Borinage

Le Borinage est une région belge de la Région wallonne située dans la province de Hainaut, à l'ouest et au sud-ouest de la ville de Mons. Elle s’étend jusqu’à la frontière franco-belge, à l'extrémité ouest du sillon Sambre-et-Meuse.

La région est un ancien site minier qui donnait jadis du charbon à l'affleurement, notamment dans la forêt Charbonnière. Les veines se prolongeaient au-delà de la frontière franco-belge, et du côtė français, le charbon était situé plus en profondeur, la surface étant recouverte de sédiments tertiaires. La technique évolua si bien que l'exploitation de charbonnages de taille considérable fit de cette région un des berceaux de la révolution industrielle après l'Angleterre.

Depuis la fusion des communes de 1977, la région est un arrondissement administratif incluant Mons et dénommé Mons-Borinage. Il est constitué de 13 communes  : Boussu, Colfontaine, Dour, Frameries, Hensies, Honnelles, Jurbise, Lens, Mons, Quaregnon, Quévy, Quiévrain et Saint-Ghislain[1],[2].

Toponymie et orthographe

Le nom de « Borinage » vient de « borin » désignant ici les ouvriers de la mine[3], auquel est ajouté le suffixe en, -age, donne un sens de collectif, de groupe (Le Robert donne : Borinage, nom commun : ensemble des borins et aussi leur travail.).

L'étymologie du mot est inconnue, comme l'indique le professeur Pierre Ruelle, grand spécialiste du patois borain : « Le mot borain lui-même n'est pas attesté avant le XVIIe siècle et son étymologie est inconnue.[4] »

Deux hypothèses non vérifiées existent quant à l'étymologie du mot borain, e :

  • selon la première hypothèse, le terme viendrait du grec Βορέας (Boreas), mot désignant le vent du nord, par le latin boreas, que l’on retrouve dans le français borée. C'est une hypothèse poétique sans doute fantaisiste.
  • l'autre origine possible du mot serait le verbe néerlandais boren qui signifie « forer », « creuser ». Cette seconde hypothèse est à relier avec l'industrie minière qui a fortement marqué la région. Elle est plus vraisemblable que la précédente.

En ce qui concerne l’orthographe du mot, elle a d'abord été : borin, plus proche du nom de la région. L’orthographe borain a dû être reconstruite de façon savante, sur le mot dialectal borègn'.

Géographie

Les 13 communes constituant le Borinage.

Depuis la fusion des communes de 1977, la région est un arrondissement administratif incluant Mons et dénommé Mons-Borinage. Il est constitué de 13 communes[1],[2] :

Cours d'eau

Le principal cours d’eau du Borinage est la Haine. Cette rivière parcourt la région d’est en ouest et récolte notamment les eaux de la Trouille à la limite actuelle de Jemappes et de Mons.

En effet, historiquement, avant la fusion des communes opérée en 1977, le territoire de Jemappes s'étendait jusqu'au quartier du Pont-Canal, juste avant l'avenue de Jemappes (en ce compris la rue Grand'-Route). Mais par la suite cette partie de Jemappes avait alors fait l'objet d'une urbanisation, et constituait un des faubourgs de Mons-Centre.

La limite entre Jemappes et Mons avait entre-temps disparu à la suite de la fusion de ces deux sections, afin de former l'actuelle ville de Mons. Jusqu’à la fin des années 1960, le Borinage était également traversé par le canal Mons-Condé. Ce dernier a été rebouché au début des années 1970 et l’autoroute E19 a été construite sur son emplacement.

Histoire

Bataille de Jemappes le 6 novembre 1792, par Henry Scheffer (1798-1862).

Industrie minière

Terril no 12 de Noirchain (commune de Frameries).

Du XVIIIe siècle à 1850, l'économie du Borinage est fondée sur l'exploitation du charbon. Entre 1822 et 1829, la production va plus que doubler dans la région, passant de 602 000 à 1,26 million de tonnes, ce qui représente plus que la production totale de la France et l'Allemagne à l'époque. Le Borinage exportait son charbon en France et en Flandres[8].

Sociologie et politique

Langue

Le borain, la langue régionale parlée au Borinage, est une variété de picard.

Protestantisme

La Bible de van Gogh (à Cuesmes).

Le Borinage abrite une importante communauté protestante depuis la Réforme. Une des plus anciennes églises protestantes de Belgique a été édifiée à Dour, en 1827. Les protestants représentent environ 5 % de la population à la fin du XIXe siècle[9]. C'est dans ce contexte que Vincent van Gogh séjourne dans le Borinage comme évangéliste, entre 1878 et 1880. Les communautés protestantes jouent un rôle majeur dans la lutte contre la pauvreté et l'alcoolisme.

