Victoire-Eugénie de Battenberg

Victoire-Eugénie ou Victoria-Eugénie de Battenberg (en français), Victoria Eugenie of Battenberg (en anglais), Victoria Eugenie von Battenberg (en allemand) ou Victoria Eugenia de Battenberg (en espagnol) est née le à Balmoral et morte le à Lausanne. Épouse du roi Alphonse XIII, elle fut reine d'Espagne (1906–1931). Elle était la petite-fille de la reine Victoria et la nièce du roi Édouard VII du Royaume-Uni. L'ancien roi d'Espagne, Juan Carlos Ier, est son petit-fils.

« Victoria Eugenia » redirige ici. Pour les autres significations, voir Victoria Eugenia (homonymie).

Victoire-Eugénie de Battenberg
Victoire-Eugénie de Battenberg en 1925.

Titres

Reine consort d'Espagne


(24 ans, 10 mois et 14 jours)

Prédécesseur Marie-Christine d'Autriche
Successeur Sophie de Grèce

Épouse du prétendant légitimiste
aux trônes de France et de Navarre


(4 ans, 4 mois et 30 jours)

Prédécesseur Marie-des-Neiges de Portugal
Successeur Emmanuelle de Dampierre
Biographie
Titulature Princesse de Battenberg
Dynastie Maison de Battenberg
Nom de naissance Victoria Eugenie Julia Ena of Battenberg
Naissance
Château de Balmoral,  Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande
Décès
Lausanne, Suisse
Sépulture Escurial
Père Henri de Battenberg
Mère Béatrice du Royaume-Uni
Conjoint Alphonse XIII d'Espagne
Enfants Alphonse
Jacques-Henri
Béatrice
Ferdinand
Marie-Christine
Jean
Gonzalve
Religion Anglicanisme puis
Catholicisme

Biographie

Jeunesse

La reine Victoire-Eugénie naquit à Balmoral. Son père, le prince Henri de Battenberg, était le fils du prince Alexandre de Hesse et de son épouse morganatique la comtesse Julie de Hauke. Sa mère, la princesse Béatrice du Royaume-Uni, était la fille de la reine Victoria et du prince consort Albert de Saxe-Cobourg-Gotha. Première enfant du couple, la princesse reçut ses deux premiers prénoms en hommage à son illustre marraine et aïeule : sa grand-mère la reine Victoria.

Sa grand-mère maternelle lui transmit également le gène de l'hémophilie qui endeuilla tant de familles royales notamment en Russie. Cependant si cette épreuve souda davantage le couple impérial russe, elle brisa le couple royal espagnol.

La princesse Ena, comme elle était familièrement appelée, grandit à la cour de la reine Victoria. Elle passa son enfance au château de Windsor, et à Osborne House dans l'île de Wight. Son père mourut en 1896 des suites de fièvres contractées en Afrique. Après la mort de la reine Victoria en 1901, les Battenberg résidèrent au palais de Kensington à Londres.

En 1905, la princesse assista à une fête organisée par son oncle Édouard VII en l'honneur d'Alphonse XIII d'Espagne. Le jeune monarque espagnol était assis entre la reine Alexandra et la princesse d'Augustenbourg, sœur du roi Édouard. Soudain, il remarqua la princesse Victoria et demanda à la princesse d'Augustenbourg qui était la princesse qui avait des cheveux presque blancs. Quand elle sentit le regard du roi sur elle, Victoria se sentit confuse. Tout le monde savait que le Roi cherchait une épouse et une des prétendantes était une cousine de la princesse de Battenberg, la princesse Patricia de Connaught, autre nièce du roi Edouard, qui, à la différence de Victoria, faisait plus "ebenbürtig" (ou princesse du sang) car fille du prince Arthur du Royaume-Uni et de la princesse Louise-Marguerite de Prusse. Toutefois, Victoria avait suscité l'intérêt du roi et comme sa cousine ne semblait guère impressionnée par le souverain espagnol, l'intérêt d'Alphonse pour Victoria grandit. Il commença à courtiser la jeune fille et, de retour en Espagne, lui envoya de nombreuses cartes postales.

La reine-mère Marie-Christine d'Autriche ne voyait pas cette union d'un bon œil étant données les origines obscures des Battenberg. De plus, Victoria ne disposait que du prédicat d'Altesse sérénissime que la reine-mère Marie-Christine considérait comme inférieur. Les antécédents hémophiles de cette branche de la famille ne lui plaisaient pas non plus. En effet, le frère de Victoria, Léopold, était hémophile. Il y avait donc 50 % de chances que Victoria soit porteuse de la maladie, même si l'ampleur du risque n'était pas connue à l'époque. Tout cela ne dissuada pas Alphonse.

