SAIMR

Le South African Institute for Maritime Research (SAIMR) est une organisation parapublique de mercenaires anti-communistes et de suprématistes blancs, développée en Afrique du Sud durant l'apartheid. Cette agence a été fondée par les Britanniques après la Seconde Guerre mondiale, dans le contexte de la Guerre froide. La tutelle du SAIMR a été ou est encore le MI5 et MI6.

Prévalence du VIH en Afrique en 2021

Le SAIMR est un proche allié de divers services secrets occidentaux (CIA et Mossad) et russes (IRA). Le SAIMR est spécialisé dans la réalisation de coup d’État en Afrique, de meurtres ou d’opérations clandestines. Il serait toujours en activité et compte environ 5 000 membres[1]. Les membres du SAIMR sont le plus souvent des Sud-Africains, d'anciens Rhodésiens et des Anglo-Saxons (Britanniques, Australiens, Nord-Américains)[2].

Son existence a été révélée par le journaliste sud-africain De Wet Potgieter[3]. Les crimes du SAIMR ont été exposés au grand public en 2019 par le documentaire danois Cold Case à l'ONU qui a été un des trois finalistes du Prix LUX du Parlement européen. Des enquêtes de l'ONU s'intéressent de plus en plus à cette organisation[2].

Selon ce qui est considéré comme étant une théorie du complot, le SAIMR aurait propagé intentionnellement le VIH en Afrique australe et dans une moindre mesure en Afrique de l'Est[1],[4],[5].

Histoire

Origines

L’organisation a été créée par les Britanniques après la Seconde Guerre mondiale. Son premier dirigeant était le Commodore (équivalent de contre-amiral)[2] F. Malan. Dès 1947, dans le cadre de la Guerre froide et de la lutte anticommuniste, le SAIMR devient une organisation alliée de la CIA sur invitation du vice-amiral Roscoe Henry Hillenkoetter. La tutelle du SAIMR reste toutefois Londres.[6]

Le SAIMR prend toute son importance sous la direction du Commodore Robert Wagner qui a dirigé cette organisation durant la plus grande partie de la Guerre froide.[7],[2] Officiellement le SAIMR est une organisation qui s'efforce de « contribuer à la préservation de l'écologie des mers et de leurs périmètres et de recueillir des renseignements sur les voies navigables stratégiques du monde, et d’utiliser cette intelligence pour promouvoir la paix entre les nations et préserver les droits de l’Homme. » Officieusement le SAIMR devient une pièce maîtresse du dispositif du pré-carré britannique en Afrique. Le SAIMR est impliqué dans de nombreux assassinats et coups d’État[8].

Coups d'État

En 1960, dans le cadre de la guerre civile qui suit l’indépendance du Congo belge, le SAIMR fournit de nombreux « Affreux ». Ces mercenaires déstabilisent le pays et défendent les intérêts miniers belges et anglo-saxons locaux. En réaction, le secrétaire général de l'ONU Dag Hammarskjöld envoie les Casques bleus les combattre aux côtés des forces armées congolaises. Alors que Dag Hammarskjöld se rend le en Rhodésie du Nord pour participer à des accords pour un cessez-le-feu, son avion s’écrase dans la forêt équatoriale. Ce crash est officiellement un accident de pilotage. Cette version est contestée et l'ONU a reconnu qu'il ne s'agissait pas d'un accident[9]. Selon l'historienne britannique Susan Williams et le documentaire Cold case à l'ONU son avion aurait été abattu par le SAIMR, en accord avec le MI6 et la CIA.

Dans les années 1980, le SAIMR combat les guérillas marxistes au Mozambique et en Angola aux côtés de Jonas Savimbi[1]. Le SAIMR est impliqué dans l’ « Operation Anvil », une tentative de coup d’État devant renverser le Président des Seychelles France-Albert René en 1981 mené par un ancien « Affreux » Mike Hoare[10]. Une autre tentative de coup d’État à la fin des années 1980 est l’ « Operation Crusader » visant à renverser en Ouganda Yoweri Museveni pour réinstaller le dictateur Idi Amin Dada[10]. En 1993, le SAIMR a été soupçonné d'être le commanditaire du meurtre de Chris Hani, le secrétaire général du Parti communiste sud-africain et l'un des chefs militaires de Umkhonto we Sizwe, la branche armée de l'ANC[11],[12].

