Critiques des SUV et 4x4

Les critiques des SUV et 4×4 sont celles émises à l'égard des sport utility vehicles (aussi appelés « véhicules utilitaires sport » au Québec) et des véhicules tout-terrain, « light truck », « light-duty trucks », pick-ups et « 4 × 4 » urbains, et de leur utilisation.

Elles émergent dès le début des années 2000 et visent principalement l'impact environnemental, les problèmes d'occupation de l'espace urbain, et le risque causé pour les tiers en cas d'accident.

Un SUV Ford Excursion stationné à côté d'une Toyota Camry.

Impact environnemental

Avec les appareils de chauffage domestique, l'automobile est devenue le principal responsable des smogs urbains, devenus chroniques dans certaines capitales, asiatiques notamment.

Dans les pays occidentaux, le 4 × 4 a souvent perdu son usage tout-terrain au profit d'un usage urbain ou routier. Avec 5 % des ventes de voitures particulières en France[réf. nécessaire], sa présence croissante en ville engendre des querelles et frustrations. Il lui est reproché de trop polluer l'air (du fait de son poids et de sa motorisation Diesel en Europe) et d'occuper une place trop importante sur les parkings et voiries des centres-villes ou dans les garages du fait de la taille de certains modèles.

Pollution par le CO2 et contribution à l'effet de serre

Du fait de leur poids et de la puissance de leur moteur thermique, les SUV émettent environ 25 % de CO2 de plus que les voitures de taille moyenne[1]. En 2003, « une étude menée par le bureau d’ingénieurs Metron de Brugg montre que les gros 4 × 4 rejettent 35 % de CO2 de plus qu’une voiture moyenne »[2].

De 2010 à 2018, les SUV ont été la deuxième source d'augmentation des émissions de dioxyde de carbone dans le monde. Fatih Birol, directeur de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), alerte ainsi en 2019 : « dans les faits, la star de l'industrie automobile ce n'est pas la voiture électrique, c'est le SUV : en 2010, 18 % des ventes de voitures dans le monde concernaient des SUV, en 2018, c'était plus de 40 % ! »[3]. Fatih Birol observe ainsi que les SUV ont été la deuxième source de croissance des émissions de CO2 au cours des dix dernières années, après le secteur de l'énergie, mais avant l'industrie lourde, les poids lourds et l'aviation. Les 200 millions de SUV qui roulaient en 2018 dans le monde (contre 35 millions en 2010) sont souvent plus lourds et moins aérodynamiques, et consomment globalement 25 % d'énergie en plus par rapport à une voiture de taille moyenne[3]. Ils expliquent à eux seuls la demande supplémentaire de pétrole issue de l'automobile de 2010 à 2018, effaçant le bénéfice des efforts faits pour rendre les voitures plus petites et plus sobres[3] (notamment via la voiture électrique, qui par ailleurs n'est pas non plus décarbonée, du fait du mix électrique qui comporte des centrales à charbon). Au rythme de 2019, si la mode des SUV se poursuit, près de deux millions de barils par jour supplémentaires devront être extraits jusqu'à 2040, annulant totalement les économies d'émissions de gaz à effet de serre attendues de 150 millions de voitures électriques[3]. L'agence ajoute que ces véhicules sont plus difficiles à électrifier, la batterie nécessaire devant être plus grosse à cause de leur poids[4].

La Tesla Model X est un véhicule 100 % électrique à sept places du segment SUV produit depuis 2015.

Mesures : limitation, taxation

À l'origine des pics de pollution, le NOx, directement dangereux pour la santé humaine[5],[6], est majoritairement émis par le secteur des transports dont les véhicules automobiles comme les camions sont équipés de moteurs Diesel. L'Europe (gouvernements et constructeurs), contrairement au Japon, n'accorde pourtant pas à ce jour une importance prioritaire à ce polluant dans la lutte contre la pollution automobile, mais concentre son discours sur les émissions de CO2 et le réchauffement climatique. En revanche, les émissions par véhicule, à vitesses et conditions égales, sont plus importantes aux États-Unis (voitures plus lourdes et puissantes) ou dans certains pays pauvres (modèles anciens)[réf. nécessaire].

Les solutions proposées s'orientent vers une réglementation (vignette) prenant en compte la puissance du moteur ou la consommation, ce qui permettrait d'en limiter l'utilisation par un effet de seuil financier. Cette réglementation s'appliquerait également aux autres véhicules producteurs de CO2, qu'ils soient à deux ou quatre roues motrices.

Certains pays taxent les véhicules les plus polluants, et des villes comme Londres réduisent la circulation par une écotaxe à payer au centre-ville quelle que soit la voiture. En France, certaines grandes agglomérations comme Grand Lyon, Grenoble-Alpes Métropole, Clermont Auvergne Métropole, Pays d'Aix, Plaine Commune et Paris souhaitent interdire les centres-villes aux 4 × 4 et aux véhicules équipés de vieux moteurs Diesel pour réduire le CO2 et les particules fines, une mesure qui pourrait être plus juste que des péages urbains[7].

