Irénée de Lyon

Irénée de Lyon (en latin Irenaeus Lugdunensis, en grec ancien Εἰρηναῖος Σμυρναῖος : Eirênaĩos « pacifique » Smyrnaĩos « de Smyrne ») est le deuxième évêque de Lyon au IIe siècle entre 177 et 202. Il est l'un des Pères de l'Église et le premier occidental à réaliser une œuvre de théologien systématique. Défenseur de la gnose, il s'est illustré par sa dénonciation du gnosticisme.

Pour les articles homonymes, voir Irénée et Saint-Irénée (homonymie).

Irénée de Lyon

Vitrail de Lucien Bégule,
église Saint-Irénée, Lyon.
évêque de Lyon, Père de l'Église
Naissance v. 130
Smyrne
Décès 202  (environ 72 ans)
Lugdunum (Lyon)
Vénéré par catholiques et orthodoxes
Fête 28 juin (christianisme occidental)
23 août (christianisme oriental)

Vénéré comme saint, il est fêté le 28 juin dans l'Église catholique et le 23 août dans l'Église orthodoxe.

Biographie

Pour l'essentiel, les informations dont on dispose sur la vie d'Irénée proviennent de ses propres œuvres[1].

De culture et de langue grecques, Irénée est né à Smyrne en Asie Mineure vers 120 ou 130, de parents grecs et chrétiens. Il témoigne avoir connu saint Polycarpe[2], qui lui-même aurait reçu l'imposition des mains de l'apôtre Jean. Saint Jérôme dit qu'Irénée fut aussi le disciple de saint Papias.

Arrivé en Gaule vers 175[3], il exerça d'abord la fonction de simple pasteur, et s'associa aux travaux de Pothin, premier évêque de Lyon. Quand Pothin périt victime d’une persécution de Marc Aurèle, en 177, Irénée fut choisi pour le remplacer. Sa vie épiscopale fut alors consacrée à l'instruction des peuples et à la défense de la vérité par la lutte contre les hérésies des gnostiques et des valentiniens.

Irénée est chargé de porter la Lettre sur les martyrs de Lyon, rapportée par Eusèbe de Césarée dans son Histoire ecclésiastique[4]. Le billet de recommandation, qui accrédite le porteur de la lettre auprès de l'évêque de Rome Éleuthère, présente Irénée comme « presbytre » (c'est-à-dire « ancien ») de l'Église[5]. Ce terme peut être interprété comme la preuve de son accession à l'épiscopat lyonnais[1].

Son ministère est marqué par une forte expansion missionnaire. Un grand nombre de diocèses sont fondés par des missionnaires envoyés par Irénée[6] : c'est le cas de Besançon et Valence, qui doivent à l'évêque de Lyon leurs premiers pasteurs.

Soucieux de l'unité de l'Église, il met en valeur son nom d'homme de paix (εἰρηναῖος signifie pacifique). C'est ainsi qu'il intervient auprès de l'évêque de Rome lors de la querelle autour de la date de Pâques. Dans une partie de l'Asie, on célèbre Pâques le 14 Nisan, comme les juifs. Ailleurs, Pâques est fêté le dimanche suivant. Après plusieurs tentatives de résolution au cours du IIe siècle, l'évêque de Rome Victor Ier veut mettre un terme à cette dispute. Vers 190, il se décide à excommunier les évêques d'Asie. Par son intervention, Irénée, lui enjoint de laisser chaque Église libre dans les matières qui ne portent pas sur la Foi. Le conflit ouvert est ainsi évité. Les Églises orientales prendront progressivement et pacifiquement l'usage majoritaire[1].

Il dresse la liste de succession des évêques de Rome[7].

D'après les témoignages tardifs de saint Jérôme au Ve siècle et de Grégoire de Tours au VIe siècle, il serait mort martyr à Lyon en 202, victime d'un édit de persécution de Septime Sévère. Ses reliques sont conservées depuis le Ve siècle dans l'église Saint-Irénée, auprès d'autres martyrs de Lyon[8], malgré le sac de l'église par les protestants du baron des Adrets en 1562.

