Couronnement de l'empereur byzantin

Le couronnement de l'empereur byzantin (στέψιμον, soit stepsimon ou στεφάνωσις, soit stephanosis) est l'acte symbolique qui marque l'accession au trône de l'empereur byzantin. La cérémonie tire ses origines des traditions romaines que sont l'élection par le Sénat ou l'acclamation par l'armée. Peu à peu, elle évolue pour devenir un rituel complexe. Elle se standardise au début de l'ère byzantine, aux Ve et VIe siècles, avec l'apparition du nouveau souverain devant le peuple et l'armée à l'hippodrome de Constantinople, où il est couronné et acclamé. En outre, la religiosité de l'acte devient déterminante, avec la présence du patriarche de Constantinople. Ainsi, à partir du VIIe siècle, le couronnement prend place dans une église, en général la basilique Sainte-Sophie, principal édifice religieux de Constantinople. Après la fin du VIIIe siècle, le rituel s'inscrit dans le temps et n'évolue plus qu'à la marge. L'onction, apparue au début du XIIIe siècle, est la principale nouveauté s'insérant dans la cérémonie, probablement sous l'influence des pratiques de l'Europe occidentale. De même, dans les années 1250, l'élévation sur le pavois redevient une pratique courante.

Aux origines : la tradition romaine

L'accession au trône romain n'a jamais fait l'objet d'un cérémonial précisément décrit. Depuis les temps d'Auguste, la fonction impériale est censée être élective. L'empereur est choisie par le peuple romain, le Sénat et l'armée, de manière à déterminer le plus apte. Néanmoins, la pratique s'est souvent dissociée de cette théorie.

L'idée de choisir le meilleur est surtout la préoccupation du Sénat, qui pérennise la tradition de la République romaine d'une aristocratie sénatoriale qui choisit son dirigeant. Toutefois, la fonction principale de l'empereur est bien de diriger l'armée, comme en témoigne son titre d' imperator, originellement conféré aux généraux vainqueurs sous la République. De ce fait, l'empereur est souvent choisi par l'armée aux dépens du Sénat, même si le consentement de celui-ci demeure une formalité indispensable. Ainsi, nombre d'empereurs ont été proclamés comme tel dans les provinces de l'Empire avant de se rendre à Rome pour recevoir l'assentiment sénatorial.

Plusieurs empereurs ont désigné leur successeur, qu'il soit un parent par le sang ou par l'adoption. Néanmoins, le principe dynastique n'a jamais constitué une règle de la succession impériale. De ce fait, des usurpateurs pouvaient être légitimes à réclamer le trône, dès lors qu'ils sont soutenus par l'armée ou le peuple. Par conséquent, des historiens ont qualifié le régime impérial romain d'absolutisme tempéré par un droit à la révolution.

L'Empire romain d'Orient reprend ces caractéristiques fondamentales. Dans les premiers siècles, douze empereurs sont issus des rangs de l'armée contre neuf venant de la famille impériale alors au pouvoir. A partir du VIIe siècle, une évolution apparaît avec l'affirmation progressive d'un principe dynastique, incarné par le porphyrogénète (né dans la pourpre), terme qualifiant l'enfant d'un empereur régnant. La dynastie macédonienne consacre véritablement la solidité du principe dynastique, qui persiste sous les Comnènes et, surtout, sous les Paléologues.

Elections et acclamations sous l'Empire romain

En l'absence de processus de succession clairement établi, il n'existe pas réellement de cérémonie de couronnement. Seule l'acclamation par le Sénat, l'armée et le peuple est une constante. Sous le Principat, ce rituel est souvent répété annuellement au moment de l'anniversaire de l'accession de l'empereur à la fonction suprême. Au cours des siècles, l'acte d'acclamation est de plus en plus formalisé, tout en restant un aspect fondamental de la légitimité du souverain.

Au cours du Principat, l'accession au pouvoir inclut aussi la donation des insignes impériaux, principalement la cape de général (paludamentum ou chlamys), de couleur pourpre. A partir de Claude, il est d'usage que l'empereur fasse un don aux soldats, dont la nature oscille entre la récompense et une forme de corruption. Après Constantin le Grand (306-337), le diadème devient un élément d'identification du monarque, inspiré de la tradition orientale. Néanmoins, aucune cérémonie de couronnement en tant que tel n'est adoptée. Au cours du Dominat, l'arrivée d'un empereur victorieux prend l'allure d'une célébration de la légitimité du souverain, même si l'événement peut intervenir à plusieurs reprises au cours d'un règne.

