Denis Roche (1937-2015)

Denis Roche, né à Paris le et mort dans la même ville le [1], est un écrivain, poète, photographe et traducteur français. Il est l’un des représentants de l’avant-garde poétique des années 1960-1970.

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Biographie

Enfance

Denis Roche est né à Paris. La profession de son père, prospecteur de pétrole, l'amène à passer sa petite enfance à El Tigre, dans le centre du Venezuela, puis, de ses 4 ans à ses 8 ans, à San Fernando sur l'île de Trinidad[2]. En 1946, après une année au Brésil, la famille rentre en France. Denis Roche passe les sept années suivantes en pension au collège des oratoriens de Juilly.

Écriture et photographie

Journaliste pigiste pour Les Lettres françaises, il prend en photo Giuseppe Ungaretti qui lui dit : « Venez me voir, vous serez mon Dante et je serai votre Virgile. » Il entretient le même genre de relation avec l'écrivain André Pieyre de Mandiargues[2].

En 1962, Jean Cayrol publie le premier texte de Denis Roche, Forestière Amazonide, dans la collection « Écrire » au Seuil. Ses premiers livres de poèmes sont édités dans la collection « Tel Quel » : Récits complets en 1963, Les Idées centésimales de Miss Elanize en 1964, Eros énergumène en 1968 et Le Mécrit en 1972. Son œuvre poétique sera rassemblée en 1995 sous le titre La poésie est inadmissible.

En 1967, Denis Roche rencontre Françoise Peyrot, qui devient tout à la fois sa femme, son modèle photographique et sa muse.

Ses photographies font l'objet d'une première exposition en 1978, à la galerie L’Œil 2000 de Châteauroux, et d'un ouvrage, Notre antéfixe, qui devient l’une des références de la « photo-autobiographie ». La Disparition des lucioles, recueil de textes sur l'acte photographique paru en 1982, attire l'attention de la critique. Dès lors, Denis Roche participe à de nombreuses expositions, individuelles ou collectives, en France, mais aussi sur le continent américain, en Europe, ou encore en Syrie ou au Japon. En 1991, son livre Ellipse et laps regroupe l’essentiel de son œuvre photographique. En 1999, il est exposé aux Rencontres d’Arles.

En 2001, une rétrospective lui est consacrée au musée Nicéphore-Niépce de Chalon-sur-Saône, ainsi qu'un ouvrage, Denis Roche. Les preuves du temps, dont Gilles Mora écrit les textes. L'exposition est reprise et complétée à la Maison européenne de la photographie, avec les photographies de l’exposition La question que je pose, créée à Lyon par la galerie Le Réverbère[3] (qui le représente depuis 1989).

Comme l’écrit Jean-Michel Maulpoix[4], Denis Roche, influencé par Ezra Pound, « prend de vitesse le langage commun » :

« On le sait : il n’y a d’activité humaine, artistique ou non, encore moins littéraire, que de surface. Ainsi de milliards d’hommes appliqués par la plante des pieds sur l’immense pelouse de la terre et qui n’ont que faire du contenu ; ainsi des façades des maisons et des buildings qu’ils lui posent perpendiculairement dessus ; ainsi des draps qui sèchent ; ainsi de l’horizon qui est comme l’électrocardiogramme du mourant, l’horizontal narguant le vertical ; ainsi des toiles que peignent les peintres après s’être assurés qu’elles étaient bien tendues entre leurs cadres de bois ; ainsi également des feuilles de papier, format international, sur lesquelles les écrivains s’acharnent toujours à déposer et à étaler leur encre ou à frapper du carbone ; ainsi de notre peau qui est le peu que nous connaissons de notre corps. »

 Denis Roche, extrait de la préface « Entrée des machines » à « Notre antéfixe », Dépôts de savoir & de technique, p. 99

Édition

En 1964, Denis Roche devient éditeur : il rejoint les éditions Tchou, où il officiera jusqu'en 1970. De 1962 à 1972, il participe au comité directeur de la revue Tel Quel, fondée par Philippe Sollers.

En 1971, il entre au comité éditorial des éditions du Seuil. Il y dirige notamment la collection « Les Contemporains ». En 1974, il crée sa propre collection de littérature contemporaine, « Fiction & Cie », qu'il dirigera jusqu'en 2005[5], avant de passer la main à Bernard Comment. À propos de son titre, il confie dans une interview : « Personne ne comprend que l’important est le mot ‘Cie’ et plus encore le signe ‘&’ »[6]. Il y publie des auteurs considérés comme avant-gardistes, novateurs. Quelques titres deviennent des best-sellers, comme Le Nouveau Désordre amoureux, de Pascal Bruckner et Alain Finkielkraut en 1977, ou La Vie amoureuse de Catherine M., de Catherine Millet, en 2001[7]. Cinq de ses propres livres sont édités dans cette collection.

Son influence dans le monde littéraire lui ouvre les portes du jury du prix Médicis, dont il fait partie jusqu’en 2013[8].

En 1980, il fonde avec Gilles Mora, Bernard Plossu et Claude Nori Les Cahiers de la photographie. Le no 23, paru en 1989, lui est consacré.

