Département et région d'outre-mer
Les départements et régions d'outre-mer (DROM) sont des collectivités territoriales françaises soumises au régime juridique d'« assimilation législative » tel que défini par l'article 73 de la Constitution de la Cinquième République.
Ces collectivités sont à la fois des départements (DOM) et des régions (ROM) d'outre-mer. Ce statut concerne la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte et La Réunion : en Martinique, en Guyane et à Mayotte les compétences départementales et régionales sont exercées par des collectivités uniques alors qu'en Guadeloupe et la Réunion, les collectivités départementales et régionales existent simultanément.
Dans les DROM, les lois et règlements en vigueur en France métropolitaine sont applicables de plein droit mais des adaptations peuvent exister. Ils se distinguent des collectivités d'outre-mer dotées de statuts spécifiques.
Du point de vue de l'Union européenne, les départements et régions ultramarins sont des régions ultrapériphériques[1].
Histoire
La mise en place de ce qui pourrait s'apparenter à des départements d'outre-mer a été faite après la conquête de la République de Venise en 1797, lorsque les îles Ioniennes (sous possession vénitienne) sont devenus françaises pendant le Directoire et ont été organisées comme les départements de Mer-Égée, d'Ithaque et de Corcyre. Cette tentative fut de courte durée, en 1798, l'amiral russe Fiodor Fiodorovitch Ouchakov expulsa les Français de ces îles et, bien que la France les recouvrât en 1807, les trois départements ne furent pas rétablis.
À partir de 1920, Jean Ralaimongo (nationaliste malgache, membre dirigeant du mouvement national malgache Vy Vato Sakelika (V.V.S, « fer, pierre, Réseau »), président de la Ligue française pour l’accession des indigènes de Madagascar aux droits des citoyens français, et engagé volontaire pendant la Première Guerre mondiale) est le premier à réclamer le statut de département d'Outre-mer. Il a mené la campagne en faveur de l'égalité des droits pour les Malgaches. Il voulait voir Madagascar devenir une partie de la France et voyait la naturalisation de ses concitoyens comme une voie progressive à suivre. Réclamant « Madagascar département français », et pour tous les Malgaches la citoyenneté française au même titre que n'importe quelle personne née sur le territoire national[2].
La Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et La Réunion sont issues du premier empire colonial français : ces territoires sont colonisés par la France au cours du XVIIe siècle et deviennent des économies de plantation reposant principalement sur l'esclavage jusqu'à son abolition en 1848. Ce n'est qu'à l'issue de la Seconde Guerre mondiale, alors que le statut de l'empire colonial français évolue ; ces quatre anciennes colonies deviennent des départements par la loi du . Cette départementalisation signifie leur intégration complète à la République française puisque les lois et décrets appliqués en métropole y deviennent applicables, bien que des particularités subsistent[3]. Les gouverneurs coloniaux sont remplacés par des préfets dépendants du ministère de l'Intérieur.
La Constitution de la Quatrième République confirme l'existence des départements d'outre-mer. La loi du sur la composition et l'élection de l'Assemblée de l'Union française en donne la liste qui comprend alors, outre la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et La Réunion, les départements français d'Algérie[4]. Ces derniers, créés en 1848 à la suite de la conquête de l'Algérie par la France, sont alors au nombre de trois. Ils passeront à quatre puis quinze et enfin treize entre 1955 et 1958 avant de disparaître avec l'indépendance de l'Algérie en 1962.
La Constitution de la Cinquième République adoptée en 1958 prévoit, dans son article 73 que « Le régime législatif et l’organisation administrative des départements d’Outre-Mer peuvent faire l’objet de mesures d’adaptation nécessitées par leur situation particulière ».
L'article 76 de la nouvelle Constitution prévoit également, à sa mise en place, que les territoires d'outre-mer puissent choisir entre trois possibilités :
- garder leur statut ;
- devenir département d'outre-mer (c'est-à-dire être intégré à la République) ;
- devenir un État membre de la Communauté (c'est-à-dire gagner en autonomie).
Le Gabon choisit de devenir département d'outre-mer, mais en est dissuadé par le général De Gaulle et son ministre de l'Outre-mer, Bernard Cornut-Gentille. Les Comores, la Polynésie française, la Côte française des Somalis, la Nouvelle-Calédonie et Saint-Pierre-et-Miquelon choisissent de garder leur statut de territoire.
En 1976, le territoire d'outre-mer de Saint-Pierre-et-Miquelon, lui aussi hérité du premier empire colonial, devient le cinquième département d'outre-mer[5] avant de devenir une collectivité territoriale à statut particulier en 1985[6].
En 1982, dans le cadre du processus de décentralisation, les régions sont élevées au rang de collectivités territoriales au même titre que les départements. Une loi prévoit alors que dans les départements d'outre-mer, le conseil général et le conseil régional soient fusionnés en une assemblée unique élue au scrutin proportionnel mais ce texte est censuré par le Conseil constitutionnel jugeant que, selon la Constitution, « le statut des départements d'outre-mer doit être le même que celui des départements métropolitains »[7]. Une nouvelle loi est alors adoptée, faisant de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion des régions mono-départementales dans lesquelles existent un conseil général et un conseil régional, gérant chacun des compétences différentes[8].
