Incendie du 10 août 1903 dans le métro de Paris

L’incendie du dans le métro de Paris, également connu à l'époque comme la catastrophe du métropolitain, est un accident ferroviaire survenu sur la ligne 2 Nord (actuelle ligne 2) du métro de Paris le . Ce jour-là, un incendie sur une motrice cause la mort de 84 personnes dans les stations Couronnes et Ménilmontant.

Incendie du
10 août 1903 dans le métro de Paris

La foule attendant la sortie des corps des victimes devant la bouche de la station Couronnes. Cliché pris au carrefour de la rue des Couronnes et du boulevard de Belleville.
Caractéristiques de l'accident
Date
TypeIncendie
SiteStations Couronnes et Ménilmontant, ligne 2 Nord du métro de Paris
Coordonnées 48° 52′ 10″ nord, 2° 22′ 47″ est
Caractéristiques de l'appareil
Type d'appareil1 rame de métro de type M1
CompagnieCMP
PassagersEnviron 300
Morts84
Géolocalisation sur la carte : Paris

Après un premier départ de feu causé par un court-circuit de l'une de ses motrices à la station Barbès, une rame en bois essaye de gagner le garage de Nation et s'embrase en chemin, à l'entrée de la station Ménilmontant. La plupart des victimes sont alors asphyxiées sur les quais de la station Couronnes en raison des fumées et de la chaleur dégagées par le train en flammes. Le bilan est fortement alourdi par le milieu souterrain et l'absence de sorties secondaires dans les stations.

Cette catastrophe intervient seulement trois ans après l'ouverture du métro à Paris et demeure le plus important accident survenu sur le réseau depuis sa création. Elle marque alors profondément l'opinion publique et met en lumière une mauvaise maîtrise de la traction électrique, alors à ses balbutiements, ainsi qu'un certain nombre de failles de sécurité dans la conception et l'exploitation du métro. Des mesures drastiques seront ensuite prises par les autorités afin d'éviter qu'un tel drame ne se reproduise, la plus importante étant l'abandon définitif des rames à caisses en bois et leur remplacement par du matériel métallique.

Contexte

Le métro parisien en 1903

En , cela fait à peine trois ans que la première ligne du métro parisien a été inaugurée entre Porte Maillot et Porte de Vincennes. Le réseau est en pleine extension avec l'achèvement de la ligne 2 Nord et l'ouverture prochaine de la ligne 3. Les Parisiens ont cependant déjà massivement plébiscité ce nouveau mode de transport.

Le projet de réseau établi par la loi du avait prévu une ligne B, ou ligne 2, devant initialement effectuer un parcours circulaire sur les anciens boulevards des fermiers généraux. Mais pour des raisons d'exploitation cette ligne est rapidement scindée en deux lignes distinctes, nommées ligne 2 Nord et ligne 2 Sud, dont les premiers tronçons sont ouverts fin 1900 dans le sillage de la ligne 1. La ligne 2 Nord est prolongée à Anvers dès le , puis gagne la station Bagnolet[Note 1] le . Enfin, le , elle atteint Nation, son terminus définitif. Le terminus de Nation dispose d'une boucle de retournement et d'un vaste faisceau de garage permettant la révision des rames. Ainsi, les rames endommagées y sont systématiquement conduites pour être inspectées. Entre les stations Barbès et Allemagne, la ligne suit un parcours aérien en viaduc ; les risques liés à un éventuel incendie y sont donc minimes. En revanche, à partir de Combat, la ligne plonge en tunnel, un milieu favorisant la propagation des flammes, naturellement attirées par un appel d'air.

Un environnement technique fragile

Les concepteurs du métro parisiens avaient statué dès 1895 que le matériel aurait recours à la traction électrique, une technologie alors novatrice mais dont les dangers étaient méconnus et mal maîtrisés. Depuis la mise en service, le , de la première ligne du métropolitain, diverses difficultés avaient ainsi affecté le fonctionnement de ce nouveau mode de transports en commun.

Le matériel utilisé sur cette ligne était alors constitué :

  • de motrices équipées d’une cabine de conduite (série M1) tractant des remorques. Ces rames ne possédaient qu'une seule cabine de conduite et nécessitaient une boucle de retournement aux terminus ;
  • de motrices à deux cabines (série MM1) qui ne nécessitaient pas de boucle de retournement aux terminus car la motrice détachait ses remorques et se rattachait à l’autre bout de la rame pour repartir dans l’autre sens.

