Immigration algérienne en France


L'immigration algérienne en France est un phénomène qui débute dès la fin du XIXe siècle.

Algériens en France

Populations significatives par région
Autres
Régions d’origine Algérie, France
Langues français, kabyle, arabe algérien, chaoui
Religions islam[réf. nécessaire]

Tout d'abord patronnée par la France, l'immigration algérienne est dans un premier temps une immigration de travail, plutôt masculine et ouvrière, souvent originaire de Kabylie, qui s'articule autour des grandes villes, principalement Paris mais aussi Marseille, le Nord de la France, Lyon et Saint-Étienne. L'immigration algérienne en France connaît des reflux durant la crise des années 1930 et la Seconde Guerre mondiale. Elle s'accélère toutefois dès 1945 et durant les Trente Glorieuses. Par la suite, la nature de l'immigration algérienne en France - jusque-là plutôt temporaire - évolue, notamment avec les regroupements familiaux[1].

En 2019, l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) comptait 846 400 immigrés algériens résidant sur le territoire français[2]. La même année, l'Institut national d'études démographiques (INED) estimait à 1 207 000 le nombre d'enfants d'immigrés algériens résidant en France[3].

Histoire

Les débuts (1905 - 1914) : un flux de travailleurs majoritairement kabyles

La Kabylie est la région d'origine de la grande majorité des premiers travailleurs algériens à émigrer vers la France métropolitaine.

Le phénomène de l'immigration algérienne en France métropolitaine commence au tournant des XIXe et XXe siècles. Il s'agit d'une immigration de travail, souvent originaire de Kabylie. Ce phénomène s'explique par plusieurs facteurs socio-économiques. Tout d'abord, la pauvreté de la population d'Algérie est aggravée par la colonisation française, poussant de nombreux algériens à émigrer vers la France métropolitaine[4]. De plus, en raison de l'élévation du niveau de vie et du progrès technique en France métropolitaine, de nombreux citoyens refusent d'occuper des métiers difficiles, encourageant le recours aux travailleurs algériens pour réaliser certains emplois[5]. Le plus souvent, les travailleurs kabyles restaient entre un an et demi à deux ans en France métropolitaine, avant de rentrer dans leur région d'origine tandis que d'autres membres de leurs familles venaient les remplacer dans les usines de la métropole[5].

Au début du XXe siècle, en région parisienne, de nombreux travailleurs kabyles, occupent des emplois techniques dans le métro parisien.

Dès 1905, la main d’œuvre kabyle est sollicitée en France métropolitaine, notamment dans la ville de Marseille[4]. Les Kabyles y travaillent dans les raffineries ou comme dockers ou chauffeurs sur des navires. Puis des centaines de travailleurs algériens sont embauchés dans les mines et les usines du Nord et du Pas-de-Calais, les industries de Clermont-Ferrand et Paris. En région parisienne, ils travaillent dans le bâtiment et les travaux publics, les industries chimiques, les raffineries de sucre Say, la compagnie des omnibus, les chemins de fer et le métro. Ils s'installent dans les villes et se regroupent parfois dans certains quartiers comme Montmartre. En 1912, la France recense de 4 000 à 5 000 algériens en métropole, dont un millier dans la seule région parisienne[4]. Dans le Nord de la France, ce sont environ 1 500 algériens de Kabylie qui travaillent dans les mines, pour un salaire normal et bénéficiant de l'application des lois sociales de l'époque pour les mineurs

Les travailleurs kabyles sont généralement bien accueillis par la population ouvrière avec souvent de l’admiration pour leur savoir-faire et leur abnégation au travail, ils s’intégraient assez facilement dans la communauté en adoptant le mode de vie des Français quand bien même ils restaient attachés à leurs traditions et à leur culture kabyle[6]. Les patrons appréciaient particulièrement les travailleurs kabyles, notamment en raison de leur bonne maîtrise du français, à la différence des Polonais par exemple, de leur discpipline mais aussi dans le cadre d'un imaginaire faisant du Kabyle un travailleur digne d'assimilation, sur fond de « l’idéologie racialiste coloniale française » qui tendait parfois à rapprocher les Berbères des Français[1].

Le mouvement migratoire s'accélère dès 1913 grâce à la suppression du permis de voyage qui était alors requis pour les Algériens et l'on estime à environ 13 000 le nombre d'Algériens en France métropolitaine en 1914[1].

