Muʿawiya Ier

Muʿawiya Ier (Muawiya) ou ʾAbū ʿAbd Ar-Raḥmān Muʿāwiya ibn ʾAbī Sufyān (en arabe : أبو عبد الرحمن معاوية بن أبي سفيان), né en 602 à La Mecque et mort en 680 à Damas, est le premier calife et roi omeyyade. Il est le fils de ʾAbū Sufyān ibn Ḥarb, l'un des plus farouches adversaires du prophète de l'islam, Mahomet, devenu ensuite un de ses compagnons après sa conversion.

Muʿawiya Ier

Monnaie de Muʿawiya Ier.
Fonctions
Calife
Prédécesseur Hassan
Successeur Yazīd Ier
Gouverneur de Syrie
Prédécesseur Yazīd ibn ʾAbī Sufyān
Biographie
Dynastie Omeyyade
Nom de naissance Muʿāwiya ibn ʾAbī Sufyān
Date de naissance
Lieu de naissance La Mecque
Date de décès
Lieu de décès Damas (Califat omeyyade)
Père ʾAbū Sufyān ibn Ḥarb
Mère Hind bint 'Utba
Conjoint Maysūn bint Baḥdal
Enfants Yazīd Ier
Religion Islam
Résidence Damas
Califes

Muʿawiya, qui se convertit à l'islam avec sa famille lors de la conquête de La Mecque en 630, devient scribe du Prophète et combat aux côtés des musulmans. Sous ʿUṯmān ibn ʿAffān, Muʿawiya est nommé gouverneur de Syrie. Il refuse ensuite de prêter allégeance à Ali ibn Abi Talib, successeur de ʿUṯmān, déclenchant la Première Fitna. Après la bataille de Siffin (657), Ali accepte un arbitrage entre eux.

Jeunesse

Muʿawiya ibn ʾAbī Sufyān naît en 602 à La Mecque. Il fait partie d'un clan de Qurayš : les Banū ʾUmayya, parmi les clans les plus influents de La Mecque, descendants de ʾUmayya ibn ʿAbd Šams. La famille de Muʿawiya, opposée aux musulmans, finit par embrasser l'islam avec la conquête de La Mecque en 630. Mahomet accueille chaleureusement ses anciens opposants, Muʿāwiya devient son scribe. Après la mort du Prophète en [632], Muʿawiya rejoint l'armée musulmane aux côtés de son frère Yazīd et combat en Syrie contre l'Empire byzantin. Lorsque ce dernier est atteint de la peste, c'est Muʿawiya qui poursuit le siège de la ville de Césarée et finit par capturer la ville en 641, après sept années de siège, grâce à une ruse, les troupes musulmanes pénètrent dans la ville.

Gouverneur de Damas

En 640, après la mort de son frère Yazīd, Muʿawiya est nommé gouverneur de la Syrie par le calife ʿUmar ibn Al-Khaṭṭāb. Peu à peu, Muʿawiya gagne le respect du pays et la loyauté personnelle de ses troupes et de la population locale. En 647, l'armée syrienne est suffisamment forte pour repousser une attaque byzantine et, quelques années plus tard, s'engager dans des offensives et des campagnes militaires, si bien qu'en 649, Chypre est conquise, suivie de Rhodes et Cos en 654, et la marine byzantine subit une lourde défaite à la bataille des Mâts un an plus tard[1]. Simultanément, des expéditions terrestres sont lancées en Anatolie.

Selon Théophane le Confesseur, Muʿawiya vend des restes du Colosse de Rhodes à un marchand d'Éphèse, qui les transporte sur 900 chameaux.

Conflit avec ʿAlī ibn ʾAbī Ṭalib

En 656, ʿUṯmān ibn ʿAffān, calife qui fait partie des Banū ʾUmayya, est assassiné et ʿAlī ibn ʾAbī Ṭalib lui succède. Muʿawiya, lui aussi des Banū ʾUmayya, ainsi que ʿĀʾiša bint ʾAbī Bakr[2], veuve de Mohammad, Ṭalḥa ibn ʿUbayd Allāh et Az-Zubayr ibn Al-ʿAwwām demandent justice, mais ʿAlī clame son incapacité à appréhender et punir les assassins, craignant une infiltration de la rébellion dans les rangs des musulmans. Muʿawiya, quoiqu'il reconnaisse le califat de ʿAlī, outrepasse les prérogatives car les assassins de ʿUṯmān se retranchent dans l'armée de ʿAlī[2]. Cependant, il ne participe pas avec ʿĀʾiša, Ṭalḥa et Az-Zubayr à la bataille du Chameau, qui voit la mort de ces deux derniers et la victoire de ʿAlī.

