Le Prisonnier
Le Prisonnier (The Prisoner) est une série télévisée britannique en dix-sept épisodes de 52 minutes, créée par l'écrivain et ancien agent des services secrets[1] George Markstein et Patrick McGoohan, acteur principal, scénariste et producteur exécutif de la série. En version originale, elle a d'abord été diffusée au Canada à partir du sur le réseau CTV[2], puis au Royaume-Uni du au sur le réseau ITV[3].
Cet article concerne la série télé originale de 1967. Pour son remake, voir Le Prisonnier.
Pour les articles homonymes, voir The Prisoner (homonymie).
Titre original | The Prisoner |
---|---|
Genre | Série d'espionnage, dystopie |
Création | George Markstein, Patrick McGoohan |
Production | David Tomblin (en) |
Musique | Ron Grainer (générique)Wilfred JosephsRobert FarnonPaul BonneauAlbert Elms |
Pays d'origine | Royaume-Uni |
Chaîne d'origine | ITV |
Nb. de saisons | 1 |
Nb. d'épisodes | 17 |
Durée | 52 minutes |
Diff. originale | – |
Au Québec, elle a été diffusée à partir du à la Télévision de Radio-Canada[4].
Présentée initialement comme un thriller, du même moule que la série précédente avec Patrick McGoohan, Destination Danger (Danger Man en Angleterre, Secret Agent en Amérique du Nord), Le Prisonnier utilise les « ficelles » du roman d'espionnage, teintées de science-fiction, d'allégorie et de drame psychologique. La combinaison des thèmes de la contre-culture des sixties et sa mise en scène surréaliste ont fait du Prisonnier une série qui a profondément influencé la production des programmes de science-fiction, de fantastique, et la culture populaire en général[5],[6].
Synopsis
Un agent secret britannique démissionne brutalement de son poste et se dirige vers son appartement londonien au volant de sa Lotus Seven. Il est suivi et, alors qu'il fait ses valises pour quitter la ville, un gaz anesthésiant est diffusé par sa serrure[7]. À son réveil, il se trouve dans un lieu étrange, le « Village ». L’endroit est excentrique, à l'architecture baroque, dirigé par le Numéro 2 et habité par une communauté de villageois, tous vêtus d'habits colorés similaires. Un badge numéroté sur la poitrine les identifie. L'homme est désormais le Numéro 6. Il réfute cette dénomination et se déclare libre envers et contre tout…
Diffusion
En France
En France, la série a été achetée par Pierre-André Boutang et diffusée dans son émission Nouveau Dimanche à partir du sur la deuxième chaîne de l'ORTF, mais sans les 13e, 14e et 15e épisodes. L'ultime épisode a été diffusé en France, le . Sur les quatorze épisodes doublés, seuls treize épisodes ont été diffusés, ce qui était courant à l'époque[8]. Quelques épisodes ont été rediffusés en 1977 dans Samedi est à vous[9] sur TF1. Alain Carrazé, qui collabore à l'émission Temps X, convainc les producteurs de racheter les droits de la série.
- Rediffusion des treize épisodes, et de l'avant-dernier (resté inédit), du [10] à [9] dans l'émission Temps X sur TF1, puis de à [11] chaque samedi vers minuit sur TF1.
- Rediffusion des sept premiers épisodes de au [11] à 20 h 40 en prime time, puis d' à [11], et les épisodes restants de fin à [11] sur M6.
- Rediffusion du au [11] sur M6.
- Rediffusion intégrale et diffusion des trois épisodes restés inédits du [12] au [13] sur M6.
- Rediffusion intégrale à partir du [13] sur Série Club.
- Rediffusion intégrale du [14] au [15] sur France 3.
- Rediffusion intégrale à partir du sur Arte.
- Rediffusion intégrale à partir du sur Eurochannel à l'occasion du 50e anniversaire de la série avec présentation de chaque épisode par Alain Carrazé[16].
- Rediffusion intégrale les mercredis à partir du sur Paris Première.
La série
Distribution et personnages
- Le personnage principal : le Numéro six interprété par Patrick McGoohan (VF : Jacques Thébault) :
- Les personnages récurrents : Le maître d'hôtel (Angelo Muscat) et Le superviseur (Peter Swanwick (en))
- Les « Numéro 2 » : Le Numéro deux, qui échouait à obtenir des renseignements du Numéro six, était remplacé et interprété par un comédien différent à chaque épisode. Toutefois, certains acteurs tiennent ce rôle à plusieurs reprises.
