Histoire de la Franche-Comté

Habitée au Paléolithique inférieur, la Franche-Comté fut relativement unie dès l'Antiquité. À l'origine territoire des Séquanes, elle passa sous domination romaine après la chute de Vercingétorix. Occupée brièvement par les Burgondes après les Grandes invasions, elle fut annexée par les Francs en 534. Après la mort de Charlemagne, elle changea de maître plusieurs fois, faisant partie, selon l'époque, du Saint-Empire romain germanique, du royaume de France ou des États bourguignons. Ce n'est qu'en 1678 par le traité de Nimègue que la Franche-Comté deviendra définitivement française. Son histoire est donc, comme ses voisines de Lorraine et d'Alsace, très marquée par une double influence française et germanique.

Préhistoire et Protohistoire

Des signes d'occupation humaine datant d'environ 700 000 ans ont été retrouvés dans la vallée supérieure de la Saône, le versant sud des Vosges, la trouée de Belfort, la bordure occidentale et les premiers plateaux du Jura. Ces hommes taillaient des pierres, confectionnaient des armes en silex ou en os et vivaient dans des cavernes. Une dent d'enfant datant de 400 000 ans a également été découverte à Vergranne, près de Baume-les-Dames. Ces découvertes attestent de la présence de l'homme en Franche-Comté au Paléolithique inférieur.

Au Mésolithique (il y a environ 10 000 ans), la Franche-Comté est peuplée de communautés habitant des huttes rondes protégées par des palissades. Elles développent la culture de plantes afin de se nourrir et pratiquent la domestication des animaux. L'industrie de la corne apparaît et les premières poteries sont façonnées. C'est également de cette époque que remonte l'apparition d'un habitat lacustre (Clairvaux). Cet habitat lacustre va se développer au Néolithique, notamment sur les bords des lacs de Chalain et de Clairvaux au bord desquels l'activité était probablement importante.

Entre 3000 et 2500 av. J.-C., des tribus indo-européennes venues d'Europe centrale s'établissent successivement en Europe occidentale. Pratiquant l'agriculture, la chasse et l'élevage, elles avaient une hiérarchie sociale bien définie avec au sommet les prêtres. La religion était marquée par le culte des ancêtres et des divinités symbolisées par des astres. Surtout, elles apportent avec elles la technique du cuivre. Vers , une nouvelle vague de migration amène la technique du bronze et le commerce entre les différentes aires régionales se développe. Les Celtes s'installent en Gaule à partir du Ve siècle av. J.-C.[1]. La Franche-Comté est occupée par les Séquanes et les Lingons. De cette époque datent les premières fonderies (dans le pays de Montbéliard, à Lons-le-Saunier et Ornans). De nombreux tumuli et des champs d'urnes celtes apparaissent à la suite de changements de rites funéraires.

Vers , la technique du fer arrive en Franche-Comté. La région, point de passage pour les populations venant de l'est de l'Europe et désirant s'installer en France ou en Espagne, est alors assez peuplée. L'économie se développe : les mines de fer et les puits à sel que compte la région permettent l'exportation vers les régions du bassin méditerranéen (Italie, Grèce…) de produits tels que les salaisons et des objets en corne.

Antiquité

La Séquanie

Taureau à trois cornes dit « Taureau d'Avrigney ». Découvert en 1756. Témoignage de l’art cultuel gallo-romain. Atteste de la persistance de la mythologie celtique après la romanisation.
(Alliage cuivreux)- Ier siècle apr. J.-C.
Musée des beaux-arts et d'archéologie de Besançon

Le peuple gaulois occupant la majeure partie du territoire de la région actuelle était les Séquanes, les Lingons occupant la partie nord-ouest de l'actuel département de la Haute-Saône, à l'ouest de la Saône correspondant à l'ouest de l'actuel arrondissement de Vesoul. Les Séquanes pratiquaient principalement l'élevage et l'artisanat (notamment la céramique à Luxeuil). Les peuples celtes étaient perpétuellement en conflit avec leurs voisins, suivant les intérêts et jeux d'alliance, notamment les Éduens et les Séquanes qui se disputaient les péages sur la Saône. Les premiers étant alliés des Romains, les seconds firent appel vers à des Germains, les Suèves d'Arioviste. Ce dernier profita de cette occasion pour franchir le Rhin et annexa le nord de la Séquanie (l'Alsace actuelle). Trois ans plus tard, en , les Éduens et les Séquanes, cette fois alliés, furent vaincus par Arioviste[2].

En , les Helvètes, menés par le roi Orgétorix, entreprirent une migration vers la Saintonge. Ils franchirent les cols du Jura et envahirent le territoire des Séquanes. Ceux-ci demandèrent l'aide de Jules César. Ce dernier, ayant des ambitions sur la Gaule, se porta à leur secours. Il repoussa les Helvètes sur l'autre flanc jurassien et les Germains d'Arioviste au-delà du Rhin, mais obligea les Séquanes à rendre les territoires pris précédemment aux Éduens. Dans ses Commentaires sur la Guerre des Gaules (I, 38-39), il est le premier à mentionner la Maxima Sequanorum (Pays des Séquanes). Les légions romaines passèrent l'hiver en Séquanie. Cet événement marqua le début de la guerre des Gaules durant laquelle les Séquanes participèrent à la révolte gauloise aux côtés de Vercingétorix.

L'occupation romaine

Théâtre de Mandeure.

Sous Auguste, la Séquanie fut tout d'abord incluse dans la province de la Gallia Belgica. Plus tard, sous Dioclétien, la Séquanie fut élevée au rang de province (Provincia Maxima Sequanorum). La paix romaine transforma la Séquanie. Des routes de pierre la relièrent aux autres provinces, notamment à Lugdunum et Langres. Cette paix fut cependant émaillée de révoltes, comme en 21 ap. J.-C., lorsque les Séquanes participèrent à l'insurrection de la Gaule. En juin 68, Vesontio fut le théâtre d'une importante bataille entre Vindex, chef d'une révolte contre Néron et le général Lucius Verginius Rufus, fidèle à l'empereur. Malgré la victoire de Rufus et le suicide de Vindex, les révoltés, menés par Galba, parvinrent à renverser Néron cette même année. Deux ans plus tard (en 70 ap. J.-C.), les Séquanes refusèrent de se joindre à la grande révolte de la Gaule menée par Caius Julius Civilis et Julius Sabinus. Les Séquanes battirent les Lingons qui, conduits par Sabinus, avaient envahi leur territoire. L'arc de triomphe de Vesontio fut peut-être construit à cette occasion. En récompense de sa fidélité, Vesontio fut également élevée au rang de colonie.

