Conséquences environnementales et sanitaires de l'accident de Fukushima

Le , un séisme de magnitude 9 déclenche un tsunami qui dévaste la côte Pacifique du Tōhoku et Kantō au Japon et provoque l'accident nucléaire de Fukushima : la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi est endommagée, provoquant un défaut de refroidissement, des fusions de cœur dans plusieurs réacteurs puis des ruptures de confinement et d'importants rejets radioactifs.

Dans les premiers jours, d'importants rejets ont été dispersés dans l'air. Ils se sont déplacés au gré des vents et via leurs retombées sont susceptibles d'induire des conséquences environnementales et sanitaires, ensuite en raison de fuites et d'un arrosage continu, les rejets sont plutôt concernés le littoral proche, les fonds marins et l'océan Pacifique[1].

Les prévisions réalisées ainsi que les mesures relevées in situ à grande distance ont mis en évidence des concentrations très faibles en radionucléides dans l'air comme dans l'eau de pluie. L'impact distant en dehors du Japon est donc considéré comme extrêmement faible concernant la pollution atmosphérique[2]. Les impacts concernant les transferts via l'océan et la chaine alimentaire marine fait encore l'objet d'évaluation, mais selon les données disponibles, c'est la contamination radioactive artificielle de l'environnement marin la plus importante qui ait jamais eu lieu[1].

Dispersion atmosphérique du panache radioactif

Les rejets radioactifs dispersés dans l'atmosphère sont soumis au déplacement des masses d'air et se sont dispersés au gré des courants aériens.

Le 16 mars 2011, cinq jours seulement après le tremblement de terre, une brutale augmentation du taux de Xénon (un gaz rare) était détecté[3] aux États-Unis ; Il s'agissait d'un isotope (133Xe) radioactif responsable d'une radioactivité de 40 Bq/m3 d'air, indiquant un taux 40 000 fois plus élevé que le taux moyen de cet isotope dans cette partie des États-Unis[4]. En tant que produits de fission, il confirmait la gravité de l'accident et sa détection était le premier marqueur du passage du nuage au niveau du laboratoire (46° 16'47 "N, 119° 16'53" W), soit à plus de 7 000 km de Fukushima, son point d'émission [5].

Météo-France a réalisé une modélisation qui a permis de prévoir l'arrivée des masses d'air polluées sur les différents continents, en prenant le césium 137 comme élément représentatif.

Il en ressort que seul l'hémisphère nord a été concerné. Le panache s'est déplacé d'ouest en est. Il a atteint la côte Ouest des États-Unis le 16 mars 2011, puis la côte est entre le 18 et le 19 mars. Les polluants ont atteint les Antilles françaises à partir du 21 mars et Saint-Pierre-et-Miquelon à partir du 23 mars. Concernant les « impacts à très grande distance », les concentrations étaient trop faibles pour que les sondes du dispositif de mesure du rayonnement ambiant détectent le passage[2].

À partir du 22 mars, le panache aborde le nord de la Grande-Bretagne puis les pays scandinaves où de l’iode 131 a été mesuré dans l’air à Stockholm, Umeå et Kiruna en Suède, à une concentration inférieure à 0,30 mBq/m3, ainsi qu’en Finlande (moins de 1 mBq/m3). Le panache redescend ensuite sur l'Europe et atteint la France le 24 mars où de l'iode 131 est mesuré à des concentrations variant entre quelques dixièmes de mBq/m3 et quelques mBq/m3. Du césium 134, du césium 137 et du tellure 132 ont également pu être détectés à des concentrations de quelques centièmes de mBq/m3[6].

Dans la dernière semaine de mars, le panache s'est ensuite déplacé vers l'Asie, où des concentrations similaires à celles mesurées en Europe ont pu être mesurées en Chine et en Corée[7].