Traduction

Entre 1966 et 1972, il traduit plusieurs œuvres de l'anglais ou de l'américain, dont les Cantos pisans d’Ezra Pound, ainsi que des textes de Charlotte Brontë, Patrick Branwell Brontë, Harry Mathews[9].

Prix et récompenses

Publications

  • Forestière Amazonide, Seuil, « Écrire », 1962
  • Récits complets, Seuil, « Tel Quel », 1963
  • Les Idées centésimales de Miss Elanize, Seuil, « Tel Quel », 1964
  • Éros énergumène, Seuil, « Tel Quel », 1968
  • Bernard Dufour : 1958-1971 : [exposition], Maison de la culture et des loisirs de Saint-Étienne, 19 novembre 1971-18 janvier 1972, Maison de la culture et des loisirs, 1971
  • Carnac ou Les Mésaventures de la narration, Tchou, 1969 ; réed. Pauvert, 1985
  • La Liberté ou la Mort, Tchou, 1969
  • Éloge de la véhémence, sérigraphies de Bernard Dufour, Sébastien de la Selle, 1970
  • Lutte & rature, sérigraphies de Bernard Dufour, Sébastien de la Selle, 1972
  • Le Mécrit, Seuil, « Tel Quel », 1972
  • Trois pourrissements poétiques, L'Herne, 1972
  • Louve basse, Seuil, « Fiction & Cie », 1976 ; « 10/18 », 1980 ; « Points » no 492, 1992
  • Matière première, L'Énergumène, 1976
  • Notre antéfixe, Flammarion, « Textes », 1978
  • Antéfixe de Françoise Peyrot, Orange Export Ltd., 1978
  • À quoi sert le lynx ? À rien, comme Mozart, Muro Torto, 1980
  • Dépôts de savoir & de technique, Seuil, « Fiction & Cie », 1980
  • Légendes de Denis Roche, Gris banal éditeur, 1981
  • Essai de littérature arrêtée, Ecbolade, 1981
  • La Disparition des lucioles (Réflexions sur l'acte photographique), L'Étoile, « Écrit sur l'image », 1982 ; rééd. Seuil, « Fiction & Cie », 2016
  • Douze photos publiées comme du texte, Orange Export Ltd., 1984
  • Conversations avec le temps, Le Castor astral, 1985
  • À Varèse (un essai de littérature arrêtée), William Blake & Cie, 1986
  • Carte d'identité, dessins de Colette Deblé, Unes, 1986
  • Écrits momentanés : chroniques photo du magazine City 1984-1987, Paris audiovisuel, 1988
  • Photolalies. Doubles, doublets et redoublés, Argraphie, 1988
  • Prose au-devant d'une femme, Fourbis, 1988
  • L'Hexaméron (avec Michel Chaillou, Michel Deguy, Florence Delay, Natacha Michel et Jacques Roubaud), Seuil, « Fiction & Cie », 1990
  • Ellipse et laps, Maeght, 1991
  • Dans la Maison du Sphinx, Seuil, « La Librairie du XXIe siècle », 1992
  • La poésie est inadmissible, Seuil, « Fiction & Cie », 1995
  • Lettre ouverte à quelques amis et à un certain nombre de jean-foutre, Fourbis, 1995
  • L'Embarquement pour Cythère, avec Michel Butor, Le Point du jour, 1997
  • Le Boîtier de mélancolie[11], Hazan, 1999 ; rééd. Hazan, 2015
  • Avec quoi une photographe peut-elle avoir à faire dès lors qu'on la voit ?, avec Alain Coulange, Filigranes, 1999
  • Éros énergumène, Gallimard, 2001, « Poésie »
  • Les Preuves du temps, texte de Gilles Mora, Seuil, 2001
  • La photographie est interminable (entretien avec Gilles Mora), Seuil, « Fiction & Cie », 2007
  • Avec le mot silence, La Chambre noire, 2013
  • Photolalies, 1964-2010, avec Gilles Mora, Hazan, 2015
  • Aller et retour dans la chambre blanche, Filigranes, 2016
  • Les Nonpareilles, Lamaindonne, 2017
  • Temps profond : essais de littérature arrêtée, 1977-1984, Seuil, 2019. - (Fiction & Cie)

