Edmond Locard

Edmond Locard, né à Saint-Chamond (Loire) le [1] et mort à Caluire-et-Cuire (Rhône) le [2], est un professeur de médecine légale qui fonde à Lyon en 1910 le premier laboratoire de police scientifique au monde[3],[4].

Pour les articles homonymes, voir Locard.

Il est généralement considéré comme l'un des fondateurs de la criminalistique et comme un défenseur de la coopération policière internationale. Cette idée est notamment à l'origine d'Interpol[5].

Biographie

Enfance et Études

Edmond est le fils d'Arnould Locard, et de Marie Gibert de Sennevières[1]. Par son père, il serait issu d'une vieille famille écossaise (Lockheart) venue en France au XVIe siècle[réf. souhaitée]. Lorsqu'il a trois semaines, sa famille quitte Saint-Chamond, sa ville natale (qui a été celle de Ravachol), pour Allevard en Isère jusqu'en 1880. À la naissance de sa sœur Marguerite[6], la famille s'installe alors à Lyon, quai de la Charité - aujourd'hui, 38 quai Gailleton.

Léopold Ollier

Élève brillant, il passe de la pension Blanchoux au collège dominicain Saint-Thomas d'Aquin, à Oullins, dans la section des langues anciennes. Bachelier à 17 ans, mention lettres et sciences, il parle déjà 11 langues[7].

Après ce double baccalauréat, il effectue des études de droit puis, sur les conseils de son père, étudie la médecine avec Louis Léopold Ollier, spécialiste de la chirurgie osseuse. À la mort du Pr Ollier, il devient l'élève d'Alexandre Lacassagne, professeur titulaire de la chaire de médecine légale de Lyon.

En 1902, il est reçu docteur en médecine en soutenant une thèse médicale sur La médecine légale sous le grand roy[8].

Carrière

Ayant rejoint l'équipe du Pr Alexandre Lacassagne comme secrétaire externe puis préparateur, il en devient l'assistant mais travaille de concert avec d'autres grands pionniers de la police scientifique, notamment Rodolphe Archibald Reiss, de l'Université de Lausanne. Il obtient sa licence de droit en 1905[7].

Alexandre Lacassagne

Il introduit la dactyloscopie à Lyon (étude des empreintes digitales) parallèlement aux méthodes de Bertillon (anthropométrie)[9].

En 1910, le premier laboratoire de Police scientifique est créé officiellement[10] et s'installe dans les combles du Palais de justice de Lyon[11] permettant l'identification des criminels et résout en novembre de la même année sa première enquête grâce à la dactyloscopie, douze ans après la première identification dactyloscopique réalisée par Bertillon. Edmond Locard est mondialement reconnu pour son principe d'échange, toujours d'actualité dans les laboratoires de sciences judiciaires et qui se présente sous cette formule[12] :

«  Nul ne peut agir avec l'intensité que suppose l'action criminelle sans laisser des marques multiples de son passage. »

Il applique aux problèmes policiers les principes des recherches scientifiques de la médecine légale : balistique, toxicologie, identification des écritures (sa passion et son expertise reconnue pour la graphologie, comme en témoigne l'affaire du corbeau de Tulle) ou sa réfutation de la thèse d'Alphonse Bertillon lors de l’Affaire Dreyfus[13], ne l'empêche pas de commettre des erreurs. En 1945, sur la base d'une lettre anonyme, il fait condamne une femme[14] aux travaux forcés à perpétuité, attribution reconnue erronée en 1956[15]. Cela explique en partie qu'il abandonne à la fin de sa vie la graphométrie, méthode aux résultats incertains[16].

Commis par la PJ Expert en philatelie qu'il n est pas, au proces du faussaire Jean de Sperati (1944), il declare authentiques les timbres de collection que ce dernier tentait d'exporter illegalement, en 1942 au Portugal neutre. Quelques annees auparavant, Locard avait cru devoir publier un Traite de Philatelie, ouvrage de grande vulgarisation qu'on pourrait intituler " Apres les Mouchons les Merson, apres les Merson les Semeuses" tant il est denué d'interet veritable. Sperati, pour echapper à une lourde amende, les declarant alors faux et s'accusant de les avoir fabriqués, Locard achevera de se ridiculiser en reaffirmant l 'authenticite des timbres lors du proces en appel (1952), alors que leur fausseté est maintenant averee. Il autorisera ainsi la condamnation de Sperati pour une chose et son contraire, exportation illegale de valeurs et contrefacon. (Source JF Brun, Faux e Truqués, Academie de Philatelie 1989)

Il prend ensuite sa retraite et quitte le laboratoire de police technique de Lyon à l’âge de 73 ans. Il continue cependant à exercer dans un cabinet privé d’expertises qu'il ouvre rue Mercière à Lyon[17].

