Expédition Drake-Norreys

L'expédition Drake-Norreys (aussi appelée Contre-Armada), conduite par l'amiral Francis Drake et le général John Norreys (ou Norris), est lancée en 1589 pendant la guerre anglo-espagnole par Élisabeth Ire d'Angleterre pour tirer parti de la victoire à la bataille de Gravelines contre l'invincible Armada. Cette campagne s'est soldée par une défaite entraînant de lourdes pertes en vies humaines et en navires.

Expédition Drake-Norreys
Statue de María Pita sur la place du même nom, à La Corogne
Informations générales
Date avril-juin 1589
Lieu Côtes atlantiques de l'Espagne et du Portugal
Issue Victoire espagnole
Belligérants
 Monarchie espagnole
Royaume de Portugal
Royaume d'Angleterre
Provinces-Unies
Commandants
Álvaro Troncoso
Conde de Fuentes
María Pita
Diego de Aramburu
Francis Drake
John Norreys
Forces en présence
23 375 hommes
150-200 navires
Pertes
~900 morts~30 navires perdus
~30 navires déserteurs
13 000 morts
5 000 déserteurs

Guerre anglo-espagnole (1585-1604)

Batailles

Terre ferme espagnole des Amériques

Açores et îles Canaries

Eaux européennes

Allemagne et Pays-Bas

France

Irlande

Coordonnées 38° 42′ nord, 9° 11′ ouest

Politique et stratégie

Le but de l'opération est de profiter de la faiblesse temporaire de l'Espagne pour contraindre Philippe II à la paix. L'expédition compte trois objectifs distincts : anéantir la flotte espagnole de l'Atlantique, débarquer à Lisbonne, la plus grande ville du Portugal et susciter une révolte contre Philippe II, puis continuer au sud et d'établir une base permanente dans les Açores.

En 1580, l'aristocratie portugaise a accepté pour roi Philippe II. Le prétendant au trône, Antoine, prieur de Crato, dernier héritier de la dynastie d'Aviz, avait alors tenté de s'emparer des Açores avec l'aide d'une flotte française, mais il avait été vaincu à la bataille des Açores le . Une seconde tentative avait échoué les 26 et de l'année suivante.

Antoine rétabli sur son trône, Élisabeth espérait pouvoir profiter des possessions portugaises au Brésil et en Indes Orientales, ainsi que des comptoirs en Inde et en Chine, pour ouvrir de nouvelles routes commerciales et offrir de nouveaux débouchés aux produits de l'industrie anglaise naissante. De plus la concurrence de l'Empire portugais aurait pour conséquence de réduire l'hégémonie de l'Espagne en Europe.

Un autre objectif était s'emparer de la flotte du trésor espagnol à son retour d'Amérique, ce qui dépendait en grande partie du succès de la campagne des Açores.

L'expédition est cotée comme une société par actions, avec un capital d'environ 80 000 £. Un tiers de cette somme provient de la caisse personnelle d'Élisabeth, un huitième du trésor hollandais. Le solde est constitué par quelques nobles marchands et les corporations.

Des préoccupations logistiques et le mauvais temps retardent longtemps le départ. Les navires de guerre promis par les Néerlandais n'arrivent toujours pas. Alors que la flotte attend dans les ports, la confusion grandit. Le contingent doit initialement comprendre 1 800 soldats vétérans et 10 000 volontaires, mais c'est 19 000 hommes qui se présentent à l'embarquement. Si bien qu'un tiers des provisions est consommé avant le départ. La flotte manque également d'armes de siège et de cavalerie. On commence à douter du sérieux et de la détermination de ceux qui sont chargés de préparer l'expédition.

Le départ

Francis Drake

Lorsque le 15 avril, la flotte quitte enfin l'Angleterre, elle est composée de 6 galions, 60 navires marchands armés pour la circonstance, 60 navires de guerre hollandais et environ 20 pinasses. Au total, elle embarque 23 375 hommes, dont 5 000 marins, 1 500 officiers et gentilshommes aventuriers et 950 volontaires hollandais. À peine la flotte partie, que 2 000 hommes ont déjà déserté.

Drake a réparti ses navires en cinq escadres commandées par John Norreys sur le Nonpareil, Edward Norreys (en), frère du premier sur le Foresight, Thomas Fenner sur le Dreadnought, Roger Williams sur le Swiftsure et lui-même à bord du Revenge. Robert Devereux, 2e comte d'Essex et favori de la reine, les accompagne.

