Solutréen

Le Solutréen est une culture préhistorique qui s'est développée en France et dans la péninsule Ibérique durant la deuxième moitié du Paléolithique supérieur. Il tire son nom du site préhistorique de Solutré, en Saône-et-Loire.

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Solutréen
Feuille de laurier solutréenne
Définition
Lieu éponyme Roche de Solutré (Saône-et-Loire)
Auteur Gabriel de Mortillet (1872)
Caractéristiques
Répartition géographique France, péninsule Ibérique
Période Paléolithique supérieur
Chronologie 23 000 à 18 000 ans AP
Type humain associé Homo sapiens
Tendance climatique Dernier maximum glaciaire (extrêmement froid et sec)
Signe particulier Façonnage fin avec traitement thermique et nombreuses retouches

Objets typiques

Feuille de laurier, feuille de saule, pointe à face plane, pointe à cran[1], aiguille à chas[2], propulseur

Extension de la culture solutréenne

Historique

Le solutréen a été défini en 1872 par Gabriel de Mortillet, sur la base de l'industrie lithique découverte en 1866 par Henry Testot-Ferry et Adrien Arcelin au pied de la Roche de Solutré, près de Mâcon (Saône-et-Loire).

Chronologie

Le Solutréen se développe entre environ 23 000 et 18 000 ans avant le présent, c'est-à-dire pendant le dernier maximum glaciaire de la glaciation de Würm.

À cette époque, les températures annuelles moyennes dans les Alpes sont plus basses de 10 à 12 °C que les températures actuelles. Le niveau des mers est abaissé du fait de la grande quantité d'eau retenue dans les glaces continentales : il est alors inférieur de 125 mètres au niveau actuel. La poussière atmosphérique est très dense : sa concentration est jusqu'à 20 à 25 fois plus élevée qu'aujourd'hui.

Le Solutréen succède en France et en Espagne au Gravettien. Il est contemporain en France du Protomagdalénien. Il est suivi en Europe de l'Ouest par le Badegoulien, puis par le Magdalénien. En revanche, de l'Italie à l'Ukraine le Gravettien est suivi par l'Épigravettien, et ce jusqu'à l'arrivée du Mésolithique.

Extension géographique

Si le Proto-Solutréen est présent au nord jusqu'en Grande-Bretagne[3] (Gower, Creswell Crags) et en Belgique (Spy), les sites du Solutréen sont principalement connus :

Les grottes d'Arcy-sur-Cure et un site à La Celle-Saint-Cyr, dans l'Yonne, le lieu-dit les Bossats (Ormesson), en Seine-et-Marne, et un gisement à Saint-Sulpice-de-Favières, en Essonne. Le climat plus au Nord était trop rigoureux pour que l'Homme pût y survivre.
  • Dans le sud-ouest de la France :
L'abri de Laugerie-Haute, l'abri de Laussel à Marquay (Dordogne), les gisements de Combe-Capelle à Saint-Avit-Sénieur, en Dordogne, la grotte du Placard et le Roc-de-Sers, en Charente, les grottes d'Isturitz et d'Oxocelhaya à Isturits, dans les Pyrénées-Atlantiques, Brassempouy, dans les Landes.
  • Dans la vallée du Rhône :
La grotte Chabot et la grotte de la Salpêtrière dans le Gard, la Baume d'Oullins en Ardèche.
La grotte du Parpallo (Communauté valencienne), la Cueva de Ambrosio.

Les ossements animaux découverts dans les sites solutréens sont ceux de chevaux, rennes, mammouths, lions des cavernes, rhinocéros, ours et aurochs.

Techniques

Les hommes du Solutréen ont fait preuve d'une grande maîtrise des techniques de taille et en particulier du façonnage de pièces bifaciales très fines au percuteur tendre. La finition des outils en silex était assurée par la technique de la retouche couvrante par pression : les éclats de retouche ne sont pas détachés en percutant le silex mais en pressant très fortement son bord avec un outil en os, ce qui autorise une plus grande précision et une plus grande finesse du résultat. Dans certains cas, les silex étaient intentionnellement chauffés avant d'être retouchés afin d'améliorer leurs propriétés mécaniques. C'est également à cette époque qu'apparaît le traitement par le feu, préalable au débitage et à la taile[4].

Ces techniques ont permis la confection de différents outils : pointes à face plane au Solutréen ancien, pièces bifaciales d'une grande finesse, appelées « feuilles de laurier » au Solutréen moyen, « feuilles de saule » et pointes à cran au Solutréen final. Le reste de l'outillage correspond au fond commun du Paléolithique supérieur : grattoirs, burins, perçoirs, lamelles à dos.

