Littérature de langue française

La littérature de langue française rassemble l'ensemble de la littérature écrite en langue française.

Littérature francophone ou de langue française

L'usage du mot « littérature francophone » ou « écrivain francophone » aboutit à un effet paradoxal, contraire au but recherché. L'expression « littérature francophone », qui est censée rassembler toute la littérature écrite en langue française est devenue un mot qui divise. En effet, au fil du temps, il ne désigne que les œuvres d’écrivains francophones autres que Français de France métropolitaine (venant des Antilles, d'Afrique subsaharienne, de Guyane, de Belgique, du Liban, du Maghreb, du Québec, de Suisse, etc.) ; c'est pourquoi certains préconisent de dire « littérature ou écrivain de langue française[1] ».

La littérature française (Alphonse Daudet, Gustave Flaubert, entre autres) fait partie de la littérature francophone, mais on a tendance à considérer comme « écrivains francophones », des auteurs de nationalité française provenant des départements de régions d'outre-mer ou de territoires d’outre-mer, comme Aimé Césaire ou Édouard Glissant, alors que curieusement à l'inverse d’autres écrivains qui n’ont pas la nationalité française, ou ne sont pas nés français (Samuel Beckett, Irlandais, ou bien Eugène Ionesco, Roumain, par exemple) furent d’emblée considérés comme des auteurs français, au rayon de littérature française.

Prise dans cette acception, la littérature francophone (c'est-à-dire, en langue française hors de France), hormis le cas de la Suisse et de la Belgique, se développe tout d'abord à la suite de l'émigration des Français au XVIIIe siècle qui s'installent notamment au Québec. Autre cause, la colonisation au XIXe siècle en Algérie et aux XIXe et XXe siècles, dans les colonies françaises et belges. Le classement peut être lié à des questions idéologiques et peut avoir affaire avec des histoires de discrimination. C’est aussi dans la mesure où la francophonie est une histoire politique, fortement liée à celle de la décolonisation.

Des auteurs ont tenté, dès les années 1930, une approche linguistique mêlant le français à leur langue d'origine, tel le poète et fabuliste camerounais Isaac Moumé Etia, le poète malgache Jean-Joseph Rabearivelo, ou encore le Martiniquais Aimé Césaire. Mais le modèle d'écriture est resté longtemps celui de la France, bien qu'aujourd'hui, on ne compte plus les auteurs vraiment originaux qui se sont émancipés de ce modèle, notamment à partir des indépendances des années 1960.

De plus en plus d'auteurs, ayant vécu dans plusieurs pays, ou étant d'origine multiple, sont difficiles à classer par nationalité. À titre d'exemple, on peut parler de littérature guadeloupéo-sénégalaise (pour l'œuvre de Myriam Warner-Vieyra), ou haïtiano-québécoise (pour Émile Ollivier). L'écrivain Carlos Alvarado-Larroucau, français, né en Argentine, explique que Ce qui définit la littérature francophone, ce n’est pas la nationalité de l’écrivain ni son lieu de résidence, c’est la tension dans l’usage de la langue, d'où l'usage de « littérature de langue française ». La richesse d’une telle œuvre, c’est qu’elle emploie la langue française, mais ne parle pas de la France[2]. Et il explique que la littérature dite francophone a un lien important avec les Études postcoloniales ; il perçoit une certaine intention de dépolitisation de ces littératures dans le fait de vouloir les assimiler à un univers littéraire indéfini. Cet auteur estime infructueuse toute tentative visant à produire des définitions réductrices de la littérature, et pourtant il trouve le débat enrichissant et productif, voire nécessaire. Assia Djebar, pour sa part, souligne qu'en tant qu'écrivain de langue française, elle pratique plutôt une franco-graphie, écrivain donc francographe[3]. Écrire d'abord, et quelle que soit la langue… précise-t-elle dans son poème, « Pour quelle vérité[4] » Cependant, au-delà des polémiques, le prix Nobel de littérature 2008, Jean-Marie Le Clézio, fait entendre sa voix et se dit pour une parole conciliatrice, pour mitiger les conflits : Le Clézio ne conçoit pas d’opposition entre les deux appellations  français, francophone  et se définit justement comme un écrivain « français, donc francophone »[5].

L'œuvre d'Albert Camus ou de Marguerite Yourcenar nous rappelle que la nationalité n'est pas la seule façon de distinguer et de classifier un auteur. c'est pourquoi si son œuvre est écrite en langue française, certains suggèrent d'utiliser les termes « littérature de langue française » et « écrivain de langue française ».

