Tristes Tropiques

Tristes Tropiques est un livre de l'ethnographe Claude Lévi-Strauss, publié en 1955 chez Plon. Il mêle souvenirs de voyage et méditations philosophiques.

Cet article possède un paronyme, voir Tissu topique.

Tristes Tropiques

Auteur Claude Lévi-Strauss
Pays France
Genre Récit ethnologique
Éditeur Plon
Collection Terre humaine
Date de parution 1955
ISBN 978-2-266-11982-5

Cet ouvrage est un témoignage sur les voyages de Lévi-Strauss et sur son travail anthropologique. Lévi-Strauss se réfère principalement à ses séjours au Brésil mais il décrit aussi ceux qu'il a faits dans d'autres pays (comme l'Inde ou le Moyen-Orient). En outre, bien qu'il soit assimilable à la tradition des récits de voyage philosophiques, le livre est parsemé de réflexions philosophiques et d'idées venant de différentes disciplines comme la sociologie, la géologie, la musique ou la littérature.

Résumé

L'ouvrage, composé de 40 chapitres, comprend neuf parties :

Indiens Bororos
  1. La fin des voyages
  2. Feuilles de route
  3. Le nouveau Monde
  4. La terre et les hommes
  5. Caduveo
  6. Bororo
  7. Nambikwara
  8. Tupi-Kawahib
  9. Le retour

Claude Lévi-Strauss raconte comment il a été amené dans les années 1930 à devenir ethnologue. Jeune agrégé de philosophie, il avait commencé à enseigner dans un lycée, mais est très vite victime d'un vif ennui devant le caractère répétitif du métier de professeur.

Bientôt, il eut l'occasion de participer à un séjour au Brésil afin d'y étudier les populations amérindiennes locales tels les Bororos, les Nambikwaras et les Tupis. Il rédigera d’ailleurs plus tard sa thèse complémentaire sur La Vie familiale et sociale des Indiens Nambikwaras (1948)[1].

Analyse

Les récits de ses rencontres avec les Indiens du Brésil occupent plus de la moitié du texte. Cependant, l'auteur prend ses distances avec le genre du récit de voyage, ce que l'incipit annonce de manière assez provocante (l'auteur avouera en fait que ses voyages au Brésil représentent les plus belles années de sa vie[2]) :

« Je hais les voyages et les explorateurs. »

Il s'agit, en effet, non pas de peindre l'exotisme ou l'aventure mais de saisir une réalité humaine et de s'interroger sur le concept de civilisation. Il ne se met toutefois jamais sur un pied d'égalité d'avec les populations étudiées et va même jusqu'à les qualifier de "déchets d'humanité" (page 434, édition de 2008).

Vers la fin de l'ouvrage, il prend la civilisation occidentale pour objet, la compare sans indulgence aux cultures dites plus « primitives », et montre que tout progrès technologique engendre une perte sur un autre plan. L'ouvrage est relativiste : la civilisation occidentale apparaît comme une option parmi d’autres offertes à l’humanité.

L'auteur s'attarde sur le sens du progrès et les ravages qu'une civilisation mécanique produit sur son environnement et les différentes cultures avec lesquelles elle entre en contact.

Les bases du structuralisme anthropologique apparaissent déjà dans Tristes Tropiques, notamment lorsque l'auteur établit un lien entre organisation d'une société et disposition spatiale du village d'une part (Bororos) ou géométrie de ses dessins d'autre part (Caduveo)[3].

Comme l'analyse Georges Bataille :

« La nouveauté du livre s'oppose à un ressassement, elle répond au besoin de valeurs plus larges, plus poétiques, telles que l'horreur et la tendresse à l'échelle de l'histoire et de l'univers, nous arrache à la pauvreté de nos rues et de nos immeubles[4]. »

Levi-Strauss y considère notamment, après Schopenhauer[réf. nécessaire], le bouddhisme avec bienveillance, et l'islam au contraire (9e partie) comme rigide, fermé sur lui-même et intolérant[5].

Réception et postérité

Tristes Tropiques fait partie des premiers succès de la collection Terre Humaine (éditée par Plon), dirigée par Jean Malaurie. Il connaît un succès immédiat et, comme le précise l'historien Gérard Noiriel, « aura un énorme impact sur le public cultivé »[6]. Le jury du prix Goncourt s'excuse de ne pas pouvoir lui décerner son prix, car le livre n'est pas un roman[7].

Traduit en vingt-sept langues, ce best-seller devient une référence pour des générations d'apprentis ethnographes.

Le livre paraît en poche en 2001 chez Pocket[8].

En musique

Un album de jazz, Alter Tropicus, inspiré par la lecture de Tristes Tropiques, a été enregistré en 2004 par Laurent Mignard Pocket Quartet.

Livre audio

Notes et références

  1. « La Vie familiale et sociale des Indiens Nambikwaras » (consulté le ).
  2. « Claude Levi-Strauss à propos de la phrase "Je hais les voyages et les explorateurs…" »
  3. Claude Lévi-Strauss, œuvres, Bibliothèque de la Pléiade, Éditions Gallimard 2008, Tristes Tropiques, 5e et 6e partie, pp. 142-242.
  4. Georges Bataille, « Un livre humain, un grand livre », Critique, n° 105, février 1956.
  5. « En face de la bienveillance universelle du bouddhisme, du désir chrétien du dialogue, l'intolérance musulmane adopte une forme inconsciente chez ceux qui s'en rendent coupables ; car s'ils ne cherchent pas toujours, de façon brutale, à amener autrui à partager leur vérité, ils sont pourtant (et c'est plus grave) incapables de supporter l'existence d'autrui comme autrui. Le seul moyen pour eux de se mettre à l'abri du doute et de l'humiliation consiste dans une "néantisation" d'autrui, considéré comme témoin d'une autre foi et d'une autre conduite. La fraternité islamique est la converse d'une exclusive contre les infidèles qui ne peut pas s'avouer, puisqu'en se reconnaissant comme telle, elle équivaudrait à les reconnaître eux-mêmes comme existants. »

     Fin du chapitre XXXIX « Taxila », p. 466 (édition Plon de 1955, impression février 1972)

  6. Gérard Noiriel, Les Fils maudits de la république, Fayard, 2005, p. 228.
  7. Évoqué par Bernard Pivot et confirmé par Claude Lévi-Strauss lors de l'émission Apostrophes du .
  8. « Tristes tropiques de Claude Lévi-Strauss », sur histoire.presse.fr (consulté le ).

Voir aussi

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