On en trouve des exemples sur le site des Maîtreaux[5], à Bossay-sur-Claise dans le bassin de la Creuse. Le Solutréen ancien à feuilles de laurier et le Solutréen moyen à pointes à cran se présentent en succession sur ce site de plein air[6]. Probable atelier de taille à proximité d'une source de silex de qualité[7], il est considéré comme un site spécialisé complémentaire d'habitats de plus longue durée[6].

Les matières dures animales (os, bois de rennes) sont également couramment utilisées au Solutréen (lissoirs, percuteurs, armatures de sagaies, etc.). Deux inventions majeures semblent apparaitre à la fin du Solutréen, l'aiguille à chas et le propulseur.


Art solutréen

L'art pariétal solutréen est connu notamment par la frise sculptée du Roc-de-Sers et une partie des peintures de la grotte Cosquer. L'art rupestre de la vallée de Coâ au Portugal est également rattaché au Solutréen.

Une datation par le carbone 14 sur des déblais du Puits, dans la grotte de Lascaux, tendrait à vieillir les trois datations précédentes (17 000 ans AP), avec un âge estimé à 18 900 ans AP, ce qui attribuerait Lascaux au Solutréen[8]. Cependant, il n'y a aucun objet solutréen dans l'unique couche archéologique de la grotte, mais seulement de très nombreux objets du Magdalénien II.

Le Solutréen en Amérique ?

Deux archéologues américains, Stanford et Bradley ont trouvé des similitudes entre l'industrie solutréenne et des outils lithiques un peu plus tardifs, trouvés sur plusieurs sites dans l'Est des États-Unis. Ils ont alors suggéré que les solutréens avaient traversé l'océan Atlantique durant le dernier maximum glaciaire en longeant la banquise par cabotage, à l'aide de techniques similaires à celles des Inuits actuels.

L'haplogroupe X de l'ADN mitochondrial, présent en Europe, l'est aussi chez certains peuples amérindiens du Nord-Est du continent américain, suggérant l'existence chez ces derniers d'une possible ascendance européenne. De plus, les ressemblances trouvées par certains linguistes entre le basque, langue pré-indoeuropéenne, et l'algonquin, iraient dans le sens de cette thèse[n 1]. Cette hypothèse reste très controversée et minoritaire, différents auteurs considèrant que les similitudes entre pièces bifaciales solutréennes et amérindiennes résultent de convergences morphologiques et techniques[9].

Des études génétiques publiées au cours des années 2000 et 2010 mettent en doute cette hypothèse. Les lignées du Nouveau Monde X2a et X2g ne seraient pas dérivées des lignées de l'Ancien Monde X2b, X2c, X2d, X2e et X2f, mais indiqueraient une origine précoce des lignées du Nouveau Monde, « probablement au tout début de leur expansion et de leur propagation à partir du Proche-Orient »[10],[11]. Une étude de 2008 conclut que la présence de l'haplogroupe X en Amérique ne prouve pas une migration depuis l'Europe de la période solutréenne[12]. La lignée de l'haplogroupe X dans les Amériques ne serait pas dérivée d'un sous-clade européen, mais représenterait plutôt un sous-clade indépendant, appelé X2a. Le sous-clade X2a n'a pas été trouvé en Eurasie et aurait pu émerger au sein de la population paléoindienne, il y a environ 13 000 ans. Une variante basale de X2a a été trouvée dans le fossile de l'Homme de Kennewick (daté d'environ 9 000 ans)[13].

Notes et références

Notes

  1. Michel Morvan étudie cette possibilité dans Les origines linguistiques du basque (Presses Universitaires de Bordeaux, 1996, page 102 et suiv.). Cependant, les Algonquins auraient très vite appris la langue des basques venus pêcher la baleine et la morue au xve siècle dans le golfe du Saint-Laurent, et un pidgin se serait formé, le basco-algonquin.