La pensée de saint Irénée

À l'aide de la philosophie apparaît alors pour la première fois une science du raisonnement sur Dieu qui eut un destin considérable. La question fondamentale fut posée en termes philosophiques par Ponce Pilate à Jésus de Nazareth : « Qu'est-ce que la vérité ? » (Τί  ἐστιν  ἀλήθεια ; Ti estin alètheia ; Jean 18, 38)[9]. Or, il l'avait devant lui : « Le chemin, répondit Jésus, c'est moi, parce que je suis la vérité et la vie » (Jean 14, 6). À partir du moment où la vérité n'était plus une chose, mais quelqu'un en chair et en os, les catégories mentales étaient bouleversées.

Mais elle (la vérité ? la pensée ?) est beaucoup plus à l'aise lorsqu'il s'agit d'une théologie du salut[10], comme le prouve l'œuvre d'Irénée. Étant né probablement à Smyrne, où il a connu Polycarpe dans son adolescence, qui l'a entretenu de ce que lui avait appris l'apôtre Jean. Il est donc le dernier qui ait connu les témoins des apôtres. Par cette tradition orale nul n'est mieux placé que lui pour dire, comme plus tard Augustin d'Hippone : « Nous croyons en Celui en qui ils ont cru ». Prêtre à Lyon, évêque après la persécution de 177, il reste de son œuvre écrite en grec la traduction latine du Contre les hérésies (Adversus hæreses) et La Démonstration de la prédication apostolique[11].

Lors de la lutte antignostique, Irénée affirme, dès le départ, qu'une histoire du salut est annoncée par les Écritures, initiée par Dieu, parachevée par Jésus. L'essentiel est dans la création par Dieu d'un homme véritable qui est chair. La chair est l'image substantielle de Dieu, visible dans la chair glorieuse de Jésus. Elle est élevée à Dieu progressivement par la contemplation de Dieu. Cette vérité de l'esprit et de la chair qui mène à la divination de l'homme, malgré le péché d'Adam, explique l'expression d'Irénée : « La gloire de Dieu, c'est l'homme vivant, mais la vie de l'homme, c'est la vision de Dieu. » (IV, 20.7). L'œuvre de Dieu, racheté par le Christ, a pour but le salut de la chair admise à voir Dieu[12]. Il est incontestable que cette vision optimiste du salut de la chair par le Christ est directement issue de l'Évangile selon Jean, lequel insiste sur Dieu-Amour, mais Irénée interprète de manière originale le récit de la Genèse sur la création de l'homme. L'œuvre d'Irénée donne à son exposé général de la foi une impression d'unité profonde. Il n'y a qu'un seul et unique dessein de Dieu, le salut de l'homme dans toutes ses composantes, « récapitulées » dans la personne du Christ.

Cette œuvre est une des plus grandes synthèse théologiques avant les Pères de l'Église du IVe siècle. Ces derniers l'éclipsèrent après le Xe siècle, mais elle n'en reste pas moins par son étroit contact avec les origines chrétiennes une des causes du dynamisme évangélisateur du IIe siècle. La tradition (paradosis) est désormais fondée[13],[14].

Écrits

Fragments de papyrus (en) portant une copie du Contre les hérésies datant de 200 environ. Bibliothèque de l'université de Cambridge.

Il est l'auteur d'un important ouvrage, Réfutation de la prétendue gnose au nom menteur, connu généralement sous le nom de Contre les hérésies (Adversus Hæreses). Il s'agit d'un traité contre Valentin d'Égypte et les gnostiques. Dans son traité, il mentionne entre autres l'existence d'un évangile de Judas. Jusqu'à la découverte des manuscrits de Nag Hammadi, Irénée était notre principale source de connaissances sur ce courant de la gnose. Il reste aujourd'hui encore une source indispensable.

Il n'existe de cet ouvrage qu'une traduction latine, une traduction arménienne des livres IV et V, des fragments en syriaque et en grec[1].

Irénée est également l'auteur de la Démonstration de la prédication apostolique, que l'on n'a connue longtemps que par Eusèbe de Césarée. En 1904, une version arménienne est retrouvée et publiée en 1907. Cet ouvrage est un résumé de la foi chrétienne[15].

Les écrits d'Eusèbe retranscrivent également des fragments de deux lettres : à Florinus et au pape Victor[15].

On ne sait rien de fiable sur ses autres écrits[15].

Interprétation

Saint Irénée, évêque de Lyon, Père de l'Église grecque, est considéré comme le premier des grands théologiens du christianisme[16].