Les motrices de ces deux séries ayant une puissance limitée et ne pouvant pas circuler en unité multiple, la longueur des rames qu’elles tiraient était limitée à trois remorques, soit quatre éléments ou un demi-quai. Pour assembler des rames plus longues, il fut décidé de commander :

  • des rames Thomson-Double (séries 100 et 200). Sur ces rames, il était désormais possible de faire circuler deux motrices en unité multiple en les alimentant au départ de la motrice de tête ; ces motrices avaient une puissance suffisante pour encadrer six remorques soit un total de huit véhicules et une composition qui permettait au besoin de faire demi-tour sans boucle de retournement ou remise en tête de la motrice ;
  • des motrices à bogies (série 300) ayant une capacité supérieure aux motrices à deux essieux mais dont le nombre de moteurs et la puissance étaient toujours les mêmes. Deux prototypes avaient été livrés par Blanc-Misseron avant 1903[1].

Tous ces véhicules étaient composés de caisses en bois. Pour ceux circulant en unité multiple, le système électrique avait l’inconvénient de fonctionner entièrement sous haute tension (600 V) car le contrôle de puissance de traction était direct : toute l'intensité électrique de l'alimentation des moteurs passait sous le plancher de toutes les voitures, facilitant par là les incendies en cas de court-circuit. La puissance des motrices était juste suffisante pour tracter six remorques. En cas d'incident, même sur une seule motrice, le déplacement d'une rame avariée était donc problématique.

L'événement le plus grave avait eu pour origine un problème de signalisation, qui avait provoqué une collision entre deux trains, faisant trente blessés le à la station Concorde[2]. Mais les incidents les plus nombreux étaient liés à l'utilisation, encore mal maîtrisée, de l'énergie électrique comme force motrice. Les courts-circuits causés par les frotteurs des motrices captant mal le courant sur le rail conducteur ou par les appareillages et câblages électriques souvent rudimentaires provoquaient de nombreuses pannes, dégénérant parfois en incendies, compte tenu du caractère inflammable de la plupart des matériaux utilisés pour la construction du matériel roulant[3].

L'enchaînement des faits

L'Actualité, no 187, 16 août 1903.

Début du sinistre

Le , vers 19 heures, un peu plus de quatre mois après l'ouverture complète de la ligne 2 Nord (Porte Dauphine – Nation), le train 43, composé de huit[Note 2] voitures en bois, dont deux motrices, l'une en tête (la M202) et l'autre en queue (la M233) encadrant quatre remorques de seconde classe (B165, B175, B119 et B133) et deux de première classe (A175 et A125), se dirige vers Nation[4].

Plus tôt dans la journée, il a fallu remplacer plusieurs plombs aux compresseurs des deux motrices car ils avaient fondu et la rame avait été brièvement garée et inspectée. La motrice de tête est sur le point d'arriver à un parcours de 20 000 km depuis sa dernière révision, ce qui nécessitera un nouveau passage en révision[4].

Après être sorti du tunnel pour aborder la partie aérienne de la ligne, le train 43 s’arrête à la station Barbès, et son conducteur[Note 3] remarque que de la fumée émane du plancher de la motrice avant. Soulevant une trappe d'accès aux moteurs, il constate que le dispositif de prise de courant sur le rail (électriseur dans le jargon du métro de l'époque) est en feu. Le feu a pris dans le câblage qui alimente un des moteurs de traction et s’est propagé à la prise de courant. Les employés du train et de la station font alors descendre les voyageurs et relèvent les frotteurs, ce qui coupe le courant à bord de la rame. Après avoir jeté sur le commencement d'incendie une grenade extinctrice et utilisé au moins un seau d’eau, ils pensent le feu éteint.

Afin de ne pas bloquer les convois qui suivent, le conducteur repart à vide pour gagner Nation. Il ignore que la cause de cet incendie n’est pas simplement la surchauffe d’un moteur de traction, mais bel et bien un court-circuit au sein d’un des moteurs. Le fait d’avoir repris le contact entre les frotteurs et le troisième rail afin de repartir a donc pour effet de raviver l'incendie.