Au IIe siècle, Marc Aurèle intervint lors de troubles survenant chez les Séquanes. Plus tard, vers 180, l'évêque saint Irénée de Lyon envoya des Athéniens, saint Ferréol et saint Ferjeux, évangéliser Vesontio. C'est à partir de cette ville que le christianisme fut diffusé en Franche-Comté après leur martyre en 212[2]. Au début du IIIe siècle, les Barbares lancèrent des raids au-delà du limes. En 276, les Alamans pillèrent la province, détruisant Mandeure et Luxeuil et incendiant Vesontio. L'Empire romain, de plus en plus affaibli, repoussa avec difficulté ces attaques. Pour se défendre face à celles-ci, le nord de l'ancienne Séquanie se fortifia. Vesontio est malgré tout de nouveau pillée en 355.

C'est à cette époque que le christianisme s'implanta durablement dans la région, notamment dans les villes. Ainsi, la présence d'un évêque (Pancharius) à Besançon est mentionnée dès 346. Cependant, dans les campagnes, les paysans restèrent fidèles aux rites païens. Plus tard des monastères furent fondés (monastère de Luxeuil…). Se contraignant à une vie recluse, ces communautés s'efforcèrent de se tenir à l'écart des invasions, tirant leur subsistance du défrichement des forêts jurassiennes : les joux.

En 406, l'invasion des Vandales sonna le glas de l'Empire romain. La région fut successivement sous le contrôle des Alamans (450 ?), Vandales, Francs et enfin des Burgondes.

Le royaume burgonde

Le royaume Burgonde au Ve siècle

Les Burgondes étaient un peuple germanique installé depuis le début du Ve siècle en Germanie, sur la rive gauche du Rhin (autour de Worms et de Coblence)[3]. Ils furent vaincus par Aetius en 436 alors qu'ils tentaient d'agrandir leur royaume vers l'ouest. En 443, Aetius les transféra en Sapaudia (qui correspond à la Suisse romande et au sud du Jura français), où ils fondèrent un royaume dont Genève était la capitale[4].

En 451, les Huns pillèrent Besançon, Luxeuil après avoir été défaits aux Champs Catalauniques. Le royaume burgonde s'agrandit progressivement vers le nord. Les Burgondes annexèrent ainsi Besançon en 485.

Le royaume burgonde était alors composé de Burgondes et de Gallo-romains. Les Burgondes ne représentaient qu'une part assez faible de la population totale (entre 5 et 10 % d'après certaines estimations). La loi Gombette fut promulguée par le roi Gondebaud en à Lyon, afin d'unifier le royaume. Au terme de cette loi, les deux peuples furent soumis aux mêmes amendes, les mariages mixtes furent autorisés et les deux peuples pouvaient servir dans l'armée. Gondebaud mourut en 516 et son fils Sigismond lui succéda. Celui-ci tenta de convertir la population de son royaume au christianisme, sans grand succès. En 523, les rois francs Clotaire Ier, Childebert Ier et Clodomir menèrent une campagne contre les Burgondes. Ils battirent le roi Sigismond et s'emparèrent du royaume. Cependant, l'année suivante, Godomar III, frère de Sigismond, reprit la Burgondie avec l'aide des Ostrogoths. En 534, le royaume burgonde fut définitivement conquis par Clotaire Ier et Childebert Ier.

Moyen Âge

La Bourgogne mérovingienne et carolingienne

La Bourgogne avant l’empire franc

La Bourgogne, dont la Franche-Comté faisait alors partie, fut érigée en royaume mérovingien (561-687), avant d'être réunie à l'Austrasie et à la Neustrie par Pépin de Herstal. Le royaume franc englobait la Bourgogne. Charlemagne refonda l'organisation administrative de ses terres, divisant la région en cinq subdivisions. Chacune était dirigée par un comte dépendant directement de l'empereur.

La mort de Louis le Pieux en 840 marque le retour des guerres de succession : les terres à l'est de la Saône (la Franche-Comté) sont séparées de celles à l'ouest par le traité de Verdun. La Franche-Comté est alors intégrée à la Francie médiane, royaume de Lothaire Ier. Lorsque celui-ci meurt en 855, un de ses fils Lothaire II, n'hérite que de la Lotharingie, la partie située au nord de la Bourgogne. À sa mort, Charles le Chauve et Louis le Germanique se partagent ses terres. Le comté de Portois et une partie du comté de Varais, dont Besançon (Vesontio), revenaient à Charles le Chauve[5].

Les désordres allaient croissant et l'anarchie devenait générale. Jaloux de leur indépendance, les grands ne savaient pas obéir. Le trône des Francs se soutenait à peine. Le pays était menacé par les Sarrasins et ravagé par les Normands. Le roi Boson était mort en 887, il laissait à son fils Louis l'Aveugle un trône mal affermi. Charles III le Gros venait d'être déposé et sa mort en 888 avait eu pour conséquence la dislocation définitive de l'empire de Charlemagne. En 888, au-delà des monts du Jura Rodolphe Ier, était le possesseur du duché de Transjurane transmis par son père Conrad II de Bourgogne, comte d'Auxerre. Les circonstances ont permis à son ambition de transformer le duché en royaume. Il se saisit de la couronne de la Bourgogne Transjurane et se fait couronner roi par une assemblée de prélats réunis à Saint-Maurice-d'Agaune. Dès les premières années de son règne, il ajouta au duché de Transjurane, les comtés compris dans le diocèse de Besançon.

Le royaume rodolphien de Bourgogne

Après Rodolphe Ier, le pouvoir passa après lui, successivement à Rodolphe II de Bourgogne, Conrad le Pacifique, puis Rodolphe III de Bourgogne. « Souverains débiles et sans puissance réelle » écrit Lucien Febvre, ils n'exerçaient qu'un pouvoir nominal. Les grands étaient maîtres du royaume. Le pouvoir réel bascule peu à peu au fil des années en faveur des comtes. Les terres bourguignonnes (à l'exception de l'actuel pays de Montbéliard) sont alors regroupées par l'un d'entre eux, Otte-Guillaume, vers 981. Du partage de son héritage, le duché et le comté de Bourgogne apparaissent. À sa mort en 1026, son second fils, Renaud Ier devient le premier comte palatin de Bourgogne.

