciens pop au contraire sont les marionnettes de l'industrie musicale (…) interprétant une musique composée et arrangée par d'autres. » Cook souligne la grossièreté d'une telle assertion. Cook Nicholas, op. cit. p.20
- Les reprises de chansons de variété dont certains artistes comme Johnny Hallyday se sont fait une spécialité oblige néanmoins à nuancer le propos. De fait, on est parfois bien obligé de parler d'un répertoire pop-rock.
- « Le culte de Beethoven (…) est un (ou peut-être le) pilier central de la culture musicale classique. Il n'est pas étonnant que la plupart des idées les plus inhérentes à notre conception de la musique aient leurs racines dans celles qui foisonnèrent lorsque fut reçue la musique de Beethoven. » Cook Nicholas, op. cit. p.32
- « Depuis l'époque de Beethoven, il est devenu normal de s'attendre à ce que la grande musique continue d'être interprétée bien après la mort du compositeur ; c'est tout le sens ou presque du mot « grande ». Mais avant cette époque, c'était au contraire l'exception. (…) Et alors naissait le musée musical, (…) le terme « musique classique » devint monnaie courante. » Cook Nicholas, op. cit. p.38
Bibliographie
- Jean-François Paillard, La Musique française classique - collection Que sais-je ?, no 878 - PUF
- Nicholas Cook, Musique, une très brève introduction, ed. Allia, Paris 2005 (trad. Nathalie Getnili)
- John Burrows, Charles Wiffen, La Musique classique, Gründ, 2006, Collection Le Spécialiste, 512 p. (ISBN 978-2-7000-1347-4)
- Patrick Hauer, Dictionnaire des grands compositeurs et leurs œuvres, du XVIIe siècle au XXe siècle, éditions Dictionnaires d'aujourd'hui, 2007, 660 p.
- Régis Chesneau, Pour en finir avec le "classique", ed. L'Harmattan, Paris, 2019,
- Hyacinthe Ravet, « La petite musique du genre, ou comment combattre le sexisme dans la musique classique », sur The Conversation, .
Article connexe
Liens externes
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