Legio II Parthica

La Legio II Parthica[N 1] fut créée en 197 par l’empereur Septime Sévère (règne 193-211), tout comme les légions I et III, également surnommées Parthica, en vue de sa guerre contre les Parthes en Pannonie, Illyrie et Thrace[1].

Buste de l’empereur Septime Sévère qui leva les trois légions dites Parthiques.

Après cette campagne, la légion II contrairement aux deux autres légions Parthica, retourna en Italie où elle servit à la fois d’armée de réserve pour accompagner l’empereur dans ses campagnes à l’étranger et de police militaire contre les tentatives de coup d’État fréquentes au IIIe siècle ou de rébellion du Sénat.

Dans son premier rôle, la légion accompagna Septime Sévère lors de la campagne de Grande-Bretagne, Caracalla contre les Alamans et Sévère Alexandre contre les Sassanides.

Pendant la période dite de l’ « Anarchie militaire », la Legio II Parthica appuya Maximin le Thrace avant de se retourner contre lui. Elle prit part à la guerre de Gordien III contre les Sassanides et à celle de Philippe l’Arabe contre les Carpes. On trouve trace du passage de la légion dans de nombreux autres endroits sans qu’il soit possible d’établir avec précision son cheminement.

Au IVe siècle, elle se retrouve en Mésopotamie où elle est défaite par les Sassanides en 360. Mais elle continue à protéger la région du Tigre où elle est toujours cantonnée au début du Ve siècle.

L’emblème de la légion était le Centaure[2].

Histoire de la légion

Sous les Sévères

Contrairement à la tradition, Septime Sévère (r. -) ne fut pas choisi par le Sénat avec qui il entretint toujours des relations difficiles, mais par l’armée sur laquelle il s’appuya pour asseoir son pouvoir. Contrairement à la tradition également, les trois légions parthiques qu'il créa ne seront pas commandées par un sénateur, mais par un préfet de légion issu de l’ordre équestre et les légionnaires seront recrutés en Illyrie plutôt qu’en Italie [3], [4]. Après sa création en 197, la légion II Parthica prit part avec ses deux légions sœurs à la campagne réussie contre les Parthes.

Vue panoramique des monts Albains dans le Latium qui serviront de quartier général à la Legio II Parthica.

À la fin de la campagne, alors que les deux autres légions demeuraient en Orient, la légion II fut rapatriée en Italie et stationnée sur les contreforts des monts Albains, à une vingtaine de kilomètres au sud-est de Rome, au camp dit « Castra Albana », ce pourquoi elle fut aussi désignée comme Legio Albana et ses légionnaires, de façon familière mais trompeuse, « Albanais »[5]. Ainsi stationnée près de la capitale, la légion jouait deux rôles : le premier était de prévenir tout coup d’État, les tentatives d’usurpation étant fréquentes au IIIe siècle et de s’assurer de la docilité du Sénat [6]; la deuxième était de servir d’armée de réserve en cas de tentatives d’invasion aux frontières. Au IIe siècle, la pratique avait été, en cas de menace, de déplacer une légion de l’endroit où elle était stationnée vers l’endroit menacé, laissant ainsi le champ libre, sur le Rhin par exemple, à d’autres invasions. Commandée par le préfet du prétoire la IIe légion pouvait être rapidement transférable sans exposer le Latium[7].

Ainsi, Septime Sévère utilisa la Legio II Parthica lors de la campagne de Grande-Bretagne en 208-211 et son successeur, Caracalla (r. 211-217) l’employa contre les Alamans en 213, du moins si les inscriptions retrouvées à Worms se réfèrent bien à cette campagne[8].

Au printemps 214, la légion, renforcée par des equites extraordinarii (Cavalerie auxiliaire)[9] accompagna Caracalla, d’abord à Alexandrie [10] avant de s’aventurer dans l’Empire parthe et de fixer ses quartiers à Apamée en Syrie[11]. Son commandant, le préfet du prétoire Macrin[12], fut impliqué en 217 dans l’assassinat de l’empereur[13]. L’année suivante, la légion, de même que la légion III Gallica, abandonna Macrin pour appuyer Héliogabale (218-222) et défaire son ancien commandant. Le nouvel empereur la récompensera en lui donnant les cognomen (surnoms) de Pia Fidelis Felix Aeterna (litt : éternellement fidèle, loyale et heureuse) et de Antoniana (litt : [légion] Antonienne) [14], [15]. En 218/219, la légion rentra à Rome en compagnie de l’empereur[16] que les légionnaires honorèrent l’année suivante en construisant un autel consacré à la Victoria eterna[17].