Rattachement à l'empire germanique

L’empire en l'an mil.
  • Royaume de Germanie
  • Royaume d'Italie
  • États pontificaux
  • Royaume de Bourgogne (indépendant)
Les marches sont figurées en hachuré

En 1016, lors d'une entrevue tenue à Strasbourg, l'empereur germanique Henri II du Saint-Empire, recevait de Rodolphe III, sans héritier légitime, une promesse d'être désigné comme son successeur en qualité de roi de Bourgogne. Cette promesse fut renouvelée à Bâle en 1027, avec son successeur, Conrad II le Salique, neveu par alliance de Rodolphe, marié à sa nièce Gisèle. Eudes II de Blois, le fils de sa sœur Berthe, son neveu, figurait comme prétendant naturel à sa succession. À la mort de Rodolphe III survenue le 5 ou , le comte Eudes II de Blois revendiqua la succession de Rodolphe. En 1033, une lutte armée l'opposa à Conrad II le Salique, à laquelle Eudes mis fin en s'engageant auprès de Conrad à renoncer à toutes ses prétentions. Reniant son serment, Eudes reprit la lutte en 1035. En 1037, il trouva finalement la mort dans une bataille que lui livra Gothelon Ier de Lotharingie, à proximité de Bar-le-Duc le . Le comté de Bourgogne fut alors rattaché à l'Empire germanique.

Le comté de Bourgogne

Le comté[6] s'est formé par la réunion des quatre circonscriptions administratives carolingiennes (les pagi de la Burgondia : l'Amous, (région de la Saône, de l'Ognon et du Doubs) l'Escuens, (région de Château-Chalon), le Portois, (région de Port-sur-Saône) et le Varais, (région enserrée dans le « M » que forme le tracé de la rivière le Doubs). L'ensemble des territoires du Comté, mouvant au cours des siècles, correspond aujourd'hui, approximativement à l'actuelle région de Franche-Comté. Légué au Saint-Empire, le comté rejoint l'actuel pays de Montbéliard dans la mouvance germanique. Cependant, une bonne partie des grands seigneurs bourguignons, dont Renaud Ier, soutient Eudes II, comte de Blois, face à l'empereur. Cette révolte échoue et le royaume de Bourgogne reste dans l'empire. En 1038, Conrad II le transmet à son fils Henri III.

En conséquence des luttes de pouvoir, l'archevêque de Besançon Hugues Ier de Salins, qui avait soutenu l'empereur, obtient en 1043 les droits régaliens sur Besançon, et le titre de noblesse de prince-évêque, ainsi que pour ses successeurs. Ceci fait de la ville un état ecclésiastique, se détachant de l'autorité du comté de Bourgogne, et dépendant uniquement du pape et de l'empereur. La principauté épiscopale de Besançon, forme alors une enclave au sein de la province.

En 1044, Renaud Ier se révolte à nouveau contre Henri III, empereur depuis 1039, mais il est défait par le comte Louis de Montbéliard. Il meurt en septembre 1057, et son fils Guillaume Ier devient comte. Guillaume Ier et son fils aîné Renaud II sont des comtes très puissants, régnant sur des terres dépassant largement les limites du comté de Bourgogne. Renaud II et deux de ses frères meurent en Terre sainte, ce qui affaiblit grandement le pouvoir de leur famille.

Le comte de Bourgogne, Guillaume II, fils de Renaud II, doit faire face à de puissants seigneurs locaux. Lointain héritage de la loi Gombette, ces derniers se transmettent de père en fils terres et châteaux accrochés aux massifs et aux pentes des profondes vallées du pays. Il est assassiné par certains de ses barons en 1125. Son fils, Guillaume III est aussi tué deux ans plus tard, en 1127.

Son cousin, Renaud III lui succède. Il entre en conflit avec les empereurs successifs, Lothaire II et Conrad III de Hohenstaufen, refusant de reconnaître leur suzeraineté. Conrad III confisque les terres de Renaud III et les octroie à Conrad de Zähringen. Renaud III entre alors en guerre contre Conrad III, mais battu par Conrad de Zähringen, il doit lui céder ses possessions à l'est du Jura. Lorsqu'il meurt en 1148, sa fille Béatrice hérite du comté, le frère de Renaud, Guillaume IV, étant régent. Ce dernier tente de spolier sa nièce mais l'empereur l'en empêche. En 1156, Béatrice épouse l'empereur, Frédéric Barberousse. En 1178, ce dernier est couronné roi de Bourgogne.

Après la mort de Frédéric Barberousse en 1190, alors comte et roi de Bourgogne, son fils Othon Ier décide de renoncer au titre de roi pour prendre celui de comte palatin de Bourgogne, menaçant de cette façon l'autorité des barons comtois. Très brutal, il tue plusieurs seigneurs du comté. Lorsqu'il meurt en 1200, sa fille aînée, Jeanne, reçoit le comté en héritage. Elle meurt cependant quelques années plus tard, en 1205, et c'est alors sa sœur, Béatrice II, qui dirige le comté.

Son oncle, Philippe Ier de Souabe, la marie avec un prince d'origine bavaroise, duc de Méranie, Othon II, en 1208. Comme Othon II et son fils, Othon III délaissent ce comté éloigné, les seigneurs locaux en profitent pour acquérir une plus grande liberté. Le XIIIe siècle voit l'émergence de la famille de Chalon qui, notamment grâce à des mariages, rassemble une grande partie des terres jurassiennes et finalement, détient le réel pouvoir sur le comté. En 1236, Hugues de Chalon, neveu de Béatrice d'Auxonne et fils du comte Jean, épouse Alix de Méranie, fille d'Othon II. L'année suivante, en échangeant avec le duc de Bourgogne Hugues IV les comtés de Chalon et d'Auxonne contre la baronnie de Salins et d'autres terres comtoises, il augmente grandement sa richesse grâce aux salines.

Lorsqu'il meurt en 1248, Othon III désigne sa sœur Alix, épouse de Hugues de Chalon, comme héritière du comté de Bourgogne. Durant les années qui suivent, Jean et Hugues de Chalon passent de multiples accords, notamment avec l'empereur Rodolphe Ier de Habsbourg. Après la mort du comte de Bourgogne, Hugues de Chalon en 1267 et celle de son père en 1268, Alix de Méranie dirige le comté jusqu'à sa mort en 1279. Le fils de Hugues et Alix, Othon IV devient alors comte palatin de Bourgogne. Très vite, un conflit l'oppose à un de ses oncles, Jean Ier de Chalon-Arlay. Ce dernier fait appel à Rodolphe Ier de Habsbourg. Othon et la ville de Besançon, alors alliés, doivent reconnaître la suzeraineté de l'empereur en 1289 après qu'il eut assiégé Besançon.

Ce dernier siège causera une intensification des luttes de pouvoir entre laïcs et clercs, au sein de la ville épiscopale. Elles aboutiront à l'indépendance de la commune le 3 juin 1290. Besançon se libère donc du pouvoir des archevêques, tout en restant soumise à l'empereur, mais pas au comte de Bourgogne. Elle forme la ville libre d'Empire de Besançon et se gouverne par elle-même, grâce à un conseil de vingt-huit notables élus au suffrage universel masculin à plusieurs degrés et à un conseil de quatorze gouverneurs désignés par les notables.

Généalogie simplifiée des comtes de Bourgogne

Le comté de Bourgogne sous la monarchie française

Duché et Comté de Bourgogne au XIVe siècle.

