Emmanuel Berl

Emmanuel Berl, né le au Vésinet et mort le à Paris, est un homme politique, journaliste, historien et essayiste français. Il est l'époux de Mireille Hartuch (la chanteuse Mireille), qui le surnommait « Théodore », et le cousin de Lisette de Brinon.

Emmanuel Berl
Alias
Théodore
Naissance
Le Vésinet (Seine-et-Oise, aujourd'hui Yvelines)
Décès (à 84 ans)
Paris 14e, 1 rue Pierre-Larousse (Hôpital-Saint-Joseph)
Activité principale
Distinctions
Auteur
Langue d’écriture français

Œuvres principales

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Biographie

Emmanuel Berl est issu d'une famille de la haute bourgeoisie juive parisienne, originaire d'Alsace côté paternel (grand-père, fondateur et propriétaire d'une entreprise de fabrication de lits et meubles en fer et cuir, père directeur) et de Suisse côté maternel (Lange, horlogerie, au Locle, apparentée aux Bergson et aux Proust ainsi qu'à l'écrivain Monique Lange et à Henri Franck.

Il est la plume du maréchal Philippe Pétain dès 1940.

Il est élève au lycée Condorcet[1]. Il suit des études de philosophie, adopte des positions pacifistes, passe une année universitaire (1913-1914) à l'université de Fribourg-en-Brisgau.

Alors qu'il peut être élève-officier à l'arrière, il s'engage comme volontaire en 1914. Il participe aux combats (dont un an de tranchées). Il est réformé en 1916 pour maladie respiratoire après avoir reçu la Croix de guerre, avec un séjour en hôpital militaire à Cimiez (Nice).

Il fait la connaissance de Marcel Proust. Dans son roman Sylvia, Berl raconte plus tard sa querelle avec Proust au sujet du bonheur amoureux : lorsque Berl lui raconte qu'il vit une histoire d'amour heureuse (avec Suzanne Moret), Proust lui répond que c'est impossible, que l'amour partagé n'existe pas, qu'il faudrait que Sylvia le fasse souffrir, ou soit morte, pour que Berl éprouve pleinement ce qu'est l'amour. Devant l'incompréhension de Berl, Proust finit par se fâcher, lui lance ses pantoufles à la figure et renvoie le jeune homme chez lui[2].

Berl fréquente les surréalistes, se lie avec Louis Aragon, Gaston Bergery et son ancien condisciple du lycée Carnot, Pierre Drieu la Rochelle.

En 1920, il épouse à Andrein Jacqueline Bordes, et, selon Dominique Desanti, ne cache pas qu'il s'est marié avec « une propriété catholique[3] ». Fréquentant les maisons dites de tolérance, il tombe amoureux d'une prostituée, Suzanne Muzard, qui devient sa maîtresse, et le trompe passagèrement avec André Breton[4]. En 1926 il divorce d'avec Jacqueline Bordes[5].

Le , il épouse Suzanne Muzard, ce qui lui aurait valu la rancune de Breton et des surréalistes[6].

En 1927, il publie avec Drieu la Rochelle un périodique éphémère, Les Derniers Jours, qui ne publiera que six numéros (de février à juillet 1927). En 1928, il participe, avec Édouard Berth, Marcel Déat, Bertrand de Jouvenel et Pierre Mendès France, à la rédaction des Cahiers bleus que vient de lancer Georges Valois. La même année, il rencontre André Malraux et lui dédie son ouvrage Mort de la pensée bourgeoise, pamphlet dans lequel il appelle à une culture et à une littérature plus engagées. Il s'irrite notamment du snobisme de l'homosexualité, qui selon lui prône une fausse libération :

« Je voudrais que les invertis pratiquent sans être inquiétés la sodomie et renoncent à un sodomisme qui devient une sorte de nationalisme avec cérémonie et fanfares, haine de l'étranger, culte des grands hommes, panthéon des invertis célèbres et, sous l'arc de triomphe, la tombe du pédéraste inconnu. […] Ce n'est pas de là que vient la liberté et il faut réellement regretter que tant de talents se crispent à la défense de l'inversion quand ils auraient par ailleurs à accomplir tant de tâches urgentes[7]. »

Dans une lettre, Proust aurait proposé à Berl, pour l'aider à entrer dans le milieu littéraire, un « faux certificat d'inversion[8] ».

Tombe d'Emmanuel Berl.

