Sepphoris
Sepphoris (hébreu : ציפורי, Tsippori ; grec : Σέπφωρις, Sépforis ; arabe : صفورية, Ṣaffūrīya) est une ville antique de Galilée, située au nord de Nazareth. Cette ville est très importante pendant la période du Second Temple, notamment à partir de la période romaine. Pendant la période du judaïsme hellénistique, au moment où éclate la Grande révolte juive de 66 - 73, Tsippori est capitale de la Galilée.
Sepphoris Tsippori | ||
Vue aérienne de l'acropole de Sepphoris ou Tsippori avec, sur la gauche, son théâtre de style grec[2] et en arrière-plan, la maison de Dionysos et la tour des Croisés | ||
Localisation | ||
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Pays | Israël | |
Coordonnées | 32° 45′ 11″ nord, 35° 16′ 46″ est | |
Géolocalisation sur la carte : Israël
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Bien qu'elle ait décliné par la suite, Tsippori reste l'objet de nombreuses campagnes de fouilles archéologiques qui enrichissent les études bibliques en révélant divers aspects de la vie militaire, politique, sociale et culturelle des Juifs et des autres populations de Palestine à l'époque de la rédaction de la Bible[3]. Elle permet notamment d'éclairer de nombreux aspects de la situation sociale, religieuse et politique pendant la vie du prophète Yehoshwa (hébreu : יהושע)[4],[5],[6], ce qui explique que la route de ce prophète, connu comme Jésus-Christ par ses fidèles, passe par Tsippori[7].
Toponymie
Une étymologie populaire tirée du Talmud, relie le nom de la ville Tsippori au nom hébreu צפור « oiseau » (zippor), parce qu'elle serait assise sur une colline, tel un oiseau en vigie dominant la vallée de Beit Netofa. Il ne s'agit probablement pas du sens réel, la racine hébraïque צפר ayant plusieurs significations. Dans le cas de Tsippori, la signification semble être un terme générique désignant « une région »[8].
Histoire
Les fouilles archéologiques montrent que le site est occupé dès l'âge de fer[9].
Il semble prendre de l'importance à partir des périodes perse et hellénistique, notamment sous la dynastie séleucide, dont les rois Antiochos III ou IV édifient là une forteresse[10]. Tsippori n'apparaît ni dans la Bible hébraïque ni dans la Bible chrétienne. Cette absence peut s'expliquer, comme le rappelle Flavius Josèphe dans ses Antiquités juives, par l'hostilité des Juifs « orthodoxes » à l'encontre des villes jugées trop hellénisées ou romanisées, où la foi judaïque est peu fervente. Durant son ministère public, Jésus a peut-être évité cette ville, d'autant qu'il fuit généralement les grandes agglomérations[11]. Flavius Josèphe mentionne Tsippori pour la première fois sous le règne d'Alexandre Jannée et la considère comme la « perle de la Galilée »[12]. Elle est alors assiégée par Ptolémée IX Lathyre[13]. La ville fait figure de capitale de la Galilée, notamment après l'intervention en Judée du gouverneur de Syrie Aulus Gabinius. Après la mort d'Hérode le Grand en 4 av. J.C., elle est le siège de la révolte menée par Judas le Galiléen. Elle est assiégée et brûlée par le général romain Varus, puis à nouveau détruite par le nabatéen Arétas IV.
Hérode Antipas refonde la ville sous le nom d’Autocratoris, et en fait le siège royal de sa tétrarchie, au point qu'elle est connue dans toute la Palestine comme le « joyau de la Galilée » selon Flavius Josèphe[14]. Au Ier siècle, plusieurs familles juives de prêtres y sont établies. La ville bénéficie du statut de cité à partir de 67-68 sous le nom d’Irénopolis. Vers 120, l'empereur romain Hadrien la renomme Diocésarée. Il y fait construire un Capitole et un temple de la Tyché. D'autres temples sont attestés sous Antonin le Pieux. Les Juifs y sont sans doute majoritaires. Au IIe siècle, c'est le lieu de résidence habituel de rabbi Juda Hanassi, le compilateur de la Mishna[15]. Du Ve au VIIe siècle, la ville est entièrement reconstruite après le séisme en 363. Tsippori reste une ville florissante, dans laquelle cohabitent juifs et chrétiens, ces derniers y ayant établi le siège d'un évêché[12].