Ces événements conduisent Othon IV à chercher des appuis du côté de la France. Le , par la convention de Vincennes, il décide de vendre le comté au roi de France, Philippe le Bel. Le comté de Bourgogne passe sous influence française bien que relevant toujours de la suzeraineté germanique. La plupart des barons comtois, menés par Jean de Chalon-Arlay, s'opposent à cet accord et prennent les armes contre les Français. Soutenus par le roi d'Angleterre, Édouard Ier, et l'empereur, ils combattent pendant six ans les visées françaises. Grâce à son habileté, Philippe le Bel, avec le concours du duc Robert II de Bourgogne, gagna peu à peu leur confiance et réussit à ramener le pays au calme. Othon IV mourut en 1303. Le comté demeura entre les mains de Philippe le Bel, puis de son fils Philippe V, dit « le Long », qui réunit le comté, (que sa femme avait apporté en dot), au domaine royal, avant de le donner en viager à sa femme Jeanne II de Bourgogne, fille de Mahaut d'Artois et d'Othon IV. À sa mort elle laissa le comté à sa fille aînée, Jeanne III de Bourgogne qui avait épousé le duc de Bourgogne, Eudes IV.

Duché et Comté de Bourgogne réunis

À la mort de Jeanne II, le comté revint à sa fille Jeanne III qui avait épousé en 1318 Eudes IV, duc de Bourgogne. Le duché et le comté de Bourgogne se retrouvèrent ainsi unis après près de deux siècles de séparation. Les barons comtois, menés par Jean II de Chalon-Arlay, se rebellèrent contre Eudes IV à plusieurs reprises (1335-1336, 1342-1343 et 1346-1348). En 1336, Eudes IV battit Jean II d'Arlay et les bisontins à la bataille de la Malecombe.

L'année suivante marqua le début de la guerre de Cent Ans. Eudes IV apporta son soutien au roi de France, Philippe VI et battit Robert III d'Artois allié des anglais à la bataille de Saint-Omer (juillet 1340). La noblesse comtoise était plus divisée et certains barons combattirent avec Eudes. En 1338, le fils d'Eudes IV et de Jeanne III, Philippe épousa Jeanne, comtesse de Boulogne et d'Auvergne. Il mourut en 1346 lors du siège d'Aiguillon.

Entre 1346 et 1349, la peste noire ravagea la Bourgogne et dépeupla très fortement villes et villages. Elle emporta notamment Eudes IV en 1349. Son petit-fils, Philippe de Rouvres, hérita alors de la Bourgogne. Sa mère Jeanne exerça la régence. Celle-ci se remaria le 19 février 1350 avec Jean de France, duc de Normandie, dauphin de Viennois (le futur roi Jean le Bon dès le 22 août de la même année), fils du roi de France. Quand il devint roi de France, il se mit à diriger les affaires du comté et du duché de Bourgogne. En 1357, Philippe fut marié à Marguerite de Flandres. En 1360, les Anglais ravagèrent la Bourgogne : ils prirent notamment Auxerre et Vesoul. Les Bourguignons durent leur verser la somme de 100 000 moutons d'or afin qu'ils s'éloignent. Philippe mourut prématurément en 1361 sans descendance.

Duché et Comté de Bourgogne à nouveau séparés

Le roi de France, Jean le Bon, s'octroie le duché de Bourgogne. Le comté de Bourgogne (et celui d'Artois) reviennent à Marguerite de France, fille cadette de Jeanne II. La mort de Jean II de Chalon-Arlay en 1362 (peste noire) et un accord signé avec Jean II en 1364 assurent le pouvoir de Marguerite sur le comté. Elle quitte la vie le . Son fils Louis de Mâle lui succède au gouvernement de Comté. En 1384, il disparait, laissant le Comté à son héritière, sa seule fille, Marguerite de Flandres, qui avait pris pour époux Philippe le Hardi, premier duc de Bourgogne de la maison de Valois.

En 1364, Hugues de Chalon-Arlay obtient de l'empereur Charles IV, les droits de l'empire sur Besançon. C'est en 1366 qu'apparaît le terme de Franche-Comté pour désigner le comté de Bourgogne.

Durant la guerre de Cent Ans, les Grandes compagnies de mercenaires ravagent les régions françaises parmi lesquelles le comté de Bourgogne. Elles furent battues par le capitaine-général de Franche-Comté, Jean de Vienne, près de Chambornay en 1366. La somme de 200 000 livres leur fut versée afin qu'elles quittent la région.

Duché et Comté : un destin commun sous les ducs Valois de Bourgogne

En 1369, Marguerite de Flandres, veuve de Philippe de Rouvres et héritière des comtés de Bourgogne, d'Artois, de Flandre, de Rethel et de Nevers, épousa Philippe le Hardi, frère du roi de France Charles V. En raison de l'importance de ce mariage, ce dernier versa 200 000 livres tournois au père de la mariée, Louis de Mâle.

En 1384, la mort de Louis de Mâle mit sa fille, épouse du duc de Bourgogne Philippe le Hardi, en possession du Comté de Bourgogne et réalisa l'union des deux Bourgognes qui permit aux quatre ducs Valois d'édifier un véritable État au cœur de l'Europe occidentale, une nouvelle Lotharingie, indépendante et même menaçante pour ses deux puissants voisins : le royaume de France et le Saint-Empire. Les Comtois vont alors embrasser ce destin, cet idéal bourguignon qui devient l'une des composantes du nationalisme franc-comtois.

Les ducs-comtes dotent la Comté d'institutions solides. Le Parlement de Dole, entre autres, est créé en 1386. La violence reparaît : des mercenaires désœuvrés pillent le pays avant d'être chassés par d'autres qui les imitent. Puis les Français et les Suisses, d'un commun accord, envahissent la Comté et ces derniers causent même deux cuisantes défaites au duc-comte Charles le Téméraire. Finalement, tandis qu'un traité est signé avec la France et que les Comtois s'efforcent sans succès de repousser les Suisses de leur province, Charles le Téméraire meurt sous les murs de Nancy. Le duché est rattaché à la France, et le rêve des grands ducs d'Occident s'évanouit.

