Pont Wilson (Tours)

Le Pont Wilson, construit entre 1765 et 1778, est le plus vieux pont de Tours. Composé de 15 arches, il est long de 434 mètres et enjambe la Loire. Les Tourangeaux le surnomment « Pont de pierre ». Il débouche au sud de la place Choiseul au bas de l'avenue de la Tranchée et au nord de la place Anatole-France devant la rue Nationale.

Pour les articles homonymes, voir Wilson, Pont Wilson et Pont de pierre.

Pont Wilson

Le pont en 2011.
Géographie
Pays France
Région Centre-Val de Loire
Département Indre-et-Loire
Commune Tours
Coordonnées géographiques 47° 23′ 57″ N, 0° 41′ 08″ E
Fonction
Franchit Loire
Fonction permet d'éviter des obstacles
Caractéristiques techniques
Type Pont en maçonnerie
Longueur 434 m
Largeur 21 m
Construction
Construction 1765-1778
Historique
Protection  Inscrit MH (1926)
Pont Wilson à Tours, vu de la Loire

Le pont est inscrit monument historique. Il a remplacé le vétuste pont d'Eudes du XIe siècle plus à l'est[1], dont il a permis la désaffectation puis le remplacement plus tard par la passerelle Saint-Symphorien.

Situation et accès

Le pont Wilson est un pont qui traverse la Loire à Tours. Il relie, au nord, l'avenue de la Tranchée en passant par la place Choiseul, et la rue Nationale en passant par la place Anatole France, au sud. C'est un élément constitutif de l'axe nord-sud qui commence en haute de l'avenue de la Tranchée et se termine au pied du pont de l'Alouette, coupant Tours en deux, traversant la place Jean-Jaurès, l'avenue de Grammont et le Cher via le pont du Sanitas.

Axe constitutif de la route nationale 10 (déclassée en 2005), il a vu sa circulation réduite lors de la mise en service du tramway en 2013 puis est devenu uniquement ouvert aux piétons et cyclistes à l'été 2020[2].

Le pont de pierre est un ouvrage d'art symbolique de la ville de Tours. C'est un point de repère apprécié des Tourangeaux.

Le quai sud est un lieu de vie, de tourisme et de rencontre. La guinguette de Tours[3] qui se trouve au pied du pont est un lieu festif de mai à octobre. Les quais offrent une belle vue du pont et de la Loire.

Dimensions

Le pont Wilson mesure 434 mètres de long et 21,30 de large, en comptant l'avant-bec et l'après-bec. Il est composé de 15 arches de 24,30 mètres de long et de 8,12 mètres de flèche. Le pont contient 14 piles que l'ingénieur des Ponts-et-Chaussées Jean-Rodolphe Perronet jugeait, dès la construction, trop larges et causant trop de tourbillons.

Origine du nom

Il porte le nom de Woodrow Wilson (1856-1924) 28e président des États-Unis acteur important de la Première Guerre mondiale, en tant qu'allié de la France.

Fin 1917, les troupes américaines entrent dans Tours et, dès l'automne 1918, elles investissent un camp militaire aérien dans Tours-Nord utilisé pour toute leur logistique. Une base qui deviendra l'une des plus grandes en France à cette époque-là. Les Américains la quitteront à l'automne 1919[4].

D'après Jean-Luc Porhel[5], le général John Pershing (le commandant en chef du corps expéditionnaire américain) ira même jusqu'à déclarer, dans ses mémoires, que "les États-Unis avaient deux capitales : la capitale politique qu'était Washington et la capitale économique et matérielle qu'était Tours."[4]

Le pont est baptisé en 1918 du nom de Woodrow Wilson, alors président des Etats-Unis.

John Perching, a choisi Tours, d'abord car lors d'un voyage avec sa famille, il avait pu constater les infrastructures ferroviaires et l'importance des ateliers de chemins de fer du Paris-Orléans. Et lorsqu'il arrive en 1917, il sait que c'est un réseau ferroviaire très dense qui va lui permettre un acheminement rapide des troupes et du matériel vers le front[4].

Historique

Construction

Dès le XVIIe siècle, le pont d'Eudes qui avait déjà 600 ans, mal conçu et mal réparé à la suite de multiples incidents, montre d'inquiétants signes de faiblesse. Il doit même être étayé pour la visite à Tours du roi Louis XIII, en 1626. L'idée d'un nouveau pont fait alors son chemin.

Vieux-Tours, rue royale, pont royale, archives collection palustre, année 1810, C.N.M.H.