Ordre des épisodes
Les amateurs de la série ne s'entendent pas sur l'ordre à considérer lors de la diffusion. Plusieurs tentatives ont été faites pour déterminer un ordre universel, sans succès, étant donné que les diffuseurs, les propriétaires de la série, les créateurs et les amateurs ont un ordre bien à eux.
La série comporte 17 épisodes, bien que Patrick McGoohan n'en eût prévu que sept. Pour favoriser sa vente aux États-Unis, le producteur Lew Grade (en) demanda qu'elle en comporte 26, standard requis par les chaînes de télévision de l’époque[17]. Les décideurs de l'époque s’accordèrent finalement sur 17. Il y a cependant toujours un débat pour savoir si l’arrêt de la série fut le résultat d’un accord mutuel entre les parties ou si la série fut purement et simplement arrêtée.
McGoohan a déclaré que l'essence de la série se trouvait dans les 7 épisodes suivants[18] :
- L'Arrivée (Arrival, épisode 1)
- Le Carillon de Big Ben (The Chimes of Big Ben, épisode 2)
- Liberté pour tous (Free for All, épisode 4)
- Danse de mort (Dance of the Dead, épisode 8)
- Échec et mat (Checkmate, épisode 9)
- Il était une fois (Once Upon a Time, épisode 16)
- Le Dénouement (Fall Out, épisode 17)
Éléments caractéristiques
Au Village, les habitants n’ont plus de nom, mais un badge avec un numéro. Il semblerait que, plus le numéro est élevé, moins l’individu est important au sein de la hiérarchie du Village[réf. nécessaire]. Les épisodes laissent entendre que le numéro 1 a le pouvoir absolu, même si, dans les nombreux mystères posés par le dénouement, on peut venir à en douter[réf. nécessaire].
Générique
Le célèbre générique a été orchestré finalement par Ron Grainer, choisi par Mc Goohan lui-même, vers le mois de . Albert Elms fut chargé de concevoir d'autres musiques d'accompagnement, depuis les morceaux les plus langoureux jusqu'aux plus inquiétants, Grainer étant trop occupé pour les composer lui-même.
Séquence d'ouverture
« Les séquences d'ouverture et de clôture des épisodes du Prisonnier sont emblématiques de la série[19]. »
Elles débutent sur un ciel nuageux, accompagné du bruit du tonnerre, qui se transforme en bruit d'un moteur à réaction. Alors que le thème musical commence, la vue du ciel se dissipe pour laisser apparaître un homme (Patrick McGoohan, le futur Numéro 6), au volant de sa Lotus Seven jaune et noire, immatriculée KAR I20C, roulant à grande vitesse sur une route déserte.
Il passe près du palais de Westminster (à Londres) et entre dans un parking souterrain (le Park Westminster actuellement, situé au 5 ou 7 Great College Street à Londres).
Il pénètre avec un air décidé dans le bâtiment par une double porte indiquant la sortie (Way Out), progresse à grands pas dans un long couloir étroit et sombre menant à une autre série de doubles portes, en les ouvrant violemment, et entre dans un bureau derrière lequel est assis un bureaucrate.
Très agité, il exprime sa colère (inaudible, couvert par le bruit du tonnerre) à l'homme derrière le bureau et dépose sèchement une enveloppe portant la mention « Personnel et confidentiel, en mains propres » (« Private, Personal, By Hands ») (sans doute sa démission) et frappe le bureau avec son poing, faisant sauter la soucoupe sur laquelle se trouve une tasse de thé. L'homme derrière le bureau (George Markstein) ne le regarde même pas et semble jongler avec un stylo ; rien n'indique qu'il ait écouté ce qui lui a été dit.
L'homme en colère rentre à son domicile au n°5, ne réalisant pas qu'il est suivi par un corbillard, immatriculé TLH858. Pendant ce temps, dans un lieu inconnu rempli de classeurs, un système automatisé barre la photo de l'homme avec une croix composée des lettres X, dépose la photo et son dossier dans un tiroir étiqueté « démissions ».
Dans son appartement (situé en réalité au n°1 Buckingham Place à Londres), l'homme fait rapidement ses valises, y range des prospectus faisant apparaître des lieux de villégiature. On comprend qu'il s'apprête à partir en vacances.
