Tétralogie de Fallot

La tétralogie de Fallot est la plus fréquente des cardiopathies congénitales cyanogènes. Elle représente près de 8 % de l'ensemble des cardiopathies congénitales. Son nom est associé à Étienne-Louis Arthur Fallot qui l'a décrite en 1888.

Tétralogie de Fallot
Comparaison schématique d'un cœur sain et d'un cœur présentant une tétralogie de Fallot.
Spécialité Génétique médicale
CIM-10 Q21.3
CIM-9 745.2
OMIM 187500
DiseasesDB 4660
MedlinePlus 001567
eMedicine 2035949
eMedicine emerg/575 
MeSH D013771

Mise en garde médicale

Aujourd'hui, le diagnostic de cette malformation est possible avant même la naissance grâce à l'échographie fœtale. Dans la grande majorité des cas, le traitement, toujours chirurgical, est possible dès la première année de vie et consiste d'emblée en une « réparation complète » de la malformation. Le résultat de cette chirurgie s'apparente souvent à une guérison complète autorisant une vie normale.

Historique

Vidéo avec sous-titres

La première description de la maladie en a été faite en 1671[1]. Étienne-Louis Arthur Fallot publie sa propre description en 1888[2]. Le terme « tétralogie de Fallot » n'est utilisé que depuis 1924[3].

Historiquement, en raison même de sa fréquence, il est probable que la plupart des enfants atteints de « la maladie bleue » décrits par nos grands-parents ou parents présentaient en fait une tétralogie de Fallot. C'est la première cardiopathie congénitale cyanogène pour laquelle a été proposée une intervention chirurgicale (1944), non pas curative mais palliative, c'est-à-dire améliorant les symptômes sans traiter réellement la malformation. Il s'agissait de l'anastomose de Blalock-Taussig. Dans les années 1950, il n'était pas rare de voir dans les journaux nationaux français des souscriptions organisées pour permettre à des enfants « bleus » de traverser l'Atlantique (en bateau à l'époque) pour aller se faire opérer aux États-Unis d'une anastomose de Blalock-Taussig. La fin des années 1950 voit apparaître les premières tentatives de cures réparatrices.

Les premières réparations chirurgicales complètes datent du milieu des années 1950[4].

Épidémiologie

La tétralogie de Fallot représenterait environ 10 % des cardiopathies congénitales[5]. Son incidence est proche de 4 pour 10 000 naissances, touchant autant les filles que les garçons[3], soit 200 à 220 nouveaux cas en France chaque année (sur 783 500 naissances répertoriées par l'INSEE en 2007). C'est la cardiopathie congénitale cyanogène la plus fréquente chez l'enfant (la transposition des gros vaisseaux étant la plus fréquente à la naissance, mais avec une certaine mortalité dans les premières semaines de vie). Avant la chirurgie, l'évolution en était presque toujours fatale avant l'âge de 30 ans.

Définition

Comme son nom l'indique, la tétralogie de Fallot comporte quatre anomalies, telles que Fallot, anatomo-pathologiste, avait pu les observer lors d'autopsies. En fait, deux de ces signes suffisent à expliquer la physiopathologie de cette malformation, les deux autres n'étant que des conséquences. Les deux anomalies principales sont :

  1. La sténose (rétrécissement) de la voie d'éjection du ventricule droit. Elle peut siéger sur l'infundibulum pulmonaire (partie du ventricule droit située sous les valves pulmonaires), l'anneau pulmonaire et le tronc de l'artère pulmonaire (qui précède la bifurcation en deux artères pulmonaires). Ce rétrécissement peut être localisé ou prédominer sur l'une de ces trois parties dans les formes mineures de la malformation. À l'opposé, elle peut être sévère et s'étendre sur l'artère pulmonaire, y compris sur l'origine des branches droite et/ou gauche de l'artère pulmonaire. Le pronostic et les possibilités thérapeutiques dépendent surtout de cette anomalie Lésion A.
  2. La présence d'une communication entre le cœur droit et le cœur gauche à travers la cloison séparant les deux ventricules (septum interventriculaire) (communication inter-ventriculaire, CIV). Cette communication siège dans la portion de la cloison appelée « septum conal », située à la partie supérieure du septum inter-ventriculaire, proche de l'origine des gros vaisseaux et en particulier de l'aorte. Cette communication résulte d'un mauvais alignement entre l'aorte et la portion musculaire du septum interventriculaire.

