Théorie du complot au sujet du sida

Les théories du complot au sujet du sida concernent l'origine et l'ampleur de la maladie. Dans la communauté scientifique, il est admis que l'infection a été transmise des singes à l'homme[1].

Prévalence du VIH en Afrique en 2021

Selon Jacques Pépin, les premières contaminations humaines auraient eu lieu dans les années 1920[2]. Le VIH est originaire d'Afrique centrale francophone (Cameroun, République démocratique du Congo...)[2] où la prévalence n’a jamais dépassé 3%. Le virus s’est propagé surtout en Afrique de l'Est anglophone où 5 à 20% de la population est aujourd’hui séropositive. Dans la région sud-africaine du Kwazulu, la prévalence du VIH chez les femmes est passée de moins de 1% en 1990[3] à 30% en 1997[4]. Le virus VIH ne se transmet pas comme le virus de la grippe. Les rapports sexuels ne peuvent pas tout expliquer.

Au cours de la décennie 2010, les travaux de l'historienne britannique Susan Williams et le documentaire Cold case à l'ONU (nominé en 2019 au Prix LUX du Parlement européen) apportent de nouveaux éléments corroborant l'hypothèse que le VIH a été sciemment dissiminé au sein des populations noires, du moins en Afrique de l'Est et en Afrique australe. Dans les années 1980, le régime Apartheid est menacé. Face à cette menace, maîtriser la démographie devient une nécessité (Projet Coast du Dr Wouter Basson). Le VIH aurait été propagé entre autres par le South African Institute for Maritime Research (SAIMR), nom de couverture d'une organisation suprémaciste blanche en Afrique du Sud travaillant pour le MI6[5]. Le virus était inoculé dans des dispensaires accueillant des femmes enceintes[6].

En revanche, il existe plusieurs théories du complot relevant de la désinformation pure et simple : création du virus par la CIA, absence de corrélation entre le virus VIH et la mortalité du sida qui lui est associée, ou encore accident expérimental.

Théorie de la création du virus par les États-Unis

Selon le docteur Robert Strecker, un pathologiste américain, le virus du sida aurait été créé en laboratoire par le gouvernement américain. Selon le docteur Léonard Horowitz, diplômé de santé publique de l'université Harvard, le virus a été propagé via les campagnes de vaccination faites en Amérique du Sud et en Afrique, et ce par l'entremise des agents de la Santé américains[7]. En 1983, les services secrets soviétiques lancent l'opération INFEKTION, ayant pour but de propager cette théorie ; l'opération est abandonnée en 1987 sous pression diplomatique des États-Unis.

Une version de cette théorie explique que c'est la population homosexuelle qui a été volontairement visée : le docteur Alan Cantwell affirme que l'épidémie du virus a éclaté à Manhattan après une campagne de vaccination contre l'hépatite B, en 1978. En 1979, les premiers cas sont recensés ; en 1993, 93 % du groupe des premiers vaccinés sont morts du sida. Cantwell accuse les spécialistes de la maladie de collusion avec le Service de la Santé des USA, ou avec les institutions médicales du pays. Selon lui, ce sont les laboratoires pharmaceutiques et les suprématistes blancs qui en retireraient le bénéfice[7].

Boyd Graves, avocat en droit international des droits de l'homme, et ancien vétéran de l'US Navy, soutient que le gouvernement des États-Unis a mené de 1948 à 1978 le U.S. Special Virus program, destiné à diffuser le virus en visant spécifiquement les populations afro-américaines[Note 1]. Il a porté plainte à ce sujet contre l'État fédéral afin d'obtenir, sans succès, des excuses de la part du gouvernement[7]. L’organisation Nation of Islam exprime la même certitude à propos d'un virus « créé par les « Blancs » » ; son leader, Louis Farrakhan, en accuse l'Amérique blanche, la CIA ou les juifs. Aux États-Unis, l'idée qu'un remède au sida existe mais qu'il est délibérément caché aux populations pauvres est très présent dans cette communauté ; ce soutien aux théories du complot, nourri par les discriminations passées, est en corrélation avec l'usage trop faible du préservatif dans cette population, ce qui constitue un obstacle aux campagnes de prévention. Le thème du ciblage des populations noires, qui est relayé dès la fin des années 1980, est un prolongement de celui du ciblage des homosexuels[8].

Selon une autre variante de la théorie, plus internationaliste et alimentée par la part des personnes séropositives vivant en Afrique subsaharienne[Note 2], le virus a été introduit en Afrique par les campagnes de vaccination de l'OMS, et ce afin d'éradiquer la surpopulation africaine. La prix Nobel de la paix 2004 Wangari Muta Maathai a apporté son soutien à cette théorie avant de se rétracter[7].

En 2018, une vague d'articles conspirationnistes affirment faussement que le scientifique Robert Gallo, qui avait revendiqué la « paternité » du HIV, s'est targué publiquement d'avoir créé volontairement le virus afin d'exterminer les noirs et les homosexuels[9].

Remise en cause de la corrélation entre VIH et sida

"Le HIV n'existe pas", photographie prise à Turin, 2013.

La deuxième théorie, qui se développe elle-aussi sur plusieurs axes, part de la remise en doute d'un élément de l'épidémie : l'existence de la maladie, celle du virus, ou le lien de corrélation entre les deux. Certains estiment notamment que le sida serait dû à la conjonction de différentes formes de stress (chimique, nutritionnel, psychologique)[7].