Le corbillard s'arrête et un homme habillé comme un croque-mort[20] s'approche de la porte d'entrée. À travers la serrure, il inonde la pièce de volutes de fumée, le gaz rend l'homme inconscient. La dernière chose qu'il voit, par sa fenêtre, sont des immeubles (the View SW1). Il s'ensuit un fondu au noir (lors de certaines diffusions, il faisait l'objet d'une pause commerciale).
Le héros se réveille, dans un lieu apparemment identique, se lève, marche droit vers sa fenêtre, regarde dehors, mais la vue a changé : il voit un village, Le Village. Au travers de la fenêtre va se superposer le titre de l'épisode. Dans tous les épisodes, sauf quatre, nous voyons un montage de plans du prisonnier en train de courir, du village puis sur la plage, et nous entendons le dialogue suivant :
« – Où suis-je (Where am I?)
– Au Village. (In the Village.)
– Qu'est ce que vous voulez ? (What do you want?)
– Des renseignements. (Information.)
– Dans quel camp êtes-vous ? (Whose side are you on?)
– Vous le saurez en temps utile... Nous voulons des renseignements, des renseignements, des renseignements... (That would be telling... We want information, information, information...)
– Vous n'en aurez pas ! (You won't get it !)
– De gré ou de force, vous parlerez. (By hook or by crook, we will.)
– Qui êtes-vous ? (Who are you?)
– Je suis le nouveau Numéro 2. (The new Number Two.)
– Qui est le Numéro 1 ? (Who is Number One ??)
– Vous êtes le Numéro 6. (You are Number 6.)
– Je ne suis pas un numéro, JE SUIS UN HOMME LIBRE ! (I am not a number, I AM A FREE MAN!)
– (Rire inquiétant) »
Logo
Le grand-bi fut choisi par Patrick McGoohan pour contrebalancer l'ambiance futuriste de la série ; le grand-bi est comme un regard sur le passé, accentuant l'intemporalité. D'après la fin du générique des versions alternatives des épisodes L'Arrivée et Le Carillon de Big Ben, la petite roue du grand-bi symbolise la Terre et la grande roue l'Univers.
Le Village
Le lieu du tournage est le village de Portmeirion, au nord-ouest du pays de Galles, créé par Sir Clough Williams-Ellis. Les styles espagnol, autrichien, italien et néoclassique y sont représentés.
La fanfare du Village défile à de nombreuses reprises autour du terre-plein central en interprétant, entre autres, la Marche de Radetzky, de Johann Strauss père.
Le spectateur est, en réalité, incapable de situer le Village, même de façon approximative. Il apparaît successivement comme situé en Lituanie, près de la frontière polonaise ou sur une île au large du Maroc.
Le « Ballon gardien » dit le Rôdeur
L'énorme ballon blanc qui intervient lors des tentatives d'évasion pour étouffer les récalcitrants est en réalité un ballon-sonde de météorologie[21]. Au départ, le gardien devait être un petit véhicule télécommandé surmonté d'un gyrophare avec des boudins gonflables à la base. Difficile à manœuvrer, très bruyant et peu impressionnant, il a fini noyé par de l'eau de mer. L'équipe eut alors l'idée originale d'un rôdeur conceptuel : un gros ballon blanc minimaliste sans aucun mécanisme, qu'un rugissement en post-synchronisation rend vivant et terrifiant. Plusieurs membres de l'équipe, y compris Patrick McGoohan, en ont revendiqué la paternité[22].
Version française
Patrick McGoohan est doublé par le comédien français Jacques Thébault. Dans la version anglaise, les habitants du village se saluent par un « Be seeing you » que l'on peut traduire par « À bientôt ! ». Pour la version française, Thébault propose la traduction « Bonjour chez vous ! », une formule popularisée par Francis Blanche à la radio lors de ses canulars téléphoniques[réf. nécessaire].
Censure française
Lors de sa première diffusion en France, au printemps 1968, la violence de certaines séquences fut amputée par les censeurs de l'ORTF. Ainsi, on ne voyait jamais à l'écran comment « Le Rôdeur » étouffait ses victimes car l'image était supprimée dans tous les épisodes[23],[24]. Dans The Chimes of Big Ben, la tentative de suicide de Nadia fut coupée. De même pour de nombreuses séquences de Free for All où le No 6 se fait gifler par la petite servante, puis rouer de coups. Enfin, l'épisode The General fut traduit par Le Cerveau, pour éviter toute confusion avec Charles de Gaulle, alors président de la République. On fit refaire la version française en remplaçant « le général » par « le cerveau » dans tous les dialogues[25]. Cette précaution sera levée quelques années plus tard, après la mort de De Gaulle.