Les deux autres anomalies décrites par Fallot ne sont que la conséquence des premières :

3. L'hypertrophie (épaississement) du ventricule droit est secondaire à l'augmentation de pression provoquée par la sténose pulmonaire. Cette hypertrophie est relativement modérée et en tout cas moindre que celle qui peut être observée en cas de sténose pulmonaire sévère isolée.
4. La dextroposition de l'aorte, c'est-à-dire son déplacement partiel au-dessus du ventricule droit n'est que la conséquence du défaut d'alignement évoqué à l'origine de la communication interventriculaire. Historiquement d'ailleurs, Fallot l'avait décrit car, lors de ses études anatomiques, il pouvait voir l'aorte directement au-dessus de la communication depuis l'intérieur du ventricule droit.

La tétralogie de Fallot ne doit pas être confondue avec la trilogie de Fallot. C'est le nom, de moins en moins usité, donné autrefois à l'association d'une sténose de l'artère pulmonaire et d'une communication entre les deux oreillettes.

Mécanisme

Cœur normal
Les deux anomalies de la tétralogie de Fallot.
La description classique de cette cardiopathie :
A : sténose,
B : dextroposition de l'aorte,
C : communication inter-ventriculaire,
D : hypertrophie.

Dans le cœur normal :

  • les cœurs droit et gauche sont séparés, sans communication entre les deux systèmes ;
  • les pressions à l'intérieur du cœur droit sont inférieures à celles régnant dans le cœur gauche ;
  • le cœur droit pompe du sang pauvre en oxygène vers les poumons. Le cœur gauche pompe du sang riche en oxygène vers les organes.

L'association d'un rétrécissement de l'artère pulmonaire et d'une communication inter-ventriculaire provoque :

  • dans les cavités droites, une augmentation des pressions qui deviennent égales ou supérieures à celles des cavités gauches ;
  • un passage de sang anormal, déterminé par les différences de pression, c'est-à-dire dans ce cas, du ventricule droit vers le ventricule gauche. Il s'agit d'un shunt droit-gauche.

Le sang éjecté dans l'aorte par le ventricule gauche contient en partie du sang oxygéné et en partie du sang pauvre en oxygène provenant du cœur droit. Ce sang appauvri en oxygène explique la cyanose.

Un shunt droit-gauche est caractéristique des cardiopathies cyanogènes dont fait partie la tétralogie de Fallot.

Diagnostic

Anténatal

Aspects échographiques avant la naissance

Le diagnostic de cette cardiopathie est possible avant la naissance par échographie, à partir de 22 semaines d’aménorrhée (SA) voire avant. En France, c'est le mode diagnostique dans 70 à 80 % des cas (et jusqu'à 100 % quand l'examen est fait par un(e) échographiste de référence)[6]. Le plus souvent, il s'agit d'une découverte de novo, sans antécédent familial particulier.

L'incidence la plus souvent pratiquée lors des échographies anténatales, dite « coupe des quatre cavités » est normale. Seule l'étude des gros vaisseaux issus du cœur et de leur connexion avec les cavités cardiaques permettra de mettre en évidence :

  • un signe d'appel : la dextroposition de l'aorte qui apparait « à cheval sur le septum interventriculaire » et non en continuité avec celui-ci comme normalement. Cette malposition de l'aorte, plus antérieure que normalement, est responsable de la persistance d'une communication inter-ventriculaire, dite « par mal-alignement », située immédiatement sous la naissance de l'aorte (CIV sous-aortique) ;
  • un signe diagnostique : l'hypoplasie de la voie pulmonaire.

