Classe Commerce de Marseille

La classe Commerce-de-Marseille est une série de seize vaisseaux de 118 canons, lancés par la France entre 1788 et 1854. La première unité de la série est le Commerce-de-Marseille, lancé en 1788, d'où le nom de cette série. Elle est toutefois souvent appelée classe Océan d'après l’Océan, deuxième navire construit sur ce modèle, qui a fait une très longue carrière contrairement au Commerce de Marseille[1].

Ne doit pas être confondu avec la classe Océan du XIXe siècle.

Classe Commerce de Marseille
Classe Océan

Nicholas Pocock, l’Impérial, vaisseau de la classe Commerce de Marseille, attaqué par la Royal Navy lors de la bataille de San Domingo, .
Caractéristiques techniques
Type Navire de ligne
Longueur 63,20 mètres
Maître-bau 16,50 mètres
Tirant d'eau 8,1 mètres
Pont 3
Déplacement 5 095 tonnes
Propulsion Voiles de 3 250 m2
Vitesse 10 nœuds (18,5 km/h)
Caractéristiques militaires
Armement 118 canons
6 (puis 12) caronades
Autres caractéristiques
Équipage 1 130 hommes
Histoire
Constructeurs Port militaire de Toulon
Arsenal de Brest
Arsenal de Rochefort
Arsenal de Cherbourg
A servi dans  Marine royale française
 Marine de la République
 Marine nationale
Date début commande 1785
Période de
construction
1786 - 1854
Période de service 1790 - 1880
Navires construits 15
Navires prévus 16
Navires annulés 1

Il s'agit de vaisseaux à trois ponts, nettement plus grands que tous les autres vaisseaux des marines de guerre de la fin du XVIIIe siècle. Puissants et solides lors des combats, ils sont aussi manœuvrants que les deux-ponts français de 74 canons et 80 canons de la même époque, quoiqu'un peu plus lents. Ils sont aussi plus coûteux et exigeants à construire, et demandent un équipage nettement plus nombreux, ce qui explique que seize seulement seront mis en chantier avant la chute de l'Empire.

Conception

À la suite de ses défaites pendant la guerre de Sept Ans (1756-1763), le Royaume de France s'est lancé dans un effort important de construction navale. Juste après la guerre d'indépendance des États-Unis (1778-1783), cet effort se poursuit, entraînant des dépenses considérables. Le secrétariat d'État de la Marine tente alors de se limiter à quelques modèles standardisés pour faire des économies d'échelle : pour les vaisseaux trois-ponts devant servir de vaisseaux-amiraux, le chevalier de Borda (inspecteur des constructions navales) choisit parmi six projets proposés en 1784 celui de l'ingénieur Sané.

Sané avait déjà standardisé auparavant la production des frégates de 18 (en 1782 avec la classe Hébé), puis celle des vaisseaux de 74 (à partir de 1782 avec la classe Téméraire). Plus tard il sera à nouveau retenu pour définir le modèle des vaisseaux de 80 canons (à partir de 1789 avec la classe Tonnant).

Le , Versailles donne l'ordre de construire les deux premières unités de la série : l'une à Toulon sous le nom de Commerce-de-Marseille, l'autre à Brest sous le nom d’États-de-Bourgogne.

À terme, le programme de 1786 prévoit neuf vaisseaux de 118 canons, chacun devant servir de vaisseau-amiral à l'une des neuf escadres (cinq à Brest, deux à Toulon et deux à Rochefort[2]).

En 1790, le Commerce-de-Marseille étant terminé, un troisième vaisseau de 118 est mis en chantier, baptisé le Dauphin-Royal. La République poursuit la production avec deux autres unités (la République-française et le Peuple), auxquelles l'Empire rajoute onze de plus (l’Austerlitz, le Wagram, l’Impérial, etc.), dont cinq seulement sont terminés en 1815. Au total, la série compte seize unités.

Sous le Second Empire, quatre d'entre eux sont équipés d'une hélice et d'une machine à vapeur (de 140 à 650 chevaux), nécessitant l'embarquement de 200 à 445 tonnes de charbon (selon le modèle de la machine) dans les cales.