Durant les années 1930 il entre en politique, aux côtés des radicaux. Après avoir travaillé à l'hebdomadaire Monde, il lance, en 1932, l'hebdomadaire Marianne, qui est, jusqu'à l'apparition de Vendredi en 1935, le principal hebdomadaire de gauche. Il y défend une ligne favorable au Front populaire mais son pacifisme intransigeant et son égal refus des totalitarismes fasciste et communiste l'incitent à adopter des positions hétérodoxes et à marquer sa curiosité, sinon toujours sa sympathie, pour le néo-socialisme. Il heurte la gauche car il est d'avis de doter la France d'une grande et forte armée. « Je suis pour la force et contre la violence », dit-il.

Le 15 janvier 1937, Marianne appartenant aux éditions Gallimard est racheté par la société anonyme « L'Hebdomadaire 44, avenue des Champs-Elysées » dont Raymond Patenôtre est le « principal bailleur de fonds ». Berl, qui a donné sa démission de directeur de l'hebdomadaire le 13 janvier, est remplacé par Lucien Vogel.

Le 27 avril 1937[réf. souhaitée], il divorce d'avec Suzanne Muzard et, le 26 octobre 1937, se marie avec la chanteuse Mireille[9],[10].

En 1938, il fonde un nouvel hebdomadaire, Pavés de Paris[11]. Il approuve les accords de Munich, estimant que la situation militaire de la France à ce moment rend une entrée en guerre trop hasardeuse[12] et que, par ailleurs, les Allemands des Sudètes ont raison de se considérer comme opprimés, le gouvernement tchèque étant notoirement germanophobe[13].

En janvier 1939, dans une lettre adressée à Jean Galtier-Boissière, Berl accuse Robert Bollack, patron de l'Agence économique et financière, de corrompre des journalistes français pour qu'ils incitent à la guerre contre l'Allemagne. Robert Bollack proteste, mais Berl maintient ses allégations et Charles Maurras les confirme en avril 1939, en révélant que des Juifs américains ont remis trois millions de dollars à Raymond Philippe et à Robert Bollack pour financer une campagne belliciste[14].

Berl dirige Pavés de Paris jusqu'à l'exode de 1940. Quand arrive celui-ci, il part dans le Sud-Ouest avant d'être appelé, le 17 juin, à Bordeaux, où Yves Bouthillier lui demande de travailler aux discours de Philippe Pétain, alors président du Conseil ; il rédige ainsi les deux discours des 23 et 25 juin où figurent, entre autres formules : « Je hais les mensonges qui vous ont fait tant de mal » et « La terre, elle, ne ment pas ». Certains lui ont également attribué ce passage du discours radiodiffusé de Pétain, le , qui exprime l'acceptation officielle de la défaite : « C'est le cœur serré que je vous dis qu'il faut cesser le combat. Emmanuel Berl, le nègre de Pétain : cette phrase est de lui. Nous l'avons entendue à la radio, vous et moi. Quelle belle phrase, la plus émouvante jamais écrite en français… La plus sinistre, aussi, la plus lugubre[15] »[16]. Après ce bref passage à Vichy, il se détourne du nouveau régime, rejoint à Cannes son épouse Mireille, puis s'installe, en juillet 1941, à Argentat, en Corrèze, où il rédige une Histoire de l'Europe et où le rejoignent Bertrand de Jouvenel, de mère juive, Jean Effel, André Malraux et sa compagne Josette Clotis.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il quitte la politique pour se consacrer à la littérature et à la rédaction d'ouvrages autobiographiques, parmi lesquels, notamment, Sylvia.

En 1962, il réalise avec l'éditrice Claude Arthaud l'album Cent ans d'histoire de France qui obtient le grand prix de littérature de l'Académie française en 1967 et qu'il évoque dans un article de L'Express. La même année celle-ci envoie au couple ses Maisons du génie avec pour Berl ces mots : « […] ce livre qui ne se serait jamais fait sans vous »[17].

Plaque 36 rue de Montpensier (Paris).

Emmanuel Berl est inhumé, au côté de sa dernière épouse, Mireille, au cimetière du Montparnasse (25e division). Ils vécurent durant quarante ans 36, rue de Montpensier (1er arrondissement de Paris), où une plaque leur rend hommage.