Cette hypoplasie, ou défaut de développement, associe une diminution du diamètre de l'anneau pulmonaire (où s'attachent les valves pulmonaires) à une diminution du tronc de l'artère pulmonaire et peut s'étendre à l'origine des branches pulmonaires droite et gauche. En amont, la portion du ventricule droit d'où naît le tronc pulmonaire (appelée « chambre de chasse » ou « infundibulum pulmonaire ») apparaît elle-même comme rétrécie en raison de la saillie anormale de bandelettes musculaires dans la cavité. Cette sténose infundibulaire est habituellement peu marquée chez le fœtus mais présente une tendance naturelle à l'aggravation progressive dans les mois suivant la naissance. Habituellement, il s'y associe une malformation des valves pulmonaires responsable d'une sténose valvulaire pulmonaire. L'importance de ce rétrécissement ne pourra être correctement évaluée qu'après la naissance mais, à la différence de la sténose infundibulaire, il est habituellement de sévérité moyenne et a tendance à rester stable dans le temps.

Lorsque le diagnostic de tétralogie de Fallot est évoqué, il convient de confier le fœtus à un échographiste de référence, si possible secondé par un cardio-pédiatre pour :

  • préciser la gravité anatomique. Il serait plus exact de parler « des » tétralogies de Fallot que « de la » tétralogie de Fallot. Tous les intermédiaires sont possibles entre une CIV sous-aortique isolée avec voie pulmonaire normale et la forme extrême que constitue l' « atrésie pulmonaire à septum ouvert ». Le pronostic, les difficultés chirurgicales et la qualité du résultat opératoire dépendront bien évidemment de la sévérité de l'anomalie ;
  • rechercher d'autres anomalies cardiaques associées, en particulier :
    • la présence d'autres CIV qui compliqueraient la cure chirurgicale,
    • la présence d'anomalie(s) des valves auriculo-ventriculaires entrant dans le cadre du « canal atrio-ventriculaire » et dont la constatation ferait particulièrement craindre l'association à une Trisomie 21 ou (syndrome de Down) ;
  • procéder à un examen morphologique complet du fœtus à la recherche d'anomalies extra-cardiaques, la tétralogie de Fallot pouvant être observée dans de nombreux syndromes polymalformatifs (voir plus bas).
Diagnostics différentiels 

La tétralogie de Fallot fait partie d'un groupe de malformations cardiaques issus d'une anomalie commune : un défaut d'évolution de la région cono-troncale de l'ébauche cardiaque. Les autres anomalies cono-troncales qui partagent avec la tétralogie de Fallot le même signe d'appel échographique (« aorte à cheval sur une CIV ») sont :

  • la communication inter-ventriculaire sous-aortique isolée. La voie pulmonaire est de calibre normal. Le traitement après la naissance sera celui d'une « simple » CIV avec le bon pronostic qui s'y rattache ;
  • l'atrésie pulmonaire à septum ouvert (APSO) où, au contraire, l'anneau pulmonaire est atrétique, imperméable, et le tronc pulmonaire tellement hypoplasique qu'il n'est habituellement pas visible en échographie. De la voie pulmonaire ne restent que la bifurcation et les artères pulmonaires, alimentées à contre-courant par la canal artériel ;
  • le tronc artériel commun, malformation où une seule artère (le « tronc commun ») donne à la fois l'aorte et les artères pulmonaires.

Prise en charge de la grossesse

Le diagnostic de tétralogie de Fallot incite à proposer une amniocentèse pour étude du caryotype fœtal, les deux principales anomalies chromosomiques à éliminer étant la microdélétion 22q11 et la trisomie 21.

Un suivi échographique de la grossesse permet d'apprécier la croissance de la voie pulmonaire et d'affiner le pronostic.