Caractéristiques

Dimensions

Maquette démontable montrant la disposition intérieur des ponts inférieurs d'un vaisseau de type Commerce de Marseille. Exposée au Musée suisse des transports à Lucerne.

La coque fait 196 pieds 6 pouces (soit 65,18 mètres) de long de l'étrave à l'étambot, 50 pieds de large (16,24 mètres) et 25 pieds de creux (8,12 mètres de tirant d'eau). Le déplacement approche les 3 000 tonneaux (soit 5 100 tonnes) ; malgré les 3 200 m2 de voiles, la vitesse ne dépasse pas les 9 ou 10 nœuds.

La largeur importante de ces vaisseaux leur donne une grande stabilité, ce qui n'est pas négligeable lors des tirs. Par contre, un tel tirant d'eau a eu des conséquences funestes pour la flotte française lors de la bataille d'Aboukir, obligeant la ligne de vaisseaux à mouiller loin de la côte, ce qui permet aux Britanniques de prendre les Français entre deux feux.

Les vaisseaux de 118 canons français conçus par Sané sont plus lourds et plus longs que le Santísima Trinidad espagnol (de 138 canons) ou le HMS Victory britannique (de 104 canons) ; mais d'après les Britanniques qui s'emparent du Commerce-de-Marseille à Toulon en 1793, le gros trois-ponts manœuvre comme une frégate (mais sans en avoir la vitesse).

Armement

Bien que dénommés « vaisseaux de 118 canons », les unités de la série portent de 124 (selon le règlement de 1786) à 136 (selon le règlement de 1806) pièces d'artillerie si on compte les caronades :
32 canons de 36 livres en première batterie ;
34 canons de 24 livres en deuxième batterie ;
34 canons de 12 livres en troisième batterie ;
18 canons de 8 livres et 6 obusiers de 36 livres sur les gaillards.
Le poids total d'une bordée est de 1 368 livres de boulets en fonte.

À partir de l’Impérial, lancé en 1803, les canons de 12 livres de la troisième batterie sont remplacés par des 18 livres.
Le poids d'une bordée passe à 1 470 livres de fonte.

À partir de l’Austerlitz, lancée en 1806, l'armement des gaillards est modifié, ils portent désormais 14 canons de 8 livres et 12 caronades de 36 livres.
Le poids d'une bordée passe à 1 562 livres de fonte.

Sous la monarchie de Juillet et le Second Empire, les vaisseaux de la série sont successivement réarmés avec 120 canons de 30 livres.
Le poids d'une bordée passe alors à 1 902 livres de fonte.

Équipage

Selon le règlement français du [3], l'équipage de temps de guerre doit être théoriquement de 1 117 hommes (780 en temps de paix) : soit 16 officiers, 9 élèves ou volontaires, 81 officiers-mariniers, 66 canonniers (des troupes de marine), 8 timoniers, 638 matelots, 180 soldats (troupes de marine ou infanterie de ligne), 80 mousses, 19 surnuméraires et 17 valets.

Les officiers sont : un capitaine de vaisseau (le commandant), un major (c'est un nouveau grade dans la marine), sept lieutenants, sept sous-lieutenants (le nouveau nom pour les enseignes).

Les officiers-mariniers sont ceux de manœuvre (2 premiers maîtres, 3 seconds maîtres, 4 contre-maîtres et 24 quartiers-maîtres), de pilotage (2 premiers pilotes, 2 seconds pilotes, 6 aides-pilotes et 2 pilotes côtiers), de canonnage (4 maîtres-canonniers, 7 seconds maîtres-canonniers, un maître-armurier et un garde-armurier), de charpentage (un maître-charpentier, 2 seconds maîtres-charpentiers et 6 aides-charpentiers), de calfatage (un maître-calfats, 2 seconds maître-calfats et 6 aide-calfats) et de voilerie (un maître-voilier, un second maître-voilier et 3 aides-voiliers).

Les surnuméraires correspondent au chirurgien, aides-chirurgiens, apothicaires, premiers commis du munitionnaire, seconds commis, maîtres-valets, coqs, bouchers, boulangers et au tonnelier.