Les grands travaux d'urbanisme du XVIIIe siècle créent dans la ville une grande méridienne nord-sud. En 1750, le pont sur le Cher et la levée qui deviendra ensuite l'Avenue de Grammont en sont déjà réalisés. En 1758, l'inspecteur général des ponts et chaussées Mathieu Bayeux dessine un projet de pont accepté par le Maire et les échevins de la ville. La première pierre, à la culée nord, est posée le . Les travaux font disparaître l'île Saint-Jacques sur la Loire, pour rehausser le niveau de la rive sud ; pour cela 900 familles de lavandières et de pêcheurs doivent être expulsées de l'île à coup de baïonnettes. Ces travaux de terrassement font qu'encore aujourd'hui, le porche de l'église Saint-Julien est sensiblement plus bas que le niveau des rues Colbert et Nationale. Pour construire le pont, on a fait venir des moellons de La Membrolle-sur-Choisille et des pierres de taille de Bléré et d'Athée-sur-Cher.

La construction est achevée en 1778, sous la direction de Jean-Baptiste de Voglie, remplaçant Bayeux retraité depuis 1774 et décédé en 1777. Il est à l'époque baptisé "Pont Royal".

Coupe d'une pile montrant les élégissements (Ernest Degrand, Ponts en maçonnerie, tome 2 - 1888).

L'octroi

Le pont Wilson est la porte d'entrée de la ville de Tours depuis le nord de la Loire. Au XVIIIe siècle, les quatre pavillons de l'octroi[6] situés place Choiseul, permettaient de contrôler les accès à la ville et d'imposer une taxe, l'octroi, lors de l'entrée en ville.

Un des quatre pavillons d'octroi place Choiseul au nord du pont

L'ancien tramway

L'ancien tramway de Tours, inauguré en 1877, passait par le pont Wilson et reliait Tours et Vouvray. Le premier tramway est hippomobile. Il y a eu plusieurs évolutions du tramway: tram à vapeur, tram à air comprimé, tram électrique (1905).

Le pont servait au passage de l'ancien tramway de Tours, dans les années 1900.

À la suite de la Seconde Guerre mondiale, le pont Wilson est endommagé et les lignes aussi. C'est en que le tram cesse de circuler. Les voies ferrées sont déposées dans la foulée.

Les deux guerres mondiales

Le pont est baptisé Wilson en 1918, du nom de Woodrow Wilson, président des États-Unis de 1913 à 1921, pour la participation de son pays à la Première Guerre mondiale, durant laquelle Tours fut une importante base américaine.

Le pont est inscrit monument historique en 1926[7].

Le , l'armée française en débâcle détruit une arche côté sud. Les conduites d'eau sont rompues et, le lendemain, l'incendie provoqué en centre-ville de Tours par des tirs d'artillerie allemands ne peut être éteint, provoquant d'importantes destructions. Ensuite, le , la Wehrmacht, à son tour en débâcle, détruit trois arches côté nord. Ces arches, rapidement remplacées par un pont provisoire, sont ensuite reconstruites.

Aujourd'hui

Citadis no 64 sur le Pont Wilson, en septembre 2013.

Les deux voies centrales (sur les 4 qu'a le pont) sont par la suite réservées aux bus en site propre.

La première ligne du tramway, inaugurée le , l'emprunte. À cette date, la circulation des voitures ne se fait dès lors que dans le sens nord-sud. À partir du , sous l’impulsion du nouveau maire EELV Emmanuel Denis qui souhaite créer une piste cyclable jusqu’à la gare de Tours, le pont est interdit aux voitures qui doivent emprunter le pont Napoléon ou le pont Mirabeau pour rejoindre le centre-ville depuis le nord. Désormais, le pont Wilson est réservé aux piétons et aux cyclistes ainsi qu’à la ligne de tramway[8].

Le site du pont, en amont et en aval, du pont de fil au pont Napoléon, fait partie d'un site classé au titre de la loi du pour 66 hectares, par l'arrêté du [9].

Incidents

Divers accidents endommagent le pont, dès sa construction, du XVIIIe siècle au début du XIXe siècle. En 1789, quatre arches s'effondrent du côté nord, obligeant à réutiliser les bacs, la démolition du pont d'Eudes ayant commencé cinq ans plus tôt. La reconstruction de ces arches durera jusqu'en 1810, avec un radier qui relie les piles pour stabiliser l'ensemble. Divers travaux ont lieu par intermittence jusqu'en 1840. Cela fait dire à Godeau d'Entraigues, préfet d'Indre-et-Loire dans les années 1830, répondant au ministre de l'Intérieur qui lui demandait ce qu'il pensait du pont qui venait de subir une nouvelle vague de travaux : « Monsieur le Ministre, je pense qu'il ira très loin. Il se pourrait même bien qu'il descende jusqu'à Nantes ! ». Après 1840, le pont vit un siècle sans incidents.

