Mathilde de Morny

Mathilde de Morny, dite « Missy », « Oncle Max », « Max » ou encore « Monsieur le Marquis », née le à Paris[1] et morte le dans la même ville[2] est une célébrité du Paris de la Belle Époque, qui porte le titre, par son mariage, de marquise de Belbeuf. À la fois personnalité mondaine et artiste, Mathilde de Morny se fait remarquer par sa conduite jugée à l'époque comme extravagante. Elle affiche ouvertement ses préférences sexuelles pour les femmes et entretient notamment une relation avec Colette. À cette époque où les amours féminines étaient relativement acceptées, elle est pourtant attaquée avec acharnement, surtout en raison de son attitude virile qui est parfois considéré comme signe de sa transidentité. Le port du pantalon par une femme pouvait scandaliser à une période où il n'était permis qu'après l'autorisation des autorités compétentes.

Ne doit pas être confondu avec Missie.

Pour les articles homonymes, voir Morny et Missy.

Biographie

Mathilde de Morny (assise, à gauche) et ses cousines Troubetskoï.
Colette et Mathilde « Missy » de Morny.

Dernière fille du duc de Morny, le frère utérin de Napoléon III, et de son épouse la princesse Sophie Troubetskoï (1838-1896), Mathilde reçoit peu d'amour de ses parents[3]. Elle découvre les plaisirs de la chasse avec son beau-père le duc de Sesto en Castille où elle entretient sa première liaison lesbienne[3]. Elle épouse en 1881 Jacques Godart de Belbeuf, sixième et dernier marquis de Belbeuf, qui la laisse libre de poursuivre ces liaisons[4]. Elle divorce en 1903, au grand désespoir de sa mère[3].

Grâce à sa fortune, « Missy », comme elle est surnommée, entretient de nombreuses femmes à Paris, y compris Colette et Liane de Pougy, avec lesquelles elle a des relations amoureuses[5]. Colette, l'écrivaine libertine, y est encouragée par son mari Willy, endetté et infidèle[6]. Elles séjournent ensemble à partir de l'été 1906 au Crotoy dans la villa « Belle Plage ». Colette y rédige Les Vrilles de la vigne et La Vagabonde, roman plus tard porté à l'écran par Musidora.

Le , elle se présente avec Colette sous l'anagramme d'Yssim dans la pantomime Rêve d'Égypte, au Moulin Rouge. Elle joue le rôle d'un égyptologue qui réveille une momie, jouée par Colette[6], en lui donnant un baiser. Le scandale est organisé par une cabale bien préparée[3]. À la première, une claque jette des projectiles tels que tabourets et cigarettes, et provoque une bagarre générale. Le préfet de Police Louis Lépine suspend les représentations[6]. Ce scandale révèle la véritable identité de Missy. Sa famille la rejette et cesse tout soutien financier[5].

Le , « Missy » et Colette signent enfin l'acte d'achat[notes 1] du manoir de Rozven à Saint-Coulomb en Bretagne, le jour même où la première chambre du tribunal de grande instance de la Seine prononce le divorce de Colette et Willy. La maison est meublée aux frais de Missy[3]. Lors de leur séparation un an plus tard, Colette garde la maison[7],[6].

« Missy » inspire à l'écrivaine le personnage de « La Chevalière » du roman Le Pur et l'Impur, publié en 1932 et qu'elle apprécie peu[6]. Colette dira d'elle : « La Chevalière » qui, « en sombre ajustement masculin, démentait toute idée de gaieté et de bravade… Venue de haut, elle s'encanaillait comme un prince ».

Mathilde de Morny se fait appeler « Max », « Oncle Max »[4] ou bien encore « Monsieur le Marquis » par ses gouvernants. Elle porte alors un complet veston (tenue interdite aux femmes) et caleçon d'homme, le cheveu court, fume le cigare[8],[4]. Elle ira jusqu'à se faire retirer les seins et l'utérus, ce qui fait qu'elle est, au XXIe siècle, parfois considérée comme un homme trans, bien que ce mot n'existât pas à son époque[9],[10],[11].

Fin , elle tente de se faire hara-kiri mais est sauvée. Complètement ruinée, elle se suicide un mois plus tard le en mettant la tête dans le four de sa cuisinière à gaz[8] et meurt à trois heures de l'après-midi.

Ses funérailles sont prises en charge par Sacha Guitry[6]. Elle est inhumée au cimetière du Père-Lachaise (54e division).

Activité artistique

Sous le pseudonyme d'Yssim (anagramme de Missy), elle fut sculpteur et peintre, élève du comte Saint-Cène[Qui ?] et du sculpteur Édouard-Gustave-Louis Millet de Marcilly, le père d'Édouard-François Millet de Marcilly sculpteur lui aussi.[réf. nécessaire]

Notes et références

Notes

  1. La propriétaire, la baronne du Crest, refuse la vente car la marquise est habillée en homme. « Missy » fait donc signer l'acte de propriété par sa compagne.[réf. nécessaire]

Références

  1. « Visionneuse - Archives de Paris : 1863 , Naissances , 07 », sur archives.paris.fr (consulté le )
  2. « Visionneuse - Archives de Paris : 1944 , Décès , 16 », sur archives.paris.fr (consulté le )
  3. Michel del Castillo, « Missy, le spectre de Colette », Le magazine littéraire, no 568, (lire en ligne).
  4. Christine Rousseau, « Lettres à Missy, de Colette : Colette et son "velours chéri" », sur Le Monde.fr, (consulté le ).
  5. « Mathilde de Morny, la Belle et la Bête ? », France Inter - Au fil de l'histoire, (lire en ligne, consulté le ).
  6. « Colette, l'ingrate libertine », sur Le Figaro, (consulté le ).
  7. Frédéric Maget, président de La Société des Amis de Colette dans La Marche de l'Histoire, « Colette en ses demeures », .
  8. Jérôme Garcin, « Les lettres de Colette à Missy », sur Le Nouvel Obs, (consulté le ).
  9. Chaumet, Pierre-Olivier., Le transgenre, une histoire de tous les temps?, LEH édition, dl 2015 (ISBN 978-2-84874-612-8 et 2-84874-612-2, OCLC 920030560, lire en ligne)
  10. Julie Guillot, « Entrer dans la maison des hommes. De la clandestinité à la visibilité : trajectoires de garçons trans'/FtM », Sociologie, , p. 216 (lire en ligne, consulté le )
  11. « Ces 6 transgenres (connus et moins connus) qui ont marqué l'histoire », sur Europe 1 (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

  • Fernande Gontier et Claude Francis, Mathilde de Morny. La Scandaleuse Marquise et son temps, Perrin, 2005.
  • Fernande Gontier, Homme ou femme ? La confusion des sexes, chap. 8, Paris, Perrin, 2006.
  • Colette, Lettres à Missy. Édition établie et annotée par Samia Bordji et Frédéric Maget, Paris, Flammarion, 2009.
  • François-Olivier Rousseau, Missy, Pierre-Guillaume de Roux, , 304 p. (ISBN 978-2-36371-149-6, notice BnF no FRBNF45026449, présentation en ligne).

Liens externes

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