Muʿāwiya et ʿAlī se rencontrent à la bataille de Ṣiffīn en 657, les deux camps décident d'arrêter les hostilités et de recourir à un arbitrage[2]. Les partisans de ʿAlī qui sont contre l'arbitrage, arguant que ʿAlī a été choisi par le prophète lui-même pour être son calife et qu'il ne doit pas lui désobéir, s'en séparent et deviennent les kharidjites[2]. La même année, voyant que l'agitation couve en Égypte, ʿAlī remplace son gouverneur Qays par Muḥammad ibn ʾAbī Bakr, frère de ʿĀʾiša, ce qui finit par faire éclater la révolte dans le pays. Muʿawiya saisit l'occasion et ordonne à ʿAmr ibn Al-ʿĀṣ d'envahir l'Égypte, ce qu'il réalise avec succès.

Fondation du Califat omeyyade

Dès l'année 660, Muʿawiya obtient l'allégeance (bayʿa) d'une assemblée de chefs arabes à Jérusalem[3]. En 661, les kharidjites assassinent ʿAlī[2]. Muʿawiya aurait dû être assassiné également au moment où il était en prière, mais il ne fut que blessé. À la suite de cette tentative avortée, il fit construire la première maqsura, de manière à pouvoir prier en sécurité[4]. La même année, Muʿawiya, à la tête d'une force importante, marche sur Koufa (que ʿAlī avait érigée auparavant comme capitale) et convainc ses habitants de le choisir en tant que calife au lieu de Al-Ḥasan ibn Ali, fils de ʿAlī.

Hassan ne disposant pas de forces militaires, il décide de contracter un traité avec Mu'awiya, lequel ne respecta pas les conditions émises.

Muʿawiya n'a plus aucun obstacle devant lui et se fait proclamer calife en 661, fondant ainsi le Califat omeyyade, avec Damas comme capitale.

Selon Tabari[5], peu de temps après son abdication, Al-Hasan meurt empoisonné par l'une de ses femmes (Asmâ) sous les directives de Muʿawiya qui lui promet en échange de la marier à son fils Yazīd. Cependant, ce récit est sujet à polémique parmi quelques oulémas sunnites.

Le Califat omeyyade étant vaste, Muʿawiya Ier s'appuie sur ses alliés, notamment Ziyād ibn ʾAbī Sufyān, son « frère adoptif », nommé gouverneur d'Irak et qui mate la rébellion de Ḥuǧr ibn ʿAdiyy à Koufa. La suite du règne de Muʿawiya Ier est marquée par une stabilité politique et une rapide expansion territoriale, avec la conquête de la Crète, ainsi qu'une partie de l'Afrique du Nord, où est fondée la ville de Kairouan, et de l'Asie centrale (Kaboul, Boukhara, Samarcande). Chios et Smyrne sont conquises en 672, et une base est établie à Cyzique. En 674, son fils Yazīd assiège Constantinople, sous le règne de Constantin IV, mais est repoussé par l'utilisation du feu grégeois. Le calife, qui vit la totalité de sa flotte se réduire en cendres, accepta de restituer les îles de la Méditerranée, et aussi de payer un tribut annuel à Constantinople.

Succession et décès

Muʿawiya Ier mourut le [citation nécessaire]à Damas, selon certaines sources d'un accident vasculaire cérébral.

Il substitua au système de l'élection, qui avait prévalu jusque-là lors de la désignation d'un nouveau calife, le principe d'une transmission héréditaire. C'est un des principaux reproches qui lui sont adressés dans la tradition musulmane : avoir substitué au califat un système proche de la royauté (« mulk » en arabe), bien que ni lui ni ses successeurs n'aient jamais employé le titre de « malik » (roi)[6]. Vers la fin de sa vie, en 679, il prépara soigneusement la chose et fit prêter serment d'allégeance à son fils Yazid, après avoir procédé à des consultations, où son pouvoir de persuasion fit merveille. Sa manière de procéder emporta l'adhésion de l'historien Ibn Khaldoun, qui devait la justifier ainsi au XIVe siècle :

« On doit rejeter les arguments de ceux qui disent qu'un imam est suspect quand il désigne son fils ou son père, ou quand il désigne son fils seulement, et non pas son père. Car aucun soupçon ne doit l'atteindre de ce chef. Surtout s'il est mû par le souci du bien public ou la crainte de quelque malheur : le soupçonner est hors de question. Tel fut, par exemple, le cas de Muʿāwiya nommant pour héritier son fils Yazid. Il le fit avec l'accord populaire, ce qui est déjà un argument en sa faveur. Mais, de plus, il préférait Yazid à tout autre, parce qu'il lui paraissait plus apte à maintenir l'unité et la concorde[7]. »

La chose finit pourtant par engendrer des troubles, tant sous le califat de Yazid qu'après sa mort.

