Samy Debah

Samy Debah, né en 1972 à Paris, est un militant associatif et homme politique français.

Il est le fondateur du Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), qu’il préside de 2003 à 2017 et qui est dissous par le gouvernement en 2020.

Candidat sans étiquette soutenu par les Indigènes de la République, il parvient au second tour des élections législatives de 2017 dans 8e circonscription du Val-d'Oise et est battu de peu au second tour des élections municipales de 2020 à Garges-lès-Gonesse.

Situation personnelle

Samy Debah est professeur d'histoire-géographie de l'Éducation nationale depuis 1993[1].

D’après Élisabeth Badinter et Georges Bensoussan, qui le qualifient de « vieux routier du militantisme politico-religieux », il a été le dirigeant de l'association Le Rappel, créée en , « active sur le département du Val-d'Oise dans le soutien aux jeunes filles voilées ». En 1993, avec Nouari Khiari[alpha 1], il fonde l'association « Jeunes citoyens de France », dont il devient secrétaire général[4].

Il reconnaît avoir été un prédicateur du Tabligh[alpha 2] de ses « 17 à 20 ans »[7]. Il déclare : « être Frère musulman, ce n’est pas une tare, mais je ne le suis pas »[6]. Pour Mohamed Louizi, lui-même ancien Frère musulman, il est issu de la « frérosphère »[8].

Engagement militant et politique

Collectif contre l'islamophobie en France

En 2003, Samy Debah fonde le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), qui entend compter les actes antimusulmans et d’apporter une aide à ses victimes. Un article de Libération indique : « L’histoire du collectif se confond étroitement avec la propre trajectoire de Samy Debah. Au CCIF, le vrai patron, c’est lui, même si les porte-parole successifs ont incarné médiatiquement l’association. […] Il est à la fois l’un des acteurs et l’une des réussites du retour à l’islam des enfants de la deuxième génération d’immigrés dans les années 90[6]. »

Pour Bernard Godard, Samy Debah « fait partie de cette nouvelle génération venue à l'islam par les réseaux fréristes, l'UOIF ou le Collectif des musulmans de France proche de Tariq Ramadan »[9]. Selon Laure Daussy de Charlie Hebdo, Samy Debah est lui-même proche de Tariq Ramadan[10]. Selon Bernard Rougier, Samy Debah a pour stratégie la confusion : « Le terme d’islamophobie a précisément pour fonction d’empêcher de distinguer islam et islamisme[11]. » Rapporteuse de la commission d’enquête sur la radicalisation islamiste, la sénatrice Jacqueline Eustache-Brinio s’inquiète que « le CCIF [soit] domicilié chez lui », dans le Val-d’Oise, où il se présente aux élections[12].

En 2015, peu de temps après l'attentat contre Charlie Hebdo et la prise d'otages de l'Hyper Cacher, Samy Debah dénonce, lors d'un rassemblement public à Saint-Denis, un « racisme d'État contre les musulmans qui ressemble étrangement à ce qu'on a pu connaître dans les années 1930 »[11].

Il quitte la présidence de l’association en pour se consacrer à sa candidature aux élections législatives[13]. Accusé par le gouvernement de faire de la « propagande islamiste », le CCIF sera dissous en 2020[14].

Élections législatives de 2017

François Pupponi, adversaire de Samy Debah au second tour des élections législatives de 2017.

Aux élections législatives de 2017, il se présente dans la huitième circonscription du Val-d'Oise en tant qu’indépendant, déclarant avoir décliné le soutien de militants de partis de gauche[13]. Il reçoit notamment l’appui du mouvement des Indigènes de la République[11]. Selon l'essayiste anti-islamiste Mohamed Louizi (ex-président des Étudiants musulmans de France, Lille), il est alors l'un des candidats « notoirement islamistes »[8],[15].

