Bleuet de France
Le Bleuet de France est le symbole de la mémoire et de la solidarité, en France, envers les anciens combattants, les victimes de guerre, les veuves et les orphelins. La vente de bleuets les 11 novembre et 8 mai servent à financer des œuvres sociales leur venant en aide.
Éléments historiques
Le choix du symbole
Dans le langage des fleurs, le bleuet symboliserait la délicatesse et la timidité et serait « le messager de tous les sentiments purs, naïfs ou délicats »[1].
Les bleuets — ainsi que les coquelicots — continuaient à pousser dans la terre retournée par les milliers d’obus qui labouraient quotidiennement les champs de bataille pendant la Grande Guerre. Ces fleurs étaient le seul témoignage de la vie qui continuait et la seule note colorée dans la boue des tranchées.
Dans le jargon militaire, les « Bleuets » étaient les soldats de la Classe 17 — nés en 1897 — fraîchement arrivés sur le champ de bataille du Chemin des Dames. Les jeunes recrues furent surnommées ainsi par les Poilus, plus anciens, car elles portaient le nouvel uniforme bleu horizon, là où les vétérans arboraient encore, au début de la guerre, le désastreux pantalon rouge garance[2]. Cette appellation peut par ailleurs faire penser au terme familier de « bleu », désignant une personne inexpérimentée.
Cette appellation perdura pendant toute la guerre parce que l’uniforme neuf aux couleurs encore fraîches qui équipait le nouvel arrivant contrastait avec les tenues défraîchies et sales des vétérans.
La popularité des « Bleuets » était telle que leur image fut utilisée par la propagande au travers de cartes postales, affiches, chansons et poèmes :
« Les voici les p’tits « Bleuets »
Les Bleuets couleur des cieux
Ils vont jolis, gais et coquets,
Car ils n’ont pas froid aux yeux.
En avant partez joyeux ;
Partez, amis, au revoir !
Salut à vous, les petits « bleus »,
Petits « bleuets », vous notre espoir ! »
— Alphonse Bourgoin, extrait de Bleuets de France, 1916[3].
Les premiers ateliers
L’origine de l'insigne remonte à 1916. Mme Suzanne Lenhardt, infirmière-major de l’hôpital militaire des Invalides, veuve d’un capitaine d’Infanterie coloniale tué en 1915, et Mme Charlotte Malleterre, fille du général Gustave Léon Niox et femme du général Gabriel Malleterre, toutes deux émues par les souffrances qu’endurent les blessés de guerre dont elles ont la charge, et devant la nécessité de leur redonner une place active au sein de la société, décident d’organiser des ateliers où ils confectionnent des bleuets dont les pétales sont en tissu et les étamines en papier journal.
Ces insignes sont vendus au public à diverses occasions et le produit de ces ventes permet de donner à ces hommes un petit revenu[4]. Elle devient un symbole de la réinsertion par le travail.
Officialisation de l’insigne
Le , Louis Fontenaille, président des Mutilés de France, présente, dans un rapport à la Fédération interalliée des Anciens Combattants (FIDAC) à Bruxelles, un projet destiné à rendre pérenne le Bleuet de France comme fleur symbolique des « morts pour la France ».
En 1928, le président Gaston Doumergue accorde son haut patronage au Bleuet de France, les ventes s’étendent alors progressivement à l’ensemble du pays : « la Nation veut témoigner de sa reconnaissance et venir en aide à ces hommes qui ont sacrifié leur jeunesse à défendre la France. » Le 11 novembre 1934, 128 000 fleurs seront vendues.
Dès 1935, l’État officialise la vente du Bleuet de France chaque 11 novembre partout en France.
Après la Seconde Guerre mondiale, en 1957, un second jour de collecte est créé le 8 mai, date anniversaire de la capitulation de l’Allemagne nazie.
L’Œuvre nationale du Bleuet de France
Depuis cette époque, chaque année au moment des commémorations patriotiques du 8 mai et du 11 novembre, le Bleuet de France est vendu sur la voie publique par des bénévoles de l’Œuvre nationale du Bleuet de France.
L’Œuvre nationale du Bleuet de France est une association reconnue d’utilité publique, placée depuis 1991 sous l’autorité de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre. Son objectif est de recueillir des fonds afin de financer les œuvres sociales qui viennent en aide aux anciens combattants, veuves de guerre, pupilles de la Nation, soldats blessés en opération de maintien de la paix, victimes du terrorisme.
L’Œuvre soutient aussi les militaires actuellement engagés sur des théâtres d’opération : le Bleuet de France a ainsi pris part à l’initiative « Colis de Noël pour les soldats en Opex » et participe également à des actions auprès des enfants des écoles, des collèges et des lycées visant à promouvoir la mémoire en participant financièrement à des déplacements permettant la découverte de lieux mémoriels.
En 2011, près de 32 000 bénévoles ont réuni 1 102 449 € qui ont permis de venir en aide à 18 141 personnes et d’organiser plus de cinq cents initiatives de mémoire pour les jeunes générations partout en France[5]. Par comparaison, la Royal British Legion, récolte chaque année plus de 50 millions d’euros avec son coquelicot[6].