L'éphémère réunion au royaume de France

Les occupants suisses de la Franche-Comté sont vite remplacés par les armées du roi de France. Car à sa mort, Charles le Téméraire ne laisse qu’une fille : Marie de Bourgogne âgée de vingt ans. Cette dernière devient donc l’héritière du puissant état bourguignon. Son père lui lègue un état qui s’étend sur les Pays-Bas et les deux Bourgogne (duché et comté) mais un état en guerre et surtout un territoire sans unité. Le roi de France Louis XI profite de l’opportunité pour occuper les Bourgognes, il propose aussi un mariage avec son fils le dauphin Charles. Mais Marie refuse de s’unir avec le fils du plus grand ennemi de son père. Elle préfère un mari plus puissant : Maximilien d’Autriche héritier des Habsbourg et futur empereur romain germanique. Par cette union célébrée le 19 août 1477 Marie trouve un bon protecteur pour ses états. Mais Louis XI n’entend pas abandonner ses conquêtes si facilement. Il annexe d’abord légalement le duché de Bourgogne car c’était un apanage et par ce fait ne pouvait se transmettre aux femmes, il revenait donc tout naturellement à la couronne de France. Mais, il n’a pas de droit sur la Franche-Comté. Aussi suivis par le peuple, les nobles comtois se soulèvent : les troupes royales sont contraintes de repasser la Saône.

Furieux, Louis XI repasse à l'attaque. Il incendie Dole. D'autres villes comtoises subissent le même sort et près de cent châteaux sont rasés. En 1482, Marie de Bourgogne décède dans un accident de chasse. Cette dernière a pour ses états (Comté de Bourgogne et Pays-Bas) une seule héritière : sa fille Marguerite. Son fils Philippe le Beau devant hériter de l’empire des Habsbourg. Une nouvelle fois, le sort de la Franche-Comté va dépendre d’un mariage. Louis XI reprend espoir. Il obtient l’union entre son fils, le futur roi Charles VIII et la jeune héritière de Bourgogne. La promesse de mariage est entérinée par le traité d'Arras qui donne une Comté vaincue à la France. Après la mort de son père, Charles VIII préfère épouser Anne de Bretagne l’héritière du duché du même nom. Outré par cet affront fait à sa fille, elle a alors 11 ans, Maximilien de Habsbourg, que ce mariage prive de la Bretagne qui lui était promise, entreprend de reconquérir la Franche-Comté. Charles VIII qui a alors des ambitions en Italie laisse faire. Il accepte même d'abandonner le comté si cher au cœur de son père par le traité de Senlis signé en 1493. De fait, les troupes royales sont chassées du sol comtois par les milices de Salins et d'Arbois notamment. La province en sort renforcée. Les fortifications sont consolidées ; Joux est reprise aux Suisses.

Temps modernes

La Franche-Comté des Habsbourg

Généalogie des comtes de Bourgogne et gouverneur de Franche-Comté et des Pays-Bas, prince du sang, de Charles le Téméraire à Philippe II.

La Franche-Comté sous les Habsbourg (maison d'Autriche et d'Espagne) :

Maximilien de Habsbourg laisse le gouvernement des Pays-Bas et de la Franche-Comté à son fils Philippe le Beau qui est aussi l’époux de Jeanne la Folle reine de la Castille et de l’Aragon. Mais Philippe demeure le plus souvent dans les Flandres. Il visite toutefois la Franche-Comté en 1503. Le peuple, attaché à la maison des Comte de Bourgogne voit en lui l’héritier de Charles le Téméraire et l’acclame aux cris de « Vive Bourgogne ».

Mais le sort s’acharne sur les héritiers du grand-duc d’Occident. Philippe meurt trois ans plus tard. Son fils Charles Quint n’a que six ans. Le gouvernement de l’héritage bourguignon revient alors au dernier enfant de Marie de Bourgogne : Marguerite avec le titre de « lieutenante générale, gouverneresse et administraresse ». Cette femme issue du sang des comtes de Bourgogne sait rapidement se rendre populaire même si elle gouverne depuis Malines capitale des Pays-Bas jusqu'à la mort de Marguerite d'Autriche. Avec Mercurino Gattinara qu’elle nomme à la tête du Parlement de Dole, elle pacifie la région encore agitée par les guerres privées de la noblesse. Pour cela elle demande aux belligérants de régler en justice leurs différends. Elle a aussi l’habileté de confier des responsabilités au maréchal de Vergy représentant de l’ancienne noblesse d’épée.

L'apogée du XVIe siècle

Elle intervient aussi auprès de son père pour limiter la pression fiscale sur la Franche-Comté. Également, la neutralité de la Comté est assurée en signant d'une part, une Ligue Héréditaire (en 1511) avec ces mêmes Suisses promettant une aide réciproque en cas de conflit, d'autre part un traité de neutralité renouvelable avec le royaume de France (en 1522).

Tandis que comtesses et comtes de Bourgogne résident aux Pays-Bas, le pouvoir est délégué à un gouverneur comtois et au Parlement de Dole. Ce dernier a maintenant le pouvoir de statuer sur toutes les questions, qu'elles soient politiques, économiques ou militaires. Bref, la Franche-Comté recouvre son autonomie.

Avec l'avènement de Charles Quint, la province vit ce qu'elle considère comme son Âge d'or. L’empereur lui octroie nombre de privilèges commerciaux et monétaires, donnant par exemple à la ville de Besançon le droit de battre monnaie. Charles Quint s'entoure de nombreux Comtois, dans l'art des armes et du verbe : l'un de ces diplomates talentueux, Nicolas Perrenot de Granvelle puis son fils Antoine Perrenot de Granvelle accèdent à la fonction suprême de premier conseiller et chancelier garde des sceaux du Saint-Empire ; Simon Renard est ambassadeur d'Espagne en Angleterre et en France, Laurent de Correvod, seigneur de Marnay est fait grand maitre de la maison de l'empereur. La noblesse comtoise est honorée, appelée à guerroyer à l'étranger comme les Andelot, de Poupet, Cousin et les Bouhelier de Cernay qui se couvrent même de gloire en capturant le roi de France François Ier à Pavie, ce qui leur valut d'être anoblis par Charles Quint[7],[8]. Les chevaliers bourguignons font partie intégrante de l'élite de l'armée impériale et sont appelés à préserver les intérêts de l'Espagne aux quatre coins de l'Europe. Durant ces années relativement calmes, la Franche-Comté se conforte et prospère, et ne doit à l'Empire qu'un don gratuit (un impôt consenti librement), fixé par le Parlement. À la fin de son règne en 1556, Charles Quint salue l'attachement et la fidélité des Comtois envers l'Espagne. Le comté rayonne aussi culturellement avec son université de Dole et des personnages comme Goudimel, Cousin, Babet, Sambin ou Du Monin.

En 1595, Henri IV déclare la guerre à l'Espagne et envahit la Franche-Comté. Les campagnes sont ravagées mais la plupart des villes résistent : Dole, Gray, Salins, Poligny, Arbois, Besançon tiennent bon. Les cantons suisses, malgré les termes définis par la Ligue Héréditaire, n'interviennent pas, du moins militairement. L'Espagne décide finalement de secourir la province, avec succès. Henri IV contre-attaque. Les cités comtoises les plus faibles tombent, les unes après les autres. Malgré une forte résistance, Arbois est pillée et son capitaine Morel pendu. Finalement, l'arrivée des renforts espagnols force les troupes royales à repasser la Saône. Le traité de Vervins signé en 1598, met fin au conflit entre la France et l'Espagne, renouvelant le traité de neutralité.

