Hypospadias
L’hypospadias est une variation du développement sexuel[1] qui se manifeste par l'ouverture de l'urètre dans la face inférieure du pénis au lieu de son extrémité. Lorsqu'elle apparaît sur la face supérieure on parle d'épispadias.
Spécialité | Génétique médicale |
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CISP-2 | Y82 |
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CIM-10 | Q54 |
CIM-9 | 752.61 |
OMIM | 300633, 300758 et 300856 146450, 300633, 300758 et 300856 |
DiseasesDB | 29907 |
MedlinePlus | 001286 |
eMedicine | 1015227 |
eMedicine | ped/1136 |
MeSH | D007021 |
Mise en garde médicale
Affectant, selon les études, entre une et huit naissances masculines pour 1 000[2],[3],[4], ce type de malformation semble en augmentation depuis une cinquantaine d'années, comme d'autres malformations génitales[5]. Les perturbateurs endocriniens, également impliqués dans d'autres malformations génitales, semblent être l'une des principales causes ou la principale cause de cette augmentation[6].
Cette malformation n'est pas limitée à l'espèce humaine, des cas ont été étudiés sur le chien[7],[8] et le bouc[9].
Historique
L'hypospadias est connu depuis l'Antiquité, la plus ancienne trace dont on dispose est une céramique grecque antique de Chios datant d'environ 610 av. J.-C., découverte à Naucratis et représentant un « phallus-vulvaire »[10],[11]. Aristote est le premier à en parler brièvement dans De generatione animalium[12] : « On a vu aussi des garçons chez qui l’extrémité du pénis et le canal par où sort le résidu de la vessie ne se trouvent pas au même endroit, mais ce dernier est au-dessous. Aussi, ils s’accroupissent pour uriner et une fois les testicules remontés, ils paraissent à distance avoir à la fois un organe féminin et un organe masculin. On a vu aussi le conduit pour l’excrément sec soudé chez certains animaux entre autres les moutons »[13]. Il est communément admis que c'est Galien qui, au IIe siècle, utilisa en premier le mot hypospadias et qui en fit une description succincte dans son Isagogicis libri[14],[15], mais une incertitude demeure car ce mot est également employé dans l'édition latine des Gynaeciorum attribuée à un dénommé Moschion[16], un médecin grec ou romain dont on sait peu de chose et qui aurait vécu entre le Ier siècle et VIIe siècle[17],[18]. Ce qui ne fait aucun doute, c'est qu'ils considéraient tous deux cette anomalie comme une cause certaine de l'infertilité, non par manque de semence féconde, précise Galien, mais à cause de la malposition méatique et de la courbure du pénis au niveau du gland lors de l'érection, à cause du frein trop court, responsable de la déviation et du ralentissement de l'éjaculat qui ne peut atteindre l'utérus, un problème auquel il propose de sectionner le frein pour y remédier[19],[20].
Au VIIe siècle, Paul d'Égine s'écarte de la définition de Galien et désigne sous le terme d'hypospadias l'imperforation du gland et l'ouverture de l'urètre sous le frein. Il pratiqua l'amputation du gland pour rétablir la rectitude de l'éjaculation, une méthode qui sera délaissée au Xe siècle quand Abulcasis, qui distinguait trois sortes d'hypospadias (lorsque le gland n'est pas percé ; lorsqu'il l'est mais avec un méat trop petit ; enfin lorsque le méat ne se trouve pas l’extrémité du gland), opta pour le percement du gland à sa position naturelle avec une feuille de myrte pointue, pour ensuite introduire une canule de plomb jusqu'à l'urètre et refermer l'ancienne ouverture. Il serait ainsi le premier à avoir pratiqué la tunnellisation du gland, suivi, bien plus tard, par Ambroise Paré, Fabrice d'Acquapendente, Pierre Dionis et Lorenz Heister entre le XVIe et le XVIIe siècle[19],[20].