Modélisation de la dispersion des rejets radioactifs dans l'atmosphère à l'échelle globale

Impacts environnementaux et sanitaires

Impact sur l'air

Parmi les polluants émis, l'iode 131 a rapidement disparu (en raison de sa courte période radioactive[8]). Les isotopes radioactifs du césium (césium 137 et césium 134) sont les radionucléides qui pourraient subsister le plus durablement dans l’air, probablement plusieurs mois, avec des concentrations diminuant progressivement.

En Europe, selon une étude publiée en décembre 2012, des retombées radioactives de Fukushima ont été détectées dans l'air moins de deux semaines après leur émission, notamment en France, d'abord à 2 877 m d'altitude par le LEGOS[9] et l'Observatoire du Pic du Midi (Pyrénées) avec une présence anormale d'iode 131 dans les aérosols (200 ± 6 μBq m-3). Une faible contamination a pu être constatée du 22 au 29 mars 2011[8], mais à doses très faibles (radioactivité 400 fois moindre que lors du passage du nuage émis par la catastrophe de Tchernobyl)[8]. De faibles dépôts de radiocésium ont aussi été enregistrés en France du 29 mars au 5 avril (environ 10 μBq m-3). La signature isotopique des retombées (ratio de 1,4 137Cs/134Cs) a permis de confirmer qu'elles provenaient bien de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi[8].

Les taux de radioactivité de l'air dans le reste de l'Europe ou en Asie continentale étant également très faibles, l'IRSN a jugé inexistant le risque pour la santé pour des personnes exposées dans ces régions à cet air faiblement contaminé[7].

Sous l'égide du MEXT (ministère japonais de l’Éducation, de la Culture, des Sports, des Sciences et de la Technologie) et avec l'aide du département de l'Énergie des États-Unis, une étude a évalué le niveau initial de contamination en « radiocésium » de toute la région de Fukushima[10]. Cette évaluation a été faite à partir des données obtenues lors de campagnes aéroportées de mesure de la radioactivité de l'air et de prélèvements d'échantillons ponctuels de sols (pour évaluer les retombées). En avril 2011, on a pu disposer d'une cartographie des dépôts aériens sur 5 000 km2 pour le césium-134 et le césium-137 [11])

Impacts des retombées aériennes sur les eaux douces

Outre quelques dépôts secs ensuite lessivés, lors de ce type d'accident, une partie des radionucléides dispersés dans l'air peut être rapidement précipitée au sol après incorporation dans les gouttelettes d'eau présentes dans les nuages ou condensant à partir de l'air (brume, rosée, givre). Une fois dans l'eau retombée au sol, une partie des radionucléides peut être plus ou moins durablement piégée dans le sol, intégrée aux sédiments ou emportée avec le ruissellement vers des cours d'eau, étangs ou la mer. Une partie de ces radionucléides peut aussi être intégrée dans certains organismes vivants. Le reste est emporté par l'eau, vers des nappes ou d'autres masses d'eau.

Au moment de l'accident (11 mars 2011) et jusqu'aux arrosages destinés à refroidir les piscines et réacteurs, la plus grande part des radionucléides a été émise dans l'air. Ils ont d'abord été directement transportés par le vent vers l’océan Pacifique, mais quatre jours plus tard, le vent a tourné et il a plu ou neigé ce qui a contribué au dépôt de radionucléides formant un panache de contamination, au niveau des sols et des zones imperméabilisées situés au nord-ouest de la centrale jusqu'à environ 70 à 80 km du point d'émission[10]. Cette zone constituée de reliefs boisées et de plaines cultivées est notamment drainée par le fleuve Abukuma-gawa qui se jette plus au nord, dans l'océan Pacifique. Ce bassin est boisé à 79 % et cultivé à 18 % avec un cumul pluviométrique moyen annuel de 1 100 à 2 000 mm. Deux autres bassins versants, ceux des fleuves Mano et Nitta qui se jettent également dans le Pacifique, ont également été touchés. Ces fleuves sont plus étroits mais traversent dans leurs cours aval des régions densément peuplées et cultivées[10].