La Corogne

La plupart des navires perdus par Philippe II dans l'expédition de 1588 étaient des navires marchands, tandis que le cœur de l'Armada, constitué par les galions de la marine espagnole, est rentré dans les ports de la côte atlantique.

Les retards successifs ont rendu Drake prudent. L'amiral préfère éviter le golfe de Gascogne et contourner Santander, où la plupart des navires espagnols sont en réparation. L'attaque se porte alors sur La Corogne en Galice. Le gouverneur ne peut réunir que 1 500 défenseurs, la plupart miliciens. La population aide également. Un navire et deux galères sont positionnés près des forts et tirent sur la flotte anglaise à mesure qu'elle entre dans le port. Le navire sera sabordé tandis que les galères se replient vers l'intérieur.

Pendant les deux semaines suivantes, le vent souffle vers l'ouest. Tandis que les navires sont tenus à distance des côtes, les soldats s'épuisent sur les fortifications de la ville haute. Deux galères espagnoles parviennent à se glisser au travers la flotte anglaise et alimentent à maintes reprises les défenseurs.

Au retour du vent favorable, les Anglais abandonnent le siège après avoir perdu dans les combats 3 navires et 4 barges de débarquement, quatre capitaines, 3 000 marins et plusieurs centaines de soldats. Les Néerlandais trouvent des excuses pour rentrer ou se faire déposer à La Rochelle. Drake se tourne alors sur Ponte do Burgo (es)Norreys remporte une modeste victoire[1],[2], puis sur Lisbonne. 10 navires ainsi que 1 000 hommes désertent après l'attaque de La Corogne.

Lisbonne

Le 26 mai, la flotte ancre près de Peniche et commence le débarquement des troupes. La mer est mauvaise, 14 barges de débarquement coulent et 80 hommes se noient. L'armée de Norreys se met en marche, après plusieurs escarmouches avec des détachements espagnols envoyés en reconnaissance, forte de 10 000 hommes. Pendant ce temps, la flotte de Drake remonte le Tage et doit attaquer la ville. Les Anglais comptent sur les partisans portugais de Crato. Mais la marche de l'armée britannique se transforme en cauchemar: il n'y a pas assez de chevaux. L'artillerie et les bagages doivent être transportés sur 75 kilomètres par les soldats.

À peine 200 ou 300 Portugais les ont rejoints. Les présumés « libérateurs » sont ceux qui depuis des années attaquent les côtes et les navires portugais. Le comte de Fuentes pratique la politique de la terre brûlée, évacuant tout ce qui peut être utile aux Anglais durant le trajet. La colonne est constamment harcelée par des détachements hispano-portugais qui causent des centaines de morts et la perte de 3 drapeaux[3].

Quand enfin le 4 juin, les Anglais, épuisés, arrivent à Lisbonne, ils remarquent que la ville est loin d'être sur le point de se rendre. Bien que doutant de la loyauté de certains Portugais, les Espagnols ont réuni 7 à 8 000 hommes. Dans le port, 18 galères, commandées par Alonso de Bazán (frère d'Álvaro de Bazán) et Matias de Alburquerque, bien qu'en sous-effectifs à cause des nécessités du front terrestre, harcèlent la progression anglaise en tirant avec l'artillerie et les mousquets.

La nuit suivante, les galères simulent un débarquement sur les arrières du campement anglais, causant la panique dans celui-ci. Des torches allumées, révélant la position du camp, permettent aux galères d'ajuster leurs tirs.

Le lendemain, les Anglais tentent une attaque par Alcântara qui est repoussée par les galères. Celles-ci bombardent ensuite le couvent de Santa Catalina où se sont réfugiés un nombre important d'Anglais. Alonso de Bazán débarque 300 soldats pour harceler l'ennemi, mais sa demande de 1 000 hommes de renforts n'ayant pas été acceptée, il ne peut poursuivre.

Malgré les demandes de Norreys et d'Antoine de Crato, Drake ne bouge pas de son mouillage à Cascais et s'attire la colère de ces derniers, qui le traiteront de lâche. Les galères causent d'énormes dommages au corps de débarquement. 9 autres galères sous le commandement de Martín de Padilla entrent à Lisbonne le 11 juin amenant un renfort de 1 000 soldats. Pendant ce temps, Drake capture 60 navires neutres et 12 petits bateaux portugais, qu'il sera obligé de rendre par la suite.