Suites
Adaptation en film
Patrick McGoohan, dans les années 1990, avait l'intention d'adapter Le Prisonnier en long métrage, mais le projet n'a jamais abouti[26]. Ce projet de long métrage est resté dans un tiroir jusqu'à ce que Christopher Nolan, juste après la sortie de Batman Begins, évoque l'idée de réaliser ce long métrage.
Remake
En 2009, la série a été reprise sous forme d'une mini-série en six épisodes, également intitulée Le Prisonnier. Il s'agit d'une adaptation américaine réalisée par Nick Hurran (en), avec Jim Caviezel dans le rôle du numéro 6, diffusée sur la chaîne câblée AMC les 15, 16 et [27]. Numéro 2 est joué par Ian McKellen.
Cependant, bien qu'ayant repris plusieurs concepts de la série d'origine tels que les numéros, la boule blanche ou l'ambiguïté de certains épisodes, la mini-série en diffère beaucoup en proposant une interprétation différente de celle de Patrick McGoohan. Cette mini-série ne serait donc pas un remake de la série Le Prisonnier, mais plutôt une reconnaissance et un hommage.
Dans la culture populaire
Télévision
- Chapeau melon et bottes de cuir, saison 6, épisode Étrange Hôtel (Wish You Were Here). Tara King part rejoindre son oncle dans l'hôtel où ce dernier passe ses vacances. L'hôtel est confortable, luxueux... mais il est impossible d'en sortir sous peine d'être victime de « malencontreux accidents » (escaliers glissants, voitures à démarrage douteux...). L'épisode est réalisé par Don Chaffey, qui a également réalisé certains épisodes du Prisonnier, comme L'Arrivée.
- 1990 : Histoire(s) de la télévision, mini-série du groupe comique Les Nuls. Le personnage de Gilou Gilet, interprété par Dominique Farrugia, manifeste à plusieurs reprises sa passion pour Le Prisonnier. Dans le dernier épisode, Et la télé inventa le dernier épisode, le spectateur découvre que les protagonistes de la série sont en fait prisonniers du Village. La dernière scène a été effectivement tournée à Portmeirion par Alain Chabat, Dominique Farrugia et Chantal Lauby[29], et la toute dernière image reprend le gimmick pré-générique du Prisonnier : les visages des Gilet surgissent à l'écran derrière des barreaux, tout comme celui du Numéro Six.
- 1995 : L'Homme de Nulle part (Nowhere Man). Le sujet de départ et l'ambiance paranoïaque peuvent rappeler celui de la série de Patrick McGoohan. Thomas Veil, le héros de l'histoire, se retrouve en effet prisonnier, dans un épisode, d'un mystérieux village où, sous une attitude bon enfant, on impose aux habitants certaines règles, de même que dans le Village. Dans un autre épisode, Thomas Veil se retrouve envoyé vers un camp d'entraînement militaire. Lui et ses compagnons se voient chacun attribuer un numéro, et Veil hérite du numéro 6.
- Les Simpson :
- saison 9 épisode 14, Un coup de pied aux cultes (1998). Marge est poursuivi par un rôdeur (ballon gardien).
- saison 12 épisode 6, Le Site inter (pas) net d'Homer (2000). En partie une parodie de la série.
- 2001 : L'homme invisible, saison 2 épisode 15, Les Prisonniers (A Sense of Community). L'épisode réutilise l'idée d'une communauté d'espions mis à la retraite et cloîtrés.
- 2010 : Persons Unknown. Des personnes ne se connaissant pas se retrouvent prisonnières d'une ville américaine coupée du reste du monde, sans possibilité de s'échapper, sous le regard de caméras. L'ambiance paranoïaque est de mise. Un des personnages féminins porte, dans un épisode, la même tenue vestimentaire que le Numéro 6.
Cinéma
- 1997 : Double Team. Le personnage joué par Jean-Claude Van Damme se retrouve prisonnier dans une île qui reprend le même concept que le village.