En 231 et jusqu’en 233, Sévère Alexandre (r. 222-235), dernier de la dynastie des Sévères, fit campagne contre la nouvelle puissance qui s’affirmait en Mésopotamie et en Syrie : les Sassanides. À nouveau, la Legio II Parthica fut stationnée à Apamée[18] où elle eut comme mission de surveiller la frontière constituée par le fleuve Euphrate. L’année suivante, elle retourna avec l’empereur en passant par l’Illyrie jusqu’au Danube et au Rhin où les Alamans menaçaient la nouvelle province. Elle fut alors stationnée à Mogontiacum (aujourd’hui Mainz, RFA) où l’empereur fut assassiné[19].

Pendant l’Anarchie militaire

Après l’assassinat de l’empereur, l’armée proclama empereur l’un des siens, Maximin le Thrace (r. 235-238), alors préfet des recrues, qui décida de mener à terme la campagne contre les Germains que son prédécesseur voulait abandonner. Le Sénat n’avait que mépris pour cet Illyrien, semi-barbare, qui le lui rendit bien. Sans prendre le temps de faire confirmer son avènement à Rome, Maximin termina la campagne en Germanie[20] puis se rendit en 236 sur le cours inférieur du Danube, pour affronter une coalition de Carpes, peuple dace insoumis, et de Sarmates[21]. La deuxième légion l’y accompagna.

Lorsqu’éclata la crise entre l’empereur et le Sénat en 238, la Legio II Parthica se rangea d’abord du côté de Maximin et, au printemps, marcha avec lui sur l’Italie où le Sénat avait élu deux de ses membres, Pupin et Balbin, empereurs, pendant que l’armée d’Afrique avait, elle, proclamé le proconsul de la province, le sénateur Gordien, et son fils empereurs. Maximin fut toutefois arrêté devant Aquilée dont il entreprit le siège. Mais les difficultés de ravitaillement des assiégeants et le fait que les légionnaires de la IIe Parthica craignaient que leurs parents demeurés à Alba ne servent d’otages provoquèrent une mutinerie; Maximin et son fils Maximus furent assassinés par leurs propres soldats, affaiblis par la famine[22]. S’étant ainsi débarrassé d’un rival gênant, Gordien III (r. 238-244), qui entretemps avait pris le pouvoir, permit à la légion de retourner à son quartier général d’Italie après une absence de sept ans [23].

Elle ne devait pas y séjourner longtemps puisque de 242 à 244, elle prit part sous Gordien III à sa guerre contre les Sassanides au cours de laquelle elle revint à son campement d’Apamée[18]. Elle s’y mérita le cognomen de Gordiana Pia Fidelis Aeterna (litt : légion de Gordien éternellement fidèle et loyale)[24]. Il est possible qu’elle ait pris part à la guerre du successeur de Gordien, Philippe l’Arabe (r. 244-249), contre les Carpes avant de revenir à nouveau en Italie[25]. Lorsqu’éclata le conflit entre Philippe l’Arabe et Trajan Dèce (r. 249-251), la Legio II Parthica demeura loyale à Philippe, mais fut battue lors de la bataille de Vérone dans le nord de l’Italie[25].

Pièce de monnaie frappée sous l’empereur Gallien portant la mention GALLIENUS AUG(ustus) et au verso LEGio II PART(hica) VI (Pia) VI (Fidelis) accompagnée d’un centaure, emblème de la légion.