Les Borains (venant de Jemappes) tués par la Garde civique de Mons le 17 avril 1893 (Le Petit Journal, mai 1893).

Socialisme

Le Borinage est l'un des berceaux du Parti socialiste belge fondé en 1885 et dont le texte fondateur est la Charte de Quaregnon adoptée en 1894. Le fait qu'elle ait été approuvée à Quaregnon et non à Mons s'explique par les événements de 1893. Début avril, la Chambre belge rejette une proposition de loi tendant à instaurer le suffrage universel. La Commission syndicale du POB décide alors qu'il y a lieu de décréter la grève générale. Dès le 13 avril, les troubles atteignent une telle violence qu'Henri Pirenne écrit : Les chefs du parti ouvrier s'épouvantent de la tournure des événements. Au Palais de la Nation, l'épouvante est plus grande encore.[10] Le 17 avril une colonne de manifestants progresse depuis Jemappes vers Mons. À la hauteur du lieu-dit Pont-Canal (où s'éleva longtemps la maternité du même nom), quelques compagnies de la Garde civique barrent le passage. Celle-ci tire alors sur la foule des manifestants. On relève sept morts et de nombreux blessés. Le lendemain, la Chambre vote le principe du suffrage universel qui devint effectif l'année suivante, principe tempéré cependant par le vote plural (plus d'une voix pour les capacitaires, les pères de famille, etc.).

Le grave incident à la frontière de Mons et Jemappes provoqua une telle colère dans le monde ouvrier que celui-ci refusa que le Congrès du POB prévu pour 1894 se tienne à Mons. C'est ainsi que le texte fondateur du POB porte le titre de Charte de Quaregnon où s’est finalement tenu le congrès.

Situation socio-économique

Les conditions économiques et sociales y sont toujours très dures, avec une reproduction de la misère tempérée par les réformes de l'État-providence dans les années 1960.

Personnalités

  • Salvatore Adamo (né en 1943), chanteur auteur-compositeur italo-belge, a grandi à Jemappes.
  • Arthur Bastien (1855-1918 ): né à Ghlin, homme politique socialiste wallon du POB.
  • Isabelle Blume (1892-1975) : née à Baudour, deuxième femme parlementaire, militante fémininste, antifascite. Socialiste (exclue du parti socialiste en 1951), parlementaire indépendante rejoint le parti communiste en 1964, conseillère communale communiste d'Hornu en 1965.
  • Alphonse Brenez (1862-1933) : né à Hornu, homme politique et syndicaliste socialiste wallon.
  • Modeste Carlier (1820-1878), né à Wasmuel, peintre belge, lauréat du prix de Rome belge de peinture en 1850.
  • Georges Cordier (1901-1941), né à Boussu, homme politique et syndicaliste communiste wallon, membre du Parti communiste de Belgique.
  • Walter Dauge (1907-1944), originaire de Flénu, homme politique belge, proche du trotskisme.
  • Alfred Defuisseaux (1843-1901): né à Mons, avocat et un homme politique socialiste et républicain.
  • Joseph Dufrane dit Bosquétia (1833-1906) : né à Frameries, écrivain belge d'expression picarde.
  • Jules Dufrane (1848-1935) : né à Frameries, homme politique socialiste belge.
  • Freddy Deghilage (1943-2011), né à Hornu, homme politique belge, membre du Parti socialiste.
  • Eugène Degorge, (1825-1907), né à Boussu, homme politique libéral belge.
  • Stanislas Dotremont (1893-1969) né à Boussu, écrivain catholique belge de langue française.
  • Jacques Dupuis (1914-1984), né à Quaregnon, architecte belge.
  • Paul Hankar (1859-1901) : né à Frameries, architecte et designer belge, un des principaux représentants de l’Art nouveau.
  • Juvénal Gandibleux (1900-1969) : né à Quaregnon, homme politique et syndicaliste wallon, membre du Parti communiste de Belgique.
  • Jules Godart(1877-1909), né à Quaregnon, un chanteur lyrique belge.
  • Jules Guérin (1801-1886), né à Boussu, médecin belge, fondateur de l’Institut orthopédique de Paris.
  • Françoise Houdart, née en 1948 à Boussu, écrivaine belge d'expression française.
  • Jean Huard (1928-2002), né à Boussu, 99e évêque du diocèse de Tournai.
  • Albert Liénard (1938-2011), né à Quaregnon et mort à Frameries, homme politique belge, membre du cdH.
  • Constant Malva (1903-1969) : né à Quaregnon, mineur et écrivain prolétarien belge.
  • Désiré Maroille (1862-1919) : né à Frameries, homme politique socialiste wallon du Parti ouvrier belge (POB).
  • Camille Moury (1873-1924 ): né et mort à Dour, homme politique socialiste wallon du POB .
  • Henri Roger (1861-1917) : mort à Quaregnon, homme politique du Parti Ouvrier Belge.
  • Louis Piérard (1886-1951) : né à Frameries, homme politique belge et un militant wallon.
  • Auguste Toubeau (1855-1912) : né à Frameries, syndicaliste professionnel et socialiste.
  • Philibert Verdure (1857-1939) : né et mort à Mons, journaliste et homme politique socialiste wallon du POB.