Au Japon, selon les données disponibles en 2012, il existe selon O. Evrard du CEA[10] « une zone de contamination particulièrement marquée (plus de 50 000 Bq/kg) au sein de la chaîne de montagnes qui s’étirent jusqu’à 40 km au nord-ouest de la centrale de Fukushima Daiichi, ainsi que la présence d’un panache secondaire (plus de 25 000 Bq/kg) dans la vallée de l’Abukuma, à l’amont de la ville de Fukushima. La présence de gradients de pente très élevés en montagne et le climat très érosif qui règne au Japon sont susceptibles de générer l’exportation massive de sédiments contaminés vers les plaines cultivées et densément peuplées, et l’océan Pacifique ». Depuis l'accident, la radioactivité ambiante tend à augmenter significativement près des fleuves (par rapport aux sols environnants), ce qui laisse penser que l'érosion et le ruissellement « ont commencé à transporter les sédiments plus contaminés de l’amont vers les zones initialement moins contaminées de l’aval, dès les mois qui ont suivi l’accident »[12].
Dans la Préfecture de Fukushima, une étude a porté sur la dispersion des sédiments radioactifs dans les cours d'eau drainant la zone survolée par le panache de contamination quand il a plu ou neigé[13]. L'iode-131 ayant une demi-vie de 8 jours, il a assez rapidement disparu de l'environnement, ce sont donc les isotopes du césium (césium-134 dont la demi-vie est de 2 ans, et césium-137 dont la demi-vie est de 30 ans) qui ont été suivis. Ces deux radioisotopes tendent à être adsorbés par la fraction fine des particules du sol. Ces particules contaminées peuvent ensuite être entraînées par les processus d’érosion et de ruissellement. Si elles arrivent dans un cours d'eau, notamment en période de crue, elles peuvent alors être rapidement exportées vers l'aval des bassins versants et, in fine, dans l'Océan Pacifique[10].

En France, en avril 2011, l'IRSN a estimé l’ordre de grandeur de concentration de la pluie à quelques Becquerels par litre. Ici aussi, le risque a été jugé inexistant compte tenu de ces concentrations extrêmement faibles. Ainsi une pluie de 100 mm en un mois génèrerait un dépôt contaminé de quelques centaines de Becquerels par mètre carré, ce qui est dérisoire par exemple par rapport aux dépôts qui ont pu être générés par le nuage de Tchernobyl et qui ont pu atteindre quelques milliers, voire dizaines de milliers de Becquerels par mètre carré dans l'Est de la France[14]. Du 30 mars au 10 avril, c'est-à-dire pendant ou après le passage du « nuage », une présence très faible d'iode 131 a été détectée dans l'herbe (de 1,1 à 11 Bq kg-1 ; poids frais) et, dans une moindre mesure, dans des échantillons de sol (0,4 Bq kg-1), dans le bassin de la Seine [8].
Du 134Cs émis par l'accident a aussi été trouvé dans de l'herbe échantillonnée dans le même bassin (du 31 mars au 10 avril) avec une radioactivité de 0,2 à 1,6 Bq kg-1 de poids frais[8].

Impacts sur les eaux marines et littorales

Ce sont les impacts environnementaux qui semblent les plus importants et préoccupants. La contamination de l'environnement marin induite par cet accident est considérée comme étant la plus grande pollution radioactive marine de l'Histoire[1].

Elle a au moins trois origines :

  1. les retombées dans l'océan à partir des panaches de fumées et vapeur libérés par les trois réacteurs après leur explosion, ainsi que par les vapeurs issue des arrosages ;
  2. les rejets volontaires ou involontaires (fuites) d'eaux contaminées provenant de l'usine ;
  3. l'arrivée en mer de polluants radioactifs issus de l'érosion de sols contaminés et du ruissellement, ou encore de la lixiviation de déchets issus des trois explosions de réacteurs