Durant la Première Guerre mondiale (1914 - 1918)

Lors de la Première Guerre mondiale, la France fait très largement appel aux travailleurs et aux soldats de l'Empire colonial[7]. Ils seront alors près de 80 000 travailleurs et 175 000 soldats à venir d'Algérie. Pour les algériens, le service militaire obligatoire est alors deux fois plus long que pour les français[1]. Sur ces 175 000, 35 000 seront tués ou portés disparus et 72 000 blessés[8]. Ceux qui ne sont pas sur le front sont employés dans les secteurs vitaux à l'effort de guerre, production d'armement, génie, aéronautique, transports, mines, etc. La participation des travailleurs coloniaux à l'effort de guerre, est reconnue et ils jouissent de la sympathie des français. À cette époque, les fêtes musulmanes sont célébrées en France avec un certain faste et l'on assiste à de nombreux mariages mixtes.

Toutefois, au terme de la Grande guerre en 1918, la France renvoie la très grande majorité des soldats algériens dans leurs régions d'origine[4].

Durant l'entre-deux-guerres (1918 - 1939)

Après guerre, la France rapatrie 250 000 travailleurs et soldats des colonies. Dès 1920, l'immigration reprend, la France, victorieuse mais ruinée par la guerre, est en partie détruite. Elle fait à nouveau appel aux travailleurs des colonies. Entre 1919 et 1931, on assiste à une immigration massive. Au fil des années, au fur et à mesure d’arrivées massives de nouveaux ressortissants originaires d’Algérie, les Kabyles se sont déployés dans tous les secteurs d’activité, on les retrouve dans la restauration, les services, la communication, le spectacle, les transports et l'administration[9]. Si la composante kabyle reste importante parmi les immigrés algériens, d'autres, comme celle des habitants du nord-ouest oranais gagne du terrain. C'est aussi durant cette période que naissent les premiers mouvements anti-impérialistes au sein de la communauté algérienne immigrée.

Dans l'après-guerre (1946 - 1954)

Après 1945, le flux migratoire reprend, les Algériens occupent des emplois dans les domaines qui permettent la reconstruction de la France et la relance économique, comme les mines et la sidérurgie, mais aussi l'industrie et la construction de nouvelles infrastructures. Selon Daniel Lefeuvre, professeur à l'Université Paris-VIII, il apparaît que l'immigration algérienne en France dans les années 1950 a pour origine l'explosion démographique et la pauvreté. En effet, dans son ouvrage chère Algérie publié en 2005, il affirme que cette immigration ne répond pas aux besoins de main d'œuvre de l'économie française au cours des années de reconstruction ou des Trente Glorieuses mais bien à la situation terrible dans laquelle vivent les populations musulmanes à cette époque. Les ressources sont insuffisantes pour nourrir une population qui croît très vite. La misère s'étend et les Algériens sont contraints de s'expatrier pour nourrir leurs familles. Les administrateurs de la colonie encouragent cette émigration pour alléger la pression sociale. Mais la métropole est peu disposée à accepter ces nouveaux travailleurs, qui n'ayant aucune formation professionnelle, ne répondent pas à la demande des entreprises. Inversement, Gérard Noiriel indique, dans son ouvrage Le Creuset français en se basant notamment sur les travaux de Georges Mauco, que les immigrés, dont beaucoup d'algériens, ont depuis la deuxième Guerre mondiale construit 90 % des autoroutes françaises, une machine sur sept, et un logement sur deux[10].

Dès 1947, les Algériens deviennent, officiellement du moins, des citoyens, appelés par l'administration des Français musulmans d'Algérie (FMA) et commencent à s'organiser politiquement aussi bien en métropole qu'en Algérie. Ils ne sont donc plus des immigrants étrangers mais des immigrants régionaux comme les Bretons et les Corses avec le droit de vote, les mêmes droits et devoirs que les autres citoyens français[11].

En 1946, on estimait que 35 000 algériens résidaient en France métropolitaine. En 1952, ce chiffre s'élève à 149 000, avant de redescendre à 134 000 l'année suivante, en 1953[5].

Durant la guerre d'Algérie (1954-1962)

Durant la guerre d'Algérie, les migrations de travailleurs algériens vers la métropole continuent. Il s'agit toujours de flux originaire majoritairement des populations kabyles, bien que des foyers d'émigration émergent également aux environs de Tlemcen, d'Oran et dans la région montagneuse des Aurès[12].