Culture

Cinéma

Les films suivants ont pour cadre le Borinage :

Cinéastes :

Peinture

Le village de Cuesmes peint par Vincent van Gogh en 1879.

Dessin

Littérature

Écrivains :

Album jeunesse

Dans Le Noir Quart d'heure, album illustré par Emmanuelle Eeckhout, publié en 2015, l'écrivain Carl Norac s'intéresse à la mine, et au bassin houiller de ses lieux d'enfance, près de sa ville natale de Mons, dans le Borinage[13], où il a également été guide au Musée du Grand-Hornu[13], ancien complexe industriel de charbonnages. Le Noir Quart d'heure du titre reprend une tradition de cette région, celle de lire un texte dans l'obscurité[13].

Scénariste et dessinateur de bandes dessinées :

Photographie

  • Norbert Ghisoland (1878-1939), né à La Bouverie et mort à Frameries où il travaillait.

Musique

Le Festival de Dour.

Chanteur

Chorale

  • Chorale des Mineurs du Borinage, chœur d'hommes, fondé en 1922.

Festival

Chanson

  • On est borègne, chanson populaire du Borinage.

Imprimerie

  • Le Hainaut est de toutes les provinces celle où l'imprimerie s'est le plus développée vers 1850. C'est particulièrement dans les localités où l'industrie charbonnière était en pleine activité, et où la population s'était accrue dans une si grande proportion, que le besoin d'avoir une presse s'est fait sentir. La première imprimerie du Borinage fut établie à Pâturages par Pierre-Philippe Caufriez. Il y publia en 1844 un journal hebdomadaire sous le titre de L'Écho du Borinage. Caufriez a fait paraître un Almanach borain[15].

Lithographie

En 1996, Bruno Robbe reprend l’atelier de lithographie fondé en 1949 à Frameries par son grand-père Arthur Robbe (1923-1995)[16]. Il travaille à la commande pour des galeries, des musées et des artistes. À partir de 1999, il devient également éditeur de luxueux livres d'art à tirage limité.

Théâtre

Le comédien Jean-Claude Derudder, né à Quiévrain en 1943, participe à des spectacles en patois picard du Borinage.

Folklore

Gastronomie

  • Le pagnon borain est un type de tarte au sucre.
  • La Bière Darbyste est une boisson fermentée à base de figues, d'orge et de blé non maltés, de sucre et de blanc d'œufs. La recette aurait été popularisée par les frères darbystes, à l'origine d'une communauté anglo-protestante dans le Borinage. Elle a été classée parmi les 5 meilleures bières du monde par le New York Times.

Sport

  • Le Royal Francs-Borains est le club de football phare de la région.
  • Le Royal Albert Quévy-Mons est né à la suite de la fusion entre le RAEC Mons et le petit club de Quévy.

