État en France

En France, le mot « État » a deux significations souvent confondues mais en réalité distinctes :

Pour les articles homonymes, voir État français.

Cet article concerne l’État en tant que personne morale en France. Pour le régime politique en France durant la Seconde Guerre mondiale, voir Régime de Vichy.

Pour un article plus général, voir Administration publique française.

En France, l'État au sens administratif est toujours basé pour l'essentiel sur des principes issus de sa création sous l'Ancien Régime, les tentatives de l'adapter à une société démocratique n'ont jusqu'ici été guère fructueuses de ce point de vue[alpha 1]. En règle générale, les Anglais et les Américains préfèrent utiliser le mot gouvernement qui donne une plus large place au politique alors qu'en France, depuis Vichy, le mot État[1] est systématiquement préféré et s'est pour partie substitué au mot République utilisé antérieurement[2]'[alpha 2].

Montesquieu en 1728.

Historique

L'essence de l'État ne doit pas être confondue avec les modalités de son fonctionnement[alpha 3].

« Qu'est-ce que l'État », on peut répondre généralement que l'on entend par là la fonction politique d'une société et que son rôle est de direction et de régulation. En pratique, l'idée d'État renvoie communément à deux notion : la force et le pouvoir qui sont les manifestations de sa puissance. Rapportée à la force, cette puissance est violence ; en revanche, légitimée par le droit, elle devient incontestable et constitue le pouvoir. Au-delà de la force brute qui l'impose, cette légitimation juridique s'est effectuée par l'assimilation à la souveraineté qui définit véritablement l'État moderne[alpha 4].

« Théorie de l'État », philosophie de l'État, sociologie de l'État et histoire de l'État sont ainsi à l'ordre du jour de la recherche, de la réflexion et de l'édition. cette nouvelle approche n'est pas exempte d'écueils : au risque induit par le récit historique traditionnel qui confond l'État avec l'histoire politique intérieure et extérieure s'agoutent ceux qui découlent d'une vision juridique — réduire l'État aux institutions — ou d'une vision « nouvelle histoire » — dissoudre l'État dans son empreinte écologique, sociale ou culturelle (ses représentations)[3].

Organisation de l’État

En France, la République est organisée en différentes personnes morales de droit public, dont :

  • Sous le contrôle direct du gouvernement, dirigé par le Premier ministre : l’administration publique centrale française (le pouvoir exécutif entier, à l'exception évidente de la présidence de la République, qui contrôle le gouvernement) et, sous la réserve de quelques menues garanties d'indépendance pour les juges du siège, le pouvoir judiciaire. L’administration est elle-même divisée en ministères, qui eux-mêmes sont divisés :
    • en services centraux (services d'exécution compétents sur tout le territoire, mais sous l’autorité directe du premier ministre ou du chef de l’État, indépendamment des éventuelles délégations plus ou moins permanentes à un ministère selon la loi organique fixant le budget de l’État et des ministères ; par exemple l’armée, l’administration fiscale, la police nationale, les services diplomatiques et consulaires à l’étranger, ou les services propres au gouvernement),
    • en services déconcentrés (services d'exécution similaires aux services centraux, mais dont la compétence est fixée sur un territoire : département, région, etc. ; tels que les académies de l’Éducation nationale, les préfectures, les tribunaux),
    • et en services à compétence nationale (c’est-à-dire des services sous l’autorité du premier ministre mais délégués par une loi organique à un ministère compétent, et dont la compétence s'étend à tout le territoire, et investis de missions publiques fixées par la loi ou garantis par des traités internationaux : par exemple, la DGAC) ;
  • Les deux assemblées, le sénat et l'assemblée nationale ;
  • Les collectivités territoriales, et leurs regroupements (voir Intercommunalité en France) ;
  • Une quantité presque innombrable d’établissements publics (EPST, EPIC, EPA, etc.), sous la tutelle des administrations ou des collectivités territoriales. Certains établissements peuvent même contrôler des entreprises de droit privé (et agissent alors au même titre que d’autres personnes privées, physiques ou morales).

Le président de la République — le chef de l'État — veille au bon fonctionnement de ces différents pouvoirs, et assure l'unité de l'ensemble.

Selon le contexte, le mot « État » désignera une partie plus ou moins étendue de cet ensemble (de la seule administration sous le contrôle du gouvernement, pour son sens le plus restrictif, jusqu'à la République tout entière, en ajoutant les assemblées, les collectivités, etc.). On peut même y ajouter, dans certains cas, des organismes de droit privé, souvent paritaires, comme ceux qui gèrent la Sécurité sociale et les conventions collectives (organismes dans lequel l’État, au sens du gouvernement, est représenté et peut agir pour légiférer sur leur organisation interne, ou contribuer à leur financement et à garantir leurs dettes, assimilées à des dettes publiques en droit européen).

Sur le plan historique, seule la période du Régime de Vichy (qui portait d'ailleurs pour nom officiel « État français ») pose quelques problèmes de continuité de l'État, par rapport aux différents régimes qui se sont succédé, jusqu'à ce que le président Jacques Chirac assume au nom de l'État la responsabilité de certaines dérives de cette période[4].

Distribution des compétences dans l'État

La répartition des compétences et la forme juridique adoptée peuvent varier au cours du temps. Actuellement, et depuis la fin du XXe siècle, on observe un mouvement général centrifuge, où des administrations d'État sont transformées, ou leurs missions transférées aux établissements publics, aux AAI, voire à des entreprises privées (exemple : France Telecom), ou décentralisées au bénéfice des collectivités territoriales. Néanmoins et pour ne pas simplifier les choses, le personnel concerné peut rester fonctionnaire de l'une des trois fonctions publiques (d'État, territoriale ou hospitalière).