Le SAIMR est l’organisation qui a provoqué l’effondrement de l’État somalien en 1990, en orchestrant le renversement du Président Siad Barre[8] pourtant censé être protégé par les mercenaires sud-africains[13]. Depuis, le SAIMR s’est taillé un fief en Somalie[8]. Le régime Apartheid souhaitait utiliser la Somalie comme une plaque tournante pour le trafic d'armes au Moyen-Orient[14]. La Somalie est devenue un repère de mercenaires suprématistes blancs, le plus connu d'entre eux est Paul Calder Le Roux, un australo-sud-africain né en Rhodésie du sud[15],[16].

Propagation du VIH

Prévalence du VIH en Afrique en 2021

Selon le Commodore Keith Maxwell-Annandale et successeur de Wagner à la tête du SAIMR, cette organisation a contribué dans les années 1960-1970 à la création au Zaïre, d'un laboratoire sur les bords du fleuve Congo dans le but de développer des armes biologiques.[17] Lors d'un témoignage devant la justice sud-africaine, le Dr Wouter Basson confirme l'existence d'un laboratoire dans la jungle congolaise, où au milieu des années 1970, des scientifiques américains ont été victimes de leurs propres expériences sur la fièvre hémorragique (ebola ?). Basson a été chargé par les autorités américaines de les soigner et de les évacuer.[18] Ce qui laisse penser que la transmission à l'homme du virus ebola pourrait avoir été expérimentée dans ce laboratoire.

Dans les années 1980-1990, le SAIMR crée un réseau de cliniques et de dispensaires en Afrique où des femmes enceintes sont accueillies quasi-gratuitement. Ce réseau de cliniques est accusé d’avoir propagé intentionnellement le VIH[1]. Ce qui est corroboré statistiquement par la prévalence du VIH en Afrique de l'Est ou en Afrique australe anglophone où 5 à 40% de la population est aujourd’hui séropositive. En 2016, en Afrique du Sud, chez les 15-49 ans, la prévalence du VIH au niveau national est de 27% chez les femmes contre 14% chez les hommes[19]. À titre de comparaison, la prévalence en Afrique centrale francophone où le VIH est originaire[20], est de l’ordre de 3%.

L'idée selon laquelle la pandémie du sida en Afrique serait un crime contre l'humanité perpétré contre les Africains par des suprématistes blancs, dans un registre assez similaire à la Shoah, a été reléguée à une théorie du complot. Un folklore a été créé autour : il s’agit d’un virus créé par la CIA, d’un accident expérimental ou encore d'un simple programme de désinformation de l’Union soviétique[21].

Outre l'activité du SAIMR, le gouvernement sud-africain, sous Pieter Botha, a initié dans les années 1980, le Projet Coast avec pour objectif de maîtriser la démographie, en créant des armes biologiques. Le Projet Coast était dirigé par le Dr Wouter Basson, qui en 2021 est encore en activité en Afrique du Sud[22]. Nostalgique du Projet Coast, Basson se justifie en 2016, affirmant : « J'étais comme un scientifique travaillant sur un remède contre le sida »[23].

Le SAIMR au XXIe siècle

Selon les témoignages d'anciens mercenaires du SAIMR, l’organisation est toujours active. Les ordres viennent de Johannesburg ou de Londres[8]. Le SAIMR est très implanté en Somalie et au Nigéria[8]. Outre sa tutelle du MI5, le SAIMR travaille en bonne intelligence avec la CIA, le Mossad et l'organisation russe de propagande et de désinformation Internet Research Agency (IRA). L'IRA s'est fait connaître en apportant un soutien décisif à l'élection de Donald Trump en 2016[24].

Dans une interview accordée avant 2011 à l'historienne britannique Susan Williams, un agent du SAIMR rapporte que :

There were strong links between SAIMR and MI5, MI6, the CIA and Mossad, as well as with mining giants and international conglomerates working in Africa. ‘This was quite normal at the time,’ he explains, ‘as huge interests were at stake and there was a cold war going on with big conflicts on the go in the southern African région (Mozambique and Angola).’ Meetings were held at the entertainment centres of Johannesburg: Hillbrow and Yeoville were hubs of espionage and conspiracy. There was one pub in Yeoville where Mossad, MI5, IRA and SAIMR would meet. Obviously not together, but who knows? Café de Paris in Hillbrow was an important ‘private’ meeting point for SAIMR because it was upmarket and quiet.[25]

Les fondateurs de l'Internet Research Agency sont également ceux du groupe de mercenaires russes Wagner[26]. Ce qui laisse à penser que le groupe Wagner pourrait être en fait un consortium russo-afrikaner.