Tourisme

Annexes

Bibliographie

  • Maurice Arnould, L'Histoire du Borinage, Librairie encyclopédique, Bruxelles, 1951 (OCLC 67061254)
  • Alain Audin, Mons-Borinage, Paul Legrain, Bruxelles, 1989 (OCLC 23007100)
  • Paul-Marie Boulanger et André Lambert, « La Dynamique d'un développement non durable : le Borinage de 1750 à 1990 », Espace, populations, sociétés, vol. 19, no 3, , p. 311-324 (lire en ligne, consulté le ).
  • Guillaume Jacquemyns, La Vie sociale dans le Borinage houiller : Notes, statistiques, monographies, Bruxelles, Libraire Falk fils, , 490 p.
  • Alain Jouret, La grève des mineurs borains de 1912, dans Revue belge d’histoire contemporaine, t. 14, 1983, p. 421-460.
  • Alain Jouret, 1914-1918 dans la région de Mons-Borinage. En patois et en images, Saint-Ghislain, 2018, 512 p. (Publication extraordinaire du Cercle d'histoire et d'archéologie de Saint-Ghislain et de la région, 17).
  • Alain Jouret, Révolution industrielle et « tenages bon » à Elouges : les grèves au charbonnage de Belle-Vue (1825-1828), dans Mémoires et publications de la Société des sciences, des arts et des lettres du Hainaut, t. 90, 1990, p. 99-120, ill.
  • Alain Jouret, Un aspect méconnu de l’histoire sociale du Borinage : catastrophes dans les charbonnages de 1795 à 1956, réactions philanthropiques ou politiques et interventions officielles, dans Annales du Cercle d’histoire et d’archéologie de Saint-Ghislain et de la région, t. 7, 1995, p. 89-202.
  • Alain Jouret, Un symptôme de la prolétarisation des mineurs borains avant 1830 : les grèves dites « tenages bon », dans Revue belge d’histoire contemporaine, t. 19, no 3-4, 1988, p. 655-695.
  • Alain Jouret, Une conséquence du vote de la loi sur la réparation des accidents du travail (24 décembre 1903) : la création de « l’Hôpital de Warquignies », à Boussu, au lendemain de la première guerre mondiale, dans Annales du Cercle d’histoire et d’archéologie de Saint-Ghislain et de la région, t. 7, 1995, p. 203-220.
  • Jean Puissant, « Les Origines de la presse régionale socialiste dans le Borinage », Revue belge d'histoire contemporaine, t. V, nos 3-4, , p. 493-546 (lire en ligne, consulté le ).
  • Jean Puissant, L'Évolution du mouvement ouvrier socialiste dans le Borinage, Bruxelles, Palais des Académies, , 694 p. (ISBN 2-8031-0031-2, lire en ligne).
  • Jean Puissant, « Foi et Engagement politique : Quelques réflexions sur la signification sociale du réveil protestant dans le Borinage », Problèmes d'histoire du christianisme, Bruxelles, Éditions de l'Université de Bruxelles, vol. 11, , p. 9-26 (lire en ligne, consulté le ).
  • Pierre Ruelle (Communication à la séance mensuelle du 10 mars 1984), « Le Borinage de 1925 à 1935 : Un paysage intellectuel oublié », Bulletin de l'Académie royale de langue et de littérature françaises, vol. XLII, no 1, , p. 52-69 (lire en ligne, consulté le ).
  • Pierre Tilly, Les Italiens de Mons-Borinage : une longue histoire, EVO, Bruxelles, 1996 (ISBN 9782870033180)
  • Marcel Capouillez, Les charbonnages du Borinage, Catalogue d'exposition, Grand Hornu, 1994
  • Collectif, Boussu, Hensies et Quiévrain, Mardaga, 1999 (ISBN 2870098804)
Ouvrage jeunesse

Notes et références

  1. Mons-Borinage, portail de l'arrondissement de Mons.
  2. Une région de tradition industrielle : Mons - Borinage, Myriam Honorez, Bulletin de la Société Géographique de Liège, 1994, p. 85.
  3. Voir aussi sur le site XMLittré
  4. Pierre Ruelle, « Le Patois borain », Revue de Sociologie, Institut de Sociologie Solvay, , N° 2-3, pp. 307-321
  5. Alain Jouret, 1914-1918 dans la région de Mons-Borinage. En patois et en images, Saint-Ghislain, 2018, 512 p. (Publication extraordinaire du Cercle d'histoire et d'archéologie de Saint-Ghislain et de la région, 17).
  6. Idem
  7. « St. Ghislain, Belgium – Data Centers – Google », sur www.google.nl (consulté le )
  8. Adriaan Linters, Architecture industrielle en Belgique, Industriële architectuur in België, Industria architecture in Belgium, Pierre Mardaga, Liège, 1986, (ISBN 2-87009-284-9)
  9. Jean Puissant 1982, p. 15-16.
  10. Henri Pirenne, Histoire de Belgique, Tome VII, Maurice Lambertin, Bruxelles, 1948, p. 319.
  11. http://www.sonuma.be/archive/le-circuit-de-la-mort-au-borinage
  12. http://www.fr.universcine.be/films/la-presence-desolee
  13. [PDF] Clotilde Cantamessa et Isabelle Decuyper, « Carl Norac et Emmanuelle Eeckhout : le Noir Quart d'heure, tradition boraine », in Lectures n°194, janvier-février 2016.
  14. Pierre Farla, Pierre Farla, architecte et urbaniste : itinéraire, , 295 p. (ISBN 978-2-87009-826-4, lire en ligne), p. 272.
  15. Aimé Nicolas Leroy, Arthur Dinaux, André Joseph Ghislain Le Glay, Archives historiques et littéraire du Nord de la France, et de Midi de la Belgique, Volume 7 ;Volume 13, p.128
  16. https://www.frameries.be/loisirs/histoire/personnages-celebres-1/arthur-robbe

Source

  • Jean-Marie Laurent, Dictionnaire Borin-Français, Édition du Sablier, Ghlin, 1996

Liens externes

  • Portail de la mine
  • Portail de la Wallonie
  • Portail du Hainaut
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.