Sous la République et l'Empire, l'équipage théorique passe à 1 130 hommes (825 en temps de paix), dont 17 officiers (un capitaine de vaisseau, un capitaine de frégate, six lieutenants et neuf enseignes) auxquels se rajoutent neuf aspirants.

NomArsenalConstructionHistoriqueFin
le Commerce-de-MarseilleToulon1786-1790capturé par les Britanniques à Toulon en août 1793 il est renommé le HMS Commerce-de-Marseille ; très endommagé par un ouragan en 1795, il est transformé en ponton-prisondémoli en 1802
les États-de-BourgogneBrest1786-1790renommé la Montagne en 1793, il est le navire amiral de Villaret-Joyeuse et de l'escadre de l'Atlantique lors de la Bataille du 13 prairial an II, et de la désastreuse campagne du Grand Hiver, décembre 1794, février 1795. Renommé le Peuple le , et portant toujours la marque de Villaret-Joyeuse, il participe le au combat de Groix. Il devient l’Océan le et sous ce nom il participe à la non moins infortunée expédition de Saint-Domingue en 1801. Sous l'Empire il reste longtemps à Brest mais en 1809, il est le navire amiral de l'escadre commandée par l'amiral Zacharie Allemand qui s'apprête à partir pour les Antilles quand elle est attaquée par des brûlots lors de la bataille de l'île d'Aix où il échappe de peu à l'incendie.démoli en 1855
le Dauphin-RoyalToulon1790-1793renommé le Sans-Culotte en 1792, il participe aux combats autour des îles d'Hyères, puis à la Bataille de Gênes le . Rebaptisé l’Orient en 1795, il est le navire amiral de l'escadre de la Méditerranée qui échappe à la flotte de Nelson, s'empare de Malte et conduit et débarque l'armée de Bonaparte à Alexandrie lors la campagne d'Égypte en 1798.explose lors de la bataille d'Aboukir
le PeupleBrest1793-1803renommé le Vengeur en 1794 puis l’Impérial en 1805sabordé après la bataille de San Domingo en 1806
la République-françaiseRochefort1794-1803renommé le Majestueux en 1803, navire amiral de Zacharie Allemand lors de sa chasse dans l'Atlantique Nord en 1805-1806démoli en 1839
l’AusterlitzToulon1806-1809démoli en 1837
le MarengoRochefort1807-1851renommé la Ville-de-Vienne en 1807, le Comte-d'Artois en 1814 et la Ville-de-Paris en 1830démoli en 1882
le MonarqueToulon1809-1810renommé le Wagram en 1810démoli en 1837
le MontebelloToulon1810-1813désarmé en 1867
l’ImpérialToulon1810-1814renommé le Royal-Louis en 1814démoli en 1825
le TonnantRochefort1811-1854renommé le Louis-XIV en 1828démoli en 1880
le Roi-de-RomeBrest1811-renommé l’Inflexible en 1814 puis le Sans-Pareil en 1815construction abandonnée en 1815
l’InflexibleCherbourg1812-1840renommé le Duc-de-Bordeaux en 1824, le Friedland en 1830 et le Colosse en 1865démoli en 1864
le HérosToulon1812-1813démoli en 1828
le FormidableToulon1813-1824renommé le Trocadéro en 1823démoli en 1836
le SouverainToulon1813-1840démoli en 1885

Notes et références

  1. les Anglophones utilisent le terme d’Océan class ship of the line pour désigner ces vaisseaux d'architecture semblable.
  2. Archives nationales, fonds Marine, série B-5, carton no 29.
  3. Source : Archives nationales, fonds Marine, B5-28.

Voir aussi

Bibliographie

  • Gérard Delacroix, Le Commerce de Marseille 1788-1801, éditions Gérard Delacroix, .
  • Jean Boudriot, « Le vaisseau trois-ponts l'Océan 1785-1855 », Neptunia, no 102, .
  • Michel Vergé-Franceschi (dir.), Dictionnaire d'Histoire maritime, éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins »,
  • Jean Meyer et Martine Acerra, Histoire de la marine française : des origines à nos jours, Rennes, Ouest-France, , 427 p. [détail de l’édition] (ISBN 2-7373-1129-2, notice BnF no FRBNF35734655)

Articles connexes

Liens externes

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