Œuvres

  • 1923 : Recherches sur la nature de l'amour - La réalité des sentiments
  • 1925 : Méditation sur un amour défunt
  • 1927 : La Route no 10
  • 1929 : Mort de la pensée bourgeoise
  • 1930 : Mort de la morale bourgeoise
  • 1931 : Le Bourgeois et l'Amour
  • 1932 : La Politique et les Partis
  • 1934 : Discours aux Français
  • 1934 : Lignes de chance
  • 1937 : Le Fameux Rouleau compresseur
  • 1938 : Frère bourgeois mourez-vous? Ding ! Ding! Dong!
  • 1945 : Histoire de l'Europe - I D'Attila à Tamerlan
  • 1946 : Les Deux Sources de l'art occidental
  • 1946 : À la couleur du temps - Prise de sang
  • 1946 : Structure et destin de l'Europe
  • 1947 : De l'innocence
  • 1947 : Histoire de l'Europe - II L'Europe classique
  • 1948 : La Culture en péril
  • 1952 : Sylvia
  • 1956 : Présence des morts
  • 1957 : La France irréelle
  • 1959 : Les Impostures de l'Histoire
  • 1962 : Cent ans d'histoire de France
  • 1963 : La Céleste Loterie
  • 1965 : Rachel et autres grâces
  • 1965 : Rembrandt (avec Marcel Brion, Claude Roy et René Huyghe)
  • 1965 : Le 9 Thermidor
  • 1968 : Nasser tel qu'on le loue
  • 1968 : Le 10 juillet 1940 - La fin de la troisième République
  • 1969 : À contretemps
  • 1969 : Europe et Asie
  • 1971 : Trois faces du sacré - Vinci - Rembrandt - L'ère des fétiches
  • 1972 : Le Virage
  • 1975 : Regain au Pays d'Auge (Le Livre de poche no 4 243)
  • 1976 : Interrogatoire par Patrick Modiano suivi de Il fait beau, allons au cimetière
  • 1985 : Essais, textes recueillis, choisis et présentés par Bernard Morlino, préface de Bernard de Fallois ; rééd. 2007, éd. Bernard de Fallois
  • 1992 : Tant que vous penserez à moi, avec Jean d'Ormesson
  • 1993 : Un télé-spectateur engagé (chroniques 1954-1971), textes présentés par Bernard Morlino
  • 2020 : Prise de sang, introduction Bernard Morlino, postface Bernard de Fallois. Rééd. Belles Lettres

Notes et références

  1. Pierre Albertini, « Les juifs du lycée Condorcet dans la tourmente », Vingtième Siècle : Revue d'histoire, n°92, 2006/4, p. 81-100.
  2. Morlino 1990, p. 53-55, qui renvoie à Candide-Lettres, 11-18 janvier 1962.
  3. Dominique Desanti, Drieu. Le séducteur mystifié, Flammarion, 1978, p. 146. Cité par Morlino 1990, p. 61.
  4. Morlino 1990, p. 73, 74 et 77.
  5. Morlino 1990, p. 75.
  6. Morlino 1990, p. 100.
  7. Morlino 1990, p. 86-87.
  8. Morlino 1990, p. 87.
  9. Morlino 1990, p. 231, 233.
  10. Acte de mariage : il épouse Mireille Hartuch le 26 octobre 1937 à la mairie du premier arrondissement de Paris.
  11. Morlino 1990, p. 236.
  12. Morlino 1990, p. 238.
  13. Morlino 1990, p. 243 et 256.
  14. Morlino 1990, p. 278-292.
  15. François Thibault, Notre-Dame des Ombres, Le Cherche midi, 1997, p. 87.
  16. Jean d'Ormesson, Je dirai malgré tout que cette vie fut belle, Gallimard, , p. 109
    « "...Vous êtes juif et de gauche, qu'est-ce qui vous a pris ?"
    "Ils étaient si faibles, me dit-il, il fallait bien les aider". »
  17. Catalogue de la libraire Hatier à Troyes.

Voir aussi

Bibliographie

  • Bernard Morlino, Emmanuel Berl : Les tribulations d'un pacifiste, Paris, La Manufacture,
  • Bernard Morlino, Berl, Morand et moi, Le Castor astral,
  • Louis-Albert Revah, Berl : Un juif de France, Grasset, 2003
  • Henri Raczymow, Mélancolie d'Emmanuel Berl, Gallimard, 2015, 208 pages (ISBN 9782070107476) Prix 2016 de la biographie du Point.
  • Olivier Philipponnat & Patrick Leinhardt, Emmanuel Berl : Cavalier seul, La Librairie Vuibert, 2017
  • Jean d'Ormesson, Tant que vous penserez à moi, 1992, Entretiens avec Emmanuel Berl

Télévision

Liens externes

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