La maladie serait notamment guérissable, par des pouvoirs mystiques, tels ceux de Yahya Jammeh, président de la Gambie de 1994 à 2017, ou simplement religieux ; pour les tenants de cette guérison, la maladie serait en fait bénigne. L'intervention de Dieu dans la maladie a également été mise en avant par certains milieux conservateurs, justifiant ainsi le fait que des populations particulières soient plus visées que d'autres : ces populations (afro-américains, homosexuels) seraient décadentes et devraient subir un châtiment divin[7]. La ministre sud-africaine de la Santé, Manto Tshabalala-Msimang, proposa durant son ministère un régime à base d'ail, de betterave et de citron pour combattre la maladie ; elle s'opposa aux organismes de lutte contre la pandémie « en qui elle voyait les instruments des intérêts postcoloniaux et de l'industrie pharmaceutique occidentale[10] », et nia la responsabilité du VIH[11].

Certains scientifiques essentiellement anglo-saxons (Peter Duesberg, le groupe de Perth (en)) dénoncent l'absence de preuve formelle d'un lien entre VIH et sida. Ils estiment plus envisageable qu'un consensus scientifique ait conduit à un diagnostic inexact : le VIH ne provoquerait pas le sida. Cette hypothèse exprime également que le consensus scientifique aurait conduit à une prolifération de traitements extrêmement toxiques, tels l'AZT, qui seraient donc les causes de la destruction du système immunitaire. La communauté scientifique leur oppose l'avènement des traitements trithérapeutiques, qui retardent spécifiquement les effets du VIH, et réussissent à limiter la destruction du système immunitaire. La majeure partie des dissidents de la communauté scientifique sur ce point précisent qu'aucun scientifique n'a pour le moment réussi à isoler le VIH en tant que virus exogène et pathogène[7].

Le test de séropositivité lui-même est remis en cause, du fait de la différence de résultat en fonction du continent où le test est effectué[7].

Dans un article intitulé « Les négationnistes du sida repassent à l’attaque »[12] publié dans le journal Le Monde, le journaliste scientifique Pierre Barthélémy estime que « les bases scientifiques de ces théories sont inexistantes et […] leurs défenseurs ne jouent pas selon les règles du jeu scientifique qui consistent à mettre sur le tapis des éléments mesurables et vérifiables ». Il considère « qu'en diffusant de tels messages, ces personnes sapent les politiques de prévention visant à combattre la pandémie due au VIH, lequel est présent dans l'organisme de plus de 35 millions de personnes dans le monde ».

Un accident expérimental

Selon cette théorie, le virologue Hilary Koprowski, créateur du premier vaccin anti-polio, serait à l'origine du VIH, et aurait été protégé par la communauté scientifique, qui compte de nombreux soutiens à Koprowski. Le journaliste Tom Curtis écrit en 1992 dans Rolling Stone que, lors d'une campagne de vaccination anti-polio en Afrique, entre 1955 et 1960, le virologue aurait créé le virus à partir de reins de chimpanzé au mépris des règles sanitaires, afin de faire face à la concurrence d'un autre chercheur étudiant cette maladie. Le journaliste Edward Hooper reprend cette thèse dans The river, A Journey to the source of HIV and AIDS, en comparant les zones de vaccination avec la localisation des premiers cas du sida. Bien que la communauté scientifique ait plusieurs fois réfuté cette hypothèse, Hooper estime que cette contradiction n'est que la preuve du soutien à Koprowski et de son influence dans ce domaine. L'ouvrage de Hooper est la source de plusieurs documentaires produits par RTBF, France Télévisions, Radio-Canada ou TV5 Monde[7].

Critiques des théories du complot

Pour le politologue Pierre-André Taguieff, « la mythologisation des origines et des modes de transmission du virus du sida s'est constituée en un nouveau thème, inépuisable, du discours complotiste »[8].

Notes et références

Notes

  1. En 2009, la population afro-américaine représente 13 % de la population américaine totale, mais 50 % des personnes touchées par le sida.
  2. En 2009, cette part représente 67 % sur l'ensemble des personnes séropositives.

Références

  1. Jacques Pépin, The origins of AIDS, Cambridge University Press, 2011, p. 221
  2. Jacques Pépin, Ibid, p. 223
  3. HIV surveillance - South Africa, 1990 - 1992
  4. 1st Epidemiology Bulletin of the KwaZulu-Natal (2002)
  5. Susan Williams, Who Killed Hammarskjöld? The UN, the Cold War, and White Supremacy in Africa, Oxford University Press, 2014, p. 196
  6. Cold case à l'ONU (2019), documentaire de Mads Brügger, nominé en 2019 au Prix LUX du Parlement européen
  7. Marine Thomas et Audrey Minart, « Le sida : création ? Invention ? Accident ? », L'Obs, (lire en ligne)
  8. Minard 2007
  9. Anne-Aël Durand, « Non, le scientifique américain Robert Gallo n’a pas « créé le sida pour exterminer les humains » », Le Monde, (lire en ligne)
  10. Paul Benkimoun, « Manto Tshabalala-Msimang, ex-ministre de la santé d'Afrique du Sud », Le Monde, (lire en ligne)
  11. Paul Benkimoun, « L'Afrique du Sud lance un plan ambitieux contre le sida », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
  12. Pierre Barthélémy, « Les négationnistes du sida repassent à l’attaque », Le Monde, (lire en ligne)

Bibliographie

  • Adrien Minard, « Perception du sida et théories du complot dans la population afro-américaine », Sciences sociales et santé, John Libbey Eurotext, vol. 25, no 4, , p. 115-122 (DOI 10.3917/sss.254.0115, lire en ligne)

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