La première occurrence d'une telle cérémonie est l'acclamation de Julien en 361. Les soldats l'élèvent sur le pavois, avant de le proclamer Auguste et de le couronner avec un torque porté au niveau du cou, à la place d'un diadème. Cette tradition est empruntée aux peuples germains et perdure parmi les usurpateurs militaires jusqu'à Phocas, avant de tomber dans l'oubli. Une autre cérémonie est celle de Valentinien Ier à Ancyre en 364. Elu par les généraux, il est revêtu des vêtements impériaux et d'un diadème avant d'être acclamé Auguste par les soldats. Il s'adresse ensuite à eux, leur promettant d'importants dons. Cette cérémonie est répétée trois an plus tard quand Valentinien fait couronner son fils Gratien.

Les premiers siècles de l'Empire byzantin (Ve et VIe siècles)

La première cérémonie de couronnement de l'Empire byzantin à avoir été décrite est celle de Léon Ier en 457. Celles de ses successeurs (Léon II, Anastase Ier, Justin Ier et Justinien) ont été recopiées dans le De Ceremoniis de l'empereur Constantin VII, sur la base des écrits de Pierre le Patrice. Celle de Justin II, qui devient empereur en 565, a été décrite avec une grande précision par Corippe dans le De laudibus Iustini Minoris.

Dans les premiers temps de l'Empire, quand la fonction suprême est vacante, c'est aux principaux fonctionnaires de la cour qu'échoit la désignation du nouvel empereur. Ce cercle restreint recouvre notamment le magister officiorum et le comes excobitorum, en lien avec le Sénat qui rassemble les plus hauts personnages de l'Empire, ayant le rang de vir illustris. Dans le cas de la nomination d'Anastase Ier, cette élite se repose sur l'impératrice douairière, Aelia Ariadne. Dans tous les cas, leur choix doit être accepté par l'armée des régiments palatins et le processus se termine par l'acclamation par la population, en règle générale dans l'Hippodrome de Constantinople. Les co-empereurs sont désignés par des empereurs en fonction et la consultation du Sénat est facultative.

Le couronnement de Léon Ier se déroule à l'intérieur de Constantinople, selon un déroulé proche de celui de Valentinien. Il est couronné d'une sorte de torque par un campiductor puis les drapeaux sont levés et Léon est acclamé par les soldats comme Auguste. Il est ensuite revêté de la toge impériale, d'un diadème puis reçoit une lance et un bouclier et les dignitaires viennent lui rendre hommage (proskynèse) selon l'ordre protocolaire. A la différence de la cérémonie de Valentinien, purement militaire, celle de Léon revêt une dimension civile. Le Sénat ratifie la nomination et l'empereur reçoit ensuite une couronne. Le patriarche Anatole de Constantinople est bien présent mais il ne joue aucun rôle, à la différence de ses successeurs. Si le couronnement de Julien par un torque a été largement dicté par les circonstances, le rituel est institutionnalisé avec Léon, précédent le couronnement en tant que tel. Une fois celui-ci accompli, Léon se rend à la cathédrale Sainte-Sophie où il dépose sa couronne sur l'autel. Là, le patriarche la remet sur sa tête.

A la suite de Léon, tous ses successeurs sont couronnés dans l'Hippodrome, à la différence de Justinien qui reçoit l'ornement dans le Grand Palais.

L'acclamation à l'Hippodrome

Mosaïque représentant Justinien revêtu de sa tenue de couronnement.

Une fois élu par le Sénat, le nouvel empereur se rend depuis le Grand Palais vers le kathisma, l'espace qui lui est réservé dans l'Hippodrome, en compagnie du patriarche et d'autres hauts dignitaires. Dans la situation du couronnement d'un co-empereur, l'empereur appelle le magister officiorum et les patrices pour qu'ils fassent rentrer le nouveau co-empereur, qui peut alors s'asseoir à la gauche du souverain, tandis que le patriarche est à sa droite. L'empereur est vêtu d'un vêtement qui descend jusqu'à ses genoux, le divetesion, richement décoré et tenu par une ceinture incrustée de pierres précieuses, le zonarin, complété de bas en pourpre et de sandales couleur cramoisie (kampagia), cousues d'or.

