Surcouf (sous-marin)

Le Surcouf est un croiseur sous-marin français ayant servi pendant la Seconde Guerre mondiale. Il est coulé par accident ou par méprise dans la nuit du au dans la mer des Antilles. C'était, en tonnage, le plus grand sous-marin militaire du monde de son époque jusqu'à ce qu’il fût surpassé par les sous marins japonais de la classe I-400 en .

Pour les autres navires du même nom, voir Surcouf (navire).

Surcouf

Maquette du Surcouf exposée au musée national de la Marine à Paris.
Type Croiseur sous-marin
Histoire
A servi dans  Marine nationale
Forces navales françaises libres
Chantier naval Arsenal de Cherbourg
Quille posée
Lancement
Armé
Statut disparu le
Équipage
Équipage 126 hommes
Caractéristiques techniques
Longueur 110 m
Maître-bau m
Tirant d'eau 7,07 m
Déplacement 3 304 t en surface
4 218 t en plongée
Propulsion En surface : 2 moteurs diesel de 7 600 ch
En plongée : 2 moteurs électriques de 3 400 ch
2 hélices
Vitesse 19 nœuds (35 km/h) en surface
9 nœuds (17 km/h) en plongée
Profondeur 80 mètres (maximum de sécurité)
Caractéristiques militaires
Armement 2 canons de 203 mm
2 canons AA de 37 mm
12 tubes lance-torpilles (8 de 550 mm et 4 de 400 mm).
Rayon d'action 10000 nautiques à 10 nœuds en surface
60 nautiques à 5 nœuds en plongée
Aéronefs 1 hydravion Besson MB-411
Localisation
Coordonnées 10° 40′ nord, 79° 32′ ouest
Géolocalisation sur la carte : Caraïbes
Surcouf

La conception

Le traité de Washington de 1922 a instauré des limites strictes pour les déplacements et les calibres d'artillerie des bâtiments de ligne et des croiseurs. Mais aucun accord n'a été trouvé pour les bâtiments légers (torpilleurs, contre-torpilleurs ou destroyers, frégates) ni pour les sous-marins. Aussi, pour assurer sa sécurité et celle de son empire, la France a entrepris la construction d'une importante flotte sous-marine (79 unités en 1939). Le Surcouf devait être le premier d'une série de trois croiseurs sous-marins mais il n'en a été que l'unique exemplaire.

Ses missions sont :

  • assurer le contact avec les colonies ;
  • chercher et détruire les flottes ennemies en collaboration avec les escadres ;
  • mener une guerre de course contre les convois ennemis.

Le Surcouf était armé d'une tourelle double de 203 mm, calibre identique à celui de l'artillerie d'un croiseur lourd (c'est pourquoi il a été appelé « croiseur sous-marin »), approvisionnée à 600 coups. Pour le réglage de ses tirs et l'observation, le Surcouf embarquait un hydravion Marcel Besson MB-411 rangé dans un hangar étanche formant la partie arrière du kiosque. Cependant l'hydravion ne peut être logé dans son hangar qu'après démontage des ailes et des flotteurs, ce qui en diminue l'efficacité opérationnelle[1]. Son armement antiaérien était constitué par deux canons de 37 mm. Il était équipé de 12 tubes lance-torpilles, huit de 550 mm et quatre de 400 mm) avec 12 torpilles de réserve.

Il transportait également un canot à moteur de 5 mètres, pour arraisonner les navires, et disposait d'un poste d'équipage pouvant loger 40 passagers ou prisonniers.

Sa profondeur maximale de sécurité était de 80 mètres, mais il pouvait atteindre 110 mètres sans déformation notable de sa coque épaisse ; sa profondeur de flambement était estimée autour de 178 mètres, sa profondeur d'écrasement calculée pour 491 mètres.

Son premier commandant fut le capitaine de frégate Raymond de Belot.

Bâtiment exceptionnel pour son époque, le Surcouf a rencontré de nombreux problèmes de mise au point, notamment d'étanchéité de sa tourelle d'artillerie, de stabilité, ou souffrait encore de moteurs électriques défaillants et a coûté, au retour de la croisière de 1932, 86 953 000 francs français soit près du double du devis initial. Il a été contraint à une refonte à Brest en /.

Le Surcouf était un prototype et c'était la première fois qu'un sous-marin embarquait un tourelle double de 203 mm. Aussi il souffrait de plusieurs handicaps dans l'utilisation de son artillerie, même si certains ont été corrigés au cours de sa courte carrière opérationnelle. Compte tenu de la hauteur de commandement du télémètre — c'est-à-dire sa hauteur au-dessus de l'eau —, la portée pratique de tir est de 12 000 mètres avec le télémètre, ou de 16 000 mètres avec l'observation avec le périscope de secours, nettement en deçà des possibilités des canons dont la portée maximale atteint 26 000 mètres.