Le 8 mai 2012, au lendemain de l’élection présidentielle, à l’occasion des cérémonies commémoratives à l’Arc de triomphe de l'Étoile, le nouveau président élu François Hollande relance la tradition en portant le Bleuet de France à la boutonnière contrairement à Nicolas Sarkozy[7].
Pour la première fois depuis 1922, le 11 novembre 2012 ne marque plus solennellement la seule célébration de la fin de la Première Guerre mondiale, mais devient une journée d’hommage à tous les morts pour la France. À cette occasion un groupe d’officiers de l’École de guerre et du cours supérieur d’état-major (CSEM) décide de relancer la collecte en faveur du Bleuet de France, et le chef d’état-major des armées, l'amiral Édouard Guillaud, a encouragé dans un message à l’ensemble des unités, tous les militaires à porter le Bleuet de France sur leur tenue, y compris durant les heures de service jusqu’au 11 novembre[8].
En 2018 la Monnaie de Paris a émis une pièce commémorative de 2 € représentant le Bleuet de France à 15 millions d'exemplaires[9].
Le président de la République Emmanuel Macron arbore à nouveau le Bleuet à sa veste, lors des cérémonies du centenaire de l'armistice de 1918 sur l'avenue des Champs-Élysées.
Le rond-point du Bleuet-de-France
Le 27 août 1998, le rond-point situé dans l'axe de la place des Invalides, devant l’hôtel des Invalides dans le VIIe arrondissement de Paris est nommé « rond-point du Bleuet-de-France »[10].
Au Royaume-Uni et au Commonwealth
Une tradition semblable existe au Royaume-Uni et dans les pays du Commonwealth (sauf l'Australie, où c'est le romarin, symbole de Gallipoli), où la fleur symbole des anciens combattants est le coquelicot (poppy en anglais), car les coquelicots dont le rouge rappelait le sang, poussaient en grand nombre sur les champs de bataille des Flandres. L’origine de ce choix est le poème In Flanders Fields de John McCrae, écrit le 3 mai 1915 à la mort d’un de ses amis :
« In Flanders fields the poppies blow between the crosses, row on row, that mark our place… »
Soit, en français :
« Dans les champs de Flandre, les coquelicots oscillent au vent, entre les rangées de croix qui marquent nos tombes… »
En Belgique
En Belgique, la tradition est la marguerite[11].
Union des mutilés et anciens combattants
Après la fin de la Première Guerre mondiale, les soldats rescapés se sont organisés en associations et unions.
En Algérie, c'est l'Union des mutilés et anciens combattants qui a alors été créée pour défendre les droits des soldats d'Algérie.
Notes et références
- « Le langage des fleurs », sur plantes-et-jardins.com (consulté le ).
- Guy Marival, « Des bleuets par milliers… », sur La lettre du Chemin des Dames no 12, (consulté le ).
- Alphonse Bourgoin, Bleuets de France. Chansons et poèmes de guerre. Musique de F. Gillard. Lettre-préface de Théodore Botrel, Bloud et Gay éditeurs, Paris 1916.
- « Guerre 14 18 en Alsace - Le symbole du bleuet. », sur alsace1418.fr (consulté le ).
- « Présentation de l’Œuvre Nationale du Bleuet de France (ONBF). », sur bleuetdefrance.fr (consulté le ).
- Jean Guisnel, « 11 novembre : le grand retour du Bleuet de France », sur lepoint.fr, (consulté le ).
- Rémi Dalisson, 11 Novembre. Du Souvenir à la Mémoire, Armand Colin, , p. 127.
- « Le Chef d’état-major des armées soutient l’Œuvre du Bleuet de France », sur defense.gouv.fr, (consulté le ).
- JO C 24/02 du 24/01/2018 France 2018 (Bleuet de France).
- Ville de Paris. Arrêté municipal du 27 août 1998.
- Journal de l'Union nationale des combattants No 5 page 5
Voir aussi
Bibliographie
- Jacques Lindecker (ill. Marcelino Truong), Les bleuets de l'espoir, Paris, Nathan Le Bleuet de France, coll. « Histoire sur le vif », , 45 p. (ISBN 978-2-09-282480-1, OCLC 468124142).
- Jean Rouaud, Les champs d'honneur, Paris, Editions de Minuit, , 187 p. (ISBN 978-2-7073-1347-8) - prix Goncourt 1990.
- Sébastien Japrisot, Un long dimanche de fiançailles : roman (Roman), Paris, Denoël, , 246564570 p. (ISBN 978-2-207-23610-9) - prix Interallié 1991
Articles connexes
- Jour du Souvenir
- Campagne du Coquelicot
- Première Guerre mondiale
- Poilu
- Guerre de tranchées
- Gueules cassées
- Artisanat de tranchée
- Solidarité Défense
- ADO Entraide Défense
- Réinsertion des militaires blessés psychiques
- Agence de reconversion des militaires
- Défense mobilité
- Centre militaire de formation professionnelle
- Office national des anciens combattants et victimes de guerre
- Œuvre nationale du Bleuet de France
Lien externe
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