En Allemagne, le débat sur la circulation des 4 × 4 en ville a été relancé après qu'une Porsche Macan a fauché quatre piétons et renversé un feu de signalisation, à Berlin en 2019[8]. La ville a déjà interdit l'accès de son centre aux véhicules les plus polluants en 2008 et a ainsi réussi en 2012 à passer sous les niveaux recommandés par les normes européennes[9]. Depuis, une cinquantaine de villes allemandes ont suivi son exemple.

En 2019 et 2020, les ministres français Bruno Le Maire et Élisabeth Borne annoncent que leur gouvernement compte ouvrir des discussions sur la réglementation européenne concernant les objectifs de réduction des émissions de CO2 par les voitures particulières neuves, visant en particulier les SUV. Bruno Le Maire exprime son souhait d'ouvrir « un débat […] pour voir si ces règles de CO2 qui sont indexées sur le poids des véhicules ont encore du sens aujourd'hui ». Élisabeth Borne évoque quant à elle l'« absurdité » consistant à moduler le niveau moyen maximal de 95 gCO2/km pour les véhicules les plus lourds en fonction de la masse des véhicules vendus : selon elle, « la flambée des SUV découle aussi de cette réglementation dont on sait qu'elle est soutenue par l'un de nos grands voisins européens », visant implicitement l'Allemagne[10].

Sécurité et accidentologie

En 2004, Michelle J. White (du Département de l'économie à l'Université de Californie à San Diego, aux États-Unis) évoque une « course aux armements » alimentée par l'achat de véhicules de plus en plus gros, en dépit du fait qu'ils représentent un danger accru pour les occupants de véhicules tiers (plus petits et plus légers) ainsi que pour les autres utilisateurs de l'espace public (piétons, cyclistes et motocyclistes). Son étude porte sur les effets « internes » de ces véhicules (c'est-à-dire sur la sécurité de leurs occupants) et « externes » (c'est-à-dire sur les autres personnes impliquées dans des accidents), et conclut d'après les statistiques alors disponibles que la létalité des accidents dans lesquels sont impliqués les camions légers (light trucks) est accrue contrairement à celle des SUV. Au tout début des années 2000 aux États-Unis, environ un million de ces véhicules lourds remplaçaient des voitures plus légères en tuant annuellement 34 occupants et près de trois fois plus (93 morts) de piétons, cyclistes ou motocyclistes ; cette étude a chiffré la valeur des vies perdues à 242 à 652 millions de dollars par an, pris en charge par les assurances. L'étude montre que lorsque les conducteurs remplacent les voitures par des camions légers (light trucks) ou par des SUV, on compte 3 700 accidents supplémentaires par an pour des camions légers ou light trucks, et 800 accidents supplémentaires par an pour des SUV (accidents impliquant des décès d'occupants de véhicules plus petits, de piétons et de cyclistes) alors que 1 400 accidents impliquant des décès d'occupants de camions légers ou 1 800 accidents impliquants des décès d’occupants de SUV sont évités. Le bilan est donc nettement négatif pour les camions légers mais plutôt positif pour les SUV. Cette étude, assez ancienne, distingue light trucks et SUV[11].

Renversements

Plus lourds et plus hauts que les berlines, les SUV présentent, à l'instar des monospaces, un risque supérieur de renversement en raison de leur centre de gravité plus élevé. Cette propension a été révélée au grand public lors du test de la baïonnette effectué avec une Mercedes Classe A en 1997[12],[13]. Ce problème a obligé les constructeurs à équiper la plupart de ces véhicules neufs[réf. nécessaire] de systèmes de suspension pilotée, pour un coût encore accru, ou à durcir l'amortissement, aux dépens du confort[14]. Ce test, appelé aussi test de l'élan, est pratiqué en Suède depuis les années 1970.

Comportement des conducteurs

Un article de 2006 du British Medical Journal rapporte qu'au Royaume-Uni « les conducteurs de SUV sont quatre fois plus nombreux à conduire le téléphone à la main que les autres conducteurs[15] ». Ils sont aussi plus nombreux (+33 %) à conduire sans ceinture de sécurité, le sentiment de sécurité procuré par le véhicule incitant probablement le conducteur à prendre plus de risques.

Conception et problèmes de visibilité

Selon Jean-Marie Mortier, directeur technique de Test-Achats, « Les 4 × 4 vis-à-vis du piéton sont très mal conçus. D’abord, ils sont plus hauts, prennent le piéton au thorax et quand on les compare aux berlines, qui ont été conçues pour mieux absorber le choc avec les piétons et qui ont aussi été conçues pour que le capot ne soit pas trop rigide et que la tête, qui pourrait frapper sur le capot, ne soit pas fracassée, les 4 × 4 n’ont rien dans leur conception pour éviter ces chocs-là[16]. »

Le pare-buffle, ici monté sur une Jeep, est interdit en France depuis 2008.