L'accouchement (par voie basse sauf indication obstétricale à une césarienne) sera programmé de préférence dans une maternité disposant d'un service de réanimation pédiatrique (en France, maternité dite « de niveau III ») afin de surveiller étroitement le nouveau-né au moment de la fermeture du canal artériel. En cas de déclenchement prématuré du travail, le fait d'accoucher dans une autre maternité « n'est pas une catastrophe ». Certes, il faudra envisager un transfert rapide du nouveau-né, mais celui-ci ne nécessite habituellement pas de traitement spécifique dès la naissance.

Prise en charge du nouveau-né

Dans sa forme habituelle, la tétralogie de Fallot est bien supportée à la naissance et ne demande pas de traitement immédiat. Il est cependant utile d'hospitaliser le nouveau-né dans une unité de réanimation pédiatrique pour surveillance. Celle-ci portera essentiellement sur la qualité de l'oxygénation de l'enfant, appréciée par la mesure continue (monitorage) de la saturation en oxygène du sang circulant grâce à un petit capteur placé sur la peau ou à l'extrémité d'un doigt (oxymétrie colorimétrique). À défaut, la saturation en oxygène peut être appréciée de façon discontinue, par prélèvement sanguin dans une artère ou au niveau des capillaires. Cette surveillance est maintenue jusqu'à la fermeture du canal artériel c'est-à-dire jusqu'à ce que la circulation du nouveau-né se soit établie selon le modèle définitif.

Dans les formes sévères, les nouveau-nés peuvent présenter d'emblée une cyanose - couleur bleutée des téguments et des muqueuses - plus ou moins importante, traduisant une désaturation en oxygène importante. Afin d'éviter qu'elle ne s'aggrave, il pourra être indiqué de maintenir artificiellement ouvert le canal artériel grâce à la perfusion de prostaglandines puis de réaliser rapidement une anastomose de Blalock-Taussig, intervention qui consiste à créer l'équivalent d'un canal artériel permanent en interposant un tube entre une artère sous-clavière et une artère pulmonaire (voir plus bas).

Postnatal

Clinique

Nouveau-né, nourrisson

À la naissance, le nouveau-né est le plus souvent bien coloré, rose, sans gêne particulière. L'attention est cependant attirée par la présence d'un souffle cardiaque, systolique, perçu à l'auscultation très tôt, dès la salle d'accouchement. Un souffle d'apparition aussi précoce doit faire pratiquer une échocardiographie en urgence.

La date d'apparition de la cyanose, signe classique de la malformation, dépend de sa forme anatomique. Habituellement, elle est retardée de plusieurs semaines et n'est observée au début que lors des efforts ou des colères. Au repos, elle reste très modérée et ne peut être détectée que par un observateur averti. Elle s'accentue peu à peu, s'accompagnant progressivement de fatigue gênant l'enfant dans ses acquisitions motrices.

Habituellement, il n'y a pas de manifestation d'insuffisance cardiaque, l'enfant s'alimente correctement et sa croissance staturo-pondérale est normale, au moins dans les premiers mois de vie.

  • La complication principale : le malaise anoxique.

Un malaise anoxique est lié à une augmentation brutale de la sténose infundibulaire qui interrompt plus ou moins complètement le passage du sang dans les artères pulmonaires (et donc son oxygénation) et accentue le passage de sang « bleu » (désaturé en oxygène) vers l'aorte au travers de la CIV. Il s'ensuit une désaturation brutale et profonde du sang dans l'aorte et un manque d'oxygène (« hypoxie ») dans les principaux organes, en particulier dans le cerveau. Cette hypoxie cérébrale se traduit par divers troubles neurologiques : l'enfant, plus ou moins geignard, le teint grisâtre, devient hypotonique (« poupée de chiffon »), semble absent et présente éventuellement des mouvements convulsifs. Le malaise se lève le plus souvent à ce moment, laissant l'enfant abattu. Si le malaise se poursuivait, l'enfant présenterait alors de véritables convulsions avec un risque de décès.
C'est donc une complication grave et au moindre doute de malaise, une consultation hospitalière s'impose en urgence.