La guerre de Dix Ans de Louis XIII et Richelieu

La guerre de Dix Ans est l'épisode comtois de la guerre de Trente Ans. C'est un événement majeur et dramatique dans l'histoire de la région. En 1634, la Franche-Comté est prise dans cette guerre européenne qui ravage déjà l'Allemagne depuis 1618. En 1636, Richelieu décide d'attaquer Dole, capitale de la Franche-Comté, et le siège du Parlement.

« Il faut prendre cette place, de là dépendent la loi et les prophètes. (…) Les ennemis même ne font pas difficulté de dire que la prise de Dole est la prise de tout le pays. »

Les serviteurs de l'Espagne organisent la levée des troupes comtoises (entre 10 et 12 000 hommes) commandé par le maréchal de Watteville. Le prince Henri II de Bourbon-Condé en personne mène les troupes royales. Appuyés par de la population doloise, le courage et la ténacité des 4 000 défenseurs de la place commandé par Louis de la Verne répond aux 15 000 soldats de l'armée du roi de France. Tous les assauts sont repoussés, semaine après semaine. Des ingénieurs sont appelés pour faire tomber la cité frappée par la peste : ceux-ci creusent des mines sous les fondations des murailles pour les faire s'effondrer. Le 13 août, c'est la dernière chance française : les armées impériales se sont regroupées dans le duché et menacent toute retraite. Comme ses devancières, la mine est inefficace et les Français doivent se replier sous l'avancée de l'armée de secours. Le 15 août 1636, la Franche-Comté remporte la victoire : Dole est libérée après un siège de trois mois.

Jusqu'en mars 1637 la guerre est favorable aux Comtois qui obtiennent quelques beaux succès en Bresse et dans le Bugey. Mais lors de la bataille de Cornod, l'armée comtoise est surprise par les français et battue: celle ci ne s'en relèvera pas et le comté se retrouve quasiment sans défenses. Sur ordre de Richelieu, le duc Bernard de Saxe Weimar et ses mercenaires allemands qu'on appelait « les suédois », descendent d'Alsace et massacrent, pillent, brûlent et commettent des horreurs depuis Saint-Hippolyte jusqu'à Saint-Claude, des villages entiers sont décimés. Les troupes de Condé s'occupent du reste de la Franche-Comté. Seules Dole, Gray, Salins et Besançon peuvent résister. Enfin, les partisans dirigé par le baron d'Arnans accompagné du célèbre Lacuzon, le symbole de la résistance — s'organisent et sillonnent la Comté pour chasser les Français. Les Bressans s'en remettent à Dieu : « De la fièvre et de Lacuzon, délivrez-nous, Seigneur ! » Les populations comtoises n'ont d'autre choix que de fuir en Suisse et en Italie ou se réfugier dans les nombreuses grottes du massif jurassien et d'abandonner les cultures, entraînant la famine bientôt secondée par la peste. C'est alors que le cannibalisme, ultime horreur, entre dans une Franche-Comté repoussée dans ses derniers retranchements.

« Enfin on en vint à la chair humaine, premièrement dans l'armée où les soldats étant occis servaient de pâture aux autres qui coupaient les parties les plus charnues des corps morts pour bouillir ou rôtir et hors du camp faisaient picorée de chair humaine pour manger. On découvrit dans les villages des meurtres d'enfants faits par leurs mères pour se garder de mourir et des frères par leurs frères et la face des villes était partout la face de la mort.. »

 Jean Girardot de Nozeroy, Histoire de Dix ans de la Franche Comté de Bourgogne[9] (1651)

.

Après une invasion française en 1644, le traité de neutralité est violé par Mazarin. Les traités de Westphalie mettent fin à la guerre de Trente Ans en 1648 puis la paix des Pyrénées en 1659, confirme la suzeraineté de l'Espagne sur la province. C'est une Franche-Comté exsangue qui ressort du conflit : Le recensement de 1614 dénombre 405 000 à 410 000 Francs-Comtois. En 1657 (soit 13 ans après la fin des combats), on ne compte plus que 160 000 habitants dans la région, ce qui marque une différence démographique de près de 60 %. On estime que les deux tiers des Francs-Comtois sont morts pendant la guerre de Dix Ans.

Les conquêtes de Louis XIV

Louis XIV devant Besançon.

En 1668, Condé conquiert le pays en 15 jours. Le contraste avec la résistance acharnée de la guerre de Dix Ans est immense. Philippe de la Baume-Saint-Amour, marquis de Yennes et de Saint-Genix, est, à cette date, gouverneur général de la Franche-Comté[10].

Quelques mois plus tard, la situation bascule avec le traité d'Aix-la-Chapelle : la France doit abandonner la Franche-Comté, qui retourne à l'Espagne.

Le pays est alors totalement désorganisé. Des émeutes, parfois meurtrières, éclatent dans les plus grandes villes : le peuple accuse ses parlementaires d'avoir livré la province aux Français. L'Espagne, furieuse que la Franche-Comté ne se soit pas défendue, ne nomme dès lors plus que des non-Comtois au poste de gouverneur.

Ceux-ci se montrent autoritaires et exigeants : ils pressentent le retour imminent des Français et s'évertuent à force d'impôts de relever les fortifications.

En 1673, l'Espagne lance des raids en Bourgogne. Les Français contre-attaquent sur le sol comtois, mais leur offensive est repoussée par le peuple Comtois. La guerre perdure : deux mois plus tard, des paysans refusant de se rendre à Arcey sont brûlés vifs dans le clocher où ils s'étaient réfugiés. L’événement ravive le sentiment anti-français : une garnison est massacrée en représailles tandis que les embuscades s'intensifient.

Bas-relief La Conquête de la Franche-Comté, par Martin Desjardins (musée du Louvre) ; en arrière-plan, la ville de Besançon.

Mais les cités comtoises — la plupart du temps mal fortifiées — tombent les unes après les autres: Pesmes, Gray, Vesoul, Besançon, Dole, Lons et Salins. À Besançon, des potences sont dressées, destinées aux traîtres. Les Bisontins manquent de peu de tuer Louis XIV, venu en personne assister au siège.

Les Espagnols, pendant leur bref retour en 1668, avaient remplacé le traditionnel « don gratuit » voté par les États provinciaux par une taxe unique de 3 000 francs comtois par an (l'équivalent de 2 000 livres tournois). Les Français, pour faire face aux dépenses de l'occupation militaire, alourdissent considérablement ce prélèvement et demandent aux échevins locaux d'assurer sa collecte. En août 1674, l'intendant français Germain-Michel Beaulieu de Camus se plaint de leur singulière mauvaise volonté : « Vous ne pourriez pas croire à quel point l'intérêt, la vengeance et vilénie règnent dans cette province. Je ne crois pas qu'il y ait dans le monde un peuple plus scélérat »[11].