Gédéon ; Adam et Ève, vers 1550, huiles sur bois, Maarten van Heemskerck, Musée des Beaux-Arts de Strasbourg.
Un Évangile d'humanité

« Les Apôtres s'en allèrent jusqu'aux extrémité de la terre, proclamant la bonne nouvelle des biens qui nous viennent de Dieu et annonçant aux hommes la paix céleste (cf. Lc 2, 13-14) : ils avaient, tous ensemble et chacun pour son compte, l'« Évangile de Dieu ».
Ainsi Matthieu publia-t-il chez les Hébreux, dans leur propre langue, une forme écrite d'Évangile. Il ne connaît qu'un seul et même Dieu, qui a promis à Abraham de rendre sa postérité pareille aux étoiles du ciel et qui, par son Fils, le Christ Jésus, nous a appelés du culte des pierres à sa connaissance, afin que celui qu'on appelait « Pas-un peuple » devînt un peuple et que celle qu'on appelait « Pas-aimée » devînt « Aimée » (Os 2, 25 ; Rm 9, 25).
Matthieu raconte la génération humaine du Christ, en disant : Généalogie de Jésus, Christ, fils de David, fils d'Abraham (Mt 1, 1), et encore : Voici comment fut engendré Jésus Christ (Mt 1, 18). Cet Évangile est donc bien à forme humaine, et c'est pourquoi, tout au long de celui-ci, le Seigneur demeure un homme d'humilité et de douceur. »

 St Irénée de Lyon. Contre les hérésies, III, 1, 1 ; 9, 1 ; 11, 8, trad. A. Rousseau, Paris, Cerf, 1984, p. 276-277, 298, 315.

Commentaire selon Jean (Jn 15, 9-17)

Je vous ai choisis

« Au commencement, ce ne fut pas parce qu'il avait besoin de l'homme que Dieu modela Adam, mais pour avoir quelqu'un en qui déposer ses bienfaits[17]. Ce ne fut pas davantage parce qu'il avait besoin de notre service qu'il nous commanda de le suivre, mais pour nous procurer à nous-mêmes le salut. Car suivre le Sauveur, c'est avoir part au salut, comme suivre la lumière, c'est avoir part à la lumière. Lorsque des hommes sont dans la lumière, ce ne sont pas eux qui illuminent la lumière et la font resplendir, mais ils sont illuminés et rendus resplendissants par elle : loin de lui apporter quoi que ce soit, ils bénéficient de la lumière et en sont illuminés.

Ainsi en va-t-il du service envers Dieu ; à Dieu, il n'apporte rien, car Dieu n'a pas besoin du service des hommes ; mais à ceux qui le servent et qui le suivent, Dieu procure la vie, l'incorruptibilité et la gloire éternelle. Car, de même que Dieu n'a besoin de rien, de même l'homme a besoin de la communion de Dieu. Car la gloire de l'homme, c'est de persévérer dans le service de Dieu. C'est pourquoi le Seigneur disait à ses disciple : « Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, c'est moi qui vous ai choisis » (Jn 15, 16b), indiquant par là que ce n'étaient pas eux qui le glorifiaient en le suivant, mais que, du fait qu'ils suivaient le Fils de Dieu, ils étaient glorifiés par lui. »

 Contre les hérésies, IV, 14, I, trad. A. Rousseau, Paris, Cerf, 1984, p. 445-446.

Pensée théologique

Irénée est un théologien chrétien, farouche opposant du gnosticisme (auteur des ouvrages auxquels réfère la Clavis Patrum Græcorum, n°1306-1321). Son œuvre théologique n'est pas née d'une volonté de synthèse, mais d'une réaction à la doctrine gnostique. « Comme entraîné par les gnostiques, et en particulier les valentiniens, Irénée aborde à peu près tous les domaines de la révélation »[15].

Chez lui, l’autorité des Écritures est absolue : la Bible suffit pour connaître Dieu et son œuvre, toute spéculation supplémentaire est vaine. Il affirme l’unité de la foi de celle de l'Église, et soutient que l’Écriture révèle un plan de Dieu pour le salut des hommes.

Irénée est le premier à parler de la « Tradition » : contre les hérétiques, il défend la tradition de l'Église, qui revendique sa transmission par les apôtres (traditio ab apostolis : « tradition des Apôtres ») et se veut fondée sur la « règle de vérité » qui est la foi en Dieu et en son Fils Jésus-Christ.