Décédé le , Edmond Locard est inhumé au cimetière d'Oullins, ville située dans la partie méridionale de l'agglomération lyonnaise[18].

Autres activités

Edmond Locard est l'auteur d'un Traité de police scientifique en sept volumes. Cet ouvrage propose une méthodologie de cette nouvelle science et sert même à l'heure actuelle de base à tous les laboratoires de police scientifique du monde. Ce traité comprend une étude, entre autres, de l'enquête criminelle, des preuves de l'identité, des empreintes et de l'expertise de documents écrits[19].

Il participe également, de façon active, à la Revue musicale du musicologue (et médecin) français Léon Vallas et devient critique musical dans les colonnes du Lyon Républicain[20].

Edmond Locard avait également d'autres centres d'intérêt, en qualité de critique d'opéra, grand défenseur du théâtre de Guignol lyonnais et auteur d'un Manuel du philatéliste. Écrivain et journaliste à ses heures, il donna des « causeries radiophoniques » après la Seconde Guerre mondiale et publia de nombreux articles dans des périodiques lyonnais et en particulier dans Le Mois à Lyon de son ami Marcel E. Grancher, ainsi que quelques titres aux Editions Lugdunum, mais également Payot, Rieder ou encore Gallimard.

Il est élu le 6 juin 1916 à l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon[21].

Famille

Il est le père de Denise Stagnara (1917-2016), initiatrice de l'éducation sexuelle à l'école[22] et de Jacques Locard (1914-1952), professeur à l’École Nationale de Police[23]. Il est également le beau-frère d'Émile Bender, député du Rhône et président du conseil général de ce même département de 1920 à 1951[24].

Œuvre

  • La Médecine judiciaire en France au XVIIe siècle, T.M. Lyon, 1902
  • L'Identification des récidivistes, Paris, Maloine, 1909
  • La Police. Ce qu'elle est, ce qu'elle devrait être, Paris, Payot, 1919
  • L'Enquête criminelle et les méthodes scientifiques, Paris, Flammarion, Bibliothèque de philosophie scientifique, 1920
  • Manuel de technique policière, Paris, Payot, 1923
  • Policiers de romans et policiers de laboratoire, Paris, Payot, 1924
  • Le Crime et les Criminels, Paris, La renaissance du livre, 1925
  • Traité de criminalistique (T I et II), Les Empreintes et les traces dans l'enquête criminelle, Lyon, Desvigne, 1931
  • Traité de criminalistique (T III et IV), Les Preuves de l'identité, Lyon, Desvigne, 1932
  • La Malle sanglante de Millery, Lyon, Desvigne et Cie, 1933
  • Contes apaches, Lyon, Les Éditions Lugdunum, 1933
  • Notions élémentaires sur l'histoire du théâtre lyrique, Lyon, Desvigne et Cie, 1933
  • Traité de criminalistique (T V et VI), L'Expertise des documents écrits, Lyon, Desvigne, 1933
  • Note sur l'identification des suspects, Revue Internationale de criminalistique, 1935
  • La Criminalistique à l'usage des gens du monde et des auteurs de romans policiers, Lyon, Desvigne et Cie, 1937
  • Confidences (Souvenirs d'un policier), Lyon, Les Éditions Lugdunum, 1942
  • Manuel du philatéliste, Paris, Payot, 1942
  • Préface de l'ouvrage de Félix Benoit, L'Épuration à travers les âges, 1945
  • La Défense contre le crime, Paris, Payot, 1951
  • Mémoires d'un criminologiste, Paris, Fayard, 1958
  • Les Faux en écriture et leur expertise, Payot, 1959
  • Mystères de Lyon, Lyon, Édition Pierre Bissuel, 1967

Récompenses, hommages, distinctions, postérité

Hommages

La dix-huitième promotion de commissaires de police issus de l'école nationale supérieure de la police, entrés en fonction en 1967, porte son nom, ainsi qu'une rue du cinquième arrondissement de la ville de Lyon.

Les développeurs d'Overkill Software ont rendu hommage à Edmond Locard en créant un ARG (jeu en réalité alternée) dans le jeu Payday: The Heist.

L'histoire d'Edmond Locard a inspiré la romancière Odile Bouhier pour sa trilogie Le sang des bistanclaques, De mal à personne et La nuit, in extremis (Presses de la Cité et 10-18, collection Grands Détectives). Le personnage Hugo Salacan, référence à Edmond Locard, incarne la passion des sciences.

L'histoire d'Edmond Locard a été mise en image dans la série Empreintes criminelles, inspirée de son travail, diffusée sur France 2. Le personnage Julien Valour, référence à Edmond Locard, y est joué par Pierre Cassignard.