Petit enfant

Helen Taussig avait décrit sous le terme de « squatting » une attitude particulière que pouvaient prendre spontanément les enfants porteurs d'une Tétralogie de Fallot, en particulier après l'effort[7]. Ce comportement peut apparaître vers l'âge de 6 mois et consiste à adopter une position couchée « en chien de fusil », les cuisses repliées sur l'abdomen. Plus tard, quand l'enfant peut se tenir debout, il s'agit d'un accroupissement. Ces positions permettent effectivement une amélioration plus rapide de la désaturation artérielle en oxygène secondaire à un effort. Il existe une explication physiopathologique à ce type de comportement. L'accroupissement coude les veines fémorales et diminue ainsi le retour de sang vers le ventricule droit qui peut mieux l'éjecter dans la voie pulmonaire. Il coude aussi les artères fémorales et augmente les résistances artérielles systémiques, ce qui contribue à diminuer le passage de sang du ventricule droit vers l'aorte. Ces deux phénomènes concourent à une meilleure oxygénation sanguine.

En cas de malaise anoxique survenant à domicile, replier les cuisses de l'enfant sur son abdomen pourrait être un réflexe utile de la part des parents (en attendant l'hospitalisation).

Grand enfant, adulte

Il est de plus en plus rare de rencontrer une tétralogie de Fallot non opérée après l'âge de deux ans. Soit il s'agit d'une forme particulière, soit le patient vit dans un pays en voie de développement. Le tableau est alors celui d'une cyanose plus ou moins profonde, s'accompagnant d'une fatigue et d'une dyspnée limitant les possibilités d'effort, par manque d'oxygène et non par insuffisance cardiaque.

  • Les complications peuvent être de trois ordres :
    • malaise anoxique comme pour le nourrisson ;
    • complications liées à la polyglobulie : fatigue, maux de tête, vertiges, thrombose veineuse ou artérielle (et alors dans un organe comme la rate, le rein ou surtout le cerveau à l'origine d'un accident vasculaire cérébral). La thrombose peut se constituer sur place ou être secondaire à la migration d'un caillot veineux. Normalement un tel caillot vient se bloquer dans les poumons, donnant une embolie pulmonaire. Dans la tétralogie de Fallot et en raison du shunt droit-gauche au travers de la CIV, ce caillot peut passer dans l'aorte et aller se bloquer dans un organe (« embolie paradoxale ») ;
    • complications infectieuses : d'une part, la tétralogie de Fallot comporte un risque majeur d'endocardite, d'autre part, comme pour un caillot sanguin (« thrombus cruorique »), un thrombus infecté d'origine veineuse peut migrer par la grande circulation et infecter un organe par voie artérielle.

Ainsi, avant l'ère chirurgicale, on pouvait dire qu'un enfant porteur d'une tétralogie de Fallot qui n'était pas décédé d'un malaise anoxique mourrait plus tard d'un abcès cérébral ou d'une endocardite.

Examens complémentaires

L'échographie cardiaque est maintenant le principal (et souvent le seul) examen complémentaire fait pour affirmer le diagnostic et préciser la forme anatomique. Il permet l'estimation de la fonction du ventricule droit, en particulier par la mesure du déplacement de l'anneau tricuspide ("TASPE") bien corrélée avec la fraction d'éjection du ventricule droit[8]. Le diagnostic peut être aidé par les techniques d'échographie tridimensionnelle.

D'autres examens peuvent néanmoins s'avérer très utiles :

en montrant des signes d'hypertrophie ventriculaire droite (HVD) de type « adaptation » ou « égalité de pressions », l'ECG peut aider à rectifier un diagnostic erroné de simple CIV chez le nouveau-né. Ainsi, la présence d'une onde T positive en V1 (critère simple mais non unique d'HVD) chez un nouveau-né présentant un tableau clinique de CIV bien tolérée doit conduire à remettre en cause ce diagnostic et faire soupçonner la présence d'une Tétralogie de Fallot.