Depuis 2008, les pare-buffles sont interdits à la monte en France et en Europe sur les véhicules vendus neufs[17], sauf s'ils sont homologués par le constructeur. Dans ce cas, ils sont fabriqués en polyuréthane et sont conçus pour ne pas occasionner de blessure en cas de choc piéton.

Masse

La masse moyenne des véhicules neufs est passée de 900 kg en 1984 à 1 250 kg en 2004, pour une puissance moyenne gagnant 38 % en vingt ans[18],[19], ce qui s'est traduit par une consommation accrue de ressources et plus d'émissions de GES lors du transport des matières premières et des pièces, lors de la fabrication des véhicules, et lors de leur utilisation.

Militantisme anti-4 × 4

Militantisme « souterrain » illégal : le dégonflage

Au début des années 2000, des groupes radicaux se sont attaqués aux véhicules 4 × 4 dans plusieurs grandes villes de France et de Belgique avec dégonflages de pneus ou maculage de boue[20].

Ces actions ont choisi le 4 × 4 car c'est un véhicule facilement identifiable dans le milieu urbain contrairement aux berlines, bien plus nombreuses. Ces actions sont illégales puisqu'il s'agit d'une atteinte au bien d'autrui. Il n'y a toutefois jamais eu de poursuites civiles ni pénales. Selon quelques avis professionnels[21], ces actions pourraient être néanmoins dangereuses, car le comportement routier d'un véhicule est fortement dégradé en cas de sous-gonflage important et il existe un risque d'éclatement des pneumatiques. De plus la structure d'un pneu peut être irrémédiablement détruite par un dégonflage total et induire ainsi un accident ultérieur en cas de regonflage sans vérification des pneumatiques.

Notes et références

  1. Pourquoi le 4 × 4 est une source majeure d'émissions de CO2 et de réchauffement, RTL, (consulté le ).
  2. « Invasion de gros 4 × 4 : comment survivre ? », RTS, .
  3. « Transports : les 4 × 4 urbains, source majeure d'augmentation des émissions mondiales de CO2 selon l'AIE », Connaissance des énergies/AFP, .
  4. « Pourquoi le 4x4 est une source majeure d'émissions de CO2 et de réchauffement », sur RTL, (consulté le ).
  5. Pollution atmosphérique et santé, sur sante.gouv.fr.
  6. Fiche explicative sur les oxydes d'azote, Ministère de l'Écologie (France).
  7. Le Monde/AFP, « Six collectivités veulent interdire les véhicules polluants dans le centre des villes », Le Monde, .
  8. « À Berlin, le 4 × 4 en ville fait polémique », Le Monde, (consulté le ).
  9. « Comment Berlin a interdit l’accès de la ville aux véhicules les plus polluants », sur Le Monde, (consulté le ).
  10. AFP, « Paris veut revoir les règles de l'UE sur le CO2 qui favorisent les grosses voitures », Challenges, (consulté le )
  11. Michelle J. White, « The "Arms Race" on American Roads: The Effect of Heavy Vehicles on Traffic Safety and the Failure of Liability Rules (table 7) », Journal of Law and Economics, (consulté le ).
  12. (en) The Sydney Morning Herald, « Petite feat » (version du 19 juillet 2005 sur l'Internet Archive), sur drive.com.au, .
  13. « Causes », NHTSA (consulté le ).
  14. « Un SUV est-il moins dynamique qu’une berline ? », sur Caradisiac, (consulté le ).
  15. (en) Lesley Walker et Jonathan Williams, « Unsafe driving behaviour and four wheel drive vehicles: observational study », sur British Medical Journal, (ISSN 0959-8138, PMID 16798755, DOI 10.1136/bmj.38848.627731.2F, consulté le ), p. 71
  16. « Invasion des gros 4 × 4 », sur Radio télévision suisse, (consulté le ).
  17. Article R317-23, code de la route, sur Légifrance.
  18. « Des voitures toujours plus lourdes et énergivores », Renouvelle (Belgique), (consulté le ).
  19. « Évolution de la masse moyenne », ADEME, (consulté le ).
  20. Pauline Moullot, « Le « gang » des dégonfleurs de pneus est-il de retour à Paris ? », Libération, CheckNews, .
  21. Florent Ferrière, « SUV : un inquiétant appel de militants écologistes au vandalisme », sur Caradisiac, (consulté le ).

Annexes

Bibliographie

  • (en) Ted Gayer, « The Fatality Risks of Sport-Utility Vehicles, Vans, and Pickups Relative to Cars », Journal of Risk and uncertainty, vol. 28, no 2, , p. 103-133 (DOI 10.1023/B:RISK.0000016139.79886.3e, lire en ligne [PDF]).
  • (en) Michelle J. White, « The "Arms Race" on American Roads: The Effect of Sport Utility Vehicles and Pickup Trucks on Traffic Safety », The Journal of Law and Economics, vol. 47, no 2, , p. 333-355 (DOI 10.1086/422979, présentation en ligne).

Articles connexes

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