Au cours des années qui suivirent, la légion ou certains de ses détachements fut appelée en renfort dans diverses parties de l’empire sans qu’il soit possible d’établir avec précision la chronologie de ses déplacements. Elle aurait ainsi combattu sous Aurélien (r. 270-275) en Arabie Pétrine contre la reine Zénobie de Palmyre et sous l’empereur Probus (r. 276-282) en Cilicie contre l’insurrection isaurienne conduite par Lydius. Des inscriptions témoignant de son passage ont également été trouvées à Bordeaux (France), en Thrace et en Numidie, mais ne peuvent être datées que de la fin du IIIe siècle, rendant ainsi impossible de retracer le cheminement de la légion[26].

Durant la même période, la proximité de son quartier général de Rome lui valut d’être mêlée aux différents conflits qui opposèrent les nombreux empereurs au cours de l’Anarchie militaire. Sa loyauté à l’empereur Gallien contre l’usurpateur Postumus lui valut à trois reprises de recevoir le cognomen Pia Fidelis (Pia V Fidelis V / Pia VI Fidelis VI / Pia VII Fidelis VII)[26].

IVe siècle et Ve siècle

La légion se trouvait en Italie vers la fin du IIIe siècle, mais fut presque certainement dissoute par Constantin le Grand (r. 306-337) après la bataille du pont Milvius en , à titre de châtiment pour l’appui apporté à son rival, Maxence[27].

En 360, soit qu’elle fut reconstituée, soit qu’une autre légion du même nom ait été créée, on retrouve une Legio II Parthica en compagnie des Legio II Armeniaca et Legio II Flavia (peut-être la même que celle connue comme Legio II Flavia Virtutis) sur les bords du Tigre à Bezabde (aujourd’hui Cizre en Turquie) où elle fut cernée par une armée sassanide[28]. Lorsque les assiégeants finirent par s’introduire dans la ville, ses défenseurs furent ou bien massacrés ou bien emmenés prisonniers [29].

Selon la Notitia Dignitatum, recension rédigée vers 400[N 2], la légion était stationnée au moment de la rédaction à Cepha (Hasankeyf en Turquie), fortification stratégiquement importante sur le Tigre sous les ordres du dux Mesopotamiae[30].

Or perd trace par la suite de cette légion. Il n’est pas impossible toutefois qu’elle ait été intégrée dans l’armée de l’Empire romain d’Orient et dissoute au plus tard au VIIe siècle.

Notes et références

Notes

  1. Le nombre (indiqué par un chiffre romain) porté par une légion peut porter à confusion. Sous la république, les légions étaient formées en hiver pour la campagne d’été et dissoutes à la fin de celle-ci; leur numérotation correspondait à leur ordre de formation. Une même légion pouvait ainsi porter un numéro d’ordre différent d’une année à l’autre. Les nombres de I à IV étaient réservés aux légions commandées par les consuls. Sous l’empire, les empereurs numérotèrent à partir de « I » les légions qu’ils levèrent. Toutefois, cet usage souffrit de nombreuses exceptions. Ainsi Auguste lui-même hérita de légions portant déjà un numéro d’ordre qu’elles conservèrent. Vespasien donna aux légions qu’il créa des numéros d’ordre de légions déjà dissoutes. La première légion de Trajan porta le numéro XXX, car 29 légions étaient déjà en existence. Il pouvait donc arriver, à l’époque républicaine, qu’existent simultanément deux légions portant le même numéro d’ordre. C’est pourquoi s’y ajouta un cognomen ou qualificatif indiquant (1) ou bien l’origine des légionnaires (Italica = originaires d’Italie), (2) un peuple vaincu par cette légion (Parthica = victoire sur les Parthes), (3) le nom de l’empereur ou de sa gens (famille ancestrale), soit qu’elle ait été recrutée par cet empereur, soit comme marque de faveur (Galliena, Flavia), (3) une qualité particulière de cette légion (Pia fidelis = loyale et fidèle). Le qualificatif de « Gemina » désignait une légion reconstituée à partir de deux légions ou plus dont les effectifs avaient été réduits au combat (Adkins (1994) pp. 55 et 61).
  2. On doit toutefois consulter la Notitia Dignitatum avec prudence, car diverses mises à jour, surtout en ce qui concerne l’armée de l’empire d’Occident, ont été faites de façon partielle et conduisent à des invraisemblance.

Références

Pour la référence CIL, se référer à Epigraphik-Datenbank Clauss / Slaby EDCS dans la bibliographie.

