André Devigny

André Devigny est un militaire et résistant français, Compagnon de la Libération par décret du 27 décembre 1945, né le à Habère-Lullin (Haute-Savoie), mort le à Hauteville-sur-Fier.

Biographie

André Devigny est né dans une famille d’agriculteurs et de militaires de forte tradition patriotique.

Élève pupille de la Nation à l’École normale d’instituteurs de Bonneville, la préparation militaire supérieure et la déclaration de guerre conduisent le jeune sous-lieutenant du 5e régiment de tirailleurs marocains André Devigny en première ligne en Lorraine.

En , après une préparation d’artillerie, la position tenue par sa section est violemment attaquée par une compagnie allemande. Dans cet affrontement meurtrier à un contre trois, il engage une contre-attaque à la baïonnette après épuisement des munitions et les survivants parviennent à repousser l'ennemi en lui infligeant de lourdes pertes. Cette action lui vaut, à 23 ans, la première Légion d'honneur de la guerre.

Grièvement blessé à Ham en , il est évacué vers l’hôpital de Bordeaux. Voulant rejoindre Londres à la fin de 1940, il contacte les services de renseignements britanniques qui, compte tenu de son appartenance au 5e RTM l’orientent sur le Maroc, à Port-Lyautey, pour participer à la préparation du débarquement allié, lequel aura lieu le à cet endroit.

Reçu au concours d’admission à l’École de Saint Maixent, il rejoint la Métropole, mais l’invasion de la zone sud par l’armée allemande, en , le met en congé d’armistice.

La Résistance

Afin de poursuivre le combat, André Devigny prend contact avec le consul anglais à Genève qui le recommande au Colonel Groussard. Ce dernier lui confie la mission d'organiser un réseau de renseignement militaire couvrant la zone sud de la France. Ce réseau, dit « Gilbert », pseudonyme du Colonel Groussard, est rapidement constitué, opérationnel et efficace. La préparation du débarquement en Provence, du sabotage de la poudrerie de Toulouse, et l’exécution du dangereux chef du contre-espionnage italien, sont parmi ses premières tâches. Il crée également un service de passage vers la Suisse qui sera utilisé par toute la Résistance.

Infiltré par un redoutable agent double de l'Abwehr, Robert Moog, le réseau est trahi, mais reste opérationnel grâce à son cloisonnement. André Devigny est arrêté en gare d’Annemasse par la Gestapo le [1], et l’un de ses adjoints, le capitaine Bulard abattu à Lyon. Interné à la prison Montluc à Lyon, il passe une première nuit dans la cellule No 13 au rez-de-chaussée du bâtiment cellulaire. Dès le lendemain, il est emmené au siège de la Gestapo pour poursuivre son interrogatoire. Dès son retour à Montluc le soir du , il est transféré dans la cellule No 45[2]. Ces interrogatoires se poursuivent jusqu’au , période pendant laquelle il est notamment torturé par Klaus Barbie. Au cours d'un transfert de la prison au siège de la Gestapo, il tente une première évasion mais est aussitôt repris.

De la cellule 45, situé au rez-de-chaussée dans le quartier des condamnés à mort, il réussit à entrer en contact avec un détenu politique, Charles Bury (ancien chef de la censure à Saint-Étienne) qui lui permet de faire sortir quelques lettres de la prison, destinées à sa famille et son réseau. Il est ensuite transféré dans la cellule 107 le au 2e étage du bâtiment cellulaire de la prison.

De cette cellule, il prépare minutieusement un plan d'évasion. Constatant la présence d'un bois plus tendre faisant la jonction entre les planches de sa porte, il se met à creuser ce bois à l'aide de sa cuillère. Après trois semaines de travail, il est capable de sortir dans le couloir du 2e étage. Après avoir reçu un colis, il découpe en lanière ses vêtements et tresse des cordes avec les fils de fer de son sommier. Il fabrique également 2 crochets avec l'armature métallique de la lanterne de sa cellule[3].

Le , sa condamnation à mort lui est notifiée par la cour martiale allemande. Le même jour, un nouveau détenu arrive dans sa cellule. Après quelques jours d'hésitations, il se confie à son codétenu et décide de l'emmener avec lui. Dans la nuit du 24 au [4], il met son projet à exécution et s'évade de nuit dans des conditions spectaculaires. Trouvant tout d'abord refuge chez un ami, il est ensuite arrêté à nouveau lors d'un contrôle de police mais réussit à s'échapper en sautant dans le Rhône et en s'y cachant pendant près de 5 h. Il trouve alors refuge chez une famille de Lyonnais. Après 3 semaines de repos, il parvient à regagner la Suisse et son réseau, d'où avec une fausse identité, il rejoint l'Espagne puis l'Afrique du Nord. Volontaire au bataillon parachutiste de choc, il participe au débarquement en Provence en et remonte vers l'Allemagne avec les armées alliées.