Références

  1. [Walter, Almeida & Aubry 2013] Bertrand Walter, Miguel Almeida et Thierry Aubry, « Le façonnage solutréen : des principes techniques aux savoir-faire originaux », Revue archéologique du centre de la France, no 47 (Supplément) « Le Solutréen 40 ans après Smith'66 », , p. 135-142 (lire en ligne [sur persee]), p. 136.
  2. Michèle Julien, « Solutréen », sur universalis.fr (consulté en ).
  3. [Davies & Charles 2017] William Davies et Ruth Charles, Dorothy Garrod and the progress of the Palaeolithic [« Dorothy Garrods et le progrès du Paléolithique »], Oxbow books, , 282 p. (présentation en ligne), p. 41.
  4. [Inizan & Tixier 2000] Marie-Louise Inizan et Jacques Tixier, « L'émergence des arts du feu : le traitement thermique des roches siliceuses », Paléorient, vol. 26, no 2 « La pyrotechnologie à ses débuts. Évolution des premières industries faisant usage du feu », , p. 23-36 (lire en ligne [sur persee]).
  5. « Les Maitreaux : Un atelier de taille solutréen », sur lesmaitreaux.free.fr (consulté le ).
  6. [Agogué 2005] Olivier Agogué, « Autour du grand paléolac miocène : continuités et ruptures de l'occupation territoriale au Paléolithique supérieur en région Centre », Bulletin de la Société préhistorique française, vol. 102, no 3, , p. 509–526 (DOI 10.3406/bspf.2005.13139, lire en ligne, consulté le ).
  7. [Aubry et al. 1998] Thierry Aubry, Bertrand Walter, Emmanuel Robin, Hugues Plisson et Mohammed Ben-Habdelhadi, « Le site solutréen de plein-air des Maitreaux (Bossay-sur-Claise, Indre-et- Loire) : un faciès original de production lithique », Paléo, vol. 10, no 1, , p. 163–184 (DOI 10.3406/pal.1998.1135, lire en ligne [sur persee]).
  8. « Datation des figures de Lascaux », sur archeologie.culture.fr, Ministère de la Culture français (consulté le ).
  9. [Straus et al. 2005] Lawrence Guy Straus, David J. Meltzer et Ted Goebel, « Ice Age Atlantis? Exploring the Solutrean-Clovis "connection" », World Archaeology, vol. 37, no 4, , p. 507–532 (lire en ligne [sur researchgate.net], consulté le ).
  10. (en) George Diepenbrock, « Genetic data does not support ancient trans-Atlantic migration, professor says », sur phys.org, (consulté le ).
  11. [Reidia et al. 2003] (en) Maere Reidla et al., « Origin and diffusion of mtDNA haplogroup X » [sur cell.com], (PMID 14574647, PMCID 1180497, DOI 10.1086/379380), p. 1178–1190.
  12. [Fagundes et al. 2008] Nelson J.R. Fagundes, Ricardo Kanitz, Roberta Eckert et al., « Mitochondrial Population Genomics Supports a Single Pre-Clovis Origin with a Coastal Route for the Peopling of the Americas », American journal of human genetics, vol. 82, no 3, , p. 583–592 (lire en ligne [sur ncbi.nlm.nih.gov], consulté le ) :
    "Our results strongly support the hypothesis that haplogroup X, together with the other four main mtDNA haplogroups, was part of the gene pool of a single Native American founding population; therefore they do not support models that propose haplogroup-independent migrations, such as the migration from Europe posed by the Solutrean hypothesis ... Here we show, by using 86 complete mitochondrial genomes, that all Native American haplogroups, including haplogroup X, were part of a single founding population, thereby refuting multiple-migration models."
  13. (en) Jennifer Raff (en) et Deborah A Bolnick, « Does Mitochondrial Haplogroup X Indicate Ancient Trans-Atlantic Migration to the Americas? A Critical Re-Evaluation » [sur tandfonline.com], (DOI 10.1179/2055556315Z.00000000040), p. 297–304.

Bibliographie

  • [Djindjian et al. 1999] F. Djindjian, J. Koslowski et Marcel Otte, Le Paléolithique supérieur en Europe, éd. Armand Colin, (ISBN 2-200-25107-6).
  • [Ducasse et al. 2017] Sylvain Ducasse, Caroline Renard, Jean-Marc Pétillon, Sandrine Costamagno, Pascal Foucher, Cristina San Juan-Foucher et Solène Caux, « Les Pyrénées au cours du Dernier Maximum Glaciaire. Un no man's land badegoulien ? Nouvelles données sur l'occupation du piémont pyrénéen à partir du réexamen des industries solutréennes de l'abri des Harpons (Lespugue, Haute-Garonne) », Bulletin de la Société préhistorique française, vol. 114, no 2, , p. 257-294 (lire en ligne [sur persee]).
  • [Leroi-Gourhan 1988 (posth.)] André Leroi-Gourhan, Dictionnaire de la Préhistoire, Paris, éd. PUF, .

Voir aussi

Articles connexes

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