  1. Wesch-Klein (1998) p. 124.
  2. Stoll (2001) p. 67.
  3. Zosso (2009) « Septime Sévère » pp. 121-125.
  4. Lendering (2002) para 3.
  5. Lendering (2002) para 1.
  6. Wesch-Klein (1998) p. 20 et sq.
  7. Lendering (2002) para 4.
  8. Lendering (2002) para 5.
  9. Erdkamp (2007) p. 275.
  10. Bruun (1995) pp. 9-27.
  11. Stoll (2001) p. 131.
  12. Dion Cassius, LXXVIII, 11, 1-3.
  13. Zosso (2009) « Macrin » pp. 135-137.
  14. CIL 6, 3734 .
  15. Zosso (2009) « Élagabal » pp. 141-143.
  16. Lendering (2002) para 9.
  17. Lendering (2002) para 8.
  18. Stoll (2001) p. 131
  19. Lendering (2002) para 10.
  20. Hérodien, VII, 2.
  21. Loriot et Nony (1997) p. 38.
  22. Zosso, « Maximin Ier » pp. 153-156.
  23. Ledering (2002) para 11.
  24. Stoll (2001) p. 44.
  25. Lendering (2002) para 13.
  26. Lendering (2002) para 14
  27. Lendering (2002) para 15.
  28. Lendering (2002) para 16.
  29. Ammien Marcellin, Res gestae, XX, 7.
  30. Notitia Dignitatum Or. XXXVI.

Bibliographie

Sources primaires

  • (en) Compilation. Notitia Dignitatum [archive] (Dr Ingo G. Maier): discussion, bibliographie, aussi carte de l'empire.
  • Hérodien. Histoire des empereurs romains de Marc-Aurèle à Gordien III, traduction de Denis Roques, Les Belles Lettres, Collection la Roue à livres, Paris, 1990, (ISBN 2251339035).

Sources secondaires

  • (en) Bruun, Christer. « Pericula Alexandrina » : The Adventures of a Recently Discovered Centurion of the ‘Legio II Parthica’ (dans) Arctos. Acta philologica Fennica 29, 1995, (ISSN 0570-734X), pp. 9-27.
  • (en) l H. Dodgeon, Michael H. (ed) & Samuel N. C. Lieu (ed). The Roman Eastern Frontier and the Persian Wars, AD 363-628, London, Routledge, 1993. (ISBN 978-0-415-10317-6).
  • (en) Erdkamp, Paul (éd.). A companion to the Roman army. Malden (MA), Blackwell, 2007, (ISBN 978-1-405-12153-8).
  • Loriot, Xavier et Daniel Nony, La crise de l'Empire romain, 235–285, Paris, Armand Colin, 1997, (ISBN 2-200-21677-7).
  • (de)Nesselbauf-Lieb. “Bericht der Römisch-Germanischen Kommission 40”, 1959.
  • (de)Ritterling, Emil. Legio (I Parthica) (dans) Paulys Realencyclopädie der classischen Altertumswissenschaft (RE). Band XII, 2, Stuttgart, 1925, pp. 1476-1483.
  • (de) Stoll, Oliver. Römisches Heer und Gesellschaft. Gesammelte Beiträge 1991 - 1999, Steiner, Stuttgart 2001, (ISBN 3-515-07817-7).
  • (de) Wesch-Klein, Gabriele. Soziale Aspekte des römischen Heerwesens in der Kaiserzeit (= Heidelberger althistorische Beiträge und epigraphische Studien. Band 28). Steiner, Stuttgart 1998, (ISBN 3-515-07300-0).
  • (it) Ricci, C. « Legio II Parthica. Una messa a punto. » dans Yann Le Bohec, Les légions de Rome sous le Haut-Empire, actes du congrès de Lyon (17-) Lyon, 2000, pp.  397-410.
  • (it) Ferdinandi, Sergio. Legio Secunda Parthica. Index. Quaderni camerti di studi romanistici. International Survey of Roman Law, 38, Napoli 2010, pp. 199-221.
  • Zosso, François. Les empereurs romains. Paris, Éd. Errance, 2009, (ISBN 978-2-877-72390-9).

Voir aussi

Liens internes

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