L'élévation sur le pavois

L'empereur est couramment élevé sur un pavois et couronné d'un torque par un campiductor, suivi d'une levée des bannières militaires et de l'acclamation. C'est ainsi qu'Hypace est célébré lors de la sédition Nika. Au moment de la succession d'Anastase, l'un des candidats, Jean, est élevé sur un pavois par les Excubites mais rejeté par la faction des Bleus qui le lapident. De même, la Schole palatine tente de favoriser son propre favori en l'acclamant alors qu'il est debout sur une table mais il est rapidement tué par les Excubites.

L'usage du diadème

Parmi les habits impériaux, on retrouve la longue toge pourpre qui descend jusqu'aux chevilles, accompagnée du tablion. La meilleure représentation de la pourpre impériale se retrouve sur la mosaïque de Justinien à la basilique San-Vitale de Ravenne. Une fois revêtu de cet ensemble, l'empereur écoute une prière du patriarche avant de recevoir un diadème, dont la forme a évolué au fil du temps. Quand le co-empereur est couronné par le souverain lui-même, c'est ce dernier qui place le diadème sur sa tête, autrement c'est le patriarche qui s'en charge.

Acclamation et adresse impériale

Le nouvel empereur retourne ensuite à la kathisma et, portant la lance et l'épée, il est acclamé par la population comme Auguste. A la différence de Léon Ier, les empereurs suivants ne reçoivent cette acclamation qu'après le couronnement formel par le patriarche et non après l'élévation sur le pavois.

Un dignitaire (le libellensis) s'adresse ensuite à la foule et à l'armée au nom de l'empereur, leur promettant des dons. La somme reste la même à partir de Julien, soit cinq pièces d'or et une livre d'argent pour chaque homme.

Période intermédiaire : du VIIe siècle au XIIe siècle

Au cours de ces siècles, la cérémonie se déplace de plus en plus au sein des églises, tandis que la formalisation s'accroît et que le rite ecclésiastique devient prépondérant. Phocas est le premier empereur couronné dans une église, en 602, par le patriarche Cyriaque de Constantinople, en l'église Saint-Jean à Hebdomon, près de Constantinople. En 610, son successeur, Héraclius, est couronné dans l'église Saint-Philippe, à côté du palais impérial puis il couronne son fils Héraclonas comme co-empereur dans l'église Saint-Etienne du palais de Daphnè. A partir de Constant II, la cérémonie se déplace en la basilique Sainte-Sophie, à l'exception des co-empereurs souvent couronnés dans le Grand-Palais voire à l'Hippodrome comme Constantin VI. Quant aux impératrices, elle sont souvent couronnées à la même occasion que leur mari. Autrement, elles le sont dans les halls du Grand-Palais ou à l'église Saint-Etienne de Daphnè.

Le cérémonial des VIIe et VIIIe siècles est inconnu car aucune description n'a survécu. Toutefois, à la fin du VIIIe siècle, le rite ecclésiastique gagne en importance. Il faut attendre le De Ceremoniis de Constantin VII pour retrouver des détails sur le couronnement. L'élévation sur le pavois n'y figure plus et cette pratique semble avoir disparu au moins depuis Phocas. Ce dernier a été levé sur un bouclier par l'armée rebelle mais ce moment n'est pas constitutif du couronnement en tant que tel. Pour Constantin VII, la pratique est réservée aux Khazars.

L'empereur est habillé de la skaramangion et du sagion et commence la procession à travers le hall de Augusteus dans le Grand Palais, escorté par les eunuques de la chambre impérial, le cubiculaire, menés par le préposite. Dans la salle de l'Onopodion, les patrices l'attendent pour lui souhaiter bonne fortune lors des années à venir. Ensuite, il se rend le Grand Consistoire où le reste des sénateurs est présent. Avec les patrices, ils exécutent la proskynèse. Puis, il prend le chemin de la salle des Scholes, où se tiennent les représentants des Factions, qui font alors le signe de croix.

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