Le 16, le corps de débarquement fait retraite, harcelé par les troupes de la ville. Un certain nombre de bagages et canons sont capturés ainsi que les documents secrets d'Antoine de Crato où figurent des noms de traîtres portugais.

Martín de Padilla sort également avec ses galères pour harceler l'ennemi. Le 18, la flotte anglaise, forte avec les récentes captures d'environ 200 navires, se retrouve pratiquement immobilisée faute de vent. Deux navires français capturés en profitent pour s'enfuir, rejoignant les Espagnols. Un navire hollandais capturé est repris, les équipages de prise sont capturés.

Padilla se lance alors à l'attaque avec 7 galères contre les navires isolés du bloc central. Les galères évoluent pour attaquer les navires anglais par l'arrière. 4 navires (entre 300 et 500 tonnes), un patache de 60 et une grande barque de 20 rames sont capturés. Des 700 hommes d'équipage, seuls 130 sont encore vivants. Les Espagnols comptent 2 morts et 10 blessés.

À 5 heures de l'après-midi, le vent se lève enfin, et la flotte anglaise quitte ces eaux. Padilla se dirige vers le détroit, pour protéger Cadix, de crainte que ce ne soit l'objectif suivant de Drake. Ce sont les galères d'Alonso de Bazán qui harcèlent maintenant la flotte anglaise et lui capturent 3 navires.

Les Açores

Élisabeth qui ne souhaite pas avoir à soutenir une guerre en terre portugaise, et surtout ne pas avoir à en faire les frais, refuse d'envoyer des renforts ou des armes de siège. Essex reçoit bientôt l'ordre de rentrer à la cour. Il est donc décidé de se concentrer sur le troisième objectif de l'expédition : l'établissement d'une base permanente aux Açores. Mais les Anglais ont désormais perdu l'avantage initial de la surprise et les Espagnols sont maintenant en mesure de se défendre. De plus, les tempêtes et les maladies déciment les équipages. Seulement 2 000 hommes sont encore en état de se battre.

S'il est bien vite hors de question de tenter quoi que ce soit dans les Açores, l'amiral, obsédé à l'idée de rentrer bredouille, veut encore faire une tentative pour récupérer la mission. Tandis que Norreys rentre en Angleterre avec les malades et les blessés, avec les 20 navires qu'il lui reste, Drake s'en prend maintenant à la flotte du trésor. C'est sans compter avec une autre forte tempête qui malmène son navire amiral qui prend l'eau. Sur le point de sombrer, il pille encore Porto Santo sur l'île de Madère et Vigo où Drake et ses troupes restent 3 jours, avant d'en être chassés par la contre-attaque espagnole, menée par Luis Sarmiento, qui cause 500 morts et 200 prisonniers aux Anglais, qui seront par la suite exécutés. Une flottille de zabras[4] commandée par Diego de Aramburu, lui capture encore 2 navires qui sont emmenés à Santander.

Conséquences

L'arrivée des débris de la flotte met en évidence l'étendue du désastre. Sur le galion royal Dreadnought, des 350 hommes d'équipage, 150 sont morts durant l'expédition. Les pertes, dues aux combats, aux naufrages ou aux maladies, s'élèvent à environ 13 000 morts. Sans compter les 18 barges de débarquements perdues à La Corogne et Lisbonne, environ 30 navires ont été perdus: 3 à La Corogne, 6 par Padilla, 3 par Bazán et 2 par Aramburu. Les tempêtes qui sévissent durant le voyage de retour coûtent une douzaine de navires supplémentaires. Les maladies se propagent à la population, après l'arrivée des navires.

Drake est destitué et chargé de la défense côtière de Plymouth. Tout autre commandement lui sera refusé durant les 6 années qui suivent.

Notes

  1. (gl) Por Alberto Gómez Santos, « Drake e o ataque inglés a A Coruña - Recreación de la historia » (consulté le )
  2. « Ponte do Burgo », sur www.culleredo.es (consulté le )
  3. Ils seront exposés de nombreuses années dans la cathédrale de Sigüenza
  4. Ancêtres des frégates

Sources

  • (es) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en espagnol intitulé « Invencible Inglesa » (voir la liste des auteurs) dans sa version du .
  • John Barrow, Histoire nouvelle et impartiale d'Angleterre, 1771
  • Agustin Ramon Rodriguez Gonzalez: Victorias por mar de los Españoles, biblioteca de Historia, Madrid, 2006, p. 59-78
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