À partir du XVIIIe siècle l'idée selon laquelle les hypospades sont impropres à la reproduction est remise en question. Jean-Baptiste Morgagni et Raphaël Bienvenu Sabatier (lui-même hypospade) sont persuadés que les hommes affectés de ce vice de conformation ne sont pas moins aptes à procréer. En 1718 Morgagni assisté par Antonio Vallisneri ont examiné un jeune homme atteint d'une forme remarquable d'hypospadias : l'urètre se présentait en un demi-canal, formé de sa partie supérieure seulement, ouvert sur toute la longueur de la face ventrale de la verge, et le long duquel le sperme arrivait à s'écouler, suffisamment pour atteindre l'utérus de son épouse qu'il avait rendue enceinte[21]. Philippe Petit-Radel est du même avis, il rapporte le cas d'un homme hypospade père de plusieurs enfants[22], tout comme Johann Peter Frank qui l'a vu se transmettre de père en fils sur 3 générations[23], ou encore André Bry[24], médecin à Angers, qui l'a observé sur un homme de trente-deux ans père de cinq enfants[25]. Ces observations ont conduit à considérer diverses sortes d'hypospadias, où les chances de fécondation diminuent à mesure que l'orifice se rapproche du périnée, ainsi que de l'inutilité de pratiquer la perforation du gland à sa position naturelle, une pratique proposée par les anciens uniquement dans les cas où l'hypospadias se présente à la racine du gland, et proscrite par Morgagni, Sabatier et Anthelme Richerand, lequel fait remarquer qu'un canal artificiel laissé à lui-même a tendance à s'oblitérer avec le temps.[19].
Causes
Elles sont encore en partie mal connues, mais selon Charles Sultan qui dirige le service d’endocrinologie pédiatrique du CHU de Montpellier, il n'est plus douteux qu'il y ait un lien entre perturbateurs endocriniens et malformations génitales du garçon. Une étude montpelliéraine confirme ce lien avec un risque d'hypospadias accru pour les fils de parents exerçant une profession à risque, ou résidant près de sites sensibles[6].
Une cause fréquente de cette anomalie précoce du développement des organes (cause dite in utero) semble être l'exposition du fœtus, via la mère, à un reprotoxique ou à un perturbateur endocrinien. Les pesticides, certains adjuvants de plastique, cosmétique, shampoing, teinture pour cheveux ou d'autres produits chimiques sont suspectés de favoriser ces anomalies[27], de même chez le futur adulte qu'une délétion de la spermatogenèse.[réf. nécessaire]
Dans les pistes, un effet transgénérationnel du Distilbène montre que les petits-enfants des femmes traitées avec cette hormone de synthèse, prescrite pour prévenir les fausses couches, sont 40 à 50 fois plus exposés au risque de l'hypospadias[28],[29],[30].
La prise de valproate de sodium par la mère augmente également le risque de survenue de telles malformations[31].
Traitement
Cette malformation est bénigne mais est souvent traitée par une intervention chirurgicale, qui a pour but d'obtenir une érection droite et la possibilité d'uriner debout[32]. L'objectif est d'améliorer les rapports sexuels par une éjaculation typique ainsi que la fertilité. L'intervention chirurgicale, sans le consentement de la personne, est contestée par les organisations de défense des droits des personnes intersexes[33] qui, de même que les institutions internationales et régionales de défense des droits humains, se positionnent contre les opérations non-consenties et non-nécessaires pour la survie de l'enfant car il s'agit d'une atteinte à leur intégrité physique[34].
Diverses interventions ont été pratiquées en France depuis la Renaissance ; le chirurgien Jean Fernel aurait traité le roi Henri II[35].
Louis Ombrédanne (1871-1956) fut un spécialiste de cette chirurgie réparatrice de l'hypospadias. Dans un article qui lui est consacré, on peut lire : « Louis Ombrédanne fut un des fondateurs de la chirurgie pédiatrique. Il fut l'inventeur de nombreuses techniques opératoires parmi lesquelles une place particulière tiennent celles concernant l'urologie infantile, telle que l'opération de l'hypospadias[36]. »
Hipospades notoires
Outre les rois Henri II de France et Henri IV de France, plusieurs personnalités historiques furent atteintes de cette malformation[à développer]. Selon Michel de Decker, l'écrivain Sainte-Beuve en était atteint[37]. Maurice Duplessis en était aussi atteint, du moins selon son biographe Conrad Black[38].
Dans un autre registre, le professeur et chirurgien Raphaël Bienvenu Sabatier qui s’intéressait à cette pathologie était lui-même hypospade[19].