L'effondrement de 1978

Quatre arches côté sud s'effondrent successivement les 9 et , suivies de la culée sud le 3 mai suivant. En tout, cinq piles et six arches s'effondrent, soit un tiers du pont.

Le , seule une voiture, une Peugeot 404[10], se trouvait sur le pont à 9 h 27 quand celui-ci commença à s'effondrer. Le conducteur eut le réflexe d'accélérer, ce qui lui permit de remonter la pente que le tablier formait devant lui et de parvenir sur la rive sain et sauf, alors que derrière lui, une première arche s'affaissait dans la Loire en crue. L'après-midi même, à 16 h 02, trois arches s'effondrent complètement sous l'œil des photographes et cameramen. Deux autres arches suivront le lendemain, suivies de la première arche, la culée sud, le 3 mai.

Une importante canalisation se trouvant dans le tablier du pont, 110 000 personnes sont privées d'eau courante à Tours. Pour desservir les habitants, des camions citernes sont déployés. Sur la passerelle Saint-Symphorien, fermée au public, une canalisation provisoire sur la Loire est installée jour et nuit malgré le grand froid. Des connexions sont établies avec les réseaux de plusieurs communes de banlieue.

Le téléphone et l'électricité sont coupés : on procède à des installations provisoires sur la passerelle Saint-Symphorien, en plus d'un relais hertzien de téléphone rue Nationale. Le téléphone vers la moitié nord de la France n'est coupé que quelques heures, mais il faudra attendre huit jours pour que les communications vers le nord de l'Indre-et-Loire redeviennent normales.

L'effondrement du pont pose aussi un problème de circulation, puisque la Route nationale 10, à cette époque, passait sur l'édifice. La circulation est déviée vers les autres ponts, le pont Napoléon et le pont Mirabeau, vite embouteillés, et vers le pont de l'autoroute A 10, dont le péage est suspendu, à la demande du maire de Tours, Jean Royer. Deux ponts Bailey provisoires, de 1 300 tonnes chacun, faisant partie des réserves de l'armée, sont construits de part et d'autre du pont Wilson, en juillet 1978 et en mars 1979 : ces ouvrages autorisent un trafic limité, l'un d'eux étant réservé aux transports en commun et aux urgences.

Mais la circulation est perturbée plus largement, car cet incident provoque une vague de vérifications des autres ponts sur la Loire : à Saumur, Blois, Amboise, Muides-sur-Loire, Beaugency, où le pont subit d'importants travaux après une inspection en septembre 1978). D'autres ponts sont fermés ou partiellement interdits pour réparation.

Le , un automobiliste orléanais distrait pénètre sur le pont, rive nord, contourne les éléments du pont Bailey en construction, et finit par chuter sur les gravats. Il s'en sort presque indemne.

En 1980, un 45 tours a été réalisé par l'AMAT (association des musiciens et artistes de Touraine) concernant cet événement : face A "La complainte du pont de pierre" création du groupe Cristal (chant Bernard Campan, guitares Jean-François Buron et Marc Rubert), face B "Vieux pont d'amour" création d'Elyane Mathiaud (accordéon : Gilles Lambert, guitare : Eric Lange-Berteaux, piano : Jean-Marie Ribis), direction musicale Pierre Uga, disque Barrière 111.111.

Les causes de l'effondrement

Plusieurs raisons expliquent l'effondrement du pont. En 1978, le directeur de la DDE, M. Maisse, expliquait l'effondrement par des affouillements sous-marins dans les sables, ainsi que par la déviation vers le sud du cours principal du fleuve.

Les radiers en bois ont subi les effets de la Loire trop basse. Le bois ne se conserve bien que s'il est constamment immergé. Or, lors de la sécheresse de 1976, les radiers ont été exposés à l'air libre, les fragilisant significativement. À noter que pour des raisons financières, des économies avaient été réalisées lors de la construction du pont, notamment sur les radiers et les fondations.

On peut aussi faire référence au sol sur lequel repose le pont : lors de sa construction, l'île Saint-Jacques a été enlevée, ce qui a pu nuire à la stabilité de l'ensemble.

La reconstruction

Deux semaines après l'effondrement, Jean Royer promet d'organiser un référendum sur la reconstruction du pont. Quatre projets sont présentés aux tourangeaux à partir du . Le dépouillement des 6 322 votes a lieu le 26 décembre suivant.