Dernières expositions personnelles

Bibliographie critique

  • Christian Prigent. Denis Roche, Seghers, coll. « Poètes d'aujourd'hui », 1977
  • Patrick Roegiers. Denis Roche, Paris Audiovisuel, 1989
  • Christian Prigent. Ceux qui merdRent, P.O.L, 1997 : « La grande rhétorique de Denis Roche », p. 153-173
  • Jean-Marie Gleize. Poésie et Figuration, Le Seuil, coll. « Pierres vives », 1983 : chapitre sur Denis Roche, « La figuration défigurative » (p. 226-297).
  • Jean-Marie Gleize. A noir (poésie et littéralité), Le Seuil, coll. « Fiction & Cie », 1992 : chapitre évoquant Denis Roche, « Pour des objets spécifiques » (p. 178-189)
  • Bertrand Verdier dir. Axolotl. Cahiers Denis Roche, revue d'études rochiennes, 11 numéros, 1995-2001
  • Gilles Mora. Denis Roche. Les preuves du temps, éditions du Seuil / Maison européenne de la photographie, 2001
  • Jean-Pierre Bobillot. Trois essais sur la poésie littérale : De Rimbaud à Denis Roche, d'Apollinaire à Bernard Heidsieck, Éditions Al Dante, 2001, (ISBN 978-2911073878)
  • Joaquim Lemasson. De l'art poétique : Samuel Beckett, Georges Bataille, Denis Roche, Christian Prigent, thèse de doctorat en Lettres modernes soutenue en 2002 à Rennes-II
  • Luigi Magno. Dialectique(s) de l'écrit et de l'image chez Denis Roche, Andromeda, 2006 (ISBN 88-88643-49-4)
  • « Denis Roche, Les temps du photographe », La Lettre de l'enfance et de l'adolescence, vol. no 64, no. 2, 2006, pp. 85–90
  • Stéphane Baquey. Possibles de la poésie : Michel Deguy, Denis Roche, Jacques Roubaud, thèse de doctorat en Littérature française soutenue en 2006 à Paris-VIII
  • Luigi Magno dir. Denis Roche : l'un écrit, l'autre photographie, préface de Jean-Marie Gleize, ENS éditions, 2007 (ISBN 978-2-84788-100-4)[13]
  • Stéphane Baquey. Le Primitivisme de Denis Roche. Lyrique amazonide, Éditions des archives contemporaines, coll. « Centre d'études poétiques ENS LSH », 2008 (ISBN 978-2-914610-66-7)
  • Gyöngyi Pal. La Photo-littérature en France dans la seconde moitié du XXe siècle : analyse de l’œuvre de François-Marie Banier, Jean-Loup Trassard, Loránd Gáspár et Denis Roche, Éditions universitaires européennes, 2010 (ISBN 978-6131547171)
  • Dominique Kunz Westerhoff. « La photographie au révélateur littéraire : de Denis Roche à Anne-Marie Garat », Études de lettres, 3-4, 2013, pp. 183-204
  • Fabien Arribert-Narce. Photobiographies : pour une écriture de notation de la vie : Roland Barthes, Denis Roche, Annie Ernaux, Honoré Champion éditeur, 2014 (ISBN 9782745327123)
  • Les Grands Entretiens d'artpress. Denis Roche, artpress / IMEC, 2014 (ISBN 978-2-359430-14-1)
  • Gilles Mora. Denis Roche. Photolalies 1964-2010, Hazan, 2015 (ISBN 9782754108546)
  • Jean-Christophe Bailly, Bernard Plossu. Denis Roche, Filigranes, 2016 (ISBN 9782350463841)
  • Farid Abdelouahab, Guillaume Geneste, Francoise Roche dir. La Montée des circonstances, Delpire, 2018, coll. « Des images et des mots » (ISBN 9791095821090)
  • Jean-Marie Gleize. Denis Roche : éloge de la véhémence, Seuil Biographie, coll. « Fiction & Cie », 2019

Filmographie

  • Denis Roche, film de 26 minutes co-réalisé par Patrick Roegiers et Bruno Trompier, Maison européenne de la photographie, 1985.

Adaptations théâtrales

Colloques et conférences

  • Danielle Leenaerts. Denis Roche. La photographie comme art du silence, communication présentée lors de la journée d’étude « Photographie et Indicible », jeudi 12 mai 2011, Université Rennes 2, labo Celam, publié sur Phlit le 30/01/2012
  • « Denis Roche, énergumène », 6-7 juillet 2016, Théâtre d'Arles, Rencontres internationales de la photographie, Arles[17]

Références

  1. Jean-Marie Durand, « Disparition de l'écrivain et éditeur Denis Roche », sur Les Inrocks, (consulté le ).
  2. « Denis Roche », sur LExpress.fr, (consulté le )
  3. Le Réverbère.
  4. Voir sur le site de Jean-Michel Maulpoix.
  5. Voir sur lemonde.fr, archives.
  6. « Denis Roche peuple l’absence », sur L'Humanité, (consulté le )
  7. « Mort de Denis Roche, poète, photographe, éditeur », sur Libération.fr, (consulté le )
  8. « Mort de Denis Roche, le poète qui trouvait la poésie "inadmissible" », sur Bibliobs (consulté le )
  9. « Denis Roche (1937-2015) », sur data.bnf.fr (consulté le )
  10. « Denis ROCHE | Académie française », sur www.academie-francaise.fr (consulté le )
  11. Voir sur humanite.fr.
  12. « Denis Roche », sur Maison Européenne de la Photographie (consulté le )
  13. Voir sur editions.ens-lsh.fr.
  14. « Louve basse - Spectacle - 1976 », sur data.bnf.fr (consulté le )
  15. « Poésie : Denis Roche (1) », sur Les Archives du Spectacle (consulté le )
  16. « Poésie : Denis Roche - Festival d'Avignon », sur www.festival-avignon.com (consulté le )
  17. Les Rencontres d'Arles, « Denis Roche, énergumène », sur www.rencontres-arles.com (consulté le )

Articles connexes

Liens externes

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