Malgré quelques victoires dont une à Arbois, de brillants commandants comme Lacuzon, Merceret de Mérona, Pontamougeard ou Mâcon d'Esboz ainsi que la ténacité des partisans — les loups des bois — cela ne suffit pas à repousser les troupes du roi de France supérieures en nombres et en matériels. Quand la ville de Salins, dernière réserve militaire du comté, tombe à son tour en juin, après pourtant une défense vigoureuse, les jeux sont fait pour les comtois. Les habitants de Faucogney, la dernière cité comtoise à résister, sont passés par le fil de l'épée après plusieurs jours d'âpres combats. La toute dernière place comtoise a tomber est le château de Sainte-Anne défendu par Claude Balland, le gendre du célèbre Lacuzon. Avec des forces misérables il va tenir jusqu'au 10 juillet où faute de ressources, il est évacué[12]. Toutes les places et villes sont tombées, mais la résistance ne s'arrête pas là : après 10 mois de combats, les Comtois refusent toujours de se rallier à la France.

En 1678, le traité de Nimègue permet l'incorporation de la Franche-Comté et la ville libre de Besançon à la France. Les rebelles s'exilent dans un vain espoir d'un retour à l'Espagne qui ne vient pas malgré quelques espoirs. Les partisans comtois demandent aux leurs une dernière recommandation post mortem : celle d'être enterré face contre terre par opposition au Soleil de Louis XIV et afin de ne pas voir ses troupes fouler leur terre.

Besançon, après plusieurs tentatives vaines, devient enfin la capitale de la Franche-Comté au détriment de Dole par lettres patentes du  : un grand nombre d'administrations, parmi lesquelles le gouvernement militaire, l'intendance, le parlement ou encore l'université, sont progressivement implantées dans la nouvelle capitale[13].

La Franche-Comté française

Après 1678, il n'y a plus de révolte en Franche-Comté mais la domination française est toujours contestée par quelques mécontents. Pendant la guerre de Succession d'Espagne, un moine d'Ornans, Antoine Gonzel, forme une conspiration en faveur des Habsbourg ; il est interné comme fou en 1702 mais le complot continue après son arrestation[14]. Les intendants nommés par le roi pour administrer la province sont détestés, parfois menacés physiquement.

Dans Le Siècle de Louis XIV (1751), Voltaire explique cet attachement à l'Espagne par ces mots :

« Cette province, assez pauvre en argent mais très fertile, bien peuplée, étendue en long de quarante lieues et large de vingt, avait le nom de Franche et l'était en effet. Les rois d'Espagne en étaient plutôt les protecteurs que les maîtres. Quoique ce pays fût du gouvernement de la Flandre, il n’en dépendait que peu. Toute l’administration était partagée et disputée entre le parlement et le gouverneur de la Franche-Comté. Le peuple jouissait de grands privilèges, toujours respectés par la Cour de Madrid qui ménageait une province jalouse de ses droits, et voisine de la France. Besançon même se gouvernait comme une ville impériale.
Jamais peuple ne vécut sous une administration plus douce, et ne fut si attaché à ses souverains. Son amour pour la maison d'Autriche s'est conservé pendant deux générations ; mais cet amour était, au fond, celui de la liberté. »

Époque contemporaine

Révolution française

À la Révolution, la province de Franche-Comté est partagée en trois départements : le Jura, le Doubs et la Haute-Saône. Belfort fait alors partie du Haut-Rhin.

Premier Empire

Lors de la chute du Premier Empire en 1814, la Franche-Comté est érigé, avec le département des Vosges les principautés de Montbéliard et de Porrentruy, en état tampon : l'État de Franche-Comté. Dirigé par le baron d'Andlaw, ce petit état fut créé par les troupes coalisées et avait pour capitale Vesoul. Cet État ne fonctionne que de janvier à mai 1814 après quoi l'autorité du nouveau roi de France Louis XVIII est rétablie sur toute la région[15].

A la fin des Cent-Jours, l'armée suisse entre en Franche-Comté le 3 juillet 1815, et occupe Pontarlier et Saint-Hippolyte, mais l'évacue piteusement le 31 juillet après avoir subi divers problèmes d'approvisionnement et de mutineries, et après désaveu du commandement par la Diète fédérale[16],[17].

Révolution industrielle

La Franche-Comté connait une forte croissance industrielle au cours du XIXe siècle, qui se prolonge au début du XXe siècle. De grande usines sont notamment ouvertes dans la région entourant les villes de Belfort et Montbéliard. Des mines de houille sont exploitées de façon industrielle autour de Ronchamp et de façon artisanale plus au sud ; de nombreuses mines métalliques, exploitées depuis le Moyen Âge, alimentent cette industrie. Le sel gemme est également exploité en grande quantité par la Saline royale d'Arc-et-Senans, Châtillon-le-Duc, Gouhenans, Grozon, Lons-le-Saunier, Mélecey, Miserey-Salines, Montaigu, Montferrand, Montmorot, Poligny, Pouilley-les-Vignes, Salins-les-Bains, Saint-Hippolyte, Saulnot, Scey-sur-Saône, Serre-les-Sapins, Soulce-Cernay.

De la Troisième République à nos jours

Lors de la guerre de 1870, la ville de Belfort faisant partie du département du Haut-Rhin et défendue par le colonel Denfert-Rochereau résiste au siège allemand. La ville n'ouvre ses portes que le 16 février 1871 sur l'ordre du gouvernement français – soit quelques semaines après la signature officielle de l'armistice, le 28 janvier 1871. Cette résistance permet à la ville de rester française après l'annexion de l'Alsace-Moselle, elle est donc détachée du Haut-Rhin. C'est à partir de cette date que la fortification de la région prend son ampleur pour la défense de la Trouée de Belfort, de la ville de Besançon et des passages vers les pays voisins. Le conflit entraînera également des conséquences politiques et sociales, un projet de Commune de Besançon émergeant en dans le sillage d'autres villes insurgées. En 1922, Belfort et ses environs sont érigés en département sous le nom de Territoire de Belfort. Les batailles d'Héricourt, et de Villersexel ont également marqué le conflit.

Durant la Seconde Guerre mondiale, la Franche-Comté se distingue par la présence de nombreux maquis qui s'établissent dans les forêts, les collines et les montagnes. En juin 1940, l'armée allemande entre en Franche-Comté. La ligne de démarcation qui est en partie calquée sur la Loue, divise la région en deux. 99 résistants sont fusillés à la citadelle de Besançon. En septembre 1944, la région est libérée, excepté le nord du département du Doubs qui l'est deux mois plus tard.