Musique
- Le groupe de heavy metal britannique Iron Maiden, dont les membres (et en particulier Steve Harris et Bruce Dickinson) sont admirateurs de la série, lui ont rendu hommage dans une chanson intitulée The Prisoner, sortie en 1982 sur l'album The Number of the Beast. Les textes de la chanson retracent ouvertement l'intrigue de la série et un extrait de celle-ci (l'accroche du générique) paraît même en exergue. En 1984, le groupe réitère son hommage au travers de la chanson Back in the Village (Retour au Village) sur l'album Powerslave.
- La musique du Prisonnier, due au compositeur australien Ron Grainer, est reprise par The Clash dans le titre The Prisoner.
- Quelques extraits de répliques de la série sont utilisés dans l'album Mes Mauvaises Fréquentations du chanteur français Philippe Katerine : « Oh je sais c'que vous pensez d'moi » et « C'est pour votre bien mon ami, croyez-moi » (extrait de l'épisode 2, dans le morceau intitulé Le Manteau de Fourrure), ainsi que « Parfait, sujet mal adapté, complexe de culpabilité se traduisant par une agressivité obsessionnelle » (dans le morceau La Joueuse).
Bande dessinée
- 2003 : The Prisoner: Shattered Visage, publié par DC Comics. Cet album de Dean Motter et Mark Askwith (en) se veut une suite officielle de la série[30].
Autour de la série
Commentaires
« Le Prisonnier évoque une forme de psychose schizophrénique, car l'individu lutte contre le système tout en essayant d'y échapper » : « Qu'est-ce que c'est ? » et « Qui est-ce ? » sont les deux grandes questions de la peur.
La simple formulation de telles questions implique un tremblement du réel annonçant tous les fantasmes du double, tous les symptômes de la dissociation caractéristique de la schizophrénie : soit de cette décomposition de l'âme par laquelle Maupassant définit justement la peur...
Mais c'est aussi un véritable éloge de la fuite.
La nature profonde de la série est avant tout éminemment pamphlétaire. Patrick McGoohan n'a de cesse d'alerter sur l'emprise impitoyable de services gouvernementaux sur l'individu par toute une kyrielle de méthodes sophistiquées. Très inspiré par les manipulations mentales en usage dans l'espionnage, Le Prisonnier traite de toute une batterie de techniques psychologiques complexes, comme la substitution des rôles du bourreau et de la victime qui excite effectivement des tendances schizophréniques latentes, permettant à un sujet totalement désorienté de se faire avouer lui-même. Drogues hallucinogènes, suggestion par excitation électronique du cerveau sont souvent présentes dans la série et font écho aux réels interrogatoires pratiqués, dès les années 1960, par la CIA et le KGB à l'aide de la mescaline, de la psilocybine ou du LSD[réf. souhaitée].
Le Prisonnier est aussi, fondamentalement, un plaidoyer cinglant pour la liberté de pensée de l'individu contre l'écrasante propagande d'États totalitaires froidement calculateurs et exécuteurs. La séance d'aveux pleurnichards de l'épisode "A Change of Mind" est une dénonciation magistrale de l'humiliante autocritique qui était imposée aux condamnés politiques lors des procès expéditifs des régimes staliniens des années 1960[réf. nécessaire]. Le village constitue clairement, pour les créateurs de la série, une arène où se joue un éternel duel libertaire : l'odieuse insolence et la cruauté émanant d'un pouvoir pénitentiaire occulte mené par le Numéro 2 sont combattues par l'humour grinçant du Numéro 6. McGoohan incarne cette défiance salutaire de l'individu face à une coercition totalitariste administrée et inhumaine en défendant son libre-arbitre et sa dignité d'être humain doté de droits légitimes[réf. souhaitée].
À la fin de la série, le Numéro 6 s'évade pour rentrer chez lui comme toute personne qui, ayant fini sa journée de travail, retrouve son logement douillet pour se ressourcer. Selon Gilles Visy, dans ce dernier épisode, « le Numéro 6 jouera métaphoriquement une partie d'échecs contre l'énigmatique Numéro 1 via le Numéro 2. Ce n'est pas sans rappeler le chevalier du Septième Sceau qui combat la mort sur l'échiquier de la vie »[31].
Patrick McGoohan avait joué dans une série d'espionnage « normale » qui avait eu un succès international : Destination Danger (Danger Man, en version originale).
De cette série au Prisonnier, il ne change rien : ni son appartenance initiale aux services secrets, ni sa coiffure, ni son style.