En , il est intronisé à titre posthume au panthéon francophone de la criminalistique de l'association québécoise de criminalistique [25].

Sa biographie a été réalisée en 1957 par Robert Corvol « Dr Edmond Locard. Mémoires d'un criminologiste ».

En 1959 est organisé le premier prix « Edmond Locard » de littérature policière.

Postérité

Sa mémoire et ses méthodes perdurent dans les six laboratoires de police scientifique qui composent l'Institut national de police scientifique[26].

Influence

Le jeune Georges Simenon, qui deviendra plus tard le célèbre écrivain de livres policiers, a reconnu avoir assisté à quelques conférences du Docteur Locard en 1919 ou en 1920[réf. souhaitée].

Notes et références

  1. Acte de naissance [lire en ligne]
  2. Acte de décès [lire en ligne]
  3. Tom O'Connor, « An introduction to criminal justice » [archive du ], sur Megalinks in criminal justice, Austin Peay State University (consulté le )
  4. Google Livre, "Les archives de la police scientifique française" par Gérard Chauvy Ed. Presses de la Cité, consulté le 29 mai 2020
  5. « Edmond Locard », sur lesruesdelyon.hautetfort.com, (consulté le ).
  6. Acte de naissance d'Ernestine Marie Marguerite Locard [lire en ligne]
  7. Philippe Artières, La police de l'écriture. L'invention de la délinquance graphique (1852-1945), La Découverte, , p. 87.
  8. Google livre "La police de l'écriture: L'invention de la délinquance graphique (1852-1945) de Philippe Artières, consulté le 29 mai 2020.
  9. Google Livre La police technique et scientifique: « Que sais-je ? » n° 3537 de Christian Jalby, consulté le 29 mai 2020.
  10. Site la-croix.com, article "Le premier laboratoire de police scientifique fête son centenaire", consulté le 29 mai 2020
  11. Site franceinter.fr, article d'Anne Audigier"Edmond Locard, le père de la police scientifique", consulté le 29 mai 2020
  12. Site criminalistique.free.fr, texte du "principe d'échange de Locard, consulté le 29 mai 2020
  13. J. Desvigne, Edmond Locard, LAffaire Dreyfus et l'expertise des documents écrits, Lyon, Bibliothèque de la Revue internationale, 1937
  14. Affaire Renée Laffite. Voir Marcel Le Clère, Manuel de police technique, 1966, p.120
  15. Jean-Marc Berlière, Le Monde des polices en France aux XIXe et XXe siècles, Bruxelles, Complexe, 1996, p. 123
  16. Marc Ancel, Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, Éditions Sirey, , p. 479.
  17. Site archives-lyon.fr, page "Edmond Locard", consulté le 29 mai 2020.
  18. https://www.landrucimetieres.fr/spip/spip.php?article3448.
  19. Levy, A. (2008). La police scientifique, pp.24-25. Paris: Hachette.
  20. Site linflux.com, page "Edmond Locard", consulté le 29 mai 2020
  21. Dominique Saint-Pierre, Jacques Hochmann, LOCARD Edmond (1877-1966), in Dominique Saint-Pierre (dir.), Dictionnaire historique des académiciens de Lyon 1700-2016, Lyon : Éditions de l'Académie (4, avenue Adolphe Max, 69005 Lyon), 2017 , p. 802-806 (ISBN 978-2-9559433-0-4)
  22. « Odenas - nécrologie / Denise Stagnara, fille d’Edmond Locard, s’est éteinte », Le Progrès, (lire en ligne, consulté le ).
  23. Site criminocorpus.org bibliotheque : Cours de police scientifique, consulté le 29 mai 2020
  24. Site persee.fr Nécrologie d'Émile Bender par André Allix, consulté le 29 mai 2020.
  25. « Liste des intronisés au Panthéon francophone de la criminalistique », sur http://www.criminalistique.org (consulté le ).
  26. INPS, « Institut National de Police Scientifique : 100 ans de savoir-faire », sur police-nationale.interieur.gouv.fr (consulté le ).

Annexes

Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Jaby Christian, La police technique et scientifique : chapître III, « Que sais-je ? » n° 3537, Presses universitaires de France.
  • Quinche, Nicolas, Experts du crime sur les bords du Léman : naissance de la police scientifique en Suisse romande et en France. Hauterive : Éditions Attinger, 2014, 352p., 130 photos, collection Nouvelles Éditions.
  • Quinche, Nicolas, Crime, Science et Identité. Anthologie des textes fondateurs de la criminalistique européenne (1860-1930). Genève : Slatkine, 2006, 368p., passim.
  • Équipe Anthropologie de l’écriture, Institut Interdisciplinaire d’Anthropologie du Contemporain, UMR8177, EHESS / CNRS : Percevoir l'invisible, février 2010.

Articles connexes

Liens externes

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