En plus de l'immigration de travailleurs algériens, la guerre provoque des flux migratoires d'une autre nature : le rapatriement de la grande majorité de la population de nationalité française présente en Algérie. La presque totalité des pieds-noirs et des milliers de harkis et leurs familles abandonnent l'Algérie devenue indépendante et sont rapatriés en métropole. Ces populations sont pour la plupart de nationalité française (depuis la loi de 1870 pour les Juifs, celle de 1889 pour les Européens et depuis 1947 pour les musulmans). Toutefois, les musulmans ont dû, lors de leur rapatriement en France, refaire le choix de la nationalité française, ce qui n’a jamais été demandé aux autres Français non-musulmans. Ils doivent souscrire en France, avant le , une déclaration de reconnaissance de la nationalité régulièrement enregistrée par le ministre chargé des naturalisations[13].

De l'indépendance à la fin des Trente glorieuses

Entre 1962 et 1982, la population algérienne vivant en France passe de 350 000 à plus de 800 000 personnes[14].

Les années 1980 et 1990

La fin de la liberté de circulation signifie que les allers-retours ne sont désormais plus possibles. Ce qui fait que les Algériens travaillant en France veulent désormais y rester, et ils font alors venir leur famille. Les entrées sont dès lors essentiellement constituées par le regroupement familial (plus de la moitié des entrées), c’est-à-dire la venue du conjoint et/ou des enfants.

L’émigration en France se fait aussi pour des raisons politiques depuis le début des années 1990 : le triomphe du FIS aux élections municipales de , puis au premier tour des élections législatives de , entraîne l’arrêt par les dirigeants algériens du processus électoral et une guerre civile. Beaucoup d’Algériens, en particulier des intellectuels, n’ont d’autre issue que celle de la fuite, ce qui fait d’eux des réfugiés politiques. Plus de 100 000 demandes de statut de réfugié politique sont déposées entre 1993 et 2003. La France accorde 19 623 statuts. C’est l’Allemagne qui en accorde le plus (44 000). Le Royaume-Uni en accorde 11 600.

L'immigration algérienne aujourd'hui

En 2019, l'INSEE recensait 846 400 immigrés algériens résidant sur le territoire français[2]. La même année, l'INED estimait à 1 207 000 le nombre d'enfants d'immigrés algériens résidant en France[3].

Les médecins algériens représentent 25 % du nombre total de médecins étrangers exerçant dans les hôpitaux français, selon une étude du Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM)[15].

Selon Le Parisien, 800 algériens sont expulsés par les autorités françaises vers leur pays d’origine en 2015, sur le 10 471 ressortissants étrangers qui ont été expulsés de France métropolitaine. La nationalité algérienne est la troisième en termes de personnes reconduites à la frontière (800) après la Roumanie (2 422) et l'Albanie (1 934), suivie par la Tunisie (772) et le Maroc (731)[16].

Démographie

Selon l'Insee, 4,0 % des enfants nés en 2015 en France métropolitaine, soit 30 426 sur 758 344, ont un père né en Algérie, avec la plus forte proportion dans les départements des Seine-Saint-Denis (10,5 %), Bouches-du-Rhône (9,5 %), Rhône (8,3 %), Val-de-Marne (8,0 %), Territoire de Belfort (7,3 %), Val-d'Oise (6,4 %), Haute-Garonne (6,3 %), Hauts-de-Seine (6,2 %), Loire (6,1 %), Haute-Vienne (5,5 %), Essonne (5,3 %), Paris (5,1 %), Nord (5,0 %), Pyrénées-Orientales (4,7 %), Haut-Rhin (4,7 %), Isère (4,6 %), Yvelines (4,4 %), Seine-et-Marne (4,1 %), Moselle (4,1 %), Gard (4,0 %), Alpes-Maritimes (3,7 %), Hérault (3,7 %), Drôme (3,7 %)[17].

Dans un discours du 4 juillet 2020 demandant des excuses à la France pour la période coloniale, le président algérien Abdelmajid Tebboune a estimé que la France comptait 6 millions de personnes d'origine algérienne[18] sans préciser de source.