Face aux hérétiques, qui s'appuyaient sur une Tradition « secrète » qui leur était propre et sélectionnaient les Écritures, saint Irénée insiste sur l'Écriture dans sa globalité et la Tradition de l'Église telle que transmise au grand jour : l'Église est une Tradition (traditio : « transmission »). Il réfute les gnostiques en décrivant avec précision leurs doctrines, en s'appuyant sur les Écritures, en dégageant des critères d'interprétation pour une lecture ecclésiale de la Bible. L'Église fut pour lui la gardienne de la vérité et de la foi des apôtres reçue dans l'Écriture. Les sources d'Irénée de Lyon sont avant tout la « tradition catéchétique » et les Écritures.

Les gnostiques prétendent aussi se rattacher aux Apôtres, mais leur tradition est sans autorité, parce qu'elle ne repose pas sur l'institution et la transmission légitime de l'autorité, au contraire des évêques qui sont héritiers de l'autorité des Apôtres. Ils ont la même autorité pour transmettre que les Apôtres pour enseigner. Ce qui apparaît ici chez Irénée, c’est une théologie de l'institution ecclésiale : la transmission de l'enseignement des Apôtres n'est pas laissée à l'initiative des docteurs privés (laïcs). Les Apôtres eux-mêmes ont constitué les organes par lesquels ils ont voulu que leur enseignement soit transmis. Seuls ces organes institués par les Apôtres ont l'autorité des Apôtres. Ce sont eux seuls qui sont les critères des doctrines et qui garantissent leur conformité avec la révélation. De ceci, Irénée voit une confirmation dans l'unité de l'enseignement des évêques. Autant les écoles gnostiques sont divisées et se contredisent, autant l'enseignement des évêques est un sur toute la surface de la terre[18].

La Nouvelle Alliance reprendrait le contenu de l’Ancienne. Irénée cherche par là à éviter le rejet de l’Ancien Testament, Corpus qu'il défend contre les simplifications anti-juives.

Irénée est un millénariste, comme le montre le livre V de Contre les hérésies.

Outre son traité contre les hérésies, Irénée est aussi l'auteur d'un Exposé de la prédication des Apôtres, dont la visée est à la fois apologétique  au sens où Irénée veut défendre la foi chrétienne menacée par les sectes gnostiques  et catéchétique.

Enfin, il est possible qu'il soit l'auteur de la Lettre aux Églises d'Asie et de Phrygie, par les survivants de la persécution de Lyon (177). Nous connaissons ce document par Eusèbe de Césarée qui le transmet in extenso dans son Histoire ecclésiastique.

« Au IIe siècle, à Lyon, saint Irénée dit encore la messe en grec, longtemps resté la langue liturgique[19]. »

« Loi abrogée ou Loi abrégée »

Irénée commente ici une célèbre expression, la « Parole abrégée », tirée d'une citation du Livre d'Isaïe, (Is 10, 22-23) dans la Bible grecque, reprise par Paul (Rm 9, 27-28).

Les hommes devaient être sauvés, non selon la prolixité de la Loi, mais selon la concision de la foi et de l'amour. Isaïe le dit en ces termes : « Il achèvera et abrégera sa parole dans la justice, car Dieu produira une parole concise dans le monde entier » (Is 10, 22-23).(?) Et c'est pourquoi l'Apôtre Paul dit : « La plénitude de la Loi, c'est l'amour » (Rm 13, 10), car celui qui aime Dieu a accompli la Loi. Mais le Seigneur aussi, quand on lui demanda quel était le premier commandement, déclara : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur et de toute ta force ; et le second commandement est semblable à celui-là : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. En ces deux commandements », ajouta-t-il, « tiennent toute la Loi et les prophètes » (Mt 22, 37-40). Ainsi, par la foi en lui, il a augmenté notre amour pour Dieu et pour le prochain, en nous rendant pieux, justes et bons.Et ceux qu'il a rachetés, il ne veut pas qu'ils reviennent à la loi de Moïse car la Loi a reçu du Christ son accomplissement —, mais qu'ils soient sauvés par le moyen de la foi et de l'amour envers le Fils de Dieu dans la nouveauté de la parole. Dieu a ouvert le chemin nouveau de la piété et de la justice, et il a fait jaillir avec abondance les fleuves en répandant l'Esprit saint sur la terre (Jn 7, 37-39), selon qu'il avait promis par les prophètes de répandre cet Esprit, dans les derniers jours, sur la face de la terre (Jl 3, 1-2). C'est dans la nouveauté de l'Esprit qu'est notre vocation, et non dans la vétusté de la lettre[20].