Début avril 2011, dans un périmètre de 500 m autour de la centrale, la radioactivité de l'eau de mer atteignait 68 000 Bq.L-1 rien que pour le radiocésium (134Cs et 137Cs)[1]. Et elle a dépassé 100 000 Bq.L-1 pour l'iode 131[1]
En raison du contexte de l'accident (dit « Genpatsu-shinsai » c'est-à-dire, accident majeur avec conjonction dans l'espace et le temps d'un triple accident nucléaire et des conséquences du tremblement de terre et du tsunami qui l'ont déclenché) et en raison de la situation d'urgence complexifiée, aggravée et prolongée par la gestion de l'après-tsunami il est encore difficile en 2013, à partir des données fournies par l'opérateur TEPCO d'apprécier la cinétique des radio-polluants (iode 131 notamment) ou même d'estimer le montant total des radionucléides ayant atteint la mer[1].

Une évaluation récente[1] (publiée fin en 2012), modélisée sur la base d'une interpolation faite à partir des teneurs mesurées sur une série d'échantillons marins dans le cadre de la surveillance de la radioactivité a évalué l'apport en Césium 137 dans un rayon de 50 km autour des émissaires de la centrale. Selon cette estimation, ce sont 27 pétabecquerels (soit 27 × 1015 Bq) qui avaient été émis en mer entre le début de la catastrophe et le 18 juillet 2011, les rejets les plus importants ayant été ceux du premier mois, avec une décroissance régulière jusqu'en juillet où la radioactivité des rejets en mer s'est stabilisée.

Les centrales nucléaires refroidies par l'eau de mer sont toujours construites dans des zones de fort courant pour faciliter leur refroidissement et la dilution de polluants autrefois considérés comme inévitables (eau tritiée par exemple). Cette situation courantologique a permis une dispersion importante du radiocésium libéré par les accidents successifs de la centrale de Fukushima. Selon l'étude faite en 2011, la moitié du césium introduit chaque jour dans les 50 km autour de la centrale a été piégé dans le sédiment ou emporté par le courant hors de cette zone en 7 jours[1]). Ce radiocésium restera détectable durant des années ou décennies dans le Pacifique Nord et pourrait être concentré dans certains organismes (filtreurs et prédateurs notamment)[15]. Sa signature isotopique (ratio 137Cs/134Cs) en fait un traceur utilisable pour les études futures de la « cinétique environnementale » de ce polluant.

Impact au Japon

Dès juin 2011, le japon édicte de premières règles ou recommandations pour faire face à des problèmes difficiles (sanitaires, techniques, juridiques et financiers) de gestion[16],[17] d'une grande quantité de déchets organiques et minéraux laissés par le Tsunami (dizaines de millions de tonnes)[18] plus ou moins contaminés dans les zones touchées par les retombées radioactives. De même les ordures ménagères se montrent plus ou moins contaminées[18] ainsi que de boues de station d'épuration ou résidus d'unités de potabilisation de l'eau, tous rendus plus ou moins radioactifs par les retombées dans ces zones[18]. Les mâchefers et cendres d'incinérateurs concentrent aussi la radioactivité des déchets dont ils proviennent[19], et le Japon manque de décharges et de sites sécurisés pour les accueillir[19]. L'ASN recommande de ne brûler les déchets que dans des incinérateurs équipés de filtre et la construction de décharges spéciales pour entreposer les résidus d'incinération contenant plus de 8000 Bq/kg[20].

Rapport UNSCEAR

En 2013, l'UNSCEAR a publié un rapport[21]

«  axé principalement sur l’exposition aux rayonnements des divers groupes de la population, et sur les effets en termes de risques radio-induits pour la santé humaine et l’environnement. Les groupes de population pris en compte comprennent les résidents de la préfecture de Fukushima et d’autres préfectures au Japon, ainsi que les travailleurs, les sous-traitants et les autres personnes qui ont participé à l’intervention sur le site de l’accident ou aux alentours. L’évaluation de l’environnement porte sur les écosystèmes marins, aquatiques et terrestres. »

et qui précise à la suite des différentes études que :