Notes et références

  1. Pierrette Meynier et Gilbert Meynier, « L'immigration algérienne en France : Histoire et actualité », Confluences Méditerranée, , p. 219 - 234 (lire en ligne)
  2. « L'essentiel sur... les immigrés et les étrangers  | Insee », sur www.insee.fr (consulté le )
  3. « Descendants d’immigrés par pays d’origine », sur Ined - Institut national d’études démographiques (consulté le )
  4. Musée de l'histoire de l'immigration, « L’immigration algérienne en France : De la fin du XIXe siècle à 1962 », sur histoire-immigration.fr (consulté le )
  5. Mohand Khellil, « Kabyles en France, un aperçu historique », Hommes & Migrations, vol. 1179, no 1, , p. 12–18 (DOI 10.3406/homig.1994.2277, lire en ligne, consulté le )
  6. http://www.lecourrierdelatlas.com/Dossier/Les-Kabyles-de-la-Republique.htm
  7. L'effort de guerre s'est traduit par l'apport de plus de 800 000 hommes dont environ 600 000 soldats et 220 000 travailleurs. Il consista également dans la fourniture de denrées diverses : céréales, viandes, oléagineux d'Afrique du Nord et d'Afrique noire qui firent l'objet de réquisitions à partir de 1916-1917, Jacques Frémeaux, Les colonies dans la Grande Guerre, 14-18 Éditions, 2006, p. 73
  8. Armelle Mabon, Prisonniers de guerre « indigènes » : Visages oubliés de la France occupée, La Découverte, 2010
  9. http://www.lecourrierdelatlas.com/Dossier/Les-Kabyles-de-la-Republique.html
  10. Gérard Noiriel, Le Creuset français, éditions du Seuil, 1988, édition mise à jour en mars 2006, p. 312 ; Georges Mauco, Les Étrangers en France et le Problème du racisme, La Pensée universelle, 1977
  11. Gérard Noiriel,Immigration, antisémitisme et racisme en France, Fayard, 2007, p. 517
  12. Benjamin Stora, « Les Algériens à Paris pendant la guerre d’Algérie : Installation, travail et conditions de vie », dans Le Paris des étrangers depuis 1945, Éditions de la Sorbonne, coll. « Internationale », (ISBN 978-2-85944-863-9, lire en ligne), p. 299–308
  13. « Qui a conservé la nationalité française à l’indépendance de l’Algérie ? », sur Consulat général de France à Annaba et Constantine (consulté le )
  14. L’immigration algérienne en France par Gérard Noiriel
  15. http://www.huffpostmaghreb.com/2014/11/29/10000-medecins-algeriens-hopitaux-france_n_6240096.html
  16. Abderrezak B. (trad. Khaled Ben-Aïssa), « France : Plus de 800 algériens expulsés en 2015 », sur Echourouk Online, (consulté le )
  17. Enfants nés vivants suivant le pays de naissance du père par département et région de domicile de la mère en 2015, Insee 2015
  18. Le Point magazine, « Colonisation : l'Algérie attend des excuses de la France », sur Le Point, (consulté le )

Bibliographie

  • Algériens et Français : mélanges d'histoire ; Centre de recherche et d'étude sur l'Algérie contemporaine (France) ; Paris : L'Harmattan 2004. (OCLC 56531225)
  • Histoire de l'immigration algérienne en France, Emmanuel Blanchard, éditions La Découverte, 2018, 128 p. (ISBN 9782707175977).
  • Algériens en France : 1954-1962, la guerre, l'exil, la vie, sous la direction de Linda Amiri et Benjamin Stora, éditions Autrement, 2012 (ISBN 978-2-7467-3306-0).
  • L'Immigration algérienne en France de 1962 à nos jours ; Jacques Simon; Centre de recherche et d'étude sur l'Algérie contemporaine (France); Paris, France : L'Harmattan, 2002. (OCLC 51342555)
  • Mariages et immigration : la famille algérienne en France ; Abdelhafid Hammouche ; Lyon : Presses universitaires de Lyon, 1994. (OCLC 33970161)
  • Ils venaient d'Algérie : l'immigration algérienne en France (1912-1992) ; Benjamin Stora ; Paris : Fayard, 1992. (OCLC 26077813)
  • L'Immigration algérienne en France : origines et perspectives de non-retour ; Belkacem Hifi; Paris : Harmattan : CIEM, 1985. (OCLC 13902950)
  • Les Algériens en France; étude démographique et sociale. ; Institut national d'études démographiques (France); Paris Presses universitaires de France, 1955. (OCLC 1988492)
  • Chère Algérie: La France et sa colonie 1830-1962; Daniel Lefeuvre; Flammarion, 2005.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

  • Portail de la France
  • Portail de l’Algérie
  • Portail de la sociologie
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.