L’utilisation de son artillerie par le Surcouf est en outre contrainte par d’autres inconvénients :

  • La durée écoulée entre l'ordre d'émersion et le premier coup est de 3 min 35 s. Cette durée peut être plus longue car si le navire doit tirer plein travers, il lui faut attendre d'être en surface avant de pouvoir orienter sa tourelle.
  • Il a l'obligation de tirer au passage, c'est-à-dire quand le navire passe à l'horizontale lors des mouvements de tangage et de roulis.
  • Il lui est impossible de pointer latéralement la tourelle si le roulis dépasse 8°.
  • Le Surcouf n'est pas équipé pour tirer de nuit et ne peut donc observer seul les résultats de son tir.
  • La disposition des soutes, des monte-charges et de la chambre de tir ne permettait pas un approvisionnement en continu des gargousses et obus, mais on devait attendre que les 14 salves en parc dans la tourelle aient été tirées pour réapprovisionner.

Pour remplacer son hydravion dont la mise en œuvre était très contraignante et l'emploi limité, le gyroplane Dorand G.20 aurait dû être embarqué à bord du Surcouf, mais le croiseur sous-marin fut perdu avant que cet appareil expérimental n'ait volé.

L'apparence du Surcouf

Le Surcouf vers 1935 peint couleur « bleu de Prusse foncé ».

Le Surcouf n'a jamais été peint de couleur « vert olive », comme le montrent de nombreuses maquettes et dessins. Du début de sa carrière jusqu'en 1932, il a été peint du même gris que les bâtiments de surface, puis en « bleu de Prusse foncé », couleur qu'il conservera jusqu'à la fin 1940 où il fut repeint en deux tons de gris lui servant de camouflage sur la coque et le kiosque.

Même la très officielle maquette du musée national de la Marine à Paris, dont l'écorché illustre cet article, reproduit cette erreur. De plus, elle montre le Surcouf dans son état de 1932, arborant le pavillon de beaupré FNFL qui n'a été créé qu'en 1940. Les mâts de TSF sont relevés et sa « baignoire » (fosse de veille) dans son état d'origine. Celle-ci avait été surélevée de 1,20 mètre et sa forme modifiée. Enfin, ses mâts ont été débarqués lors du carénage de 1936-1937. Sur la maquette, la grue de mise à l'eau de l'hydravion est placée sur l'arrière de celui-ci alors qu'en réalité elle se situe entre le hangar étanche et l'hydravion. Le quatre dessins suivants montrent bien les differents aspect du Sucouf, avec toutefois un mauvais placement des barres de plongée avant.

La Seconde Guerre mondiale

Lors de l'invasion de la France par les troupes allemandes en mai 1940, le Surcouf se trouvait en grand carénage à Brest après une mission dans les Antilles et le golfe de Guinée. Pour éviter la capture, le sous-marin appareille sous les ordres du capitaine de frégate Martin. Ses travaux inachevés, sans pièces de rechange et incapable de plonger, il gagne Plymouth en surface. Le , les bâtiments français réfugiés en Grande-Bretagne sont saisis par les Britanniques, lors de l'opération Catapult. La prise du Surcouf fut menée au prix de quatre morts, un Français, l'ingénieur mécanicien Yves Daniel, et trois Britanniques, le capitaine de frégate Sprague, commandant du sous-marin Thames, le lieutenant de vaisseau Griffith, officier de renseignement porteur de l'ordre de saisie, et le quartier-maître Webb.

Le Surcouf était alors le plus grand sous-marin du monde. Ses canons de 203 mm pouvaient tirer chacun trois obus de 120 kg à la minute, à une distance de 26 km. En dépit du peu d'enthousiasme des Britanniques, à cause de la complexité du sous-marin, du manque de pièces de rechange et de marins qualifiés (appelés « sous-mariniers »), le Surcouf est tout de même réarmé au prix de nombreuses difficultés. D'abord commandé par le capitaine de frégate Ortoli qui fut son premier officier canonnier lors de ses essais en 1932, il servit dans les Forces navales françaises libres, après avoir été modernisé à l'arsenal de Portsmouth (États-Unis). Mais hélas il ne fut pas équipé de radar. Le , une flottille FNFL composée du Surcouf et des corvettes Mimosa, Alysse, Aconit, commandée par le vice-amiral Muselier rallia Saint-Pierre-et-Miquelon à la France libre.

Le Surcouf disparut corps et biens dans la nuit du 18 au au nord du canal de Panama, par 11° nord et 79° ouest, peu après son appareillage des Bermudes, le . À bord était notamment présent le marin et résistant Roland Guignot[2].

Le rapport officiel américain conclut que la disparition du Surcouf est due à un abordage accidentel avec le cargo américain Thomson Lykes. Comme tous les sous-marins de cette époque (le schnorkel n'ayant été opérationnel qu'en 1943), le Surcouf naviguait la nuit en surface pour recharger ses batteries d'accumulateurs, ses feux de navigation évidemment éteints pour ne pas être repéré.