À l’issue du premier tour, il obtient 13,9 %, se qualifiant pour le second tour face au maire de Sarcelles et député de gauche sortant, François Pupponi. Dans l’entre-deux-tours, le Premier ministre socialiste de 2016 à 2017, Bernard Cazeneuve, se déplace dans la circonscription et appelle au « front républicain » contre Samy Debah[16]. Celui-ci obtient finalement 34,2 % des votes exprimés au second tour, avec un taux d’abstention de 69 %. Il est cependant majoritaire dans la commune de Garges-lès-Gonesse avec 56 % des voix[17].

Élections municipales de 2020

Aux élections municipales de 2020, il est tête de liste sans étiquette à Garges-lès-Gonesse. Le ministère de l'Intérieur[18] considèrent sa liste comme communautariste et liée à l'islam politique[19]. Samy Debah affirme qu'un tel jugement est « un préjugé raciste » et menace de porter plainte[7].

Le politologue Julien Talpin écrit[alpha 3] : « Alors qu’on lui reproche de cibler l’électorat musulman, peu de ses propositions semblent les concerner directement, lui prétendant à l’inverse vouloir s’adresser à l’ensemble des citoyens de sa commune. Ce qui est en réalité reproché à Samy Debah, c’est son passé : il a été président fondateur du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF). Cette association qui lutte contre les discriminations qui touchent les musulman.es notamment via le recours au droit, reconnue comme un interlocuteur dans plusieurs instances internationales, est pourtant fréquemment attaquée pour son "communautarisme" supposé ou sa "proximité avec les Frères musulmans" »[21].

Samy Debah axe son programme « sur la sécurité, ainsi que l’éducation et la réussite scolaire, qui tient à cœur à ce professeur d’histoire dans le secondaire[21] », militant pour le retour d'un commissariat. La candidate soutenue par La France insoumise, Paméla Hocini, à qui Debah a proposé une alliance qu’elle a refusée, le considère comme un homme de « de droite et populiste. Il parle de l’insécurité comme Sarko[22]. » Il teinte son programme d'écologie, le numéro trois de sa liste étant d'ailleurs issu d'Europe Écologie Les Verts. Pour l'universitaire Bernard Rougier, « Samy Debah n'a plus besoin de mettre en avant un agenda de défense de l'islam, parce que cet électorat lui est acquis et qu'il a besoin de ratisser plus large »[11]. Selon le journaliste Louis Hausalter, de Marianne, « derrière une campagne axée sur des sujets quotidiens (sécurité, emploi, éducation), ce professeur d'histoire-géographie n’a pas hésité à draguer l’électorat musulman, notamment en diffusant un tract traduit en plusieurs langues à l’occasion de la fin du ramadan l’été dernier »[23].

Au premier tour du scrutin municipal, sa liste réunit 34,7 % des suffrages exprimés, arrivant derrière celle du centriste Benoît Jimenez (42,4 %), soutenu par le maire divers droite sortant, Maurice Lefèvre[24],[25]. Au second tour, ce dernier l’emporte de seulement 127 voix (sur 7 763 votants) face à la liste de Samy Debah, qui annonce aussitôt le dépôt d’un recours en annulation[26],[27].

Notes et références

Notes

  1. « Nouari Khiari, connu sous le pseudonyme d’«Abdelnour» dans les milieux islamistes radicaux et pour ses violentes diatribes contre l’Etat d’Israël[2] », ayant également « fréquenté le FN de Jean-Marie Le Pen et certains milieux activistes[3] ».
  2. Le Tabligh est qualifié de « société de prédication fondamentaliste musulmane » pour les uns[5], et de « mouvement ultrafondamentaliste et prosélyte » pour d'autres[6].
  3. Julien Talpin est « chargé de recherches en science politique au CNRS (Centre d'études et de recherches administratives, politiques et sociales/CERAPS) et co-directeur du GIS « Démocratie et Participation », ses recherches portent sur l’engagement dans les quartiers populaires[20] ».