« L’UNSCEAR a constaté que l’exposition de la population japonaise était faible, avec pour conséquence de faibles risques d’effets sanitaires dus aux rayonnements plus tard dans la vie. Cette constatation concorde avec les conclusions du rapport de l’OMS sur l’évaluation des risques sanitaires. L’UNSCEAR a eu à disposition une plus grande quantité de données après la période prise en compte par l’OMS, ce qui lui a permis de faire des estimations plus précises des doses et des risques associés ».[22]

Le cas particulier des cancers de la thyroïde

En 2012, l'Association française des malades de la thyroïde et de nombreux Japonais s’alarment du risque de contamination de dizaines de milliers d’enfants Japonais, résidant à proximité de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, et de ses conséquences sur leur thyroïde. Près d’un tiers des enfants exposés souffriraient déjà d’un kyste thyroïdien[23].

La plupart des épidémiologistes estiment que le risque pour la thyroïde était très limité, car les réacteurs japonais défaillants ont émis environ 10 fois moins de rayonnement ionisant qu'à Tchernobyl, avec des vents qui ont de plus poussé une grande partie du nuage vers la mer. De plus des distributions d’iode stable et l’évacuation ont été rapidement entreprises[24]. Le nombre officiel de nodules détectés chez les enfants dans la préfecture de Fukushima a fortement augmenté les mois qui ont suivi l'accident, mais ce nombre n’est selon eux que le « résultat paradoxal d'un programme de dépistage bien intentionné (...) sans précédent »[25].
Dès les premiers mois de ce suivi, des anomalies thyroïdiennes ont été détectées chez près de la moitié des enfants, dont plus de 100 ont ensuite été diagnostiqués porteurs d’un cancer de la thyroïde[24].

En 2006 l’OMS reconnait environ 5 000 cas de cancer thyroïdiens chez les moins de 18 ans qui vivaient dans les zones de retombées lors de l’accident, et admettait que d'autres cas pourraient apparaître avec le temps[24]. En 2006 l'ONU attribue 15 décès infantiles de cancer de la thyroïde à Tchernobyl (mais les décès sont rares si l’ablation de la glande thyroïde est faite précocement)[24].
Sur ces base le Japon a testé 368 651 résidents de Fukushima (âgés de 18 ans ou moins lors de l'accident)[26]. La plupart des experts ont été d'abord surpris par un nombre inattendu d'excroissances thyroïdaires (notamment car la première salve de dépistage était précoce ; lancée fin 2011, elle était plutôt un point-zéro nécessaire pour ensuite détecter une éventuelle augmentation du nombre de cas de tumeurs radio-induites (attendues dans les 4 ans ou plus). Tous les enfants porteurs de nodules dépassant 5,0 mm ou de kystes de 20,1 mm ou plus ont été invités à subir un deuxième examen plus détaillé et, si nécessaire, une biopsie. Après l'examen initial, les enfants devaient être réexaminé par précaution tous les 2 ans jusqu'à 20 ans (puis tous les 5 ans)[24].

En 2013, l'OMS a estimé qu’une « minuscule » augmentation de risque de cancer pouvait être attendue pour les personnes exposées à 12 à 25 millisieverts (mSv) dans les territoires les plus touchés (car dans le monde, on reçoit en moyenne 2,4 mSv par an de rayonnement de fond, et une radiographie à rayons X fournit environ 0,1 mSv. (mais une radiographie ne dépose pas de radionucléide dans la thyroïde). Les femmes ont un risque à vie de 0,75 % de développer ce cancer ; selon l'OMS, dans les zones à risque de la région de Fukushima ce risque n'augmenterait que de 0,5 %[24]. La première vague de dépistage s'est terminée en avril 2015. Ses résultats ont été publiés en août 2015 : environ la moitié des 300476 thyroïdes observées présentaient des nodules solides ou des kystes remplis de liquide[24]. Noboru Takamura (spécialiste des effets du rayonnement à l'Institut des maladies de la bombe atomique à l'Université de Nagasaki) rappelle que comme il s’agissait de la toute première étude sur un aussi grand nombre de personnes, les experts ne savaient pas si cette fréquence était anormale, ni haute ou basse[24].