  • la radiographie thoracique,
    elle apporte aussi, au moins en théorie, des arguments diagnostiques en montrant :
    • une silhouette cardiaque particulière, dite « en sabot », liée à la position surélevée de la pointe du cœur secondaire à l'hypertrophie ventriculaire droite ;
    • un « coup de hache » à l'emplacement théorique du renflement lié à la présence du tronc pulmonaire, ici hypoplasique ;
    • une vascularisation pulmonaire normale ou diminuée (« poumons clairs ») ;
    • parfois, une position anormale du « bouton aortique » liée à la présence d'une crosse aortique à droite, particularité relativement fréquemment associée à une tétralogie de Fallot (et qui influencerait le choix du côté où serait faite une anastomose palliative type Blalock-Taussig).

Il convient cependant de dire ici combien il est difficile de réaliser un bon cliché thoracique chez un nouveau-né. Lorsque les conditions requises (immobilité, inspiration forcée…) ne sont pas réunies, ces signes peuvent être masqués ou pire totalement modifiés et induire en erreur. Un bon cliché thoracique n'est souvent obtenu que chez l'enfant plus grand… alors que le diagnostic est établi depuis longtemps.

  • Le cathétérisme cardiaque,
    autrefois indispensable, il n'est maintenant éventuellement pratiqué qu'avant la cure chirurgicale de la malformation pour s'assurer :
    • de l'absence de communication interventriculaire (CIV) autre que la CIV sous-aortique constitutive de la malformation,
    • de l'absence d'anomalie de naissance ou de trajet d'une artère coronaire (qui pourraient être lésées lors de l'intervention),
    • de l'absence de rétrécissement(s) situés de façon plus distale sur les branches des artères pulmonaires,
    • et faire le cas échéant, un bilan plus précis des autres anomalies éventuellement associées à la Tétralogie de Fallot.

Dans ses indications, le cathétérisme cardiaque est de plus en plus concurrencé par l'examen tomodensitométrique qui permet également mais plus simplement une étude fine de la circulation pulmonaire et des artères coronaires (coroscanner). Chez l'adulte, l'IRM cardiaque permet de bien estimer la fonction des deux ventricules, la présence de cicatrices ventriculaires, l'évaluation du shunt intracardiaque[9].

Étiologie

La tétralogie de Fallot est la conséquence d'une anomalie de cloisonnement du tronc artériel.

Anomalie chromosomique

Une Microdélétion 22q11 serait présente dans près du quart des cas[10] et serait à rechercher devant toute anomalie cono-troncale. Ce type d'anomalie chromosomique est également associé avec le syndrome de Di George qui comporte fréquemment une atteinte cardiaque à type de tétralogie de Fallot.

Les autres anomalies chromosomiques fréquemment retrouvées sont le syndrome de Down ou trisomie 21, la trisomie 13, la trisomie 18.

La malformation cardiaque la plus souvent observée dans ces trisomies est la présence d'une communication interventriculaire.

Syndromes

La tétralogie de Fallot est une malformation décrite dans plusieurs syndromes, la plupart étant génétiques :

Il existe plusieurs gènes dont la mutation provoque une tétralogie de Fallot : JAG1 sur le | Chromosome 20 (syndrome d'Alagille), CSX sur le Chromosome 5, ZFPM2 sur le Chromosome 8[11], NKX2.5 sur le Chromosome 5 (mutation présente dans plus de 4 % des tétralogies[12]), …[13]

Traitement

Traitement médical

Le traitement de la tétralogie de Fallot, comme pour la plupart des malformations cardiaques, est un traitement chirurgical et non médical. Dans l'attente de la cure chirurgicale, on peut cependant être amené à proposer :

  • un apport de fer, plus ou moins systématique en cas de polyglobulie (excès de globules rouges), pour lutter contre la microcytose (petite taille des globules rouges) ;
  • l'utilisation d'un traitement bêta-bloquant par voie orale qui peut aider à prévenir les malaises anoxiques ou leur récidive (indication discutée). En cours de malaise, l'administration intra-veineuse d'un bêta-bloquant facilite la levée du « spasme infundibulaire » à l'origine de l'accident (indication plus généralement admise).