Après avoir passé sans arrêt les stations La Chapelle et Aubervilliers (aujourd'hui Stalingrad), le train, sur lequel le feu continue à se développer malgré de nouvelles tentatives d'extinction, s'arrête à la station Allemagne (aujourd'hui Jaurès), pour y demander un extincteur avant de laisser redescendre sa rame dans le tunnel jusqu'à Combat (aujourd'hui Colonel Fabien). À nouveau, lors de l’arrêt à la station Combat, les frotteurs ont été relevés au moyen de palettes de bois mais elles ont pris feu et il a fallu couper le courant ce qui mit fin à la progression des flammes jusqu'à ce que le courant soit rétabli cinq minutes plus tard.

Comme il n’était pas parvenu à détacher la motrice en flammes du reste du convoi, après avoir pris place dans la motrice de queue qui subit plusieurs avaries lorsqu'il tenta de la redémarrer, son conducteur, craignant de rester en détresse, demanda qu'il soit poussé par le train suivant qui se trouvait alors à la station Allemagne.

Quelques instants plus tard, arrive le train 52, composé de quatre voitures (motrice M139, remorques de seconde classe B213 et B161, et remorque de première classe A13) dont on a fait descendre les voyageurs à Allemagne[5].

Rassemblées en un seul train, les douze voitures repartent, occupées seulement par leur personnel (conducteurs, chefs de trains et contrôleurs) et rien n’est fait pour isoler le frotteur de la motrice M202. Toutefois, alors même qu'il existe juste après la station Combat une voie de garage utilisable, elles sont aiguillées sur la voie directe vers Nation. Il existe des versions divergentes expliquant ce choix. Selon la Compagnie, c'est le conducteur du train 43 qui a refusé le garage[6]. Selon celui-ci, il l'avait au contraire demandé, mais l'aiguillage n'avait pas fonctionné[7]. Quoi qu'il en soit, le convoi poursuit sa route et franchit les stations Belleville et Couronnes pendant que l'incendie gagne progressivement du terrain sur les voitures de tête.

La catastrophe

Au passage à la station Couronnes, M. Didier, le chef de station, impressionné par les flammes, tente de faire arrêter le convoi. Malgré cela, M. Fleuret, le conducteur de la rame 52, lui crie qu'il pense être en mesure de poursuivre sa marche.

Toutefois, très peu de temps après, un violent court-circuit provoque une série d'explosions et l'arrêt du convoi puis l'embrasement général de la motrice, juste avant son entrée dans la station Ménilmontant. Sur les quais attendent un grand nombre de voyageurs, dont certains sont pris au piège des flammes et de la fumée[8].

Les flammes se propagent progressivement au reste de la rame et la fumée produite par la rame se trouvant pratiquement à l’entrée de Ménilmontant envahit rapidement l’unique vestibule de la station. Les personnes présentes sur les quais, qui mettront trop de temps à les évacuer, devront fuir par le tunnel en direction de la station Père Lachaise[4].

Pendant ces événements, survenus à une heure de pointe, le trafic de la ligne n'a pas été interrompu, et le train numéro 48 suit dans le même sens. Comme le train 43, il n'est composé que de quatre voitures, mais est bondé[Note 4], compte tenu de l'afflux des voyageurs laissés à Barbès par le train 43 et à Allemagne par le train 52.

Arrivé à la station Couronnes, il ne peut repartir puisque le signal reste à l'arrêt. Les feux arrière de la rame précédente sont d'ailleurs visibles dans le tunnel, indiquant qu'elle n'a toujours pas quitté Ménilmontant. Au bout d'une dizaine de minutes, ils s'éteignent soudain, et le bruit d'une explosion se propage dans le tunnel, alors que le chef de train du 52 et un de ses collègues, arrivés à pied par les voies, annoncent que les deux rames brûlent. Presque simultanément, une colonne d'épaisse fumée noire en provenance du sinistre commence à envahir l'ensemble du souterrain.

Le chef de station et le chef du train 48, conscients de l'imminence et de la gravité du danger, demandent alors aux voyageurs de quitter la rame et d'évacuer les lieux. Seuls quelques-uns d'entre eux s'exécutent rapidement et en bon ordre. La plupart préfère rester dans les voitures en attendant une hypothétique reprise du trafic, d'autres encore exigent le remboursement préalable de leur billet, allant même jusqu'à molester le personnel[9].