« Évacuer la chair ? »

Dieu sera glorifié dans l'ouvrage par lui modelé, lorsqu'il l'aura rendu conforme et semblable à son Fils.

Car, par les mains du Père, c'est-à-dire par le Fils et l'Esprit, c'est l'homme, et non une partie de l'homme, qui devient à l'image et à la ressemblance de Dieu (Gn 1, 26). Or l'âme et l'esprit peuvent être une partie de l'homme, mais nullement l'homme; l'homme parfait, c'est le mélange et l'union de l'âme qui a reçu l'Esprit du Père et qui a été mélangée à la chair modelée selon l'image de Dieu. Et c'est pourquoi les hommes que l'Apôtre Paul nomme spirituels (1 Co 2, 15) sont spirituels par une participation de l'Esprit, mais non par une évacuation de la chair, c'est-à-dire de l'ouvrage modelé, pour ne considérer que ce qui est proprement esprit, une telle chose n'est plus l'homme spirituel, mais l'esprit de l'homme ou l'Esprit de Dieu.La chair modelée, à elle seule, n'est pas l'homme parfait, elle n'est que le corps de l'homme, donc une partie de l'homme. L'âme, à elle seule, n'est pas davantage l'homme, elle n'est que l'âme de l'homme, donc une partie de l'homme. L'esprit non plus n'est pas l'homme, on lui donne le nom d'esprit, non celui d'homme. C'est le mélange et l'union de toutes ces choses qui constitue l'homme parfait[21].

Irénée et les quatre Évangiles

Les quatre évangélistes avec leurs symboles, Prédelle du maître-autel du XVe siècle. Chapelle de la Sainte Trinité du Château de Blutenburg (en), Munich.

Irénée défend, dès 170, la position selon laquelle il n'y a que quatre Évangiles légitimes et reconnus. Et seuls quatre Évangiles, en effet, seront ultérieurement inscrits dans le canon du Nouveau Testament : les Évangiles selon Matthieu, selon Marc, selon Luc et selon Jean. Irénée écrit, dans Contre les hérésies :

« Par ailleurs, il ne peut y avoir ni un plus grand ni un plus petit nombre d'Évangiles (que quatre). En effet, puisqu'il existe quatre régions du monde dans lequel nous sommes et quatre vents principaux, et puisque, d'autre part, l'Église est répandue sur toute la terre et qu'elle a pour colonne et pour soutien l'Évangile et l'Esprit de vie, il est naturel qu'elle ait quatre colonnes qui soufflent de toutes parts l'incorruptibilité et rendent la vie aux hommes. D'où il appert que le Verbe, Artisan de l'univers, qui siège sur les Chérubins et maintient toutes choses, lorsqu'il s'est manifesté aux hommes, nous a donné un Évangile à quadruple forme, encore que maintenu par un unique Esprit. »

 Irénée de Lyon, Contre les hérésies 3, 11, 8

Irénée est-il le premier écrivain chrétien connu à avoir fait la liste des quatre Évangiles canoniques ? Par là, il s'opposait à Marcion qui affirmait que l'Évangile selon Luc était le seul et véritable Évangile[22],[23]. Irénée fut aussi le premier auteur connu à affirmer que l'Évangile selon Jean était écrit par Jean l'apôtre[24], et que l'Évangile selon Luc était écrit par Luc, le compagnon de Paul[25].

Irénée, dans Contre les hérésies III,1, rapporte ainsi la rédaction des Évangiles :

« Matthieu entreprit donc aussi d'écrire son Évangile chez les Hébreux et en leur propre langue, pendant que Pierre et Paul annonçaient l'évangile à Rome et y fondaient l'Église. D'un autre côté, après leur départ, Marc, le disciple et l'interprète de Pierre, nous transmit lui aussi par écrit ce que son maître prêchait, et Luc, le compagnon de Paul, mit dans un livre l'évangile que celui-ci annonçait. Ensuite Jean, le disciple du Seigneur, qui a reposé sur sa poitrine, publia lui aussi l'Évangile, tandis qu'il habitait à Éphèse en Asie »

 Irénée de Lyon[26].

Les règles de l'exégèse d'Irénée.