Dans certaines formes qui n'ont pu faire l'objet d'un traitement chirurgical, on peut être conduit à proposer :

  • une oxygénothérapie continue ou discontinue, plusieurs heures par jour, par sonde nasale ou « lunettes » ;
  • la pratique de saignée en cas de polyglobulie importante et responsable de manifestations fonctionnelles (maux de tête, vertiges, fatigue importante…). Il est habituellement admis qu'à elle seule, la présence d'une polyglobulie, quelle que soit son importance, ne justifie pas la réalisation de saignées.

Habituellement, la tétralogie de Fallot n'entraîne pas d'insuffisance cardiaque. Il n'y a donc aucune indication de traitement diurétique et/ou digitalique, ce dernier pouvant même aggraver la sténose infundibulaire et faciliter ainsi l'apparition de malaise. De même, l'administration de traitements vaso-dilatateurs (tels que les IEC ou Inhibiteur de l'enzyme de conversion de l'angiotensine) peut être non seulement inutile mais délétère en abaissant les résistances artérielles systémiques et en aggravant ainsi le shunt droit-gauche (passage de sang bleu - pauvre en oxygène du ventricule droit vers l'aorte).

Il est, comme dans toutes les cardiopathies congénitales, important de prévenir ou traiter dès le début toute infection afin d'éviter que se développe une infection à l'intérieur même du cœur (endocardite infectieuse) ou un embole septique à point de départ veineux et à point d'arrivée dans un organe alimenté par l'aorte (rein, rate, foie et surtout cerveau). Historiquement, avant la chirurgie, les patients atteints de tétralogie de Fallot mouraient le plus souvent soit au cours d'un malaise anoxique, soit par le développement d'un abcès cérébral.

Traitement chirurgical

Deux types d'intervention doivent être distingués : Les interventions palliatives qui visent à limiter les conséquences de la malformation mais ne la corrigent pas, et l'intervention curatrice qui s'attache à rétablir une anatomie aussi normale que possible.

Chirurgie palliative

Elle n'est pas toujours nécessaire, la plupart des enfants présentant une tétralogie de Fallot atteignant sans encombre l'âge de 4 à 12 mois auquel sera pratiquée l'intervention correctrice définitive. Une intervention palliative ne sera envisagée que si l'enfant présente une cyanose intense et précoce et/ou des malaises anoxiques.

Le plus souvent, l'intervention sera une anastomose faite entre l'aorte (ou une de ses branches) et l'artère pulmonaire pour améliorer l'apport sanguin dans les artères pulmonaires et donc l'oxygénation de tout l'organisme. Plusieurs types d'anastomose peuvent être envisagés dont celle de Blalock-Taussig, la plus fréquemment pratiquée[14].

La dilatation des valves pulmonaires, geste de cathétérisme interventionnel et non de chirurgie, est parfois pratiquée chez le nourrisson quand la sténose valvulaire pulmonaire constitue l'obstacle prédominant (elle n'a pas d'effet sur la sténose infundibulaire, sinon qu'elle peut parfois en ralentir la progression).

Chirurgie curatrice

La date optimale serait entre le troisième et le douzième mois[15] mais certaines équipes opèrent plus tôt[16]. Elle vise à fermer la communication inter-ventriculaire et à rétablir le mieux possible la perméabilité de la voie pulmonaire. Ses modalités pourront être influencées par la présence de communications multiples, la sévérité de l'hypoplasie de la voie pulmonaire (fente de l'anneau pulmonaire, patch d'élargissement du tronc pulmonaire et de la bifurcation…) et la présence éventuelle d'une anomalie de trajet d'une artère coronaire.