Tout se passe comme si on cherchait à nous faire comprendre que le Prisonnier est John Drake, ce qui accroît l'impression de basculement du réel que la série cherche — et réussit — à donner. En réalité, le spectateur ne sait rien du prisonnier : juste qu'il est né le 19 mars 1928 (saison 1, épisode 1) : c'est le seul renseignement qu'il concède à ses geôliers. Il s'agit de la véritable date de naissance de l'acteur.
« La voiture de numéro 6 était une Lotus 7 S2 Cosworth (immatriculée KAR120C), elle ouvrait tous les épisodes de la série. Pour le dernier épisode, la Lotus n'existant plus, il a été demandé à Caterham Cars de récréer cette voiture pour permettre à N° 6 de s'enfuir à son bord… enfin libre[32] ! »
Pour l'anecdote, dans les épisodes « Le paysage qui accuse » et « Enterrons les morts » de Destination Danger (Danger Man en version originale), le village-hôtel de Portmeirion est utilisé.
Et aussi, le thème du double (Schizoïd Man) avait été utilisé dans Destination Danger.
Antécédents
Le thème d'un agent secret placé dans un environnement dont la logique semble absurde et qui lutte pour garder sa santé mentale avait déjà été évoqué dans trois films auparavant :
- La Chatte sort ses griffes, d'Henri Decoin (1960), où on effectue un lavage de cerveau du même genre à une femme agent des renseignements français, soumise à un traitement qui la dépersonnalisera.
- Alphaville, de Jean-Luc Godard (1965), sous-titré Une étrange aventure de Lemmy Caution, avec Eddie Constantine, qui avait lui aussi interprété auparavant des rôles d'agent secret dans des films d'espionnage conventionnels.
- Ipcress, danger immédiat (The IPCRESS file), de Len Deighton (1965), où on soumet un agent secret (interprété par Michael Caine) à une perte de repères afin de le déstabiliser.
Produits dérivés
DVD
Éditeur TF1 VIDEO :
- Le Prisonnier : coffret 6 DVD ()
- Le Prisonnier : coffret 6 DVD () ASIN B000PUB9NM
- Le Prisonnier : coffret 7 DVD () Image remastérisée, nouvelles pistes son 5.1
- Le Prisonnier : coffret 7 DVD (), réédition sous un nouveau visuel du précédent coffret
Blu-ray
Éditeur TF1 Vidéo :
- Le Prisonnier : coffret 5 Blu-ray () Images restaurées à partir des éléments 35 mm d’époque
Notes et références
Source
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « The Prisoner » (voir la liste des auteurs).
Notes
- Voir sur arte.tv/fr.
- (en) « Today's Preview (22 h au 12) », The Gazette, vol. 190, , p. 23 (lire en ligne)
- As noted in Andrew Pixley's 2007 The Prisoner - A Complete Production Guide book, the first UK premiere was 29 September 1967 on ATV Midlands and the last episode first aired on 1 February 1968 on Scottish Television.
- « Horaires de la télévision - Lundi 4 septembre (CBFT, 21 h) », Le Devoir, vol. LVIII, no 203, , p. 17 (lire en ligne)
- Coffret 7 DVD « Le Prisonnier » 2009 - TF1 Vidéo.
- Coffret (Megaset - 13 DVD) “Secret Agent aka Danger Man” 2001 - AandE (A&E) Television Networks.
- « Le Prisonnier (The Prisoner) Générique » (consulté le )
- Christophe Petit, « Le Prisonnier en France », Génération Séries, no 6, , p. 12 (ISSN 1167-136X)
- Christophe Petit, « Le Prisonnier en France », Génération Séries, no 6, , p. 13 (ISSN 1167-136X)
- Jérôme Wybon, « Livret de 16 pages sur l'impact de la série en France », Le Prisonnier - Intégrale (1967) - DVD Édition Ultime, , p. 14
- Christophe Petit, « Le Prisonnier en France », Génération Séries, no 6, , p. 14 (ISSN 1167-136X)
- 23.05 Le prisonnier sur humanite.fr,
- Christophe Petit, « Le Prisonnier en France », Génération Séries, no 6, , p. 16 (ISSN 1167-136X)
- « France 3 07/10/2000 23:42:15 00:49:32:00 L'arrivée Le prisonnier », sur ina.fr
- « France 3 03/02/2001 23:44:49 00:49:12:00 Le dénouement Le prisonnier », sur ina.fr
- « La série culte Le Prisonnier sur Eurochannel dés fin novembre (version remasterisée). », Le Blog TV News, 6 octobre 2017.