Des études plus modestes avaient ailleurs déjà pu laisser penser que de minuscules kystes de la thyroïde et de petits nodules étaient en fait communs dès l’enfance et à tous les âges[réf. nécessaire].

Rem : la Corée du Sud a vécu une expérience proche[27] : en 1999 un programme national de santé avait proposé à ceux qui le souhaitaient un dépistage échographique de la thyroïde pour un faible prix, ce qui a été suivi d’une forte augmentation du nombre de cas de cancer thyroïdien détecté et en 2011, le taux de diagnostic de ce cancer a été 15 fois supérieur à celui de 1993)[24]. Comme ce cancer est bien traité à un stade plus avancé et qu’il nécessite une thérapie hormonale à vie, Ahn et al ont en suggéré en 2014 de décourager le dépistage du cancer de la thyroïde en routine. C’est un cancer qui peut avoir des causes hormonales, et il a été aussi suggéré en France que l’augmentation du nombre de cas était au moins en partie liée à une amélioration des capacités de diagnostic précoce[28].

Controverse sur la manière d’interpréter les chiffres d'incidence au Japon

Au Japon, la croissance du nombre de « cancers confirmés » a inquiété les patients, les médias et les autorités. Il était tentant de directement la relier aux retombées de l'accident.
En 2013 l'épidémiologiste Toshihide Tsuda juge ces chiffres anormalement élevés. En octobre 2015, il publie des taux d'incidence allant de 0 à 605 cas par million d'enfants, selon le lieu de résidence, mais avec dans l'ensemble "une augmentation d'environ 30 fois" pour la petite enfance par rapport au taux supposé « normal » de cancer à cet âge[24].
On lui reproche rapidement de n'avoir pas tenu compte de la capacité accrue du matériel d'échographie utilisé à détecter des anomalies ailleurs non-repérables, conduisant à diagnostiquer bien plus de cancer que les 3 cas par million trouvés par les examens traditionnels cliniques des patients présentant des kystes ou symptômes thyroïdiens. « Il est inapproprié de comparer les données provenant du programme de dépistage de Fukushima avec les données du registre du cancer du reste du Japon, où il est, en général, pas de dépistage à grande échelle » affirme Richard Wakeford, épidémiologiste de l’université de Manchester, dans une lettre publiée en ligne au nom de 11 membres d'un groupe de travail d'experts de l'OMS sur les conséquences sanitaires de Fukushima (l’une des 7 lettres qui a critiqué les conclusions de Tsuda)[24].
En 2015-2016, la controverse s'est principalement déroulée dans la revue Epidemiology.
Takamura et son équipe ont comparé des données plus comparables en recherchant avec les mêmes moyens techniques et le même protocole d'enquête qu'à Fukushima le nombre de cancers thyroïdiens chez 4365 enfants de 3 à 18 ans exposés et a priori non-exposées à l’iode émis par l’accident (car vivant dans 3 préfectures géographiquement bien séparées). Ils présentaient un nombre comparable de nodules, et des kystes et un cancer a été détecté ; soit une prévalence de 230 cancers par million de personnes (publication mars 2015). D'autres études japonaises récentes ont aussi rapporté des taux de cancer de la thyroïde de 300, 350 et même 1300 par million. Takamura en déduit que « la prévalence du cancer de la thyroïde détectée par des techniques d'échographie avancées dans d'autres régions du Japon ne diffère pas de manière significative de celle dans la préfecture de Fukushima ».
Tsuda a répondu qu’il avait déjà abordé ce biais en ajustant le nombre de cas de cancer pour tenir compte du temps de latence entre le moment où un examen échographique diagnostiquerait les cancers et le moment où ils pourraient être identifiés cliniquement[24].
En 2016, Dillwyn Williams (spécialiste du cancer de la thyroïde à l'Université de Cambridge déduit des données acquises dans le cadre de cette controverse que les anomalies et cancers de la thyroïde sont en réalité chez les enfants beaucoup plus fréquents et plus précoces dans la vie qu'on ne le pensait, et que le taux d’excroissances et de cancer mesurés à Fukushima doit « être considéré comme normal »[24]. Les données japonaises ne doivent pas être comparées à celles de Tchernobyl, mais elles pourront également « éclairer la genèse de ce cancer et conduire à de meilleurs protocoles de traitement »[24].