À ces brefs instants de confusion succède vite la panique lorsque, vers 19 h 30, l'éclairage électrique est brutalement interrompu, et qu'il s'avère que les lanternes, bougies et autres allumettes utilisables comme substitut ne parviennent pas à percer l'épaisse obscurité créée par la fumée et s'éteignent très vite faute d'oxygène[10]. Cette coupure de courant est liée au fait que les boîtes de coupure se trouvaient à Ménilmontant, juste au-dessus de l’endroit où brûle la motrice M202.

Les personnes encore présentes sur les quais et dans le train s'efforcent alors à tâtons et dans une bousculade indescriptible d'échapper au nuage délétère. Les unes se dirigent vers les escaliers de l'unique sortie située côté Ménilmontant et, bien que parfois sévèrement intoxiquées, seront généralement sauves. Les autres, par méconnaissance des lieux ou désorientées dans les ténèbres, gagnent l'extrémité nord de la station, dépourvue d'issue autre que le tunnel vers Belleville. La plupart d'entre elles s'agglutineront au bout du quai contre les parois de céramique avec l'espoir d'y trouver une hypothétique sortie, et s'écrouleront, asphyxiées. Quelques-unes réussiront à descendre sur les voies et parviendront à s'enfuir jusqu'à Belleville, mais deux d'entre elles seront rattrapées et tuées par les vapeurs nocives[4].

Lutte contre l'incendie et premiers secours

Les pompiers dépêchés sur place ne peuvent pas pénétrer dans les stations en raison de la chaleur extrême, renonçant donc à secourir d'éventuels survivants. Ceux qui tentent de descendre dans l'escalier doivent battre en retraite et certains subissent des brûlures. Des bruits d'effondrement sont audibles depuis la rue, faisant craindre que la voûte des stations ne s'effondre sous l'effet de la chaleur, mais les pompiers n'ont d'autre choix que d'attendre une réduction de l'intensité du feu.

Les rescapés du sinistre sont secourus et un pharmacien du boulevard de Belleville leur prodigue les premiers secours. La plupart sont brûlés ou partiellement intoxiqués par les fumées.

Le préfet de police de Paris, M. Louis Lépine, se rend sur les lieux du drame et tente même de descendre dans le brasier[11]. Fulgence Bienvenüe, ingénieur en chef chargé de la construction du réseau, est également présent.

Aux premières heures du jour, le feu semble éteint et l'atmosphère devient plus respirable. Le préfet Lépine, les pompiers et les secouristes se risquent enfin à descendre dans le tunnel, munis de torches car aucun éclairage n'a résisté aux températures extrêmes.

Bilan

Les stations Ménilmontant et Couronnes, transformées durant toute la nuit en fournaises à l'atmosphère irrespirable par l'incendie des deux rames et le courant d'air engendré dans le tunnel, malgré les efforts des pompiers de Paris, n'ont pu être accessibles au prix de nombreuses difficultés qu'aux premières heures de la matinée. Dans la première, on a pu dénombrer sept morts, la plupart carbonisés ; dans la seconde et à ses abords, soixante-dix-sept, tous asphyxiés, dont les corps sont entassés contre le tympan de la station. L'accident a également fait des blessés, dont les conducteurs des deux rames incendiées, sérieusement brûlés, et des dizaines de personnes intoxiquées par l'inhalation des fumées empoisonnées. Ses quatre-vingt-quatre morts en font au moment des faits la catastrophe la plus meurtrière à s'être produite sur un réseau de transport urbain[12]. Elle reste la plus importante de l'histoire du métro parisien[13].

Il ne reste presque plus rien des deux rames incendiées, leurs caisses en bois n'étant pas ignifugées ; seules les châssis et les roues, métalliques, sont encore visibles. Les stations Couronnes et Ménilmontant ont subi de sérieux dommages et la voûte carrelée s'est effondrée par endroit sous l'effet de la chaleur.

Les responsabilités

Le statut du Métropolitain de Paris était régi par une loi spéciale le plaçant hors du droit commun[14]. Ainsi, la construction du réseau était assurée par la ville de Paris, qui confiait par concession son exploitation, sous sa surveillance, à la Compagnie du chemin de fer métropolitain de Paris, entreprise privée constituée sous forme de société anonyme. Toutefois, Paris étant une collectivité territoriale à statut particulier dépourvue de maire, c'était une autorité de l'État, le Préfet de la Seine, qui la représentait, sauf pour les questions de sécurité, qui relevaient d'une autre autorité de l'État, le préfet de police de Paris.