On doit donc désormais distinguer les compétences d'État proprement dites, exercées par l'administration de l'État et plus généralement par les services publics nationaux (quel que soit leur forme juridique et leur mode de gestion, public ou privé) et les compétences des collectivités territoriales décentralisées exercées par l'administration des régions, départements, communes, les EPCI ou leurs services publics délégués[5].

Au sein des compétences d'État on doit également distinguer le niveau d'exercice, entre celles qui par exception restent encore centralisées, notamment les compétences régaliennes et les fonctions de coordination, et celles qui sont déconcentrées au niveau local, notamment au bénéfice des préfets[6].

Aujourd'hui, la répartition des compétences entre les différentes entités est fixée par un texte de niveau approprié :

  • seule la Constitution, complétée de lois organiques, peut fixer les compétences du gouvernement, des assemblées ; à ce niveau, la compétence appartient en principe à la nation tout entière, qui peut l'exercer par voie de référendum, toutefois l'État peut en pratique agir sur lui-même, dans une certaine mesure (par la voie parlementaire de révision de la constitution, et par la mise en place des lois organiques) ;
  • une loi peut fixer les compétences des syndicats de communes, des établissements publics ;
  • un décret en conseil d'État est nécessaire pour fixer les grandes lignes de l'organisation de l'administration ;
  • les détails au sein de chaque personne morale sont fixés par des décrets, des arrêtés ou des "décisions" ;
  • la jurisprudence administrative (où le Conseil d'État exerce la doctrine, par sa fonction de juge en dernier ressort), précise les détails ou résout les contradictions, parfois en faisant appel à la notion de « grands principes » (i.e., éléments d'interprétation que le conseil déduit souverainement des lois considérées comme importantes)

Lien avec l'économie

Après l'élection de François Mitterrand en 1981, l’incursion de l'État dans la sphère économique s’est encore renforcée (voir Programme commun). Depuis, les privatisations réduisent progressivement le contrôle sur la production économique. La France reste un des États du monde les plus réglementés[réf. nécessaire], et le poids des dépenses publiques y est très important.

En 2004, les prélèvements obligatoires représentent ainsi 44 % de la valeur produite par les citoyens français. Sous l’influence de la mondialisation économique, les pays sont de plus en plus en concurrence économique, et l'État français propose une conception du rôle de l'État face au capitalisme atypique. Alors que beaucoup jugent son action néfaste à la compétitivité économique des entreprises nationales, par le poids important des prélèvements obligatoires, d'autres vantent l'excellence des infrastructures du pays ou d'un système de protection sociale qui demeure efficace tout en mettant en exergue la productivité record des Français. Le débat reste d'actualité.

La présence de l’État dans l'économie est en net recul, en particulier depuis la fin des années 1980 et le programme de privatisation lancé par Jacques Chirac, alors premier ministre. L'État français a ainsi cédé environ 1 500 sociétés et transféré plus d’un million de salariés au secteur privé. La part de l’emploi public, hors fonction publique (enseignement, administration, hôpitaux...), dans l’emploi salarié total est tombée de 10,5 % en 1986 à 3,1 % en 2019[7].

Notes et références

Notes

  1. À la monarchie féodale des XIIe siècle - XIIIe siècle, période de faiblesse du pouvoir royal, a ainsi succédé la monarchie « tempérée » des XIVe siècle - XVIe siècle, quand le roi absolu a partagé son autorité avec divers organismes, puis, enfin, la monarchie absolue, phase ultime d'un processus de récupération par le seul roi de la puissance publique parvenue à sa perfection. Telle était du moins la conception des historiens du XIXe siècle.
  2. On ne saurait oublier que la réflexion sur l'État ressortit à tous les domaines de la pensée politique, qu'ils soient issus de l'humanisme ou de la Réforme, de la pensée républicaine italienne ou de la philosophie cartésienne, ou encore de l'augustinisme politique, de la vieille scolastique et de ses adaptations...
  3. En revanche, il convient de maintenir le lien qui unit l'affirmation de l'État et celle de la raison dans le cadre d'une sécularisation progressive du politique.
  4. Cette définition par la souveraineté a été posée au profit du souverain/chef d'état par le juriste français Jean Bodin au XVIIe siècle. (Les Six Livres de la république, 1576).

Références

  1. « Ainsi que l'avait remarqué le philosophe et politologue George-Armstrong Kelly, le mot (État) est systématiquement évité par les Anglais et par les Américains, le terme gouvernement évoquant une tout autre structure. Dans le discours politique français, le mot « État » désigne en partie les organes de représentation parlementaire, mais surtout le pouvoir exécutif avec son considérable appareil administratif renouvelé par Napoléon » cité in Lucien Jaume, « Aux origines du libéralisme politique en France », Esprit, juin 1998, p. 44
  2. Sur la méfiance de la Troisième République face à la notion d'État : Berstein, 1992, p. 413.
  3. Maurice Agulhon, Nouvelle histoire de la France, Seuil, 2002, p. 352, (ISBN 978-2-0205-5873-0).
  4. Voir son discours du 16 juillet 1995 au Vélodrome d'Hiver
  5. Ce transfert partiel de compétences en faveur des collectivités territoriales fait suite aux mouvements de décentralisation entrepris à partir de 1982, et se trouve aujourd'hui consacré par la constitution puisque, depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, l'organisation de la République est décentralisée.
  6. La règle de droit commun de l'exercice des compétences de l'État est la déconcentration selon la loi n°92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République
  7. https://www.monde-diplomatique.fr/2019/06/REYMOND/59949

Voir aussi

Articles connexes

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