Une partie du corps médical estime que pour les petits cancers, il aurait peut-être été préférable d’attendre l’opération chirurgicale (ex : Kenji Shibuya (expert en santé publique de l'Université de Tokyo) « Une observation attentive serait la meilleure option » car ce « surdiagnostic » a induit un « surtraitement » qui a conduit à ôter tout ou partie de la thyroïde d’enfants, « peut-être inutilement »[24]. Mais sachant que l'une des caractéristiques du cancer radio-induit de la thyroïde était à Tchernobyl une croissance rapide de cette tumeur chez l'enfant, de nombreux médecin ont pu être conduit à recommander une chirurgie de précaution. Si ces cancers ont été répérés et traités plus tôt, une baisse du nombre de cas déclarés devrait ensuite être enregistrée.

Impact aux États-Unis

À la suite de l'accident, de l'iode radioactif a été détecté dans les algues au large des États-Unis d'Amérique[29].

Denrées alimentaires

Le 23 juillet 2012, pour la première fois depuis l'accident, des fruits de mer de la région (des poulpes) sont vendus sur un marché de gros[30]. Tous les poulpes portaient un certificat d'absence de radioactivité émis par l’association des pêcheurs de la préfecture de Fukushima[30]. Cependant, des lottes pêchées le 1er août au large de la centrale (20 km) révèlent un taux de 25 800 becquerels de césium par kilogramme, soit 258 fois plus que la limite fixée par le gouvernement[31].

En 2015 l'UNSCEAR réalise un nouveau rapport[32] sur la situation à la suite de l'accident. Selon la conclusion de ce rapport, une publication sur les niveaux de radionucléides dans les aliments a étayé l'affirmation déjà faite dans le rapport Fukushima 2013[21] selon laquelle les doses au public résultant de l'ingestion pourraient avoir été considérablement surestimées dans le rapport Fukushima 2013.  L'ampleur de toute surestimation doit faire l'objet d'une étude plus approfondie. Toute surestimation, dans le rapport Fukushima de 2013, des doses par ingestion aurait, en général, peu d'impact sur les estimations des doses totales, car celles-ci sont dominées par l'exposition externe au rayonnement des radionucléides déposés.