En 2003, la révision de l'article 73 de la Constitution permet de mettre fin à cette complexité et offre la possibilité de créer « une collectivité se substituant à un département et une région d'outre-mer » ou « une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités » à condition que ce projet soit validé par référendum dans le territoire concerné[9].
C'est cette option de la collectivité territoriale unique (dite « département de Mayotte ») qui est retenue en 2011 après que les Mahorais ont voté pour la départementalisation de leur île. Mayotte, territoire acquis par la France au XIXe siècle et rattaché au territoire des Comores de 1946 à l'indépendance des Comores en 1975, était précédemment une collectivité territoriale à statut particulier[10] devenue « collectivité départementale » en 2001[11].
En 2007, les communes insulaires de Saint-Barthélemy et Saint-Martin sont séparées - après référendum local en 2003 - de la Guadeloupe à laquelle elles étaient rattachées pour devenir des collectivités d'outre-mer à part entière.
En 2016, la Guyane et la Martinique deviennent à leur tour des collectivités territoriales uniques.
De nombreuses personnes natives des territoires ultramarins se sont installées en métropole : l'expression « cinquième DOM »[12] (avant que Mayotte ne devienne le cinquième DOM effectif) ou « troisième île »[13] (pour les Antillais) désigne cette population qui comptait 585 000 personnes en 1999.
Liste
Départements et régions d'outre-mer actuels
Nom | Code INSEE | Départementalisation | Chef-lieu | Superficie (km2) | Population (pop. légale) |
Subdivisions | Fuseau horaire[14] | Conseil départemental | Conseil régional | |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Guadeloupe | 971 | 1946 | Basse-Terre | 1 629 | 387 629 (2018) | Arrondissements, cantons, communes | UTC-4 | Conseil départemental de la Guadeloupe | Conseil régional de la Guadeloupe | |
Martinique | 972 | 1946 | Fort-de-France | 1 128 | 368 783 (2018) | Arrondissements, communes | UTC-4 | Assemblée de Martinique | ||
Guyane | 973 | 1946 | Cayenne | 83 846[15],[16] | 276 128 (2018) | Arrondissements, communes | UTC-3 | Assemblée de Guyane | ||
La Réunion | 974 | 1946 | Saint-Denis | 2 512 | 855 961 (2018) | Arrondissements, cantons, communes | UTC+4 | Conseil départemental de La Réunion | Conseil régional de La Réunion | |
Mayotte | 976 | 2011 | Dzaoudzi (de jure)[17] | 376 | 256 518 (2017) | Cantons, communes | UTC+3 | Conseil départemental de Mayotte |
Anciens départements d'outre-mer
Statut
Les départements et régions ultramarins sont régis par l'article 73 de la Constitution qui prévoit un régime d'identité législative, c'est-à-dire que « les lois et règlements sont applicables de plein droit ».
Toutefois, la Constitution prévoit également que des « adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités » peuvent être faites.
Institutions
Les institutions des départements et régions ultramarins sont globalement les mêmes que celles des départements et régions de métropole.
L'État y est ainsi représenté par un préfet et le territoire est découpé en arrondissements et communes, ces dernières constituant le plus petit échelon des collectivités territoriales.
Chaque DROM étant à la fois un département et une région, il dispose d'un conseil départemental et d'un conseil régional chargé chacun d'exercer les compétences de ces collectivités. Toutefois, l'article 73 de la Constitution prévoit qu'une collectivité territoriale unique peut se substituer à un département et une région d'outre-mer. Cette disposition s'applique à trois DROM sur cinq :
- Mayotte, dont le conseil départemental exerce également les compétences d'un conseil régional ;
- la Guyane, dont l'Assemblée de Guyane exerce depuis les compétences d'un conseil départemental et d'un conseil régional ;
- la Martinique, dont l'Assemblée de Martinique exerce depuis les compétences d'un conseil départemental et d'un conseil régional avec un conseil exécutif chargé du pouvoir exécutif.
Adaptations et compétences particulières
L'article 73 de la Constitution prévoit que des adaptations aux lois et aux règlements peuvent être faites pour tenir compte de la situation particulière des départements et régions d'outre-mer.
Ces adaptations peuvent être[18] :
- réalisées par l'État : il peut s'agir par exemple d'une entrée en vigueur d'un texte différente en outre-mer et en métropole ou d'une loi qui autorise le gouvernement à mettre en œuvre des modalités d'application particulière dans les DROM par décret en Conseil d'État ;
- réalisées par les collectivités elles-mêmes à condition d'y être habilitées par le Parlement, y compris pour l'adaptation d'une disposition relevant normalement de la loi.
Parmi les adaptations juridiques spécifiques à l'outre-mer existent notamment des mesures fiscales (tel que l'octroi de mer ou certaines déductions), l'attribution de compétences (par exemple la gestion des routes nationales par les conseils régionaux de Guadeloupe, de Martinique et de la Réunion et non l'État), des règles d'aménagement (comme la zone des cinquante pas géométriques), des aides et financements (continuité territoriale), etc.