Les quatre projets de reconstruction
Projet Coût prévisionnel (en francs de 1978) Durée prévisionnelle Nombre de voix au référendum de novembre et
1) Reconstruction totale du pont « à l'identique » : (habillage en pierre de taille, cœur en béton) 60 millions 24 mois 881
2) Consolidation de la partie nord préservée, et reconstruction « à l'identique » (comme dans le projet 1) de la partie effondrée 35 millions 18 mois 3 324
3) Construction d'un pont en béton 48 millions 24 mois 1 873
4) Construction d'un pont métallique 48 millions 24 mois 244

C'est l'option "consolidation et reconstruction", la moins coûteuse, qui est choisie. C'est aussi le choix de l'État, seul décideur en réalité quant à cette reconstruction d'un ouvrage supportant une route nationale, ainsi que d'une commission nommée ad hoc : ce projet était le moins cher, et celui qui permettait une reconstruction la plus rapide.

Les éboulis sont déblayés d'août 1978 à novembre 1978. Les 10 arches restantes sont consolidées d'octobre 1979 à décembre 1980. La reconstruction des arches effondrées a lieu d'août 1980 à juillet 1982. Les réseaux et la chaussée sont refaits de juin 1982 à septembre 1982. Le pont subit un ravalement de juillet 1982 à septembre 1982.

Le nouveau pont est mis en service le . Le coût de la reconstruction s'est élevé à 81 millions de francs, entièrement financé par l'État[11].

Notes, sources et références

  1. Ce pont était situé 500 mètres plus à l'est, au niveau du Château de Tours, sensiblement à la place de la passerelle Saint-Symphorien.
  2. Xavier Renard, « À Tours, l’emblématique pont Wilson désormais sans voitures », La Croix, (consulté le ).
  3. « Ouverture de la guinguette de Tours sur Loire », sur Touraine Val de Loire - ADT de la Touraine, (consulté le )
  4. « Première Guerre mondiale : une importante base américaine située à Tours », sur France Bleu, (consulté le )
  5. Jean-Luc Porhel est le directeur des archives départementales de l'Indre et Loire.
  6. « Pavillons de l'octroi à Tours - PA00098262 - Monumentum », sur monumentum.fr (consulté le )
  7. Notice no PA00098263, base Mérimée, ministère français de la Culture
  8. Manon Derdevet, « Fermeture du pont Wilson aux voitures à Tours : la cohabitation difficile entre piétons et vélos rue Nationale », France Bleu Touraine, (lire en ligne, consulté le ).
  9. DIREN centre, Indre et Loire, site classé www.centre.ecologie.gouv.fr
  10. Il y avait très peu de circulation ce matin-là, car c'était un dimanche, en plein milieu des vacances de printemps (du 1er au 17 avril, dans l'académie d'Orléans-Tours).
  11. Le pont Wilson en quelques dates (Tours Infos avril 2008), sur le site de la mairie de Tours, consulté le 1er septembre 2008

Annexes

Bibliographie

  • Louis Beaudemoulin, Mémoire sur les divers mouvements du pont de Tours et sur les moyens employés en 1835 et 1836 pour consolider les fondations des 9e, 10e et 11e piles de ce pont, dans Annales des ponts et chaussées. Mémoires et documents relatifs à l'art des constructions et au service de l'ingénieur, 1939, 2e semestre, p. 86-133 et planches CLXXIII, CLXXIV et CLXXV (lire en ligne)
  • Louis Beaudemoulin,Mémoire sur quelques procédés, outils, machines, etc., employés à la construction des radiers en béton du pont de Tours, dans Annales des ponts et chaussées. Mémoires et documents relatifs à l'art des constructions et au service de l'ingénieur, 1941, 2e semestre, p. 210-251 et planches 5, 6 et 7 (lire en ligne)
  • Guy Grattesat, L'effondrement partiel du pont Wilson à Tours. Ses causes et ses enseignements, dans Travaux, , no 544, p. 28-36
  • Jacques Gounon, La reconstruction du pont Wilson à Tours, dans Travaux, , no 544, p. 37-47
  • Jacques Gounon, Le pont Wilson à Tours: une histoire mouvementée, dans Travaux, juillet-, no 557, p. 17-28
  • Jacques Gounon, J.-M. Deschamps, Michel Virlogeux, M. Falempin, Michel Placidi, Michel Colas, Le pont Wilson à Tours. La reconstruction (2e partie), dans Travaux, juillet-, no 557, p. 29-44
  • Jean-Louis Forest, Patrice de Sarran, Pierre Favre, Pierre Maillard, Pierre Leveel, Le Pont de Tours, Deux siècles d'histoire, éditions CLD et La Nouvelle République, 1979.
  • Eugène Lainé, « Le pont de Tours », dans Bulletin de la Société archéologique de Touraine, 1er et 2e trimestres 1928, tome 24, p. 47-71 (lire en ligne)
  • Marcel Prade, Les ponts monuments historiques, Éditions Brissaud, Poitiers, 1988, p. 229-231 (ISBN 2-90344281-9)

Articles connexes

Liens externes

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