Dans le cadre de l'Acte III de la décentralisation de la France, la fusion administrative de la région avec la Bourgogne voisine pour former une grande région Bourgogne-Franche-Comté, est actée le [18] et effective le [19],[20].

Notes et références

  1. Nouvelle histoire de France: Les Ancêtres de la France, du monde celtique aux grandes invasions, Ve siècle avant J.-C. /+ 406 Julien Cain, Volume 1- éd. Tallandier, 1965
  2. Histoire du Jura
  3. (Prosper, a. 386)
  4. Chronica Gallica 452
  5. Edmond Préclin, Histoire de la Franche-Comté, Paris, Presses universitaires de France, 1947, p. 22.
  6. La Franche-Comté s'est appelée successivement Séquanie, Haute-Bourgogne (au sens historique du terme, à ne pas confondre avec la haute Bourgogne au sens géographique du terme qui désigne la région des sources de la Seine et le plateau de Langres, Le (ou la dans certains textes anciens) Comté de Bourgogne et aujourd'hui Franche-Comté. De même que certains textes désignent le duché de Bourgogne, à sa naissance, IXe siècle, — lorsque Richard le Justicier unit les comtés d'Autun, de Nevers, d'Auxerre, de Sens — Basse Bourgogne, ou Bourgogne Française ou Franque (Celtica Burgundia), pour le différencier du royaume des Rodolphiens. Voir par exemple, Histoire de Franche-Comté de Lucien Fèbvre et Histoire de Bourgogne (collectif sous la direction de Jean Richard).
  7. Ulysse Robert, « Les Bouhélier », Annales Franc-Comtoises, 3, , p. 48
  8. Fourquet, Émile, 1862-1936., Les hommes célèbres et les personnalités marquantes de Franche-Comté : du IVe siècle à nos jours, Arts et littérature, [ca 2002] (ISBN 2-912351-18-9 et 978-2-912351-18-0, OCLC 470115359)
  9. Jean Girardot de Nozeroy, Histoire de Dix ans de la Franche Comté de Bourgogne, Besançon, J. Chrestin / impr. d'Outhenin-Chalandre, (réimpr. 1843).
  10. Joseph Fr Michaud et Louis Gabriel Michaud, Biographie universelle, ancienne et moderne, ou Histoire, par ordre alphabétique, de la vie publique et privée de tous les hommes qui se sont fait remarquer par leurs écrits, leurs actions, leurs talents, leurs vertus ou leurs crimes: Ouvrage entièrement neuf,, chez Michaud frères, (lire en ligne)
  11. Darryl Dee, Expansion and Crisis in Louis XIV's France: Franche-Comté and Absolute Monarchy, 1674-1715, University of Rochester, 2009, p.62-63
  12. Lacuzon d'après de nouveaux documents, imprimerie et lithographie de Gauthier frères, (lire en ligne)
  13. Claude Fohlen (dir.), Histoire de Besançon, t. 2 : De la Conquête française à nos jours, Besançon, Cêtre, , 824 p. (ISBN 2901040217), p. 46
  14. Gresset Maurice. Les complots antifrançais en Franche-Comté dans la guerre de succession d'Espagne. In: Complots et conjurations dans l’Europe moderne. Actes du colloque international organisé à Rome, 30 septembre-2 octobre 1993. Rome : École Française de Rome, 1996. pp. 373-392. (Publications de l'École française de Rome, 220)
  15. « Vesoul, Capitale d'ÉTAT (27 janvier 1814 - 6 juin 1814) », sur editions-harmattan.fr (consulté le ).
  16. « Expédition de Franche-Comté » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne.
  17. Charles Venant, « La campagne de Franche-Comté en 1815 », sur jeudhistoire.com (consulté le )
  18. « Adoption du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral », sur le site de l'Assemblée nationale (consulté le ).
  19. M. Carlos Da Silva, député, « Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république, sur le projet de loi (n° 2100) adopté par le sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral », sur assemblee-nationale.fr, (consulté le ), p. 22.
  20. « Chronique d'une fusion annoncée », sur France 3 Franche-Comté.

Annexes

Articles connexes

Bibliographie

  • Lucien Lerat, Pierre Gresser, Maurice Gresset, Roger Marlin, Histoire de la Franche-Comté. Paris: Presses Universitaires de France, 1981 (3e ed.); coll. Que sais-je? N°268.
  • Roland Fiétier et Claude-Isabelle Brelot (dir.), Histoire de la Franche-Comté. Toulouse: Privat, 1985; 496 p. (ISBN 2-7089-1632-7)
  • Jean-Louis Clade, Si la Comté m'était contée, [détail de l’édition]
  • Jean Defrasne, Les Comtois - Le pays, l'histoire, l'esprit, Cabédita, 2002
  • M. Droz, Mémoire pour servir l'histoire de Pontarlier, Faivre imprimeur-éditeur, 1840
  • Gabriel Gravier et Jean Girardot, Histoire de la Franche-Comté, Editions Marque-Maillard, 1987
  • Gérard Louis, La Guerre de Dix Ans, Presses universitaires de Franche-Comté, 1998
  • Louis Renard, La Franche-Comté. Histoire et civilisation, Imp. Jacques & Demontrond, 1943
  • François Pernot, La Franche-Comté espagnole, Presses universitaires de Franche-Comté, 2003
  • Vincent Petit, Catholiques et Comtois. Liturgie diocésaine et identité régionale au XIXe siècle, Cerf, 2011
  • Jean-François Solnon, Quand la Franche-Comté était espagnole, Fayard, 1983
  • Jean-Yves Mariotte, Le Comté de Bourgogne sous les Hohenstaufen (1156-1208), Paris: Les Belles Lettres, 1963 ; 235 p
  • Jean-Claude Voisin, La Franche-Comté au haut Moyen Âge, Wettolsheim: Editions Mars et Mercure, 1977; 167 p.
  • Hélène Walter, Pierre Gresser, Maurice Gresset et al., Histoire de la Franche Comté, Besançon: Cêtre, 2006 (coll. Cêtre poche: histoire); 253 p.
(ISBN 978-2-87823-151-9)
  • Antonio Gonzales, Pierre Gresser Nouvelle histoire de la Franche Comté. Tome I: De la Préhistoire au Moyen Âge, Pontarlier: Editions du Belvédère, 2014 ; 391 p.
(ISBN 978-2-88419-314-6)
  • Daniel Antony Nouvelle histoire de la Franche Comté. Tome II: Des Habsbourg à la conquête française, Pontarlier: Editions du Belvédère, 2017 ; 431 p. (ISBN 978-2-37362-021-4)

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