Vers une littérature ouverte sur le monde

Le Clézio conçoit la littérature comme « un bon moyen de comprendre le monde actuel », et c'est peut-être là que doit effectivement se situer le débat : l'affirmation du prix Nobel poursuit un questionnement ouvert par de nombreux écrivains qui, quel que soit leur pays d'origine, écrivent en français, et militent pour une littérature ouverte sur le monde. C'est en ce sens qu'il faut lire le manifeste intitulé Pour une littérature-monde en français signé par de nombreux écrivains, dont Le Clézio. Les signataires du Manifeste considèrent que la littérature ne peut laisser passer cette chance de l'ouverture aux grands bouleversements que vit le monde et à la description de territoires qui, pour être parfois lointains, n'en sont pas moins habités par des hommes et femmes qui vivent et parlent le français.

Nouvelle génération

Dans le sillage de grands auteurs comme Ahmadou Kourouma, Sony Labou Tansi, Hector Bianciotti, Amin Maalouf ou Tahar Ben Jelloun, Kama Sywor Kamanda une nouvelle génération, classée comme écrivains francophones a vu le jour dans le sillage des indépendances et de la décolonisation. Bien qu'ils entretiennent un rapport de contestation et de dé-construction avec les catégorisations du monde francophone, surtout avec un sentiment de jacobinisme linguistique, des auteurs aussi divers que Patrick Nganang, Grand Prix Littéraire d'Afrique Noire 2002, Alain Mabanckou, Prix Renaudot 2006, Tanella Boni, Alioune Badara Coulibaly, Monique Agénor, Raphaël Confiant, Patrick Chamoiseau, Éric Essono Tsimi, ou Boualem Sansal parmi d'autres auteurs d'une réelle originalité, ont effectué un travail remarquable sur la langue française. En effet, ils y ont apporté les inflexions de leurs langues et de leurs imaginaires, de leurs histoires encore à exhumer. Il est intéressant de suivre l'évolution de cette littérature qui trace des voies nouvelles et fortes dans une langue revisitée en profondeur dont il faudra tenir compte, en vue d'une réflexion sur les catégorisations francophones.

Vers une décolonisation de la littérature

Un contre-courant porté par des sommités telles Ngugi wa Thiong'o préconise le rejet des langues prédatrices au profit des langues victimes[6]. Si la marche de l’histoire nous apprend encore quelque chose, la décolonisation linguistique risque fort de bouleverser la carte des langues du globe jusqu’à la rendre à terme méconnaissable. Vân Mai ne dit pas autre chose : « De voir, au profit d’une langue indigène, l’Afrique subsaharienne dite francophone… virer le français… histoire de châtier crime contre l’humanité[7]. »

Au Vietnam dès les années 1970, l’école française est interdite par la loi aux autochtones[pertinence contestée].

Notes et références

  1. Philippe Vandel, Tout et son contraire : Amin Maalouf sur France Info, lundi 17 septembre 2012.
  2. Carlos Alvarado, dans Le Petit Journal : http://www.lepetitjournal.com/content/view/38312/303/
  3. DJEBAR, Assia, Ces Voix qui m'assiègent, Albin Michel, 1999, p. 29.
  4. « Le Magazine Littéraire », no 451, Mars 2006.
  5. Cité par Christine Rousseau, « Le Clézio : "Il faut continuer de lire des romans" », Le Monde, 9 octobre 2008.
  6. Pourquoi les intellectuels africains doivent écrire dans leur langue maternelle, Courrier international, 13 juillet 2018.
  7. Lucioles, Saint-Honoré, 2018, t. 2, p. 423.

Annexes

Bibliographie

  • Charles Bonn, Xavier Garnier et Jacques Lecarme (sous la direction de), Littérature francophone, Paris, Hatier, 409 p. (ISBN 2218716763)
  • Zahida Darwiche Jabbour, Littératures francophones du Moyen-Orient : Égypte, Liban, Syrie, Edisud, Aix-en-Provence, 2007, 206 p. (ISBN 978-2-7449-0702-9)
  • Jean-Louis Joubert (sous la direction de), Littérature Francophone : anthologie, Paris, Nathan, 1992, 446 p. (ISBN 2288824026)
  • Henri Lemaître, Dictionnaire Bordas de littérature française et francophone, Paris, Bordas, 1985, 850 p. (ISBN 2040161694)
  • Buata B. Malela, Rémi Tchokothe & Linda Rasoamanana (dir.), Les Littératures francophones de l’archipel des Comores, Paris, Classiques Garnier, 2017, 428p.
  • Buata B. Malela, La réinvention de l'écrivain francophone contemporain, préface de Paul Aron, Paris, Éditions du Cerf, coll. « Cerf Patrimoines », 2019.

Articles connexes

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