Edirne

Edirne (autrefois Andrinople, du grec Ἁδριανούπολις / Adrianoúpolis) est la préfecture de la province turque du même nom, limitrophe de la Bulgarie et de la Grèce. La ville compte environ 143 000 habitants. Elle est traversée par la Maritsa, l'Hèbre des Anciens (Meriç en turc). Ses habitants sont les « Adrianopolitains ».

Pour la province, voir Edirne (province).

Edirne
Andrinople
Administration
Pays Turquie
Région Région de Marmara
Province Edirne
Maire
Mandat
Recep Gürkan (CHP)
2019-2024
Préfet Nusret Miroğlu
2004
Indicatif téléphonique international +(90)
Plaque minéralogique 22
Démographie
Population 143 459 hab.
Géographie
Coordonnées 41° 40′ 28″ nord, 26° 33′ 39″ est
Altitude 74 m
Localisation

Districts de la province d'Edirne.
Géolocalisation sur la carte : Turquie
Edirne
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Edirne
Liens
Site de la mairie http://www.edirne.bel.tr
Site de la province http://www.edirne.gov.tr
Sources
« Index Mundi/Turquie »

    Histoire

    À cause de sa situation de point de passage, la ville fut le théâtre de nombreux affrontements militaires (voir les divers articles sur les batailles d'Andrinople). Dans son Histoire de la guerre, John Keegan indique que la ville a connu une quinzaine de sièges ou de batailles importantes. Sa position géographique explique largement cette particularité puisqu'elle se trouve à la confluence de trois fleuves et d'autant de vallées, dans une région accidentée où les lieux de passage sont donc restreints. La ville constituant un verrou stratégique sur le chemin de Constantinople[1].

    Antiquité

    La ville fut fondée en 125 par l’empereur romain Hadrien (d'où son nom grec Adrianopolis) sur le site d'une agglomération thrace plus ancienne nommée Orestias, Uskudama ou Odrysia. Il y eut plusieurs batailles d'Andrinople au IVe siècle : dans l'une, Constantin défit Licinius, en 324 ; dans l'autre, la fameuse bataille d'Andrinople de 378 où l'armée romaine était commandée par l'empereur romain Valens et certaines tribus germaniques, principalement des Wisigoths (Goths Thervingues) et des Ostrogoths (Goths Greuthungues), étaient commandées par Fritigern.

    Moyen Âge

    Le , elle fut le théâtre d'une autre bataille entre les Bulgaro-Valaques et l'armée de l'empereur latin de Constantinople Baudouin de Flandres, qui y fut fait prisonnier. Geoffroi de Villehardouin, sénéchal de Champagne et chroniqueur de la 4e croisade, y montra ses talents de stratège en sauvant l'armée croisée de la déroute.

    La date et les circonstances de la prise de la ville par les Ottomans ne sont pas connues avec certitude et font l'objet de débats, les dates les plus probables étant 1361 ou 1369[2],[3]. Murad Ier en fit par la suite sa capitale. Andrinople resta la capitale ottomane jusqu’à la prise de Constantinople en 1453.

    Population 100-2012.

    Période moderne et époque contemporaine

    Sous l'Empire ottoman, Andrinople est le chef-lieu d'un sandjak (district) et une des résidences du beylerbey, gouverneur du pachalik de Roumélie qui regroupe la plus grande partie des provinces balkaniques ; elle est abandonnée pour Bitola (Manastir en turc) au XVIIIe siècle. Au XIXe siècle, elle devient en 1826 la capitale du pachalik d'Andrinople, transformé en vilayet en 1865-1867.

    C'est dans cette ville que le soi-disant messie juif Sabbataï Tsevi est arrêté et jugé par le sultan Mehmed IV en septembre 1666. Pour échapper à une condamnation à mort certaine, il embrasse l'islam, imité par ses disciples, ce qui donne naissance au mouvement des sabbatéens.

    Les Russes et les Ottomans signent en 1829 le traité d'Andrinople par lequel ces derniers cédaient à la Russie les bouches du Danube, lui accordaient la libre navigation dans la mer Noire, reconnaissaient l'indépendance des Grecs et fixaient le sort de la Valachie, de la Moldavie et de la Serbie.

    Le fondateur du bahaïsme, Mirza Husayn Ali Nuri, y vécut quatre ans entre 1864 et 1868. La maison qu'il occupa (connue sous le nom de Beyaz Ev, littéralement « la maison blanche ») est un haut lieu de pèlerinage bahai.

    La ville est le théâtre d'une bataille célèbre pendant la guerre russo-turque de 1877-1878, qui aboutit au traité de San Stefano. Selon les statistiques ottomanes de 1908, la population d’Andrinople se composait alors de 30 000 musulmans (Turcs, Circassiens, Albanais, Tziganes et autres), de 22 000 Grecs ou hellénophones, de 12 000 Juifs, de 10 000 Bulgares, de 4 000 Arméniens, et de 2 000 « non classables ».

    Pendant la Première Guerre balkanique (octobre 1912-mai 1913), Andrinople est prise par les Bulgares lors du siège d'Andrinople ; mais elle est reprise par les Ottomans pendant la Deuxième Guerre balkanique (juin-). Deux tiers de ses habitants, soit environ 60 000 personnes, doivent alors quitter la ville. Ils sont remplacés par des colons anatoliens.

    En 1918, l'Empire ottoman se trouve du côté des vaincus de la Première Guerre mondiale. Le traité de Sèvres () cède Edirne  redevenue Andrinople  à la Grèce. Mais, à l'issue de la guerre gréco-turque de 1919-1922, Andrinople  redevenue Edirne  fait retour à l'Empire ottoman, devenu la Turquie, par le traité de Lausanne ().