Réalisations

Administration

Plusieurs postes importants au sein de l'administration sont confiés à des chrétiens, dont certains appartiennent à des familles qui ont déjà servi dans l'administration byzantine. L'emploi de chrétiens fait partie d'une large politique de tolérance religieuse, indispensable étant donné le grand nombre de chrétiens à travers le Califat. Cette politique rend Muʿawiya Ier populaire et solidifie encore plus la base de son pouvoir : la Syrie, siège d'une importante population chrétienne. Muʿawiya Ier crée une administration plus ou moins semblable à la bureaucratie byzantine. Parmi les six « offices » centraux que connaît le Califat omeyyade, la création de deux d'entre eux est attribuée par les sources arabes à Muʿawiya Ier : Dīwān al-ḫātam (Office du sceau) et Dīwān al-barīd (Office de la poste), qui facilitent grandement la communication à travers le Califat.

Muʿāwiya Ier et les mawālī

La discrimination envers les musulmans non arabes (mawālī) est pratiquée par Muʿawiya Ier et son administration, ce qui est rapporté aussi bien par des sources sunnites que chiites, le calife privilégiant les Arabes sur de nombreux points (sociaux, politiques, etc.).

Héritage

Muʿawiya Ier embellit grandement la ville de Damas, la voulant semblable à Rome. Il développe également une cour capable de rivaliser avec la cour byzantine, et étend les frontières du Califat, allant jusqu'à assiéger Constantinople. Il est également crédité par de nombreux sunnites du sauvetage du monde musulman des dissensions qui suivirent la Première Fitna, contrairement aux chiites qui lui reprochent d'être l'instigateur principal de la guerre civile, d'affaiblir et diviser les musulmans, de faire couler le sang de la famille du Prophète, voire de développer un culte de la personnalité. Cependant, de nombreux oulémas sunnite lui reproche d'avoir institué une sunna, une tradition, qui consisterait à maudire 'Ali du haut des minbars (chaires) afin d'asseoir la légitimité de son pouvoir et celui des Banu Umayya au détriment de la famille du Prophète, les Banu Hashim[8]. L'une des principales controverses à l'encontre de Muʿāwiya Ier reste le choix de son fils pour lui succéder.

Muʿawiya ibn ʾAbī Sufyān est un personnage fondateur de l'empire arabo-musulman et comme le souligne Hichem Djaït dans son livre La Grande Discorde : « La faiblesse de sa précellence, reliée à son aristocratisme, ne pouvait que le gêner [...] Mais d'un autre côté et surtout, Muʿawiya a inauguré une manière de sécularisation dans la conception du pouvoir, parce qu'il a prouvé que le pouvoir était à celui qui savait le prendre, l'assumer et le garder, à celui qui en était politiquement digne. De fait et dans l'ensemble, Muʿawiya aura été un excellent dirigeant.»[9]

Références

  1. (en) Mitch Williamson, « “BATTLE OF THE MASTS” », sur Cog and Galley, (consulté le ).
  2. Tabarî (trad. Hermann Zotenberg), La Chronique : Histoire des prophètes et des rois [« تاريخ الرسل والملوك (Tārīḫ ar-rusul wal-mulūk) »], vol. II, Arles, Actes Sud, coll. « Sindbad », (ISBN 2-7427-3318-3).
  3. Hawting 2000, p. 30
  4. Atallah 2010, p. 112
  5. Tabarî, La chronique, Histoire des prophètes et des rois, volume II, Actes Sud/Sindbad, , 1300 p. (ISBN 978-2-7427-3318-7), p. 17 - Livre III
  6. Hawting 2000, p. 12-13
  7. cité dans Atallah 2010, p. 247-248
  8. Mohammed Abou Zahra (trad. de l'arabe), L'Imam Abou Hanifa. Sa vie et son époque, ses opinions et son fiqh, Paris, Al Qalam, , 504 p. (ISBN 978-2-909469-58-4), p. 107
  9. Hichem Djaït, La Grande Discorde. Religion et politique dans l'islam des origines, Gallimard, , 417 p. (ISBN 978-2-07-071732-3), p. 410 - 411

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Tabari, (trad. Hermann Zotenberg), La Chronique : Histoire des prophètes et des rois, [« تاريخ الرسل والملوك (Tārīḫ ar-rusul wal-mulūk) »], vol. II, Arles, Actes Sud, coll. « Sindbad », 2001, (ISBN 978-2-7427-3318-7 et 2-7427-3318-3).
  • Hichem Djaït, La Grande Discorde, Religion et politique dans l'islam des origines, Éditions Gallimard, coll. Bibliothèque des histoires, 2007.
  • Mohamed Abou Zahrâ, L'Imam Abu Hanifa : Sa vie et son époque, ses opinions et son fiqh, Éditions Al Qalam, Paris, 2010.
  • Wahib Atallah, Sunnites et chiites : La naissance de l'empire islamique, Infolio éditions, .
  • (en) G. R. Hawting, The First Dynasty of Islam : The Umayyad Caliphate AD 661-750, Routledge, , 2e éd.

Liens externes

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