Bertrand de Margerie a dégagé cinq règle d'exégèse chez Irénée:

Première règle

L'exégèse de l’Écriture doit être ecclésiale. Irénée présente la vérité comme un corps dont les différentes doctrines forment les membres le canon immuable de la vérité, ce qui permet de discerner les fausses interprétations de l'Écriture d'avec les vraies.

Seconde règle

La règle de la tradition permet de décider en dernier ressort de la légitimité de la doctrine enseignée. Selon Irénée, c'est l'enseignement des évêques qui se sont succédé sans interruption dans les Églises fondées par les apôtres, depuis ces derniers jusqu'à nous, surtout dans l’Église romaine dirigée par les successeurs de Pierre.

Troisième règle

Selon Irénée, une interprétation risque d'être exacte si on peut prouver qu'elle est en consonance et en harmonie avec les autres textes de l’Écriture[27].

Demande pour le proclamer docteur de l'Église

Le cardinal Philippe Barbarin, 140e archevêque de Lyon (France), a demandé au pape François de proclamer son très ancien prédécesseur saint Irénée de Lyon « docteur de l'unité de l'Église »[28]

Hommages

Le centre culture et éducatifs de l'archidiocèse de Lyon s'appelle la fondation saint Irénée[29].

Notes

  1. Di Berardino et Vial 1990, p. 1231.
  2. « Non seulement Polycarpe fut disciple des apôtres et vécut avec beaucoup de gens qui avaient vu le Seigneur, mais c’est encore par des apôtres qu’il fut établi, pour l’Asie, comme évêque de Smyrne. Nous-même l’avons vu dans notre prime jeunesse – car il vécut longtemps et c’est dans une vieillesse avancée que, après avoir rendu un glorieux et très éclatant témoignage, il sortit de cette vie –. Or il enseigne toujours la doctrine qu’il avait apprise des apôtres, doctrine qui est aussi celle que l’Église transmet et qui est la seule vraie. » Contre les hérésies, III, 3, 4.
  3. Pierre HADOT, « IRÉNÉE DE LYON (130 env.-env. 208) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 4 janvier 2016 (lire en ligne).
  4. Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, V, 2.
  5. Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, V, 4, 1-2.
  6. Claude-Alain, FAQ 253 Être missionnaire, Bible-ouverte.ch (2014)
  7. Cfr. Contre les hérésies, III, 3, 3 : « Donc, après avoir fondé et édifié l'Église, les bienheureux apôtres remirent à Lin la charge de l'épiscopat ; c'est de ce Lin que Paul fait mention dans les épîtres à Timothée [2Tm 4. 21]. Anaclet lui succède. Après lui, en troisième lieu à partir des apôtres, l'épiscopat échoit à Clément. […] À ce Clément succède Évariste ; à Évariste, Alexandre ; puis, le sixième à partir des apôtres, Xyste est établi ; après lui, Télesphore, qui rendit glorieusement témoignage ; ensuite Hygin ; ensuite Pie ; après lui, Anicet ; Soter ayant succédé à Anicet, c'est maintenant Éleuthère qui, en douzième lieu à partir des apôtres, détient la fonction de l'épiscopat. ».
  8. Site « Lyon des gones » : article sur l'église Saint-Irénée.
  9. Jean-Pierre Lémonon, Ponce Pilate,  éd. de l'Atelier, 2007, recension en ligne.
  10. R. Silouane Ponga Cours de sotériologie.
  11. Albert Poncelet, « St. Irenaeus », dans The Catholic Encyclopedia, vol. VII, 1910.
  12. Jean Damascène, De la Foi Orthodoxe, Paris, Cerf, Sources Chrétiennes 540, (lire en ligne), p. III, 7.
  13. Michel Rouche, Les origines du christianisme : 30-451, Hachette, 2007.
  14. Pierre Maraval (historien) et Simon Claude Mimouni, Le christianisme : Des origines à Constantin, PUF, 2006.
  15. Di Berardino et Vial 1990, p. 1232.
  16. Contre les Hérésies. Dénonciation et réfutation de la gnose au nom menteur.
  17. La création de l'homme dans le dessein de Dieu. Tout récapituler dans le Christ - Christologie et sotériologie d'Irénée de Lyon. Bernard Sesboüé.
  18. Jean Daniélou, L'Église des premiers temps, des origines à la fin du IIIe siècle, Paris, Seuil, coll. « Points Histoire », 1985 (ISBN 2-02-008746-4), p. 121.
  19. Pierre Chaunu et Éric Mension-Rigau, Baptême de Clovis, baptême de la France, De la religion d'État à la laïcité d'État, Paris, Balland, 1996, p. 73.
  20. Démonstration de la prédication apostolique, 87-90, trad. A. Rousseau (Sources Chrétiennes 406), Cerf, Paris, 1995, p. 201-205
  21. Contre les hérésies, V, 6, 1, trad. A. Rousseau, Cerf, Paris, 1984, p. 582-583
  22. Glenn Davis, The Development of the Canon of the New Testament : Irenaeus of Lyons
  23. Raymond Edward Brown An Introduction to the New Testament, Anchor Bible, 1re édition, 1997 (ISBN 978-0-385-24767-2), p. 14.
  24. Ibid, p. 368.
  25. Ibid, p. 267.
  26. Cité par Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, V,8.
  27. Bertrand de Margerie, Introduction à l'histoire de l'exégèse, Paris, Cerf, 2009., p. 65 - 69.
  28. « Le cardinal Barbarin a demandé au pape François de proclamer saint Irénée de Lyon docteur de l’Église », Famille Chrétienne (consulté le )
  29. « Notre organisation », sur Fondation Saint-Irénée (consulté le )