À partir de la conquête arabe, la ville, appelée Saffuriya, décline mais reste un site stratégique car l'acropole domine la vallée de Beit Nétofa, si bien que les Croisés transforment la cité en place forte « latine » comme en témoigne la construction d'une tour d'observation (reconstruite par le sultan Dahir al-Umar au XVIIIe siècle, elle est actuellement un musée). Ils y édifient également au XIIe siècle une église dédiée à sainte Anne, les fouilles entreprises en 1908 par le franciscain Prosper Viaud mettant au jour cette église jamais terminée[16].
Le déclin se confirme les siècles suivants : la ville ne compte plus que 2 500 habitants à la fin du XIXe siècle mais elle garde une certaine prospérité grâce à son économie agricole et à son riche passé, mis au jour par le travail des archéologues, passé qui attire les touristes[17]. Lors de la guerre israélo-arabe de 1948-1949, les troupes israéliennes occupent le sud de la Galilée et expulsent les Arabes de ce village palestinien au cours de l'opération Dekel. Les autorités israéliennes, grâce au Fonds national juif, plantent une forêt de pins sur les ruines des maisons arabes afin d'empêcher tout retour et de mettre en valeur le site archéologique, ce qui aboutit à la création du parc national de Zippori qui s'étend sur 16 km2 et qui a ouvert au public le [18]. Dans le même projet, elles font remplacer les vergers vivriers de grenadiers et oliviers par des cultures de fourrage pour les élevages israéliens[19].
Différentes fouilles archéologiques menées par des équipes de chercheurs américano-israéliennes à partir de 1984 mettent au jour les vestiges de la ville antique à l'époque romaine[20] : rues rectilignes pavées, bordées de colonnes et distribuées le long d'un cardo et d'un decumanus dans la ville basse ; tracés d'échoppes, de maisons juives (équipées de bains, interprétés de manière controversée par certains chercheurs comme des mikvaot[21]), de villas romaines et de bâtiments à étages, desquels les archéologues ont dégagé une quarantaine de pavements de mosaïques gréco-romaines (deux pièces exceptionnelles attirent l'attention des touristes : médaillon d'une femme baptisée la « Mona Lisa de Galilée », dans la « maison de Dionysos » détruite par un séisme en 363[22], et mosaïques polychromes, figuratives et géométriques pavant entièrement la maison dite[23] de la fête du Nil[24]) ; un théâtre de style grec sur le versant nord de l'acropole ; quatre aqueducs alimentant un immense réservoir d'eau et des citernes souterraines, des bains publics et des thermes ; deux églises ainsi qu'un sanctuaire interprété comme une synagogue. Dans cette synagogue de Tsippori (en) ont été mis au jour différentes mosaïques dont certains panneaux illustrent des scènes bibliques (sacrifice d'Isaac, visite des anges à Sarah), des objets nécessaires au rituel juif (menorahs, shofars) mais aussi une Roue zodiacale. Ces symboles juifs peuvent cependant être également polythéistes car le paganisme n'exclut pas l'emploi des symboles religieux du judaïsme qui, de son côté, proscrit tout usage d'emblèmes païens : cela peut suggérer que cet édifice était un sanctuaire païen[25].
Un musée est aménagé dans la tour des croisés à la fin des années 1990 afin de montrer les découvertes des fouilles archéologiques de Tsippori (verres, poteries, mosaïques)[26].
Personnages associés à la ville
Saffuriya est la ville de naissance du poète palestinien Taha Muhammad Ali[27].
Selon une légende chrétienne tardive[12] dont la critique historique a ôté toute prétention à l'historicité, Marie, mère de Jésus, serait née à Tsippori de ses parents réputés stériles, Anne et Joachim[28]. Une église dédiée à Sainte-Anne est construite par les Croisés sur ce lieu supposé de sa naissance : cet édifice est en ruines. Une autre tradition fait de Marie la cousine d'Élisabeth, mère de Jean le Baptiste, et fixe aussi le lieu de naissance de ce dernier à Tsippori[29].