Voir aussi
- Épispadias : ouverture de l'urètre dans la face supérieure du pénis
- Méatotomie
- Intersexuation
- Liste d'organisations civiles pour les droits des personnes intersexes
Liens externes
Notes et références
- (en) I A Hughes, « Consensus statement on management of intersex disorders », Archives of Disease in Childhood, vol. 91, no 7, , p. 554–563 (ISSN 0003-9888 et 1468-2044, PMID 16624884, PMCID PMC2082839, DOI 10.1136/adc.2006.098319, lire en ligne, consulté le )
- « Hypospadias et Épispadias », sur embryology.ch (cours d'embryologie en ligne à l'usage des étudiants et étudiantes en médecine. Développé par les Universités de Fribourg, Lausanne et Berne (Suisse))
- Fin 1800, début 1900 on dénombrait environ 1 cas 300 individus — Émile Galtier-Boissière, Dictionnaire illustré de médecine usuelle, Paris, Larousse, (notice BnF no FRBNF30478236), p. 511
- Aux États-Unis, on dénombre 5 cas sur 1000 selon des études s'étendant de 1970 à 2012 — (en) « Facts about Hypospadias », sur Centers for Disease Control and Prevention (CDC)
- (en) Leonard J. Paulozzi, J. David Erickson et Richard J. Jackson, « Hypospadias Trends in Two US Surveillance Systems », Pediatrics, vol. 100, no 5, , p. 831-834 (PMID 9346983)
- Romain Loury ((art. payant)), « Hypospadias: le poids écrasant de l’environnement »,
- MM. Ed. Retterer et G.-H. Roger, Comptes rendus des séances de la Société de biologie et de ses filiales : Structure des organes génitaux d'un chien hypospade, Société de biologie, (notice BnF no FRBNF34349272), p. 574
- H. Vallois, Contribution à l'étude anatomique de l'hypospadias : Étude d'un chien hypospade, vol. 4, Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, (lire en ligne), chap. 5, p. 555-568
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- « Objet n° 1888,0601.496.a-c », sur BritishMuseum
- (la) Aristote, De Generatione Animalium, lib. IV, chap. IV
- Aristote (trad. Pierre Louis), De la génération des animaux [« De generatione animalium »], Paris, Les Belles Lettres, (notice BnF no FRBNF37382359), p. 773a
- (la) Galien (édit. Froben), Isagogici libri, (lire en ligne), « Finitiones medicæ », p. 189
- Alexandre Marato, Du traitement de l'hypospadias et en particulier de l'hypospadias périnéo-scrotal (Wikisource), Paris, G. Carré et C. Naud, (notice BnF no FRBNF30875659)
- Moschion (ou Muscio) sur Wikidata — « Moschion », sur l'encyclopédie Imago mundi
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- Bernard Peyrilhe, Histoire de la chirurgie depuis son origine jusqu'à nos jours, t. 2, Imprimerie royale de Paris (Paris), 1774-1780 (notice BnF no FRBNF39314226), p. 283-284
- MM. Adelon, Alard, Alibert, [et al.], Dictionaire des sciences médicales, t. 23 [HYG-ILE], C. L. F. Panckoucke (Paris), 1812-1822 (notice BnF no FRBNF37307669), p. 213
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- Jean-Baptiste Morgagni (trad. du latin par M. A. Desormeaux et J. P. Destouet), Recherches anatomiques sur le siège et les causes des maladies [« De sedibus et causis morborum per anatomen indagatis »], t. 7, (lire en ligne), « XLVIe lettre. Des Empêchemens de l’Acte Vénérien, et de la Stérilité chez les deux sexes. », p. 234
- Daniel de La Roche et Philippe Petit-Radel, Encyclopédie méthodique, chirurgie,…, vol. 1, Paris, Panckoucke, (lire en ligne), p. 673
- (la) Johann Peter Frank, De Curandis Hominum Morbis,…, t. 6 (Liber VI), Tübingen, J.G. Cottae, (lire en ligne), p. 513
- André Bry (22 février 1772 - 26 janvier 1836), médecin d'Angers. — Célestin Port, Dictionnaire historique, géographique, et biographique de Maine-et-Loire, vol. 1, J. B. Dumoulin (Paris) et P. Lachèse, Belleuvre & Dolbeau (Angers), , p. 529
- Extrait de deux Observations de M. Bry, D. M. à Angers, correspondant de la Société. — Faculté de médecine de Paris, Bulletins de la Faculté de médicine de Paris, et de la société établie dans son sein, Migneret, (lire en ligne), p. 42
- « L'Hypospadias », sur Département d'urologie de la clinique des Franciscaines à Versailles
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- Decker, Michel de., Hugo : Victor pour ces dames, Belfond, (ISBN 2-7144-3732-X et 978-2-7144-3732-7, OCLC 48964022, lire en ligne), p. 83
- Conrad Black, Duplessis. Le pouvoir, Les éditions de l'homme, 1977, 623 p.
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