Butch-fem

Butch et fem sont deux identités sociales et sexuelles lesbiennes du XXe siècle.

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Butches et Fems.

Histoire

Les mots « butch », abréviation de « butcher » (boucher) en anglais, et « femme » ou « fem », reprise du mot français ou abréviation de « feminine », apparaissent aux États-Unis dans les années 1940 pour désigner les lesbiennes masculines et féminines. À l'origine, le mot « butch » peut désigner un homme particulièrement viril. Ces identités ont pour précédent la vogue des garçonnes en France dans les années 1920, et surtout le courant des lesbiennes habillées en hommes, comme Mathilde de Morny ou Radclyffe Hall, opposées à la féminine Djuna Barnes ou à l'amazone Natalie Barney. Le couple formé par Gertrude Stein et Alice B. Toklas fait partie des précurseurs.

Étudiées dans la communauté lesbienne de Buffalo, ces identités répondent au besoin d'affirmer la spécificité de la communauté des lesbiennes ; elles fixent alors les comportements. Elles se sont étendues durant les années 1950 et ont structuré la sous-culture des bars lesbiens aux États-Unis et au Canada, reprises sous ce nom au Québec. À cette époque, une butch était censée former un couple avec une fem[1]. En revendiquant visiblement des comportements alors exclusivement masculins, dans le même environnement, les « butches » rendaient visible la communauté lesbienne, mais souffraient davantage des violences et des discriminations. De leur côté, les « fems » pouvaient soutenir les « butches » tout en profitant de l'indifférence qu'elles suscitaient (voir placard), étant moins visibles.

Dans les années 1970, certaines féministes radicales discréditent les identités masculines pour leur culture machiste, contestent donc l'imitation des hommes et critiquent le couple « butch-fem » comme caricature du couple hétérosexuel (le film Sex Revelations donne à voir une représentation de cette défaveur, dans sa partie centrale). Ces attaques ont mené à l'homogénéisation de l'apparence des lesbiennes, à la mode des lesbiennes androgynes, puis à celle des lesbiennes dites « lipstick » (rouge à lèvres), très féminines, qui s'est diffusée par le biais de la publicité.

C'est dans les années 1980 et 1990 que s'élève la défense et la réhabilitation de ces identités des années 1950, ainsi que de leurs codes d'identification, sous l'impulsion de Joan Nestle puis des théoriciens queer. Les drag kings connaissent une nouvelle faveur, la chanteuse canadienne k.d. lang s'habille en costume masculin sur scène et dans la vie et un groupe de punk rock lesbien se nomme même the Butchies. En France, ces mots parviennent dans les années 1990 et 2000, où existaient déjà des vocables pour désigner les lesbiennes masculines tels que « camionneuse », ou « jules »/« nana » pour désigner un couple, et où vivaient des personnalités féministes telles qu'Hélène Azenor ou Monique Wittig.

Dans les années 1990, avec Trouble dans le genre, Judith Butler réhabilite davantage encore la dichotomie « butch-fem », cette fois d'un point de vue féministe. Elle soutient en effet que le fait que des populations autres qu'hétérosexuels puisse parodier des comportements hétéronormés montre que cette dualité des comportements n'est pas naturelle mais intégrée[réf. nécessaire] via un système de normes culturels aquises.

Pratique sociale

Couple lesbien dessiné par George Ziel en couverture de The Damned Ones, traduction en anglais du roman de Guy des Cars La Maudite (1956).

Les « butches » adoptent des comportements, des allures, des occupations, des goûts et/ou un habillement propres aux hommes dans la culture occidentale. Certaines personnes transgenres peuvent s'identifier aux « butches ». Mais les « butches » se distinguent des personnes trans femme vers homme (FtM), qui s'identifient à un autre genre que celui qui leur est assigné à la naissance : une personne "butch" n'est donc pas nécessairement trans.

Les « fems », quant à elles, adoptent des comportements et une allure féminine. Elles sont plus rarement identifiées comme homosexuelles et peuvent aussi donner une image plus acceptable des lesbiennes, car elles correspondent aux codes féminins attendus. Les comportements et habitudes des lesbiennes féminines aux revenus souvent confortables, bien placées socialement sont désignés par les mots « lesbian chic » ou « lipstick lesbian » (représentées, par exemple, dans le film She Hate Me ou dans la série The L Word).

Les identités « butch-fem » peuvent s'étendre à la sexualité pour déterminer des pratiques sexuelles et distribuer les rôles dans le couple. L'association de ces appellations suggère en effet une complémentarité des rôles. Elle procède d'un préjugé qui veut que les homosexuelles soient des femmes masculines cherchant à séduire des hétérosexuelles féminines. Or, cette association n'est pas un modèle unique de couple : il existe des couples « fem-fem » et « butch-butch » comme des couples « fem-butch ». La « stone butch » représente le cas extrême de la femme très masculine qui séduit les femmes et leur apporte du plaisir sans réciprocité. Dans d'autres sociétés, les couples de femmes se formaient suivant une exigence de complémentarité, généralement sous la forme d'un critère d'âge, par exemple chez les Nuer du Soudan ou chez les Yoruba.

L'apparente fixité des identités est contrebalancée par l'expression des goûts et des différences individuelles, offrant la possibilité de moduler les identités. Sans contrainte, les personnes homosexuelles peuvent adopter ou rejeter l'une ou l'autre de ces identités, ou les deux. Elles ont représenté alternativement des identités à défendre et à préserver, ou à critiquer et dépasser. Au fil de leur développement historique, récent, elles ont participé à la construction sociale des identités de genre et à la liberté de choix des éléments de différences.

Les hommes homosexuels ont récupéré le terme de « butch » pour désigner un homosexuel très viril. Dans la « communauté gay », deux clichés peuvent catégoriser les gays :

  • le « butch », homme entre 30 et 40 ans, la voix grave, les cheveux courts, le corps très musclé, et souvent habillé de vêtements de sport ou paramilitaires. Le « bear/musclebear » (« ours » en anglais) en est sa déclinaison à forte pilosité, enrobée ou musclée ;
  • la « coiffeuse », souvent un jeune homme au corps plus fin, à la voix plus aiguë, à la coiffure plus travaillée et aux tenues raffinées.

Notes

  1. Butch-femme par Teresa Theophano.

Voir aussi

Bibliographie

  • Christine Lemoine et Ingrid Renard (dir.), Attirances. Lesbiennes fems, lesbiennes butchs, Paris, éditions gaies et lesbiennes, 2001.
  • (en) Joan Nestle (dir.), The Persistent Desire: A Femme-Butch Reader, Los Angeles, Alyson Publications, 1992.
  • Lesléa Newman, Butch/femme, mode d’emploi (1997), Paris, KTM, 2001. Recueil de textes autobiographiques.
  • Sam Bourcier, « Le silence des butchs », dans Queer zones, Paris, éditions Amsterdam, 2017, pp. 387-402.

Liens externes

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