Le SAIMR est organisé en cellules autonomes disposant chacune de ressources propres. À titre d’exemple, la cellule ‘Echo’ dirigée par Ken Dalgleish, avait en 1982 comme recettes : l’exploitation d’une mine de pierres précieuses au Rwanda, celle d’une société commerciale ayant des liens avec l'île de Man, des cliniques médicales, la vente de «renseignements», des recettes dans des activités touristiques spécialisées dans les yachts et la plongée sous-marine, et possédait le Riviera Hotel à Durban[7].

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Susan Williams, Who Killed Hammarskjöld? The UN, the Cold War, and White Supremacy in Africa, Oxford University Press, , 305 p. (ISBN 0190231408 et 978-0190231408)

Notes et références

  1. Mads Brügger, « Ex-mercenary Confess to Infecting Africans with HIV-AIDs », Cold Case à l'ONU, (lire en ligne, consulté le )
  2. António Guterres, « Enquête sur les conditions et les circonstances de la mort tragique de Dag Hammarskjöld et des personnes qui l’accompagnaient - Soixante-treizième session », Assemblée générale de l'ONU, , p. 70-74 (lire en ligne, consulté le )
  3. (en) « AL3283 :: The De Wet Potgieter collection », SAHA Archive for Justice, 1993-1994 (lire en ligne, consulté le )
  4. Susan Williams, Who Killed Hammarskjöld? The UN, the Cold War, and White Supremacy in Africa, Oxford University Press, 2014, p. 196
  5. (en) Emma Graham-Harrison, « Ex-mercenary claims South African group tried to spread Aids », The Guardian, (lire en ligne, consulté le )
  6. Williams 2014, p. 217
  7. Williams 2014, p. 216
  8. Williams 2014, p. 211
  9. Fanny Laurent, Maurin Picard, L'ONU ne croit plus à la mort accidentelle de son secrétaire général Hammarskjöld, lefigaro.fr, 28 septembre 2017
  10. Williams 2014, p. 210
  11. Williams 2014, p. 209
  12. (en) « Did British intelligence kill Hani? », Executive Intelligence Review, (lire en ligne, consulté le )
  13. Mohamed Osman Omar, The Road to Zero: Somalia's Self-Destruction, HAAN Associates, 1992, p. 217
  14. Roger Pfister, Apartheid South Africa and African states: from pariah to middle power, 1961–1994, Volume 14, (I.B.Tauris, 2005), pp.114-117.
  15. (en) Ben Feuerherd, « ‘Bond villain’ Paul Le Roux sentenced to 25 years for massive criminal outfit », New York Post, (lire en ligne, consulté le )
  16. (en) Karl Whitney, « The Mastermind review: Wild parable about one of world’s most prolific criminals », The Irish Times, (lire en ligne, consulté le )
  17. Mads Brügger, « info à retrouver à la 42e minute du documentaire », Cold case à l'ONU,
  18. Marléne Burger, Secrets & Lies: Wouter Basson and South Africa’s Chemical and Biological Warfare Programme, Zebra Press (Random House Struik), 2012, p. 180
  19. « HIV Prevalence by Age and Sex », South Africa Demographic and Health Survey (DHS) 2016, National Department of Health (NDoH), Statistics South Africa (Stats SA), South African Medical Research Council (SAMRC), and ICF, 2019, p. 259
  20. Jacques Pépin, The origins of AIDS, Cambridge University Press, 2011, p. 223
  21. Rudy Reichstadt, « Russie, Chine, Iran : géopolitique du complotisme », Complorama, (lire en ligne, consulté le )
  22. Alexandra Brangeon, « Afrique du Sud: qui est Wouter Basson, le «docteur La Mort»? », RFI, (lire en ligne, consulté le )
  23. (en) TANYA FARBER, « 'I was like a scientist working on a cure for Aids' says Wouter Basson », Sunday Times, (lire en ligne, consulté le )
  24. Martin Untersinger, « Comment l’agence de propagande russe sur Internet a tenté d’influencer l’élection américaine », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
  25. Susan Williams, Who Killed Hammarskjöld? The UN, the Cold War, and White Supremacy in Africa, Oxford University Press, 2014, p. 215
  26. Shannah Mehidi, « Syrie : ces morts russes qui embarrassent Moscou », sur Le Figaro, (consulté le ).

Articles connexes

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