Voir aussi

Ouvrages d'Irénée de Lyon

  • Contre les hérésies (188), trad. Adelin Rousseau et Louis Doutreleau, Cerf, coll. « Sources chrétiennes » ; Livre I, n°263-264, 2 vol., 1979 ; Livre II, n° 293-294, 2 vol., 1982 ; Livre III, n° 210-211, 2 vol. : 1974 ; Livre IV, n° 100, 1965, 1008 p. ; Livre V, n° 152-153, 2 vol., 1969.
    • Contre les hérésies. Dénonciation et réfutation de la gnose au nom menteur, trad. Adelin Rousseau, Cerf, coll. « Sagesses chrétiennes », 3e éd. 1991, 752 p.
  • Démonstrations de la prédication apostolique, trad. Léon Marie Froidevaux, Cerf, coll. « Sources chrétiennes » n° 62, 1959 ; trad. Adelin Rousseau, n° 406, 1995.
    • Démonstration de la prédication apostolique, trad. de l'arménien Jean-Pierre Mahé et Rose Varteni Chétanian : Premiers écrits chrétiens, Gallimard, coll. « La Pléiade », 2016, p. 1092-1140.

Ouvrages généraux

  • A. Di Berardino et Fr. Vial, Dictionnaire encyclopédique du christianisme ancien, vol. 1 : A-I, Paris, Cerf, , 1279 p. (ISBN 2-204-03017-1)

Études sur Irénée de Lyon

  • Ysabel de Andia, Homo vivens, incorruptibilité et divinisation de l'homme selon Irénée de Lyon, Études augustiniennes, 1986 (ISBN 978-2-851-21068-5).
  • Yves-Marie Blanchard, Aux sources du Canon, le témoignage d'Irénée, avec le concours de l'Institut catholique de Paris, 1993.
  • Tremblay, Réal, La Manifestation et la vision de Dieu selon saint Irénée de Lyon, éd. Aschendorff (Münster), Collection Münsterische Beiträge zur Theologie 1978.
  • Jacques Fantino, La Théologie d'Irénée, Paris, Éditions du Cerf, Collection Cogitatio fidei, 1994, 450 pages.
  • Jean Comby et Donna Singles, La gloire de Dieu, c'est l'homme vivant, traduction des textes d'Irénée par Adelin Rousseau, Cerf, Paris, 2007 (ISBN 978-2-204-08478-9).
  • Marie-Laure Chaïeb, Irénée de Lyon : « Contre les hérésies », lu par Marie-Laure Chaïeb, Éditions du Cerf, 2011.
  • Dom Cyril Pasquier, Aux portes de la gloire, Analyse théologique du millénarisme de saint Irénée de Lyon, 2008. 176 p. (ISBN 978-2-8271-1044-5).
  • E. Massaux. Influence de l'Évangile de saint Mathieu sur la littérature chrétienne avant saint Irénée. Thèse soutenue et éditée en 1950, réimpression anastatique avec supplément bibliographique 1950-1985, Leuven University Press, Leuven-Louvain, 1986, (ISBN 90 6186 214 0).
  • F. Vernet, Irénée de Lyon, dans le Dictionnaire de théologie catholique.

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