Bien plus tard, le rapport d'enquête de la commission française conclura de son côté que sa disparition fut la conséquence d'une méprise. Un hydravion américain PBY Catalina de patrouille anti-sous-marine chargée de la défense de ces mêmes eaux dans la nuit du 18 au aurait bombardé le Surcouf, le confondant avec un grand sous-marin allemand ou japonais. Cette version de l'enquête est étayée par plusieurs éléments :

  • les témoins du cargo SS Thomson Lyke, qui a abordé un sous-marin, décrivirent un sous-marin bien plus petit que le Surcouf. La question restant alors de savoir de quelle nationalité était ce sous-marin. Par ailleurs, les Allemands n'ont pas enregistré de perte de sous-marin dans ce secteur à ce moment de la guerre ;
  • les dégâts observés sur le Thomson Lyke était trop légers pour une collision avec un navire de la taille du Surcouf.

Cet abordage accidentel ou cette méprise fait 130 morts (dont 4 marins britanniques), sous les ordres du capitaine de frégate Louis Blaison. Un monument commémore son souvenir sur la jetée du port de Cherbourg[3].

Les commandants du Surcouf

  •  : capitaine de frégate de Belot (essais et armement à Cherbourg) ;
  •  : capitaine de frégate Le Portier (fin des essais. Le Surcouf est affecté la flottille des sous-marins de Brest) ;
  •  : capitaine de frégate Derrien (en service dans la flottille des sous-marins de Brest puis refonte) ;
  •  : capitaine de frégate Le Gouic (refonte puis en service dans la flottille des sous-marin de Brest) ;
  •  : capitaine de frégate Martin (en service puis en carénage à Brest. Départ vers Plymouth en Grande-Bretagne le ) ;
  •  : capitaine de frégate Ortoli (réarmement sous pavillon FNFL) ;
  •  : capitaine de frégate Blaison (ralliement de Saint-Pierre-et-Miquelon. Refonte aux États-Unis. Disparition corps et biens du Surcouf dans la mer des Antilles le ).

Personnalités ayant servi sur le bâtiment

Dans la littérature

  • Dans le roman de Harutoshi Fukui Shusen no Lorelei, le Surcouf est récupéré par les Allemands, amélioré pour servir de support à l'arme secrète « Lorelei » puis donné a l'Empire du Japon.
  • Dans le roman L'attaque vient de la mer, de Douglas Reeman, le frère fictif du Surcouf, le Soufrière est récupéré par les Anglais dans une action contre les Japonais.
  • Dans le livre de Maurice Pasquelot, Les Sous-marins de la France Libre, les missions du Surcouf, jusqu'à sa perte, dans la nuit du 18 au , dans la mer des Antilles.
  • On peut penser, au vu des ressemblances (canon extérieur, appareil aérien embarqué, dimensions...) que le Surcouf a inspiré Edgar P. Jacobs pour le sous-marin S2 dans Le Secret de l'Espadon.
  • Dans le roman uchronique Et si la France avait continué la guerre 1941-1942, de Jacques Sapir, Frank Stora, Loïc Mahé, le Surcouf bombarde Tokyo lors d'un raid éclair, au lendemain du bombardement de l'escadrille du général américain Doolittle, semant la confusion chez les Japonais qui venaient de subir un raid aérien et tiraient alors sur un ennemi aérien invisible (se trouvant en réalité dans la rade).

Références

  1. Vice-Amiral Roger Vercken, Histoire succincte de l'aéronautique navale, Armées, ARDHAN, , 173 p. (ISBN 2-9507663-0-7), p. 31.
  2. « aux marins | Mémorial national aux marins morts pour la France », sur auxmarins.net (consulté le ).
  3. memoriagenweb.org - Cherbourg : monument commémoratif du Surcouf.

Bibliographie

  • Maurice Guierre, L'Épopée du Surcouf et le commandant Louis Blaison, Éditions Bellenand, 1953.
  • Capitaine de vaisseau (H) Claude Huan, Le croiseur sous-marin Surcouf (1926-1942), éditions Marines, 1996.
  • Michel Vergé-Franceschi (dir.), Dictionnaire d'Histoire maritime, Paris, éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1508 p. (ISBN 2-221-08751-8 et 2-221-09744-0).
  • Jean Meyer et Martine Acerra, Histoire de la marine française : des origines à nos jours, Rennes, Ouest-France, , 427 p. [détail de l’édition] (ISBN 2-7373-1129-2, notice BnF no FRBNF35734655).
  • Alain Boulaire, La Marine française : De la Royale de Richelieu aux missions d'aujourd'hui, Quimper, éditions Palantines, , 383 p. (ISBN 978-2-35678-056-0).
  • Rémi Monaque, Une histoire de la marine de guerre française, Paris, éditions Perrin, , 526 p. (ISBN 978-2-262-03715-4).
  • Winston Churchill, Mémoires de Guerre, traduction de 2009, éditions Taillandier.
  • Jean-Michel Roche, Dictionnaire des bâtiments de la flotte de guerre française de Colbert à nos jours, t. II : 1870-2006, Millau, J.-M. Roche, , 591 p. (ISBN 2-9525917-1-7)
  • Jean Moulin, Les sous-marins français en images, Rennes, Marines Éditions, , 91 p. (ISBN 2-915379-40-8), p. 32-33.

Articles connexes

Liens externes

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