Fiançailles

Victoire-Eugénie (« Ena ») de Battenberg par George Charles Beresford (1904).

Après une année de rumeur autour de la future reine d'Espagne, en , la reine Marie-Christine accepta finalement le choix de son fils et écrivit un lettre à la princesse Béatrice pour lui faire part de l'amour qu'Alphonse portait à sa fille et envisageant un contact non officiel avec le roi Édouard VII. Quelques jours plus tard, ce dernier félicita sa nièce.

La princesse Béatrice et sa fille arrivèrent à Biarritz le et séjournèrent au domaine Mouriscot, chez la princesse Frédérika de Hanovre où le roi Alphonse les rejoignit. Les fiançailles d'Ena et Alphonse furent célébrées le samedi . Ensuite, Alphonse amena les princesses à Saint-Sébastien pour rencontrer la reine-mère d'Espagne Marie-Christine d'Autriche. Le , le roi quitta Saint-Sébastien pour Madrid et Victoire se rendit à Versailles pour y recevoir une instruction catholique afin de se convertir, obligatoire pour une future reine d'Espagne. La conversion officielle eut lieu le au palais Miramar de Saint-Sébastien. La princesse reçut pour marraine la dernière souveraine française d'origine espagnole : l'impératrice Eugénie. La princesse Victoire ajouta à son prénom celui de sa marraine et devint pour l'histoire et la postérité la reine Victoire-Eugénie.

Les conditions du mariage furent fixées par deux contrats : un traité public et un contrat privé. Le traité entre l'Espagne et la Grande-Bretagne fut conclu à Londres le par les plénipotentiaires respectifs des deux pays : l'ambassadeur espagnol Don Luis Polo de Bernabé et le secrétaire du Foreign Office Sir Edward Grey. Le traité était une reconnaissance explicite du fait qu'en épousant un catholique, Ena perdait ses droits sur la couronne britannique du fait de l'Acte d'établissement de 1701. Cette exclusion était personnelle et limitée, ses descendants non catholiques restant dans la ligne de succession.

En prévision de son mariage, Ena fut élevée par son oncle le roi Édouard VII au rang d'Altesse royale.

Reine d'Espagne

Victoire Eugénie épousa le roi Alphonse au monastère royal San Jeronimo à Madrid le . Sa mère ainsi que ses cousins, dont le prince de Galles, assistèrent à la cérémonie.

Un attentat eut lieu sur le trajet de retour vers le palais royal après la cérémonie. L'anarchiste Mateo Morral lança une bombe à partir d'un balcon. La vie d'Ena fut épargnée car au moment de l'explosion, elle tournait la tête vers l'église Sainte-Marie qu'Alphonse lui montrait. Sa robe de mariée fut tachée par le sang d'un garde qui chevauchait à côté de la calèche.

Après ce début peu engageant, Ena fut tenue à l'écart du peuple espagnol et devint impopulaire dans son nouveau pays. Sa vie conjugale s'améliora après la naissance d'un fils et héritier de la couronne, Alphonse. Mais lors de sa circoncision, les médecins remarquèrent une hémorragie, premier signe que l'enfant était hémophile. Ena était la source de cet état, qui fut partagé par son aîné et son plus jeune fils. Contrairement à Nicolas II de Russie dont le fils souffrait de la même maladie, Alphonse semble n'avoir jamais pardonné sa maladie à Ena. En tout, le roi Alphonse et Ena eurent sept enfants, cinq fils et deux filles. Aucune des filles ne semble être porteuse de la maladie.

Les sept enfants d'Alphonse XIII et de Victoire Eugénie sont :