En outre, la Constitution prévoit que les départements et régions d'outre-mer — sauf La Réunion — peuvent être autorisés par la loi à fixer eux-mêmes les règles applicables sur leur territoire dans un nombre limité de matières (qui excluent la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l'état et la capacité des personnes, l'organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l'ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes ou le droit électoral). La loi organique prévoit que pour ce faire, l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale concernée doit adopter une demande d'habilitation à la majorité absolue de ses membres et, si l'habilitation est accordée, elle expire au bout de deux années maximum. Les mesures adoptées par un département ou une région d'outre-mer en vertu d'une telle habilitation sont publiées au Journal officiel[18].
Mayotte ne bénéficie d'aucune des campagnes de Santé Publique France (par exemple prévention du cancer, lutte contre la toxicomanie…), à l'exception du recensement des cas de grippe. Les Collectivités d'Outre-Mer qui ne sont ni des départements ni des régions français n'en bénéficient pas non plus (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, etc.).
Pour les sujets placés sous l'autorité du Préfet, les règles normales s'appliquent uniformément en métropole et dans les DROM, par exemple la sensibilisation à la Sécurité routière dans les écoles…
Union européenne
Les départements et régions ultramarins sont, du point de vue de l'Union européenne (UE), des régions ultrapériphériques. Ce statut, prévu par l'article 349 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, fait des DROM une partie intégrante du territoire de l'Union européenne dans lequel le droit communautaire s'applique comme dans les autres régions de l'UE mais rend possible des « mesures spécifiques » portant « notamment sur les politiques douanières et commerciales, la politique fiscale, les zones franches, les politiques dans les domaines de l'agriculture et de la pêche, les conditions d'approvisionnement en matières premières et en biens de consommation de première nécessité, les aides d'État, et les conditions d'accès aux fonds structurels et aux programmes horizontaux de l'Union » (article 349)[19],[20].
Les DROM bénéficient notamment en tant que régions ultrapériphériques du Fonds européen de développement économique et régional (FEDER) et du Fonds social européen (FSE) avec des taux plus élevés qu'en métropole[19].
Hormis les DROM, Saint-Martin (collectivité d'outre-mer), les Canaries (Espagne), Açores et Madère (Portugal) sont également des régions ultrapériphériques de l'UE.
Notes et références
- Conseil européen, « Décision du Conseil européen modifiant le statut à l'égard de l'Union européenne de Mayotte [EUCO 112/12] », sur europa.eu, .
- Encyclopaedia Universalis, Encyclopaedia Universalis France, Paris, (ISBN 2-85229-281-5), p. Mouvement national malgache, page 275.
- Loi no 46-451 du 19 mars 1946.
- « Loi no 46-2385 du 27 octobre 1946 sur la composition et l'élection de l'Assemblée de l'Union française », sur lexpol.cloud.pf (consulté le ).
- Loi no 76-664 du 19 juillet 1976 relative à l’organisation de Saint-Pierre-et-Miquelon.
- Loi no 85-595 du 11 juin 1985 relative au statut de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon.
- « Décision no 82-147 DC du 2 décembre 1982 », sur conseil-constitutionnel.fr.
- Loi no 82-1171 du 31 décembre 1982 portant organisation des régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion.
- « Que sont les départements et régions d'outre-mer ? », sur vie-publique.fr (consulté le ).
- Loi no 76-1212 du 24 décembre 1976 relative à l'organisation de Mayotte.
- Loi no 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte.
- Claude-Valentin Marie, « Le cinquième dom : Mythe et réalités », Pouvoirs, Seuil, vol. 113 « L'outre-mer », , p. 171–182 (ISBN 2-02-068877-8, DOI 10.3917/pouv.113.0155, lire en ligne).
- Alain Anselin, L'Émigration antillaise en France : La troisième île, Paris, Karthala, , 293 p. (ISBN 2-86537-274-X).
- Les DROM n'observent pas l'heure d'été. Leur décalage horaire avec la France métropolitaine n'est donc pas constant toute l'année.
- Christiane Taubira, « Question n°47507 à M. le ministre de la défense sur la superficie de la Guyane », sur questions.assemblee-nationale.fr, (consulté le )
- « La cartographie et le suivi régulier des forêts ultramarines à l'heure des priorités », IGN Magazine, Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), no 88, , p. 18/32 (lire en ligne [PDF], consulté le ) :
« La guyane - Superficie : 83 846 km2 »
. - Le conseil départemental et l'hôtel de préfecture sont à Mamoudzou.
- « Guide de logistique. Collectivités d'Outre-mer de l'article 73 de la Constitution (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte) », sur Légifrance (consulté le ).
- « Outre-mers », Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne (consulté le ).
- Conseil de l'Union européenne, « Versions consolidées du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne », sur europa.eu, , p. 256.
Voir aussi
Articles connexes
Lien externe
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