La responsabilité pouvait donc être envisagée sur des plans différents selon les causes auxquelles on attribuait l'accident et les personnes que l'on incriminait.

Dès l'annonce de la catastrophe, en l'absence du préfet de la Seine parti en vacances, le préfet de police de Paris, M. Louis Lépine, avait tenu à montrer qu'il s'impliquait personnellement dans la direction des secours en se rendant sur les lieux pour les coordonner[15], et même en tentant à plusieurs reprises de descendre lui-même dans les stations envahies par la fumée et les flammes[11].

Dans un premier temps, on avait mis en cause la Ville de Paris et critiqué la conception des souterrains, le lieu de l'accident étant dépourvu d'une bouche d'aération qui aurait permis l'évacuation des fumées. Fulgence Bienvenüe, l'ingénieur en chef du métropolitain, s'efforce cependant de réfuter les critiques en expliquant que les fumées auraient de toute façon suivi l'appel d'air provoqué par la sortie vers le parcours aérien[16].

La Compagnie tentait de s'exonérer en incriminant ses agents, et notamment le conducteur du 43, à qui elle reprochait d'avoir fautivement méconnu les prescriptions impératives de son instruction à l'usage des conducteurs[17].

Au terme d'une assez longue enquête, le , M. Jolliot, juge d'instruction, a inculpé d'homicide involontaire quatre employés, MM. Chauvin et Cavayé, respectivement conducteur et chef du train 43, Jouffroy, chef du train 52, et Renaud chef de la station Combat[18].

Le , la 8e chambre du tribunal correctionnel de la Seine, reconnaissant aux personnels des circonstances atténuantes compte tenu de leur recrutement précipité et de leur manque d'expérience, a condamné MM. Renaud et Jouffroy à un mois de prison avec sursis et 2 000 francs d'amende, Chauvin à 3 000 francs et Cavayé à 2 000 francs, en déclarant la Compagnie civilement responsable[19]. Celle-ci avait déjà anticipé la décision en provisionnant sur les résultats de son exercice 1903 deux millions de francs au titre de l'indemnisation des victimes[Note 5].

Conséquences

Abstraction faite des erreurs humaines directement à l'origine de l'accident, celui-ci avait mis en évidence un certain nombre de défauts dans la conception et l'organisation du réseau, qu'il importait de corriger afin d'éviter que comme cela avait été le cas, un simple incident d'exploitation tourne à nouveau à la catastrophe. Le préfet de la Seine, à qui incombait la surveillance de l'exécution de la concession, étant absent le jour de l'accident, c'est un conseiller général du département, Félix Roussel, qui en son nom avait immédiatement suscité la création d'une commission technique d'enquête. Celle-ci rendit en un rapport préconisant un grand nombre de modifications relevant essentiellement de la société concessionnaire[Note 6].

Deux déficiences avaient été plus particulièrement dénoncées.

La première était la vulnérabilité au feu du matériel roulant, du type dit M1, construit presque entièrement en bois, avec câbles et appareillage électrique sous le plancher des voitures, créant des risques d'autant plus grands en cas de court-circuit que la gutta-percha utilisée à l'époque comme isolant était hautement inflammable. La catastrophe imposait donc la modification urgente des rames. Celles-ci furent d'abord dotées de cabines de conduite métalliques[Note 7] puis entièrement métallisées à partir de 1906, changements préludant à la conception puis la mise en service des modernes rames Sprague-Thomson deux ans plus tard.

Le second défaut mis en évidence par la catastrophe tenait au circuit électrique unique alimentant à la fois la traction et l'éclairage, qui avait provoqué une coupure générale du courant lors de l'incendie. Il fut donc décidé de créer deux réseaux séparés, découpés en sections pour limiter l'impact des avaries. Les éléments de traction furent protégés par des fusibles[20]. Des blocs lumineux de secours à alimentation autonome marqués « Sortie » furent installés aux endroits cruciaux, et l'éclairage des tunnels fut rendu obligatoire.

Des mesures de sécurité complémentaires ont été formulées. Il a notamment été demandé à la CMP d'aménager des accès supplémentaires dans les stations afin de disposer d'une issue à chaque extrémité des quais. Pour des raisons financières, la compagnie restera sourde à cette demande mais les étroits accès secondaires de certaines stations de la ligne 3, ouverte en 1904, témoignent encore de cette exigence. Une autre conséquence indirecte de la catastrophe a été la généralisation des voies d'évitement sur les nouvelles lignes afin de permettre à un train avarié d'être garé sans interrompre le trafic.