  • Alphonse (), prince des Asturies puis comte de Covadonga. Son père le fit renoncer à ses droits au trône pour lui-même et ses descendants sous prétexte de son mariage « inégal » avec Edelmira Sampedro y Robato en 1933 (il récusa en 1938 cette renonciation non officielle). Après leur divorce, il se remaria civilement en 1937 avec Marta Esther Rocafort y Altuzarra. Il mourut dans un accident de voiture en 1938.
  • Jacques-Henri (), infant d'Espagne (éphémère prince des Asturies en ), puis duc de Ségovie, duc d'Anjou, duc de Madrid et duc de Tolède. À l'âge de quatre ans, il souffrit d'une mastoïdite et l'opération chirurgicale consécutive le rendit sourd. Son père le fit renoncer à ses droits au trône sous prétexte de son handicap physique le (il récusa en 1949 cette renonciation non officielle, et revendiqua le trône d'Espagne). Il épousa en 1935 Emmanuelle de Dampierre puis, après l'annulation civile de cette union, il se remaria civilement en 1949 avec Charlotte Tiedemann. À la mort de son père en 1941, il devint chef de la maison de Bourbon et prétendant légitimiste au trône de France.
  • Béatrice (), infante d'Espagne puis princesse Torlonia, princesse de Civitella Cesi. Elle épousa en 1935 Alessandro Torlonia.
  • Ferdinand (), infant d'Espagne
  • Marie-Christine (), infante d'Espagne puis comtesse Marone-Cinzano. Elle épousa en 1940 le comte Enrico Eugenio Marone-Cinzano.
  • Juan (), infant d'Espagne puis prince des Asturies, puis comte de Barcelone. Il fut reconnu héritier du trône d'Espagne par son père le (et ce dernier abdiqua en sa faveur en 1941) mais renonça formellement à ses droits en faveur de son fils Juan Carlos en 1977. Il épousa en 1935 la princesse Maria de las Mercedes de Bourbon y Orléans.
  • Gonzalve (), infant d'Espagne. Il était hémophile. Il mourut dans un accident de voiture en Autriche.

Après la naissance de leurs enfants, les relations entre les époux se détériorèrent. Alphonse eut de nombreuses relations extra-conjugales. On raconte qu'il eut une liaison avec la cousine d'Ena, la princesse Béatrice mais cela n'est pas avéré. Il est probable qu'Alphonse tenta de séduire Béatrice mais que cette dernière ne céda pas. Le roi, en colère, l'exila elle et son mari[réf. nécessaire]. L'entourage du roi lança alors de fausses rumeurs sur le mauvais comportement de Béatrice[réf. nécessaire]. Toute l'affaire fut très pénible pour Ena mais elle ne put rien faire pour sa cousine.

Victoire Eugénie se consacra aux hôpitaux et à l'assistance aux nécessiteux. Elle fut impliquée également dans la réorganisation de la Croix-Rouge espagnole.

Héraldique

Exil

La famille royale espagnole dut partir en exil le après la tenue d'élections municipales ayant vu la victoire des Républicains dans la plupart des grandes villes espagnoles. Alphonse XIII espérait que cet exil volontaire allait permettre d'éviter la guerre civile entre républicains et royalistes. Après que son époux eut été détrôné, elle porta le titre de courtoisie de « duchesse de Tolède », et devint à partir du (jusqu'au ) la « première dame » des légitimistes français et des carlistes espagnols. La famille vécut en France et plus tard, en Italie. Victoire Eugénie et Alphonse se séparèrent. Elle vécut quelque temps en Angleterre, puis, après avoir été priée par le gouvernement anglais de quitter le pays, en Suisse. Elle y acquit un château, Vieille Fontaine, dans les environs de Lausanne.

En 1938, la famille se réunit à Rome pour le baptême du fils aîné de l'infant Jean : Juan Carlos de Bourbon. Le , sentant sa mort prochaine, Alphonse XIII « abdiqua » ses droits sur la couronne espagnole en faveur de son fils cadet Jean. Le , il eut une première crise cardiaque. Il mourut le .

Ena retourna brièvement en Espagne en . Elle assista au baptême de son filleul et arrière-petit-fils, Felipe de Bourbon, futur Philippe VI, fils de Juan Carlos et de Sophie de Grèce, qui devinrent en 1975 roi et reine d'Espagne.

Ena mourut à Lausanne le , à l'âge de 81 ans, exactement 38 ans après avoir quitté l'Espagne. Elle fut enterrée dans l'église du Sacré-Cœur à Lausanne. Le , ses restes ont été ramenés en Espagne et déposés à l'Escurial. En 2011, ils ont été placés dans le Panthéon des rois, auprès de la dépouille de son mari, Alphonse XIII et non loin de leurs fils, le prince Alphonse et les infants Jacques et Gonzalve, qui reposent eux au panthéon des infants.

Victoire Eugénie était également la marraine d'Albert II de Monaco.

Notes et références

    Annexes

    Articles connexes

    Liens externes

    Bibliographie

    • (es) Ricardo de la Cierva, Victoria Eugenia, El veneno en la sangre, Planeta, 1992 (ISBN 8408001604)
    • (es) Pilar Eyre, Ena, la novela: La estremecedora historia de Victoria Eugenia, la esposa de Alfonso XIII, una reina a la que nadie quiso, La Esfera de los libros, 2013 (ISBN 8499706304)
    • (en) Gérard Noël, Ena, Spain's English Queen, Constable, New Ed edition, 1999. (ISBN 0094795207)


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