Il est communément admis que Jésus est un Juif galiléen dont la famille est originaire de la bourgade de Nazareth qui ne devait pas abriter plus de 400 habitants à son époque[30], ce qui était probablement insuffisant pour assurer la subsistance d'un charpentier, le métier traditionnellement attribué à Joseph, époux de Marie, mère de Jésus. Il est donc possible que Joseph et Jésus aient offert leurs services (charpentier, vendeur de meubles, journalier) ou trouvé du travail à Tsippori[31], grande ville galiléenne de près 30 000 habitants[32], voire participé à sa reconstruction programmée par Antipas, notamment celle de son théâtre de style grec pouvant accueillir 4 000 spectateurs[33]. Cette dernière hypothèse de l'archéologue Batey qui a participé aux fouilles de Tsippori, est controversée car la datation du théâtre a de grandes marges d'incertitude[34], son érection ne remontant probablement pas avant la fin du Ier siècle[35]. Une autre hypothèse tout aussi hasardeuse[36] du père Magnani, suggère dans ce contexte que Jésus a pu être géomètre[37]. Certains auteurs s'aventurent à imaginer un Jésus assistant à des représentations au théâtre de Tsipphori, se basant sur le fait qu'il semble familier du langage théâtral, car il utilise le terme grec spécifique ὑποκριτής (hypokritès, « acteur ») dix-sept fois dans le Nouveau Testament[38]. Quoi qu'il en soit, ces légendes expliquent la présence d'une basilique chrétienne byzantine antérieure au IVe siècle, mise au jour par l'archéologue Leroy Waterman (en) en 1931[39].
- Théâtre romain et tour des Croisés
- Carte montrant le système d'approvisionnement en eau de Tsippori
- Réservoir d'eau creusé dans la roche calcaire, de 260 mètres de long et 10 mètres de haut
- Cardo avec les habituelles ornières laissées par des roues de véhicules hippomobiles, à écartement normalisé
Galerie : les mosaïques
Notes et références
- La scène et les gradins de ce théâtre ont été reconstruits afin de pouvoir accueillir aujourd'hui des spectacles. Lors des journées chaudes, un velum comme à l'antique est posé afin d'atténuer les rayons du soleil.
- La scène et les gradins de ce théâtre ont été reconstruits afin de pouvoir accueillir aujourd'hui des spectacles. Lors des journées chaudes, un velum comme à l'antique est posé afin d'atténuer les rayons du soleil.
- (en) Geoffrey W. Bromiley, The International Standard Bible Encyclopedia, Volume 4, Wm. B. Eerdmans Publishing, , p. 400.
- Dictionnaire de la Bible, entrée « Jésus », Robert Laffont, 1989
- Karel van der Toorn, Bob Becking et Pieter Willem van der Horst, Dictionary of Deities and Demons of the Bible, éd. Brill, 1999, p. 467
- Amy-Jill Levine et Marc Z. Brettler, The Jewish Annotated New Testament, éd. Oxford University Press, 2011, p. 4, 9, 167, extrait en ligne.
- Eric H. Cline, Introduction à l'archéologie biblique, Albin Michel, , p. 27
- Strange, Longstaff et Groh 2006, p. 9
- (en) Geoffrey W. Bromiley, The International Standard Bible Encyclopedia, Volume 4, Wm. B. Eerdmans Publishing, , p. 401.
- (en) Barbara J. Sivertsen, The Three Pillars, Wipf and Stock Publishers, , p. 31.
- (en) Eric Meyers, « Sepphoris : city of peace », dans Andrea M. Berlin et Andrew J. Overman, The First Jewish Revolt: Archaeology, History,and Ideology, Routledge, , p. 110-120
- Claire Burkel, « Sepphoris, la perle de la Galilée », Terre Sainte magazine, no 651, , p. 6-11.
- Strange, Longstaff et Groh 2006, p. 14
- Flavius Josèphe, Antiquités juives, 18:27
- Maurice Sartre, D'Alexandre à Zénobie : Histoire du Levant antique, IVe siècle av. J.-C.-IIIe siècle ap. J.-C., Paris, Fayard, , 1194 p. (ISBN 978-2-213-60921-8) p. 544,645,931
- (en) Rebecca Martin Nagy, Sepphoris in Galilee : crosscurrents of culture, North Carolina Museum of Art, , p. 103.
- (en) Walid Khalidi, All That Remains : The Palestinian Villages Occupied and Depopulated by Israel in 1948, Institute for Palestine Studies, , p. 351.
- (en) Rebecca Martin Nagy, Sepphoris in Galilee : crosscurrents of culture, North Carolina Museum of Art, , p. 143.
- (en) Meron Benvenisti, Sacred Landscape : The Buried History of the Holy Land since 1948, University of California Press, , p. 216.
- Jean-Christian Petitfils, Dictionnaire amoureux de Jésus, Plon, , p. 127.
- (en) James H. Charlesworth, Brian Rhea, Petr Pokorny, Jesus Research : New Methodologies and Perceptions, Wm. B. Eerdmans Publishing, , p. 728.