Notes et références

Notes

  1. Aujourd'hui Alexandre Dumas.
  2. Ce chiffre a été indiqué par son conducteur, mais d'autres sources font état de six voitures.
  3. Le conducteur de métro est alors couramment appelé wattman dans la presse de l'époque, par assimilation au conducteur de tramway.
  4. Le train 48 était rempli d'au moins 350 voyageurs selon le témoignage ultérieur de son chef du train, M. Chedal (voir Le Temps du 12 août 1903, p. 2; d'au moins 240, selon celui du chef de la station Couronnes (voir La Presse du 12 août 1903, p. 3).
  5. Ce qui n'a pas empêché la Compagnie du chemin de fer métropolitain de Paris de verser un dividende de 15 F par action (voir : Le Temps du 26 décembre 1903, p. 4.
  6. Le grand nombre de modifications du réseau préconisé par la Commission d'enquête était susceptible d'affecter la valeur en Bourse de la société concessionnaire, la Compagnie du chemin de fer métropolitain de Paris (voir : Le Temps du 21 décembre 1903, p. 4.
  7. Existant à l'état de prototypes dès 1902, les cabines de conduite métalliques sont généralisées en 1903.

Références

  1. Bureau des inspecteurs J.Fargeau, COMPAGNIE DU CHEMIN DE FER MÉTROPOLITAIN DE PARIS – ALBUM DU MATÉRIEL ROULANT – Mars 1912, Paris, , 142 p., p. 64-66
  2. Voir : Le Petit Parisien du 20 octobre 1900, p. 1.
  3. Voir : Cl. Berton et A. Ossadzow: Fulgence Bienvenüe et la construction du métropolitain de Paris|éditeur=Presses des Ponts et Chaussées, pp. 99 et s.
  4. Philippe Hourdy et Gilles Houdry, « LA CATASTROPHE DU MÉTROPOLITAIN DE PARIS EN 1903 », sur Généalogie Philippe & Gilles HOUDRY, Bibliothèque virtuelle de généalogie en PDF, Étude HOUDRY en Brie, (consulté le ).
  5. Voir le témoignage publié dans La Presse du 12 août 1903, p. 1.
  6. Voir sa version dans Le Petit Parisien du 13 août 1903, p. 2.
  7. Voir ses déclarations dans Le Matin du 13 août 1903, p. 1.
  8. Voir le témoignage publié par Le Petit Parisien du 12 août 1903, p. 1.
  9. Voir le témoignage du chef du train 48 publié dans Le Petit Parisien du 12 août 1903, p. 2.
  10. Voir : Le Figaro du 11 août 1903, pp. 1-2.
  11. Voir : Le Petit Journal du 11 août 1903, p. 1.
  12. Christian Blanc, Paris, ville-monde, Éditions Odile Jacob, , 386 p. (ISBN 9782738165268, lire en ligne), « L'incendie de 1903, mise en place des normes de sécurité ».
  13. Julie Bossard, « Plongée dans les faits divers parisiens : Les 84 morts de la station Couronnes », sur www.20minutes.fr, (consulté le ).
  14. La loi du 30 mars 1898.
  15. Voir : Le Petit Parisien du 11 août 1903, p. 4.
  16. Voir : Le Figaro du 12 août 1903, p. 2 et Le Petit Journal du 12 août 1903, p. 2.
  17. Voir : Le Matin du 12 août 1903, p. 2.
  18. Voir : Le Temps du 1er avril 1904, p. 3.
  19. Voir : Le Figaro du 18 décembre 1904, p. 4.
  20. Jean Tricoire : Un siècle de métro en 14 lignes. De Bienvenüe à Météor|éditeur=Éditions La Vie du Rail, pp. 18-19

Voir aussi

Bibliographie

  • Claude Berton, Alexandre Ossadrow et Christiane Filloles-Allex, Fulgence Bienvenüe et la construction du métropolitain de Paris, Presses des Ponts et Chaussées (ISBN 978-2-85978-422-5, lire en ligne)
  • Jean Tricoire, Un siècle de métro en 14 lignes. De Bienvenüe à Météor, Éditions La Vie du Rail [détail des éditions]

Articles connexes

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