Notes et références

  1. P. Bailly du Bois, P. Laguionie, D. Boust, I. Korsakissok, D. Didier, B. Fiévet, Estimation of marine source-term following Fukushima Dai-ichi accident ; Journal of Environmental Radioactivity (Environmental Impacts of the Fukushima Accident, PART II) Volume 114, décembre 2012, pages 2 à 9 (résumé)
  2. « Impact à très grande distance des rejets radioactifs provoqués par l’accident de Fukushima », sur www.irsn.fr/, (consulté le ) p. 1-2
  3. Ce gaz a été détecté par le laboratoire d'État Pacific Northwest National Laboratory ou PNNL, notamment associé à la National Nuclear Security Administration (NNSA)
  4. T.W. Bowyer, S.R. Biegalski, M. Cooper, P.W. Eslinger, D. Haas, J.C. Hayes, H.S. Miley, D.J. Strom, V. Woods "Elevated radioxenon detected remotely following the Fukushima nuclear accident Original" ; Journal of Environmental Radioactivity, Volume 102, Issue 7, juillet 2011, pages 681-687 (résumé)
  5. 37° 25'17 "N, 141° 1'57 "E
  6. « Impact à très grande distance des rejets radioactifs provoqués par l’accident de Fukushima », sur www.irsn.fr/, (consulté le ) p. 3
  7. « Impact à très grande distance des rejets radioactifs provoqués par l’accident de Fukushima », sur www.irsn.fr/, (consulté le ) p. 4
  8. Olivier Evrard, Pieter Van Beek, David Gateuille, Véronique Pont, Irène Lefèvre, Bruno Lansard, Philippe Bonté, Evidence of the radioactive fallout in France due to the Fukushima nuclear accident ; Journal of Environmental Radioactivity Volume 114, December 2012, Pages 54–60 Environmental Impacts of the Fukushima Accident (PART II) résumé
  9. LEGOS, Laboratoire d’Études en Géophysique et Océanographie Spatiales (CNRS/CNES/IRD/UPS), Observatoire Midi-Pyrénées
  10. Olivier Evrard (CEA), Érosion des sols : dispersion des sédiments de Fukushima - 24/12/2012, Futura-Science, consulté 2012-12-31
  11. TOFU, TOFU (Tracing the consequences of Fukushima), « Projet TOFU » lancé le 1er octobre 2011 dans le cadre d'un appel à projets commun Flash Japon organisé par l'Agence nationale de la recherche française et son homologue japonais, la Japan Science and Technology Agency (JST), consulté 2012-12-31, voir carte recalculée et interpolée à partir de données du MEXT
  12. Campagne de terrain faite en novembre 2011 (8 mois après l’accident et après la saison des typhons qui se déroule de juin à octobre) in Olivier Evrard, Pieter Van Beek, David Gateuille, Véronique Pont, Irène Lefèvre, Bruno Lansard, Philippe Bonté, Evidence of the radioactive fallout in France due to the Fukushima nuclear accident ; Journal of Environmental Radioactivity, volume 114, décembre 2012, pages 54–60 Environmental Impacts of the Fukushima Accident (PART II) résumé
  13. Masson, O., et al., 2011. Tracking of airborne radionuclides from the damaged Fukushima Dai-ichi nuclear reactors by European networks. Environmental Science & Technology 45, 7670-7677
  14. « Impact à très grande distance des rejets radioactifs provoqués par l’accident de Fukushima », sur www.irsn.fr/, (consulté le ) p. 5
  15. Suedel, B.C., Boraczek, J.A., Peddicord, R.K., Clifford, P.A. et Dillon, T.M., 1994. Trophic transfer and biomagnification potential of contaminants in aquatic ecosystems. Reviews of Environmental Contamination and Toxicology 136: 21–89.
  16. “Policy on Disposal of Disaster Wastes in Fukushima Prefecture”, 23 juin 2011 et “Immediate Handling and Measurements of Incinerated Ash in Municipal Solid Waste Facility”, 28 juin 2011.
  17. “Temporary Storage in Disaster Waste Disposal in Fukushima Prefecture” et “Temporary Storage of Incinerated Ash, etc. in Municipal Solid Waste Facility”, 28 juillet 2011
  18. Association Robin des bois (2011), Les déchets du tremblement de terre et du tsunami au Japon ; Rapport d’étape ; septembre 2011
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  23. « FUKUSHIMA – Explosion des kystes de la thyroïde chez les petits japonais » , ENVIRO2B du 5 septembre 2012
  24. Dennis Normile (2016) Mystery cancers are cropping up in children in aftermath of Fukushima, http://www.sciencemag.org/ (News publiée le 4 mars 2016, consultée le 5 mars 2016)
  25. « Yet one wave of illness has been linked to the disaster—the ironic result of a well-intentioned screening program »
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  28. AFP, « Tsunami: iode radioactif détecté aux USA », Le Figaro, (lire en ligne, consulté le ).
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  30. https://www.lemonde.fr/japon/article/2012/08/21/niveau-de-radioactivite-record-sur-des-poissons-au-large-de-fukushima_1748285_1492975.html Niveau de radioactivité record sur des poissons au large de Fukushima], Le Monde, le 21 août 2012
  31. (en) « Fukushima 2015 White Paper », UNSCEAR, (lire en ligne)

Voir aussi

Articles connexes

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