    Edirne a été la « destination européenne d’excellence » sélectionnée pour la Turquie, à l'issue de la session 2008 du concours européen pour l’excellence dans le domaine touristique, organisé dans le cadre du projet EDEN, et qui récompense une destination par pays participant. Le thème du concours cette année-là était « tourisme et patrimoine immatériel local »[4].

    Vue panoramique prise du sommet du minaret de la mosquée de Selim (2012).

    Monuments

    • Le Palais d'Edirne (Edirne Sarayı) était la résidence du sultan ottoman du milieu du XIVe siècle à 1453, après quoi il est devenu officieux.
    • La mosquée de Selim (Selimiye Camii) fut construite par l’architecte Mimar Sinan à plus de 80 ans entre 1568 et 1574 sous le règne du sultan ottoman Sélim II. Il était enfin parvenu à relever le défi que lui avait toujours posé la coupole de Sainte-Sophie de Constantinople : faire une coupole encore plus large. Son dôme fait deux mètres de plus en diamètre, mais Sainte-Sophie garde près d’un millénaire d'avance. Cette mosquée est sans doute un des chefs-d’œuvre de l’art ottoman.
    • La mosquée aux Trois Balcons (Üç Şerefeli Cami) construite entre 1443 et 1447 sous le règne de Murad II. Son plan est celui que Sinan reprendra dans ses propres constructions.
    • L’Ancienne Mosquée (Eski Cami) qui est le plus ancien monument ottoman de la ville, commencée sous Suleyman (frère et rival de Mehmed Ier Çelebi) en 1403 et terminée par Mehmed Ier en 1414. Sur ses murs, deux calligraphies arabes proclament « Allah est grand » et « Mahomet est son prophète ».
    • La mosquée de Mourad (Muradiye Camii) construite pendant le règne de Mourad II (1421-1451). Son mirhab est décoré de magnifiques carreaux de céramique blancs et bleus de forme hexagonale.
    Façade de la mosquée de Mourad II.
    • La mosquée de Bajazet Ier (Yıldırım Bayezid Camii). C’est une église byzantine sur un plan cruciforme transformée en mosquée en 1400. L’axe du bâtiment ne correspond pas à la direction de La Mecque (qibla)
    • Le complexe de Bajazet II (Bayezit Külliyesi) est un ensemble architectural comprenant une mosquée, une école de théologie (medrese), une école de médecine, un hôpital psychiatrique (darüşşifa), une auberge pour les pèlerins (imaret), un bain (hamam), des cuisines. L’hôpital psychiatrique était une innovation qui n’apparaîtra que beaucoup plus tard en Europe occidentale.
    • Grande Synagogue, copie de celle de Vienne et construite entre 1903 et 1907, elle fut la plus grande synagogue des Balkans.
    • L'église bulgare Saint-Georges.
    • Plusieurs musées.

    Le rouge d'Andrinople

    Dans le domaine de la couleur et des teintures, il existe un rouge qui s'appelle le rouge d'Andrinople.

    C'est un composé de chromate de plomb et d'oxyde de plomb, un pigment toxique en voie avancée d'élimination. Sa composition actuelle est exactement la même que la version du défunt jaune de chrome orangé. En fait, le terme de « rouge » d'Andrinople correspond à une ancienne lacune linguistique. Aujourd'hui, il serait plutôt classé parmi les orangés. Il contenait de l'éosine (comme le jaune de chrome précité).

    Son procédé de fabrication  un peu spécial  était un secret commercial majeur qui fut percé au cours du Moyen Âge. Graisses rances, huile, urine et excréments, sangs animaux : la fabrication était particulièrement infecte. Cette couleur servait en premier lieu à la teinture.

    Le rouge d'Andrinople, ou rouge turc, ou rouge des Indes, désigne à la fois un procédé de teinture en rouge du coton, et le résultat de cette opération. Contrairement à ce qui se passe avec la laine, il est extrêmement difficile de teindre en rouge le coton avec la garance. Or un procédé extrêmement complexe existait. L’Inde en garde le monopole jusqu'au XVIIe siècle. De là, il passe au Moyen-Orient, et atteint l'Europe occidentale au XVIIIe siècle. Il s'implante d'abord en France, à Rouen et Nîmes, puis en Alsace, Suisse et pays germaniques. De leur côté, l'Angleterre (Manchester) et la Hollande ne restent pas inactives. Le processus traditionnel, qui utilise une très longue succession d'opérations particulièrement nauséabondes (bains de graisses rances, huiles, urine et excréments, sangs d'animaux) est progressivement simplifié. Le rouge d'Andrinople est très à la mode au XIXe siècle, et constitue une des spécialités des teintureries de Mulhouse[5],[6].

    Articles connexes

    Galerie

    Personnalités liées

    Bibliographie

    Références

    1. John Keegan (trad. Régina Langer), Histoire de la guerre, Perrin, coll. « Tempus », , p. 120-121.
    2. Revue des études byzantines, no 25, 1967, p. 345 [lire en ligne]
    3. Gilles Veinstein, Les esclaves de la Porte dans l'Empire ottoman. II : recrutement, formation, carrières [lire en ligne].
    4. http://ec.europa.eu/enterprise/sectors/tourism/eden/destinations-2008/index_fr.htm.
    5. Andrinople, le rouge magnifique, ouvrage rédigé sous la direction de J. Jacqué, La Martinière, Paris, 1995.
    6. D. Cardon, Le monde des teintures naturelles, Belin, 2003, sp. p. 106-108.

    Liens externes

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