En 1944, il est nommé capitaine, en 1945 fait Compagnon de la Libération, et en 1946 promu chef de bataillon. Il a trente ans.

Les forces françaises en Allemagne

Il effectue ensuite son temps de commandement, en Allemagne au 7e régiment de tirailleurs algériens, où il s’attache à faire de son unité un exemple d’excellence, particulièrement aux yeux des Alliés. Le général Eisenhower, commandant des forces alliées en Europe, lui fait l’honneur d’une visite en souvenir du débarquement de 1942 au Maroc.

Les sports militaires

Au cabinet du ministre des Armées, en 1951, André Devigny assure la direction des sports militaires, du bataillon de Joinville et de l’École de haute montagne de Chamonix. Il s’attache à développer les synergies entre les valeurs sportives et militaires, puis engage résolument les sports militaires dans de nombreuses compétitions internationales. Il est élu président du CISM (Comité international des sports militaires) à l’unanimité des 23 nations adhérentes.

L’Algérie

Colonel, chef de secteur opérationnel dans le sud algérien de 1955 à 1962, André Devigny est de nouveau blessé au combat en . Son efficacité opérationnelle est remarquée, mais aussi ses qualités d’administrateur et d’homme de paix, lesquelles lui ont valu, durant près de trois décennies, les visites régulières de délégations de nomades sahariens venus lui soumettre les divers problèmes de leur collectivité. Durant la tragique période d’achèvement du conflit, il prend position pour la légalité républicaine.

Les défis des années soixante

Rentré en métropole, il dirige la préparation militaire supérieure de Paris et la préparation militaire parachutiste pour l’ensemble du pays. Le général de Gaulle le nomme également haut magistrat à la Cour de sûreté de l'État, où ses positions modérées et pragmatiques sont appréciées par toutes les parties.

Il est affecté en 1965 au cabinet du chef d’état major de l’Armée de terre en tant que directeur du « Service Action » du SDECE avec direction de la délégation annuelle française au comité allié. Il met en œuvre la réorganisation de grande ampleur nécessitée par la nouvelle donne internationale. Les missions du « Service Action » dans un contexte d’enjeux majeurs et de tensions exacerbées au Moyen-Orient, dans le Pacifique, en Afrique, et à l’Est, ont porté très haut les responsabilités confiées par l’État à André Devigny. Par ailleurs, il s’attache avec opiniâtreté à faire admettre l’importance de préparer la guerre clandestine dès le temps de paix. Il fait partie des cadres du SDECE à conserver leur poste après l'arrivée d'Alexandre de Marenches au poste de Directeur général[5].

Promu général en 1971, il se retire ultérieurement dans sa Haute-Savoie natale. Il acquiert le château des Onges à Hauteville-sur-Fier, qu'il remet en état et l'accompagne par la plantation d'un parc boisé[6]. De là, à l’occasion de nombreuses interventions publiques, il adresse aux jeunes générations un message « martelant la valeur de l’exemple et le prix de la liberté ».

Une suite ininterrompue d’actions et d’engagements pour l’honneur de la France, plusieurs blessures, 12 citations, les distinctions de Compagnon de la Libération et de Grand Officier de la Légion d'honneur, de nombreuses décorations étrangères, ponctuent un parcours militaire exceptionnel.

Son arrestation, sa détention à la prison Montluc et son évasion sont relatées dans son livre Un condamné à mort s'est échappé, publié dans le Figaro en 1954. Son histoire est portée à l'écran en 1956 par Robert Bresson, dans un film du même titre que le témoignage de Devigny, Un condamné à mort s'est échappé accompagné du sous-titre « Le vent souffle où il veut ». Le film reçoit le prix de la mise à scène au festival de Cannes en 1957.

Mort en , André Devigny est inhumé au petit cimetière d’Hauteville-sur-Fier (Haute-Savoie).

Publications

  • Un condamné à mort s'est échappé, Gallimard, 1956
  • Je fus ce condamné, Presses de la Cité, 1978

Notes et références

  1. Fiche 3335 W 29 / 333 Archives départementales du Rhône / Fonds Montluc
  2. Devigny, André, Un condamné à mort s'est échappé, Gallimard, Paris, 1956
  3. Ordre de la Liberation.fr
  4. « Fiche de renseignement de la prison Montluc 1942-1944 », sur archives.rhone.fr (consulté le )
  5. Notin, Jean-Christophe,, Le maître du secret : Alexandre de Marenches, Paris/impr. en Italie, Tallandier, 555 p. (ISBN 979-10-210-3129-6, 978-9-791-02103-6 et 9-791-02103-1, OCLC 1030779675, lire en ligne)
  6. Christian Regat et François Aubert, Châteaux de Haute-Savoie : Chablais, Faucigny, Genevois, Yens/Morges Saint-Gingolph, Ed. Cabédita, coll. « sites et villages », , 193 p. (ISBN 978-2-88295-117-5), p. 94

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