- Ce palais de Tsippori a été reconstruit pour préserver les mosaïques originales des vandales et des intempéries. Il doit son nom à la mosaïque de Dionysos décorant le sol du triclinium. Cf. (en) Jodi Magness, The Archaeology of the Holy Land : From the Destruction of Solomon's Temple to the Muslim Conquest, Cambridge University Press, , p. 224.
- Palais dans la ville basse, de 23 m de large et 30 m de long datant du IIIe siècle, il est baptisé ainsi car les scènes représentées sur les mosaïques sont associées à un festival du Nil qui célébrait les crues du fleuve. La plus grande mosaïque mesure 6,2 × 6,7 m.
- (en) Zeev Weiss, « Artistic Trends and Contact Between Jews and 'Others in Late Antique Sepphoris: Recent Research, dans Religious Diversity in Late Antiquity, éd. David M. Gwynn et Susanne Bangert, 2010, p. 173
- Simcha Jacobovici, Barrie Wilson, L'évangile oublié, Michel Lafon, , p. 228.
- (en) Mae E. Sander, Jewish Time-travel : A Travel Narrative and Guide to Jewish Historic Sites in Europe and Israel, Jason Aronson, , p. 141.
- Cité dans la préface de Gabriel Lévin, dans Migration sans fin, livre du poète palestinien Taha Muhammad Ali, p. 18.
- (en) Rebecca Martin Nagy, Sepphoris in Galilee : crosscurrents of culture, North Carolina Museum of Art, , p. 105.
- (en) Richard R. Losch, All the Places in the Bible, Xlibris Corporation, , p. 475.
- L'existence d'un tel village à cette époque est confirmée par l'archéologie qui trouve des traces à la période hellénistique, au plus tôt au IIe siècle av. J.-C.. Cf. Jacques Brien (dir.), Terre sainte, cinquante ans d'archéologie, éd. Bayard, 2003, p. 845 à 855.
- Sepphoris est située à 50 minutes de Nazareth. Cf. Pierre-Antoine Bernheim, Jacques, frère de Jésus, Noêsis, , p. 64.
- (en) Markus Cromhout, Jesus and Identity, James Clarke & Co, , p. 45.
- (en) Richard A. Batey, Jesus & the Forgotten City : New Light on Sepphoris and the Urban World of Jesus, Baker Book House, , p. 90.
- (en) James H. Charlesworth, Brian Rhea, Petr Pokorny, Jesus Research : New Methodologies and Perceptions, Wm. B. Eerdmans Publishing, , p. 107.
- (en) Rebecca Martin Nagy, Sepphoris in Galilee : Crosscurrents of Culture Paperback, Wm. B. Eerdmans Publishing, , p. 30-32.
- (en) « Lead story », in Inside the Vatican (en), 1996, p. 27
- (it) Giovanni Magnani, Origini del Cristianesimo, vol II, Gesù costruttore e maestro, Cittadella, , p. 57.
- (en) Géza Vermes, The Changing Faces of Jesus, Penguin UK, , p. 130.
- (en) L. Waterman, Preliminary Report of the University of Michigan Excavations at Sepphoris, in 1931, University of Michigan Press, , p. 5-6.
- Reposant sur un piédestal à trois pattes, ce chandelier se compose d’une suite de cercles et de triangles qui s’emboîtent. À sa gauche est représentée une pomme-grenade, symbole de fertilité, et à sa droite un chofar.
- Constituée de 17 panneaux et de 15 inscriptions grecques, elle représente dans le tableau central le banquet de Dionysos et d'Hercule, dans les panneaux latéraux des Pasteurs, l'ivresse d'Hercule, la procession de Dionysos de retour de l'Inde, son compagnon Hyménée, les Bacchantes et les presseurs de vin. Le centaure archer est la représentation traditionnelle du sagittaire. Cf. Frédéric Manns, Le judéo-christianisme, mémoire ou prophétie ?, Éditions Beauchesne, , p. 172-173.
Voir aussi
Bibliographie
- (en) James F. Strange, Thomas R. W. Longstaff et Dennis E. Groh, Excavations at Sepphoris, vol. 1, Brill, coll. « The Brill Reference Library of Judaism » (no 22),
- (en) Stuart S. Miller, « Sepphoris, the Well Remembered City », The Biblical Archaeologist, American Schools of Oriental Research, vol. 55, no 2, (JSTOR 3210347)
Articles connexes
Liens externes
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