Devenir des enfants

Après anastomose palliative de type « Blalock-Taussig » (chirurgie palliative)

Les nourrissons ou petits enfants sont à l'abri des malaises anoxiques (mais non de la cyanose) et peuvent poursuivre un développement staturo-pondéral proche de la normale pendant plusieurs années. Bien faite, c'est-à-dire dérivant suffisamment mais pas trop de sang vers la circulation pulmonaire, cette seule anastomose peut permettre une survie prolongée (jusqu'à 50 ans dans une observation personnelle) mais elle ne protège pas d'autres complications, en particulier infectieuses et emboliques. Malgré ses limites, une anastomose de Blalock-Taussig (le plus souvent modifiée) reste une intervention très utile, en particulier dans les pays en voie de développement où la cure complète de la malformation (sous circulation extra-corporelle) ne peut être envisagée avant de nombreuses années… quand elle peut l'être.

Après « cure complète » (chirurgie curatrice)

Théoriquement, et en pratique de plus en plus souvent, il s'agit d'une intervention unique, définitive, obtenant une « guérison complète » et permettant une vie normale sans traitement médical, même si on considère actuellement que la tétralogie de Fallot est une malformation non seulement cardiaque mais aussi de la vascularisation intra-pulmonaire et qu'à ce titre, elle restera responsable d'une certaine limitation à l'effort. Elle peut cependant comporter certaines complications à distance. La plus fréquente est l'aggravation de la fuite de la valve pulmonaire créée par le chirurgien et quasiment inéluctable. Celle-ci peut nécessiter une réfection de la valve, soit par une nouvelle intervention, soit par mise en place d'une prothèse au cours d'un catéthérisme[5]. Des troubles du rythme cardiaque, auriculaires et ventriculaires, sont fréquents[17], avec rarement, des morts subites[18].

L'IRM cardiaque permet un suivi des patients opérés en permettant, entre autres : la quantification de la fuite de la valve pulmonaire (par le calcul de la fraction de régurgitation), la détermination des volumes ventriculaires, la recherche de plages de fibrose (pouvant être source de troubles du rythme). Ainsi, notamment par le biais de la mesure du volume du ventricule droit, l'IRM permet de préciser les indications d'une reprise : soit par voie chirurgicale soit par la pose d'une endoprothèse valvée par voie endo-vasculaire.

Conseil génétique

En l'absence d'anomalie chromosomique, le risque de récurrence est de 3,1 %[19] soit trois fois plus que le risque observé dans la population générale.

Notes et références

  1. (la) Stensen N. « Embryo Monstro Affins Parisiis Dissectus » Acta Med Philos Hafniensa 1671–72;1:202–203
  2. Fallot E. « Contribution à l’anatomie pathologique de la maladie bleue (cyanose cardiaque) » Mars Med 1888;25(418)
  3. (en) Apitz C, Webb GD, Redington AN, « Tetralogy of Fallot » Lancet 2009;374:1462-1471
  4. (en) Lillehei CW, Cohen M, Warden HE. et al. « Direct vision intracardiac surgical correction of the tetralogy of Fallot, pentalogy of Fallot, and pulmonary atresia defects; report of first ten cases » Ann Surg. 1955;142:418-442
  5. (en) Huehnergarth KV, Gurvitz M, Stout KK, Otto CM. « Repaired tetralogy of Fallot in the adult: monitoring and management » Heart. 2008;94:1663-1669
  6. (en) Pézard P, Bonnemains L, Boussion F, Sentilhes L, Allory P, Lépinard C, Guichet A, Triau S, Biquard F, Leblanc M, Bonneau D, Descamps P. « Influence of ultrasonographers training on prenatal diagnosis of congenital heart diseases: a 12-year population-based study » Prenat Diagn. 2008 Nov;28(11):1016-22
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