- David Buxton, De « Bonanza » à « Miami Vice ». Formes et idéologie dans les séries télévisées, Éditions de l'Espace Européen 1991, p. 100, (ISBN 2-7388-0127-7).
- Réfléchir et agir, no 16, hiver 2003, Le Prisonnier : le droit au silence, par Michel Philippe, p. 57
- Mike Patterson. “The Prisoner - the classic British TV series”.
- Comme décrit in White & Ali, page 9.
- Bonus coffret DVD TF1 Vidéo.
- Voir sur leprisonnier.net.
- Alain Carrzé, « Le Prisonnier: Historique de la diffusion en France (1) », Le Rôdeur, no 2, , p. 22
- fiche rÔdeur no 2
- Alain Carrzé, « Le Prisonnier: Historique de la diffusion en France (1) », Le Rôdeur, no 2, , p. 23
- Génération Série 6.
- (en) « AMC Announces The Prisoner Mini-Series Premiere Sunday, November 15 at 8pm ET/PT », sur TheFutonCritic,
- [vidéo] Patrick McGoohan s"explique sur Le Prisonnier sur YouTube
- « à propos du Prisonnier » sur Canalplus.fr
- page de présentation du site de DC Comics
- Gilles Visy, « Cadrage.net : DOSSIER LE PRISONNIER », Cadrage.net, (lire en ligne[archive du ], consulté le )
- Manu Joucla, Lotus et Seven Passion.
Voir aussi
Études
- [Carrazé et Oswald 1989] Alain Carrazé et Hélène Oswald, Le Prisonnier, chef-d'œuvre télévisionnaire (précédé d'un entretien avec Patrick McGoohan), Paris, NéO, coll. « Huitième art », (réimpr. 1991), 1re éd., 1 vol., 242 p., ill., 22 × 29 cm (ISBN 2-7304-0535-6, EAN 9782730405355, OCLC 417446963, notice BnF no FRBNF35101556, SUDOC 006992951).
- Patrick Ducher et Jean-Michel Philibert, Le Prisonnier - Une énigme télévisuelle, 2003, Yris, Collection « Télévision en séries ». Nouvelle édition sortie en 2011
- [Sérisier 2013] Pierre Sérisier, Le Prisonnier : sommes-nous tous des numéros ?, Paris, Presses universitaires de France, hors coll., , 1re éd., 1 vol., 144 p., ill., 12,5 × 19 cm (ISBN 978-2-13-060761-8, EAN 9782130607618, OCLC 842467128, notice BnF no FRBNF43569420, DOI 10.3917/puf.seris.2013.01, SUDOC 168863766, présentation en ligne, lire en ligne).
- [Valéry 1993] Francis Valéry, Le Prisonnier : retour au village, Pézilla-la-Rivière, Car rien n'a d'importance, coll. « Le guide du téléfan », , 1re éd., 1 vol., 92 p., ill., 21 cm (ISBN 2-87795-037-9, EAN 9782877950374, OCLC 489907845, notice BnF no FRBNF35836935, SUDOC 005034698).
- Jacques Baudou et C. Petit, Les Grandes Séries britanniques, Paris, 1994, Huitième Art
- S. Benasi, Série et feuilletons TV : Pour une typologie des fictions télévisuelles, Liège, 2000, Éditions du Céfal
- Florence Livolsi, « L'énigme du Prisonnier », maîtrise d'études cinématographiques et audiovisuelles, Paris 1- Panthéon Sorbonne, 1989
- Guillaume Granier, « A study of the television series The Prisoner », mémoire maîtrise d'anglais, Tours; 2001
- Norbert-Bertrand Barbe, Patrick McGoohan's The prisoner, Collection « Indispensables » No 9, Bés Éditions, 2004, (ISBN 2-84733-061-5)
Roman
- Thomas M. Disch, Le Prisonnier (The Prisoner, 1969)
Articles connexes
Liens externes
- Ressources relatives à l'audiovisuel :
- Allociné
- (en) British Film Institute
- (en) Internet Movie Database
- (de) OFDb
- (en) Rotten Tomatoes
- Ressource relative à la littérature :
- Portail des séries télévisées
- Portail de la science-fiction
- Portail du renseignement
- Portail des années 1960
- Portail de la télévision britannique