Références

  1. Antoine Hasday, « Au tribunal pour avoir remis en question les méthodes du CCIF », sur slate.fr, (consulté le ).
  2. Christophe Forcari, « Dieudonné, côté obscur », Libération, (lire en ligne).
  3. Guillaume Dufy et Bilel Ghazi, « Nouari Khiari, ancien agent d'image de N'Golo Kanté : les drôles de fréquentations », sur lequipe.fr, (consulté le ).
  4. Georges Bensoussan (dir.) (préf. Élisabeth Badinter), Une France soumise : les voix du refus, Paris, Albin Michel, , 672 p. (ISBN 978-2-226-39606-8, lire en ligne).
  5. « Olivier Roy : « Le djihadisme est une révolte générationnelle et nihiliste » », sur lemonde.fr, (consulté le ).
  6. Sylvain Mouillard et Bernadette Sauvaget, « Au Collectif contre l’islamophobie, de la suite dans les données », sur liberation.fr, (consulté le ).
  7. Anne Collin, « Municipales à Garges-lès-Gonesse : Samy Debah nie tout communautarisme », sur leparisien.fr, (consulté le ).
  8. Mohamed Louizi, La République chez elle, l'islam chez lui : Chroniques de 2017 à 2019, Paris, Fauves, , 320 p. (ISBN 979-10-302-0321-9, lire en ligne).
  9. Bernard Godard, La Question musulmane en France : un état des lieux sans concessions, Fayard, , 352 p. (ISBN 978-2-213-68490-1, lire en ligne).
  10. Laure Daussy, « CCIF : comment prendre les musulmans en otage », Charlie Hebdo, no 1475, (lire en ligne, consulté le ).
  11. Judith Waintraub, « Clientélisme à la sauce islamique », sur lefigaro.fr, (consulté le ).
  12. « Municipales : « 10 listes communautaires, c’est déjà trop » », sur publicsenat.fr, (consulté le ).
  13. Bernadette Sauvaget, « Législatives: le fondateur du CCIF candidat à Sarcelles », sur liberation.fr, (consulté le ).
  14. « Le Collectif contre l'islamophobie en France officiellement dissous », sur lepoint.fr, (consulté le ).
  15. Stéphane Kovacs, « L'essayiste anti-islamiste Mohamed Louizi jeûne contre le «harcèlement judiciaire» », sur lefigaro.fr, (consulté le ).
  16. Maïram Guissé, « Législatives 2017 : le ton monte encore d’un cran à Sarcelles », sur leparisien.fr, (consulté le ).
  17. « Résultats des élections législatives 2017 », sur interieur.gouv.fr, (consulté le ).
  18. Olivier Faye, « Elections municipales : le ministère de l’intérieur a recensé dix listes « communautaires » », sur lemonde.fr, (consulté le ).
  19. Jean Chichizola, « Listes communautaires : Garges-lès-Gonesse, laboratoire à ciel ouvert », sur lefigaro.fr, (consulté le ).
  20. Fiche auteur, « Julien Talpin », sur laviedesidees.fr (consulté le ).
  21. Julien Talpin, « Débat : Le fantasme des « listes communautaires » », sur theconversation.com, (consulté le ).
  22. Laure Daussy, « Reportage - Municipales à Garges-lès-Gonesse : l'islam politique bientôt à la mairie ? », sur charliehebdo.fr, (consulté le ).
  23. Louis Hausalter, « Garges-lès-Gonesse : le candidat proche de l’islam politique qualifié pour le second tour des municipales », sur marianne.net, (consulté le ).
  24. « Municipales à Garges-lès-Gonesse : Benoît Jimenez et Samy Debah qualifiés », sur leparisien.fr, (consulté le ).
  25. « Garges-lès-Gonesse : le vote communautaire explique-t-il le bon score de Samy Debah ? », sur leparisien.fr, (consulté le ).
  26. « Résultats des élections municipales de 2020 à Garges-lès-Gonesse », sur lemonde.fr (consulté le ).
  27. « Garges-lès-Gonesse : Benoît Jimenez élu maire, Samy Debah reste muet », sur leparisien.fr, (consulté le ).
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